Le régime parlementaire, la séparation souple des pouvoirs

La séparation souple des pouvoirs, le régime parlementaire :

 Si toutes les démocraties mettent en œuvre le principe de séparation des pouvoirs, elles ne le font pas nécessairement de la même manière, ce qui va conduire à l’instauration de systèmes institutionnels différents. Plus précisément, c’est la nature même de la séparation des pouvoirs, sur laquelle sont établis les régimes politiques libéraux, qui permet de les démarquer les uns des autres, et de les classifier. Classiquement, il est admis qu’une séparation souple des pouvoirs se matérialise par l’existence d’un régime parlementaire, alors qu’une séparation stricte ou rigide aura pour conséquence l’instauration d’un régime présidentiel.

Le régime parlementaire est né au milieu du XVIIIe siècle avec la Grande-Bretagne. En France, il verra le jour après la Révolution de 1789, et l’abolition du régime de la monarchie absolue.

 

A] Les éléments d’identification et de définition du régime parlementaire :

 D’une manière générale, le régime parlementaire peut se définir comme le régime dans lequel le gouvernement doit disposer à tout moment de la confiance de la majorité parlementaire. Plus précisément ici, le régime parlementaire repose sur trois grands principes.

 

  • a) L’organisation bicéphale du pouvoir exécutif :

 Dans tout régime parlementaire, le pouvoir exécutif est organisé autour de deux autorités distinctes qui en partagent l’exercice de manière plus ou moins égalitaire, avec d’un côté le chef de l’ État, et de l’autre, le chef du gouvernement. Chacune de ces deux autorités se voit confier des pouvoirs et des attributions qui lui sont propres, mais pour certaines matières ou certaines décisions, une intervention conjointe des deux autorités est requise : c’est le contreseing. Le chef de l’ État, d’une manière générale, a pour vocation d’incarner la continuité de l’ État, mais en principe, il ne participe pas ou très peu à l’exercice du pouvoir. Par ailleurs, compte tenu de son rôle plus limité, notamment dans le cadre de la politique intérieure, le chef de l’ État est politiquement irresponsable devant le parlement, qui ne peut donc le démettre de ses fonctions pour des motifs politiques. C’est en principe au chef du gouvernement et à son équipe, que revient de jouer le rôle le plus actif, et d’exercer la réalité du pouvoir exécutif. Dans le cas français, le Constitution dispose que c’est au premier ministre et à son gouvernement qu’il appartient de déterminer et de conduire la politique de la nation. Cependant, les données du problème sont beaucoup plus subtiles, car tout dépend du fait de savoir si la majorité présidentielle et la majorité parlementaire sont concordantes ou non. Dans le premier cas, appelé fait majoritaire, il y a plutôt une division verticale du pouvoir, c’est à dire que le président définit la politique à suivre, et le premier ministre et son gouvernement s’efforcent de la mettre en œuvre. Dans le second cas appelé la cohabitation, cette répartition du pouvoir est plutôt horizontale, c’est à dire qu’elle s’effectue par matières. Le chef de l’ État s’occupant de tout ce qui concerne la politique étrangère, alors que le premier ministre et son gouvernement, se préoccupent de la politique intérieure.

 

  • b) L’existence de moyens d’action et de contrôle réciproque entre les pouvoirs législatifs et exécutifs :

 Le régime parlementaire suppose que le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif puissent se contrôler mutuellement et agir l’un sur l’autre. Le principal moyen d’action du pouvoir législatif sur l’exécutif, est constitué par la responsabilité politique du gouvernement devant le parlement (généralement c’est plutôt devant la chambre parlementaire élue au suffrage universel direct). Cette responsabilité est une responsabilité collective et solidaire qui se caractérise par la démission de tous les membres du gouvernement, y compris le premier ministre. Cette responsabilité peut être engagée sur l’initiative du parlement, ou plus exceptionnellement sur l’initiative du gouvernement. Inversement, le procédé au pouvoir exécutif d’agir sur le pouvoir législatif est matérialisé par le droit de dissolution. Il s’agit ici d’une prérogative appartenant au chef de l’ État qui lui permet donc de mettre fin de manière prématurée ou anticipée, au mandat des parlementaires élus au suffrage universel direct, et de provoquer ainsi de nouvelles élections législatives. Sur un plan juridique, la dissolution est un instrument destiné à résoudre un désaccord ou une crise survenue entre le gouvernement et le parlement, faisant appel à l’arbitrage populaire par le jeu d’élections anticipées. Sur un plan politique, la dissolution est un outil de stratégie politique pouvant permettre au chef de l’ État de reconstituer ou de renforcer une majorité parlementaire conforme à sa ligne de conduite politique.

 

  • c) La mise en place de mécanismes de collaboration entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif :

 Dans le régime parlementaire, le gouvernement et le parlement sont étroitement liés, puisque le premier ne peut agir sans la confiance du second. Et dès lors, il existe nécessairement une collaboration entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, qui s’exprime à plusieurs niveaux. Tout d’abord, les membres du gouvernement et le premier ministre, qui sont choisis parmi les parlementaires appartenant à la majorité politique. Ensuite et surtout, le pouvoir exécutif, qui participe à l’action du pouvoir législatif, et notamment à l’élaboration de la loi. Ainsi dans le cas français, le gouvernement dispose de l’initiative des lois, c’est à dire du pouvoir d’élaborer et de présenter des projets de loi au parlement, qui ensuite les discutera et les votera en assemblée.

 

B] Les différentes formes du régime parlementaire :

  • a) La distinction entre le régime parlementaire dualiste, et le régime parlementaire moniste :

 Le régime parlementaire a d’abord été organisé et pratiqué sous la forme dualiste. Le régime dualiste suppose que le gouvernement est politiquement responsable, non seulement devant le parlement, mais aussi devant le chef de l’ État. Il ne peut fonctionner de manière satisfaisante que si le chef de l’ État et la majorité parlementaire adoptent la même ligne de conduite politique, faute de quoi le gouvernement risque de se retrouver dans une position d’instabilité. Aujourd’hui, le régime parlementaire dualiste a été abandonné au profit d’un régime moniste dans lequel le gouvernement n’est politiquement responsable que devant le parlement.

 

  • b) Le régime parlementaire biparti et le régime parlementaire multiparti :

 Le régime parlementaire est celui que l’on trouve en Grande-Bretagne et dans quelques pays anglo-saxons. Sa particularité est de donner à l’un des deux partis politique en concurrence, la majorité absolue des sièges à l’assemblée élue au suffrage universel direct. Ce système offre pour avantage de réduire les risques de mise en jeu de la responsabilité gouvernementale devant le parlement, tout en favorisant parallèlement, l’alternance d’une élection à une autre. Les régimes multipartis ne fonctionnent pas tous de manière identique ; certains présentent les mêmes vertus que celles d’un régime biparti (cf. Allemagne), alors que d’autres régimes connaissent des situations relativement variables. Dans certains cas, en effet, un grand parti d’opposition pourra s’associer, s’unir, avec d’autres partis minoritaires pour empêcher l’accession au pouvoir du parti vainqueur sortant. Dans ce cas-là, l’alternance sera alors possible, envisageable. A l’inverse, dans d’autres cas, le parti majoritaire ou le parti dominant va s’efforcer de coaliser d’autres partis minoritaires pour consolider sa domination et son autorité.

 

  • c) L’évolution du régime parlementaire :

 Cette évolution que connaît le régime parlementaire s’explique par l’importance des partis politiques, et elle se caractérise par un recule de certaines procédures traditionnelles. La justification du régime parlementaire résidait à l’origine dans le souci de permettre à chaque parlementaire de se prononcer selon son intime conviction, et d’assurer un équilibre des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif. Aujourd’hui, sur ces deux points, les changements survenus apparaissent considérables. En effet, les députés appartiennent à des partis sans lesquels ils ne pourraient se faire élire, et dont ils doivent suivre les consignes une fois élus. Il apparaît aujourd’hui difficile de considérer comme antagonistes le gouvernement et le parlement, dans la mesure où ces derniers appartiennent à la même coalition politique. En période de fait majoritaire, le régime parlementaire se présente comme un régime de concentration des pouvoirs au profit d’un parti, plutôt qu’un régime d’équilibre. Ensuite, il y a également le recule des procédures traditionnelles, qui se manifeste essentiellement au travers de la raréfaction des mises en jeu de la responsabilité politique du gouvernement devant l’Assemblée Nationale. Le vote de confiance ou la motion de censure, sont des mécanismes de moins en moins utilisés, alors que parallèlement, l’instabilité gouvernementale est la même. Cette situation s’explique par le fait que les crises majeurs surviennent non plus eu sein des institutions politiques elles-mêmes, mais à l’intérieur des partis ou des coalitions politiques. Aujourd’hui se sont bien souvent les décisions prises par les partis politiques à l’extérieur du système institutionnel qui sont de nature à menacer la stabilité du gouvernement. Il y a au sein du régime parlementaire une logique de partis, de plus en plus importante.

 

Laisser un commentaire