La reconnaissance de la filiation

La reconnaissance de la filiation

La reconnaissance volontaire est un acte par lequel une personne, spontanément et librement, se déclare père ou mère d’un enfant. Elle constitue un mode d’établissement de la filiation qui reflète une démarche volontaire et personnelle, sans intervention préalable de l’autorité judiciaire.

 Origine révolutionnaire

  • C’est à la Révolution française que la reconnaissance a été consacrée, incarnant un principe de liberté individuelle et d’égalité.
  • Elle a permis d’établir un lien juridique avec les enfants naturels, qui étaient jusque-là exclus de nombreux droits.

Évolution jusqu’en 2005

  • Pendant longtemps, la reconnaissance ne concernait que les enfants naturels, c’est-à-dire nés hors mariage.
  • Cette limitation a été maintenue jusqu’à l’ordonnance de 2005, qui a élargi la reconnaissance à tous les enfants, qu’ils soient nés dans ou hors mariage.
  • Depuis, la reconnaissance est devenue un mode général d’établissement de la filiation, offrant une égalité juridique entre les enfants.

 

Section 1 : Le domaine de la reconnaissance

 

La reconnaissance constitue un mode général d’établissement de la filiation, aussi bien en mariage qu’hors mariage. Toutefois, ce mécanisme connaît des limites, notamment lorsque la filiation est déjà établie ou lorsqu’elle est prohibée.

I. La reconnaissance comme mode général d’établissement de la filiation

A) Un mode d’établissement en mariage et hors mariage

  1. Généralisation de la reconnaissance :

    • La reconnaissance est désormais applicable à tous les enfants, qu’ils soient nés dans le mariage ou hors mariage.
    • Cette généralisation reflète la volonté du législateur de garantir l’égalité entre les enfants, quelle que soit leur situation familiale.
  2. Réduction de l’importance de la présomption de paternité :

    • En permettant au mari de reconnaître un enfant avant ou après la naissance, la reconnaissance offre une alternative à la présomption de paternité.
    • Cela s’avère particulièrement utile en cas d’absence de mention du père dans l’acte de naissance.
  3. Conflit entre reconnaissance et présomption de paternité :

    • L’article 336-1 du Code civil encadre les situations où une reconnaissance prénatale est contredite par une déclaration ultérieure lors de l’établissement de l’acte de naissance.
    • Dans ce cas, l’officier d’état civil doit saisir le procureur de la République, qui élèvera le conflit de paternité devant le tribunal judiciaire.
  4. Reconnaissance ultérieure :

    • Si le père n’est pas mentionné dans l’acte de naissance, il peut rétablir sa paternité ultérieurement, comme prévu à l’article 315 du Code civil.

B) Un mode d’établissement ouvert à la maternité et à la paternité

  • La reconnaissance est accessible non seulement aux hommes, mais aussi aux femmes mariées.
  • Ce mécanisme garantit une égalité entre les sexes en matière d’établissement volontaire de la filiation.

II. Les obstacles à la reconnaissance

A) Filiation déjà établie à l’égard d’un tiers

  1. Principe d’exclusivité de la filiation :

    • L’article 320 du Code civil stipule que tant qu’une filiation est légalement établie (par l’effet de la loi ou une reconnaissance), elle empêche l’établissement d’une autre filiation contradictoire.
    • Cela vise à éviter les conflits de filiation et à protéger la stabilité de l’état des personnes.
  2. Cas particulier de la reconnaissance prénatale par un tiers :

    • Si un homme (amant de la mère) reconnaît l’enfant avant sa naissance, cette reconnaissance peut entrer en conflit avec la présomption de paternité du mari.
    • L’article 336-1 du Code civil prévoit que l’officier d’état civil doit informer le procureur de la République, qui saisira le tribunal judiciaire pour résoudre le conflit.
    • Le texte garantit que la présomption de paternité ne peut être écartée simplement en raison d’une reconnaissance prénatale par un tiers.

B) Prohibition de l’établissement de la filiation

  1. Interdiction pour les enfants incestueux :

    • L’article 310-2 du Code civil interdit l’établissement d’un double lien de filiation pour les enfants nés d’un commerce incestueux.
    • Ces enfants ne peuvent établir leur filiation qu’à l’égard d’un seul de leurs parents (généralement la mère).
  2. Cas d’inceste entre ascendants et descendants ou entre frères et sœurs :

    • Par exemple, un enfant né de l’union entre un père et sa fille ne pourra établir qu’un seul lien de filiation.
    • La Cour de cassation a confirmé qu’il est également interdit d’adopter un enfant né d’une relation incestueuse, pour éviter tout contournement de cette interdiction.
  3. Évolution historique :

    • La reconnaissance des enfants adultérins, autrefois interdite par l’ancien article 335 du Code Napoléon, est désormais autorisée.
    • Toutefois, l’interdiction de reconnaissance pour les enfants incestueux reste strictement maintenue.

En résumé : La reconnaissance constitue un mode d’établissement général de la filiation, applicable à tous les enfants, qu’ils soient nés dans ou hors mariage. Ce mécanisme offre une alternative souple à la présomption de paternité, mais il est encadré par des règles visant à éviter les conflits de filiation. La reconnaissance est interdite lorsqu’une filiation est déjà établie ou dans les cas d’inceste, où le double lien de filiation est prohibé par la loi pour protéger la cohérence de l’état des personnes.

 

Section 2 : Le régime de la reconnaissance

 

La reconnaissance est un mode privilégié d’établissement de la filiation, particulièrement utilisé hors mariage. Elle permet à un parent de déclarer volontairement son lien de filiation avec un enfant. Ce mécanisme, régi par des principes de liberté, d’absence de délai, d’authenticité, et d’irrévocabilité, est encadré pour garantir sa validité juridique.

I. Les principes fondamentaux de la reconnaissance

A) Liberté de la reconnaissance

La reconnaissance est un acte libre qui n’est soumis à aucun contrôle ni autorisation préalable :

  • Aucune vérification immédiate de la véracité : Celui qui reçoit l’acte (officier d’état civil ou notaire) n’est pas tenu de vérifier si la personne qui reconnaît l’enfant est bien son parent biologique.
  • Reconnaissances de complaisance : En pratique, des reconnaissances de complaisance existent, où une personne sait ne pas être le parent biologique mais choisit néanmoins de reconnaître l’enfant. Ces actes restent juridiquement valables tant qu’ils ne sont pas contestés.

B) Absence de délai

La reconnaissance peut être effectuée à tout moment, dès lors que l’enfant est identifiable :

  1. Avant la naissance :
    • L’enfant peut être reconnu pendant la grossesse, dans le cadre d’une reconnaissance prénatale.
  2. Après la naissance :
    • Un enfant peut être reconnu à tout âge, y compris après sa majorité.
  3. Post-mortem :
    • Il est également possible de reconnaître un enfant décédé, à condition que sa filiation ne soit pas déjà établie.

C) Authenticité de la reconnaissance

En raison de la gravité des conséquences juridiques de la reconnaissance, la loi impose qu’elle soit réalisée dans un acte authentique :

  1. Par acte de l’état civil :
    • La reconnaissance est le plus souvent intégrée à l’acte de naissance ou faite ultérieurement par déclaration devant un officier d’état civil.
  2. Par acte notarié :
    • La reconnaissance peut figurer dans un acte notarié, offrant une alternative discrète et sécurisée.
  3. Par aveu judiciaire :
    • La reconnaissance peut résulter d’un aveu fait dans une instance judiciaire.

II. Caractéristiques spécifiques de la reconnaissance

A) Acte personnel et unilatéral

La reconnaissance est un acte strictement personnel :

  • Émanation du parent : Seul le parent peut reconnaître l’enfant ; aucune représentation ou assistance n’est autorisée.
  • Absence de condition de capacité :
    • Un mineur peut reconnaître un enfant sans autorisation.
    • Un majeur protégé (sous tutelle ou curatelle) peut également reconnaître un enfant sans qu’une autorisation soit nécessaire.
  • Indépendance vis-à-vis de l’enfant ou de la mère :
    • La reconnaissance ne nécessite ni l’accord de l’enfant, ni celui de la mère.

B) Irrévocabilité, définitivité et effet rétroactif

  1. Irrévocabilité :
    • Une fois effectuée, la reconnaissance est définitive et ne peut être rétractée par son auteur.
  2. Effet rétroactif :
    • La reconnaissance a un effet déclaratif, ce qui signifie qu’elle constate une filiation préexistante.
    • Les effets de la reconnaissance remontent au jour de la naissance de l’enfant, quels que soient le moment où l’acte est réalisé.
  3. Titre conféré à l’enfant :
    • La reconnaissance donne à l’enfant un titre juridique de filiation, ouvrant droit à tous les effets en découlant : nom, droits successoraux, autorité parentale, et obligations alimentaires.

En résumé : La reconnaissance est un acte libre, personnel, et authentique permettant d’établir une filiation hors mariage. Réalisable à tout moment et irrévocable, elle produit des effets rétroactifs, conférant à l’enfant les pleins droits attachés à la filiation. Bien qu’elle puisse donner lieu à des abus, comme les reconnaissances de complaisance, elle reste un outil simple et puissant pour formaliser un lien familial en l’absence d’autres mécanismes légaux.

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