La prestation compensatoire 

La prestation compensatoire 

La prestation compensatoire, régie par les articles 270 à 281 du Code civil français, vise à compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux. Elle est généralement attribuée sous forme de capital, mais peut, à titre exceptionnel, être versée sous forme de rente viagère.

Caractéristiques de la rente viagère :

  • Caractère exceptionnel : Selon l’article 276 du Code civil, la rente viagère n’est accordée que si l’âge ou l’état de santé de l’époux créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins. Le juge doit motiver spécialement cette décision.
  • Caractère viager : La rente est versée jusqu’au décès de l’époux créancier. Elle est indexée comme en matière de pension alimentaire. En cas de décès du débiteur, la charge de la rente peut être transmise aux héritiers. Le remariage de l’époux créancier n’affecte pas le versement de la rente.
  • Caractère révisable : Conformément à l’article 276-3 du Code civil, la rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties. Toutefois, la révision ne peut augmenter le montant initialement fixé par le juge.
  • Substitution par un capital : L’article 276-4 du Code civil permet au débiteur de demander, à tout moment, la substitution de la rente par un capital. Le créancier peut également en faire la demande en prouvant que le débiteur est en mesure d’assumer ce paiement en capital.

A) Le principe de la prestation compensatoire

Définition et finalité

La prestation compensatoire, définie à l’article 270 du Code civil, a pour objet de compenser la disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des ex-conjoints.

  • Elle n’est ni une prolongation du devoir de secours, ni une réparation d’un préjudice lié au divorce.
  • Elle ne repose pas sur la responsabilité des conjoints dans la dissolution du mariage.
  • Elle diffère également d’une pension alimentaire, car elle est principalement forfaitaire.

Nature de la prestation

  • La prestation compensatoire correspond à une valeur monétaire destinée à rétablir l’équilibre des conditions de vie des ex-conjoints après la fin du mariage.
  • Elle peut être transmissible aux héritiers, bien que la loi du 26 mai 2004 ait limité cette transmissibilité.
  • En principe, elle est non révisable, sauf dans des cas exceptionnels.

Évolutions législatives

  1. Loi de 1975 :
    • Établit les principes fondateurs : prestation forfaitaire, favorisant les paiements en capital.
  2. Loi du 30 juin 2000 :
    • Renforce la substitution du capital à la rente.
    • Introduit des possibilités accrues de révision des prestations compensatoires sous forme de rente.
  3. Loi du 26 mai 2004 :
    • Généralise la prestation compensatoire à tous les cas de divorce, y compris le divorce pour faute.
    • Confirme la préférence pour le capital, limitant ainsi le recours à la rente.
    • Permet au juge de refuser la prestation compensatoire si l’équité le justifie, notamment en fonction des circonstances spécifiques de la rupture.
    • Réduit les transmissions aux héritiers pour limiter le poids financier sur les successions.

 

B) Le calcul de la prestation compensatoire

La prestation compensatoire est une somme destinée à compenser, dans la mesure du possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux. Ce mécanisme est défini et encadré par le Code civil, notamment dans le cadre de l’article 270 et suivants.

1. Domaine d’application

A. Évolution législative

  • Loi de 1975 :

    • L’époux fautif était exclu du bénéfice de la prestation compensatoire dans le divorce pour faute, marquant une volonté de sanction morale et financière.
    • De même, l’époux demandeur d’un divorce pour rupture de la vie commune ne pouvait prétendre à cette prestation, car le devoir de secours subsistait.
  • Loi de 2004 :

    • L’esprit de neutralisation du divorce a conduit à l’extension du droit à la prestation compensatoire à tous les époux, quelle que soit la cause du divorce.
    • Cette réforme consacre l’idée que la faute ou l’initiative de la rupture ne doivent plus influer sur les conséquences patrimoniales.
    • Toutefois, le juge peut refuser d’accorder une prestation compensatoire si l’équité le commande et en fonction des circonstances particulières de la rupture (article 270, alinéa 3).

B. Conséquences de cette généralisation

  • Cette approche peut susciter l’incompréhension, notamment :
    • Chez l’époux innocent dans un divorce pour faute.
    • Chez l’époux défendeur dans un divorce pour altération définitive du lien conjugal (ADLC), qui pourrait être amené à verser une prestation à son ex-conjoint.

2. Évaluation de la prestation compensatoire

La prestation compensatoire vise à maintenir un certain équilibre économique post-divorce. Elle repose sur des principes clairs et encadrés :

A. Principe général : un forfait unique et définitif

  • La prestation compensatoire est principalement fixée sous forme de capital forfaitaire :
    • Unique, global, et théoriquement non révisable.
    • Elle rétablit, autant que possible, la solidarité conjugale rompue en prenant en compte les disparités financières créées par la séparation.

B. Appréciation de la disparité

  • Si les besoins et ressources des époux sont équivalents, aucune prestation n’est due.
  • Si les ressources sont concentrées sur un seul époux, la prestation vise à compenser ce déséquilibre économique, prenant en compte l’apport passé de chacun au foyer.

C. Critères légaux d’évaluation (article 271 du Code civil)

Le montant est déterminé selon une approche globale, tenant compte notamment de :

  • La durée du mariage.
  • L’âge et l’état de santé des époux.
  • Leur qualification et situation professionnelles.
  • Les conséquences des choix professionnels faits pendant le mariage au détriment de l’un des époux.
  • Leur patrimoine estimé ou prévisible, tant en capital qu’en revenus.
  • Leur capacité respective à acquérir ou à générer des revenus après le divorce.

3. Modalités de fixation et d’exécution

A. Fixation de la prestation

  • Par convention entre les époux :

    • Les époux, quel que soit le cas de divorce, peuvent convenir librement du montant et des modalités de la prestation compensatoire.
    • Ces accords peuvent porter sur un paiement en capital (sommes d’argent, biens en nature) ou sous forme de rente temporaire.
  • Par le juge :

    • En cas de désaccord, le juge fixe la prestation compensatoire dans le cadre d’un divorce contentieux.
    • Le Juge aux affaires familiales (JAF) s’assure que la prestation est équitable et que les intérêts de chacun des époux sont respectés.

B. Révision et transmissibilité

  • Révision de la prestation :

    • Les époux peuvent prévoir une clause permettant de demander une révision en cas de changement significatif des besoins ou des ressources (article 276-3).
    • Les juges peuvent aussi être saisis si les bases initiales de calcul évoluent de manière importante.
  • Intransmissibilité aux héritiers :

    • Les époux peuvent inclure une clause dans leur convention excluant la transmissibilité de la dette aux héritiers.

C. Modes de versement

  • Capital :
    • Forme préférée, car elle favorise une rupture nette entre les parties.
    • Il peut être payé immédiatement ou sous forme d’échéances dans un délai maximal de 8 ans.
  • Rente :
    • Exceptionnellement retenue si l’incapacité de l’un des époux justifie un soutien prolongé.
    • Soumise à des conditions strictes et révisable en cas de modification des circonstances.

4. Le rôle du juge

Le rôle du juge est subsidié, mais essentiel en l’absence d’accord :

  • Il intervient uniquement dans les divorces contentieux ou lorsque les époux ne présentent pas de convention.
  • Il peut refuser la prestation compensatoire si :
    • Les ressources des époux ne justifient pas son attribution.
    • L’équité commande qu’aucune prestation ne soit versée (notamment si la rupture résulte de circonstances très particulières).

Conclusion :  La prestation compensatoire incarne l’objectif d’équité du divorce, en compensant les déséquilibres économiques engendrés par la rupture. Si elle repose sur des critères objectifs, elle laisse une marge d’appréciation importante au juge pour garantir qu’elle soit adaptée aux situations particulières. Les réformes récentes, notamment celles de 2004, ont renforcé son rôle en insistant sur la neutralisation des torts, tout en laissant une souplesse nécessaire aux accords entre les époux.

C) Les bases originelles du calcul du forfait

L’article 270, alinéa 2 du Code civil, établit le principe fondamental selon lequel la prestation compensatoire est forfaitaire. Son objectif est de compenser autant que possible la disparité créée par le divorce dans les conditions de vie respectives des ex-conjoints.

L’article 274 prévoit que le juge décide des modalités selon lesquelles s’exécutera la prestation en capital. Cet article rappelait le principe qui sous-tend la prestation compensatoire à savoir qu’elle est versée en capital.  La loi permet seulement au juge à titre exceptionnel de fixer la prestation compensatoire sous forme de rentes. Et ce caractère exceptionnel a été renforcé par la loi du 30 Juin 2000. 

1) Quels sont les critères d’évaluation

Critères d’évaluation (Article 271 du Code civil)
Le montant de la prestation compensatoire est déterminé en fonction :

  1. Des besoins de l’époux bénéficiaire : La prestation vise à pallier une perte de niveau de vie pour l’époux le moins favorisé économiquement.
  2. Des ressources de l’époux débiteur :Ces ressources incluent les revenus professionnels, le patrimoine mobilier et immobilier, ainsi que les pensions ou prestations sociales.

Critères spécifiques pris en compte :
L’article 271 énumère des facteurs permettant au juge d’apprécier la situation globale des époux :

  • L’âge et l’état de santé : La capacité à subvenir à ses besoins à moyen et long terme.
  • La durée du mariage : Plus le mariage a duré, plus l’impact financier du divorce est susceptible d’être important pour le conjoint économiquement dépendant.
  • Les choix professionnels : Les sacrifices professionnels consentis par l’un des époux pour privilégier la carrière ou les ambitions de l’autre. Le temps consacré à l’éducation des enfants ou à la gestion du foyer.
  • La qualification professionnelle et les opportunités sur le marché de l’emploi : Cela inclut la formation, l’expérience, et la capacité à retrouver un emploi après le divorce.
  • Les droits à pension de retraite et la situation patrimoniale : La répartition du patrimoine matrimonial après la liquidation du régime matrimonial est prise en compte pour évaluer les ressources futures des époux.

Approche globale :
Le juge se réfère à la fois au passé (vécu commun des époux) et à l’avenir prévisible pour évaluer si le divorce crée une disparité durable entre les conditions de vie des deux parties.

2) La forme de principe : la prestation en capital

A) Les modalités de base

Depuis la loi du 30 juin 2000, la prestation compensatoire privilégie la forme du capital, visant à assurer une rupture nette et définitive entre les ex-époux. Ce dispositif évite une dépendance prolongée entre les parties et s’inscrit dans l’objectif de pacification des relations post-divorce.

Modalités de base
La loi distingue deux formes principales d’exécution de la prestation compensatoire en capital, laissées à l’appréciation du juge, sans nécessité d’obtenir l’agrément du débiteur :

  1. Versement d’une somme d’argent :
    C’est la solution la plus simple et la plus fréquemment utilisée. Le débiteur verse une somme forfaitaire unique pour solder son obligation.
  2. Abandon de biens meubles ou immeubles :
    Le débiteur peut céder la propriété, l’usufruit, ou l’usage de certains biens. Cette option, bien que rarissime, permet au débiteur de se libérer sans transfert monétaire. Exemple : céder un appartement ou un terrain en pleine propriété ou accorder à l’époux créancier un droit d’habitation ou d’usufruit sur un bien immobilier.

B) Les modalités exceptionnelles de la prestation compensatoire en capital

Les situations exceptionnelles prévues à l’article 275 du Code civil concernent des cas où les modalités standards ne sont pas adaptées. Ces situations permettent des ajustements visant à garantir l’exécution de l’obligation tout en prenant en compte les contraintes du débiteur.

  1. Paiements échelonnés :
    Lorsque le débiteur ne peut verser l’intégralité du capital immédiatement, le juge peut autoriser des paiements échelonnés sur une durée maximale de 8 ans.

    • Cette solution permet d’alléger la charge financière initiale pour le débiteur.
    • Les versements sont indexés, garantissant au créancier une protection contre l’inflation.
  2. Révision pour changement de situation :
    En cas de changement important dans la situation économique du débiteur après le divorce (perte d’emploi, maladie grave, liquidation judiciaire, etc.), le juge peut prolonger la durée de l’échelonnement au-delà de 8 ans.

    • Impact : Cela modifie uniquement le calendrier des paiements, sans altérer le montant total du capital dû.
  3. Transmission de la dette aux héritiers :
    La loi du 26 mai 2004 facilite la transmission de la prestation compensatoire en capital aux héritiers du débiteur décédé.

    • Règlement sur la succession : Le capital restant dû est prélevé directement sur la succession du débiteur.
    • Les héritiers peuvent choisir de :
      • Maintenir les modalités initiales (paiements échelonnés ou rente).
      • Libérer immédiatement la dette en réglant le solde du capital.

C) La prestation mixte : combinaison capital et rente

L’article 275-1 prévoit une modalité mixte, réintroduite par la loi du 26 mai 2004. Cette option est particulièrement adaptée à certains couples ayant des contraintes patrimoniales spécifiques.

Caractéristiques de la prestation mixte :

  • Elle combine un versement d’une somme d’argent ou l’attribution de biens en capital, avec des versements périodiques sous forme de rente.
  • Exemple : Un conjoint peut obtenir l’usufruit du logement familial tout en recevant une rente mensuelle pour assurer son équilibre financier.

Garantie d’exécution :
Le jugement de divorce peut être subordonné à des garanties pour assurer le paiement de la prestation :

  • Constitution d’une hypothèque, d’un gage, ou d’une caution.
  • Souscription d’un contrat d’assurance garantissant le paiement de la rente ou du capital.

 

3) La forme exceptionnelle : la rente

La prestation compensatoire peut exceptionnellement être fixée sous forme de rente viagère, qui implique le versement périodique de sommes d’argent par le débiteur au créancier. Cette solution, bien que rare, est prévue pour répondre à des situations particulières où le créancier ne peut subvenir seul à ses besoins.

Caractéristiques de la rente compensatoire :

  1. Un caractère exceptionnel

    • L’article 276 du Code civil limite strictement l’attribution d’une rente viagère.
    • Elle est réservée aux cas où l’âge avancé ou l’état de santé dégradé du créancier empêche ce dernier de pourvoir à ses besoins.
    • Le juge doit motiver sa décision de manière détaillée, démontrant que ces conditions exceptionnelles sont réunies.
    • Cette disposition a mis fin à une jurisprudence antérieure qui avait largement banalisé l’utilisation de la rente.
  2. Un caractère viager

    • La rente est fixée pour toute la durée de vie du créancier, sans possibilité pour le juge d’en limiter la durée.
    • Elle est indexée de manière similaire à une pension alimentaire, garantissant ainsi son ajustement à l’évolution économique.
    • En cas de décès du débiteur, les héritiers prennent en charge le versement de la rente.
    • Le remariage du créancier n’a aucune incidence sur son droit à percevoir la rente.
  3. Un caractère révisable

    • Selon l’article 276-3 du Code civil, la rente peut être modifiée dans son montant ou ses modalités de paiement si un changement important intervient dans les ressources ou besoins des parties.
    • Cette révision peut aller jusqu’à la suspension ou la suppression de la rente en cas de circonstances significatives (par exemple, une amélioration des revenus du créancier ou une dégradation financière du débiteur).
    • Toutefois, la loi prévoit une limite stricte : la révision ne peut jamais augmenter la rente au-delà du montant initialement fixé par le juge, qui sert de plafond absolu.
  4. La substitution d’un capital à la rente

    • L’article 276-4 du Code civil permet au débiteur de demander à tout moment que la rente soit transformée en un versement unique en capital.
    • Cette substitution est révélatrice de la préférence législative pour le capital, qui apporte une solution définitive et évite les contentieux prolongés.
    • Le créancier peut également faire cette demande, en démontrant qu’un événement (par exemple, la liquidation du régime matrimonial) met le débiteur en mesure de régler la prestation sous forme de capital.

Garanties d’exécution

Le jugement de divorce peut être assorti de mesures destinées à garantir le versement de la rente, telles que :

  • Un gage ou une hypothèque sur les biens du débiteur.
  • Une caution personnelle.
  • Un contrat d’assurance couvrant les éventuelles défaillances de paiement.

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