La doctrine juridique : définition et rôle

LA DOCTRINE

Le terme doctrine vient de doctus : savant et au sens général, toutes disciplines confondues, elle désigne la communauté des savants dans une discipline particulière donc une entité (doctrine juridique par exemple).

—> Elle désigne aussi le savoir de l’un d’eux sur une question particulière, on parle ainsi de la doctrine d’un auteur et par extension on parle aussi de la doctrine de la Cour de cassation, de l’administration …

—> Le 2e sens ne fait pas de difficulté nous allons donc nous attacher au 1er c’est à dire l’ensemble des juristes qui ayant les titres leur permettant d’avoir un avis a priori éclairé exprime des analyse sur le droit et c’est cette communauté qui réfléchissant sur le droit et cherchant à l’améliorer en décrivant en quoi il consiste ou en quoi il pourrait consister qui contribue à façonner le droit par différents moyens.

SECTION 1 : LES SUPPORTS DE LA DOCTRINE

Paragraphe 1 : des auteurs

—> Ce sont essentiellement des universitaires mais ce sont aussi dans une quantité moindre les praticiens.

  1. Les universitaires

—> Ils ont une vocation doctrinale de par leur statut car ce sont des enseignants chercheurs, la recherche consistant justement à réfléchir sur l’état du droit et à proposer des améliorations puis normalement ce statut leur laisse le temps de le faire et garantit la liberté de cette réflexion.

=>Pour les juristes, il est essentiel que le droit puisse faire l’objet d’une réflexion critique et indépendante.

—> C’est une communauté où tout le monde se connaît à peu près et qui a donc une tradition qui s’enracine dans l’histoire, c’est d’ailleurs pour cela qu’il y a une histoire de la doctrine dominée par certains grands noms tels que Troplong, Demolombe (19e), Planiol, Ripert (début 20e) ou Carbonnier (21e) en droit privé.

—> D’autres n’étaient pas seulement des universitaires comme Pothier, un des premiers préparateurs du Code civil et avant lui Domat qui lui aussi fut le premier à chercher à synthétiser les coutumes françaises pour faire apparaître un droit commun rationnellement présenté puis Portalis et Montesquieu aussi.

=>Ce sont plutôt des praticiens essentiellement tournés vers la recherche.

  1. Les praticiens

—> Aujourd’hui, ils écrivent bien moins que les universitaires car leur activité professionnelle n’est pas faite pour leur en laisser le temps mais régulièrement on voit des écrits qui sont des réflexions sur le droit et qui sont l’œuvre aussi bien de professions libérales (avocats) que de magistrats.

—> Les grands cabinets d’avocats tendent aussi à écrire assez souvent, écrits qui sont plus techniques et qui parlent de la manière de réaliser telle opération sans porter nécessairement de jugement de valeur afin d’organiser leur propre marketing également.

=>Il y a les notaires aussi qui écrivent beaucoup (Congrès des notaires) et les huissiers un peu moins.

—> Les magistrats participent à l’œuvre doctrinale de manière assez rare car là encore leur activité professionnelle ne vise par à leur laisser le temps de la réflexion mais on trouve quelques exceptions.

=>Rarement ils écrivent des ouvrages, plus souvent ce sont des petites notes sous des arrêts.

Paragraphe 2 : des outils

  1. Des écrits

—> Ce sont toutes les publications de la doctrine que sont les revues et les ouvrages, les revues étant diverses (une centaine environ) spécialisées ou généralistes de droit public et de droit privé où l’on trouve des articles de fond c’est à dire une réflexion sur une question mais aussi des commentaires soit de décisions juridictionnelles soit de textes législatifs (normes nouvelles).

—> Les ouvrages sont de différents types que sont les manuels (abrégés, complets), les traités (très développés), les monographies (un auteur sur un sujet) telles que les thèses, les réflexions croisées de plusieurs auteurs telles que les actes de colloque c’est à dire les compte rendus écrits des débats ayant eu lieu lors d’un colloque sur un thème déterminé.

  1. Des paroles

—> Les auteurs de la doctrine sont très souvent invités à venir discuter et à participer aux discussions sur des projets de réformes par exemple mais aussi de manière plus ouverte et publique les conférences puis dans l’enseignement c’est à dire des cours car ce n’est pas la répétition orale d’un livre mais une touche de réflexion personnelle ce qui fait tout l’intérêt de l’enseignement magistral.

=>Les magistrats sont formés sur ces bancs donc l’enseignement universitaire participe indirectement à la réflexion et à la formation du droit.

SECTION 2 : LES MISSIONS DE LA DOCTRINE

—> Nul ne peut connaître toutes les lois ni toutes les règles prétoriennes qui peuvent exister dans leur détail et c’est à la doctrine qu’il revient de révéler le droit existant et de proposer le droit à venir.

Paragraphe 1 : Révéler le droit existant

  1. Médiatiser la règle

—> Les auteurs de doctrine publient et commentent les décisions ce qui va lui donner sa portée normative puisqu’elle va être connue et intégrée dans la connaissance que chacun a du droit.

—> Ce travail de médiatisation est d’autant plus important lorsque la règle n’est pas évidente dans le texte qui la contient ce qui peut exister à propos des lois comme à propos des décisions de jurisprudence.

  1. Expliquer la règle

—> Il s’agit de rendre clair ce qui est confus mais aussi à mettre en ordre un ensemble de solutions disparates pour en faire émerger les principes généraux qui inspirent le juge ou le législateur.

—> Parfois les rapprochements ne sont pas évidents et la doctrine a tendance alors à proposer de véritables idées, théories, règles nouvelles qui pourraient rendre compte de l’existant en l’améliorant, le rationalisant.

Paragraphe 2 : Proposer le droit à venir

  1. La critique du droit présent

—> La critique peut être négative ou positive (prouver, enraciner et légitimer une solution nouvelle) cette dernière étant importante car elle stabilise et renforce certaines règles ou décisions nouvelles.

—> La critique négative montre les effets pervers, le caractère inopportun de telle solution ou telle règle nouvelle et montre aussi son côté paradoxal, son incohérence avec l’ordre juridique ce qui pousse les auteurs de la doctrine, soit à pousser l’abandon de cette règle soit à dire comment la contourner.

=>Les décideurs pourront donc voir s’il y lieu de changer, de revirer ou de laisser intact la règle.

=>Par son œuvre critique la doctrine prépare le droit futur.

  1. La proposition du droit futur

—> La doctrine, lorsqu’elle critique négativement ou positivement, aura toujours tendance à proposer des solutions complémentaires pour solidifier l’existant ou des solutions alternatives pour remplacer l’existant.

—> Il arrive que ces critiques soient très directement rendues et qu’une loi ou qu’une jurisprudence évolue en s’inspirant très immédiatement de ces critiques doctrinales qui lui ont été adressées et en reprenant les propositions faites par les auteurs puis de manière plus indirecte la doctrine bâtit aussi des théories qui pourraient s’ajouter au droit positif (par exemple, compte bancaire théorisé par la doctrine).

=>La plupart des institutions juridiques ont une origine doctrinale plus ou moins lointaine et ont été inventées par la pratique.

—> On constate ainsi que les différents artisans de la matière juridique sont en dialogue constant mais le droit se façonne selon certaines méthodes et techniques.