Le pouvoir de Dissolution du Président de la République
La Constitution de 1958 a introduit un changement significatif en accordant au Président de la République un pouvoir de dissolution quasi discrétionnaire, inscrit à l’article 12. Ce pouvoir permet au Président de dissoudre l’Assemblée nationale sans nécessiter de conditions spécifiques ni de contreseing ministériel, ce qui en fait une prérogative largement autonome.
Le cadre constitutionnel de la dissolution
L’article 12 de la Constitution dispose que la dissolution de l’Assemblée nationale est un droit exclusif du Président de la République. Celui-ci peut l’exercer de manière discrétionnaire, c’est-à-dire sans justification particulière. Cependant, trois périodes exceptionnelles limitent l’exercice de ce pouvoir :
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- L’année suivant des élections législatives : il est interdit de dissoudre l’Assemblée pendant un an après une élection législative anticipée ou ordinaire, afin de garantir une certaine stabilité institutionnelle.
- L’intérim présidentiel : en cas de vacance de la présidence, le pouvoir de dissolution est suspendu pour éviter qu’un Président par intérim ne prenne une décision de cette ampleur.
- L’exercice des pouvoirs exceptionnels de l’article 16 : lorsque le Président de la République a recours aux pouvoirs de crise de l’article 16, le droit de dissolution est également suspendu pour assurer le fonctionnement continu du Parlement en période de crise.
Procédure et consultations obligatoires
Avant de dissoudre l’Assemblée nationale, le Président de la République est tenu de consulter le Premier ministre, ainsi que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ces consultations, bien que prévues par la Constitution, n’ont toutefois qu’une valeur consultative : il s’agit d’avis simples qui ne lient en rien la décision présidentielle. En pratique, cette consultation symbolique permet de donner une apparence de dialogue institutionnel, mais n’entrave en rien l’exercice de la dissolution.
Le pouvoir de dissolution dans la pratique : un usage stratégique
Dans la Ve République, le Président utilise le pouvoir de dissolution comme un instrument stratégique, principalement pour renforcer ou rétablir l’autorité de l’exécutif en cas de tensions entre le gouvernement et la majorité parlementaire.
Ainsi, la dissolution permet :
- De sortir d’une impasse politique : lorsqu’il y a des divergences importantes entre l’exécutif et l’Assemblée nationale, une dissolution permet de redonner la parole aux électeurs pour renouveler ou modifier la composition de la majorité parlementaire.
- De consolider la légitimité présidentielle : après son élection, le Président peut dissoudre l’Assemblée nationale pour obtenir une majorité parlementaire alignée sur ses orientations, comme cela a été fait par François Mitterrand en 1981 et Jacques Chirac en 1997.
Un pouvoir autonome mais encadré par la logique politique
Bien que largement discrétionnaire, le pouvoir de dissolution est aussi limité en pratique par les réalités politiques et les risques d’échec. Une dissolution expose le Président au risque de perdre sa majorité à l’Assemblée nationale, ce qui pourrait conduire à une situation de cohabitation. De plus, une dissolution prématurée ou perçue comme stratégique pourrait être mal accueillie par l’opinion publique, comme cela fut le cas en 1997, lorsque Jacques Chirac perdit sa majorité, entraînant une cohabitation avec une majorité parlementaire socialiste.
En conclusion, le pouvoir de dissolution conféré par l’article 12 est l’un des instruments les plus modernes et autonomes de la Ve République, offrant au Président de la République une flexibilité importante pour gérer les crises politiques et ajuster les relations entre l’exécutif et le législatif. Si son usage est libre de contraintes légales strictes, il reste soumis aux calculs politiques et au jugement de l’opinion publique, qui peuvent en limiter l’usage en pratique.
Le pouvoir de dissolution présidentielle : un pouvoir quasi discrétionnaire dans la Ve République
L’article 12 de la Constitution confère au Président de la République un pouvoir de dissolution quasi discrétionnaire de l’Assemblée nationale. Bien que la Constitution impose des consultations obligatoires avec le Premier ministre et les présidents des assemblées, ces consultations ne sont que formelles et non contraignantes. Le Président est donc tenu de consulter ces responsables, mais n’est pas tenu de suivre leurs avis.
Les limites formelles à la dissolution
Le pouvoir de dissolution, bien que presque entièrement à la discrétion présidentielle, est encadré par trois restrictions constitutionnelles :
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L’intérim présidentiel : Selon l’article 7 de la Constitution, en cas de vacance de la présidence (par exemple, en cas de décès ou de démission), le président du Sénat assure l’intérim mais ne peut en aucun cas dissoudre l’Assemblée nationale. Cette restriction vise à éviter qu’un président temporaire n’engage une action politique aussi importante.
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Fréquence de la dissolution : L’article 12 précise que l’Assemblée nationale ne peut être dissoute plus d’une fois par an. Cette limite évite les dissolutions abusives ou répétitives qui pourraient paralyser le fonctionnement de la démocratie parlementaire et remettre en question les résultats électoraux de manière excessive.
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Concentration des pouvoirs en période de crise (article 16) : En période de crise grave, l’article 16 accorde des pouvoirs exceptionnels au Président de la République, mais interdit la dissolution de l’Assemblée nationale pour préserver le contrôle parlementaire. Cette interdiction empêche la dissolution de l’Assemblée dans des circonstances déjà exceptionnelles afin de limiter une concentration de pouvoir excessive.
En dehors de ces trois restrictions, le Président de la République conserve la liberté de dissoudre l’Assemblée sans préavis, à tout moment et sans justification. Ce pouvoir largement discrétionnaire représente un contraste avec les pratiques de la IIIe et IVe Républiques, où la dissolution était soit absente, soit soumise à des conditions strictes.
La logique britannique : une inspiration pour Michel Debré
Ce caractère quasi absolu du pouvoir de dissolution dans la Ve République reflète l’admiration de Michel Debré pour le système britannique. Au Royaume-Uni, le Premier ministre peut traditionnellement dissoudre le Parlement à tout moment, utilisant la dissolution comme un outil politique pour interroger le pays lors d’un conflit avec le Parlement ou pour renforcer sa majorité. Cette approche, fondée sur une flexibilité totale, permet de faire de la dissolution un instrument démocratique et tactique.
La pratique en France : une dissolution plus rare et prudente
En France, la dissolution n’a pas pris la même dimension qu’au Royaume-Uni. La dissolution tactique – qui consiste à dissoudre pour consolider la majorité présidentielle ou pour faire face à des blocages – n’est pas devenue une habitude. Elle reste un outil réservé aux situations de crise politique majeure, comme en 1962 sous De Gaulle ou en 1997 sous Chirac. Le Président prend généralement en compte les risques politiques liés à une dissolution : celle-ci peut conduire à une cohabitation si la majorité bascule, ce qui a été le cas après la dissolution de 1997, où Jacques Chirac s’est retrouvé face à une Assemblée nationale de gauche pour le reste de son mandat.
Maintien de la stabilité du fait majoritaire
En dépit de cette utilisation prudente, le pouvoir de dissolution reste un instrument crucial pour maintenir la stabilité du régime présidentiel, assurant la concordance entre l’exécutif et la majorité parlementaire. Cette faculté contribue à consolider le fait majoritaire et à préserver l’autorité présidentielle, qui pourrait être affaiblie sans cette capacité à rappeler les électeurs si nécessaire.
En conclusion, l’article 12 de la Constitution offre au Président de la République un pouvoir de dissolution qui, bien que limité par certaines dispositions, reste fondamentalement libre et autonome. Inspiré du modèle britannique, il confère au chef de l’État une arme puissante, qui assure l’équilibre institutionnel et lui permet de gérer les crises politiques.
Le pouvoir de dissolution comme outil de maintien du système majoritaire.
Le pouvoir de dissolution de l’Assemblée nationale, tel que conféré par l’article 12 de la Constitution, a joué un rôle fondamental dans l’équilibre des institutions sous la Ve République. Utilisé de façon stratégique, il assure la cohésion de la majorité parlementaire et, indirectement, celle de l’exécutif, en dissuadant les députés de s’opposer au gouvernement par peur de voir leurs mandats écourtés. Ce mécanisme renforce ainsi le fait majoritaire, une pierre angulaire du régime présidentiel-parlementaire.
Les dissolutions marquantes et leur fonction politique
Le pouvoir de dissolution a été utilisé de manière significative pour résoudre des crises politiques et sociales et pour réaligner la majorité parlementaire avec celle de la présidence.
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Dissolution de 1962 : Face à une opposition de l’Assemblée nationale au référendum sur l’élection du Président au suffrage universel, Charles de Gaulle a choisi de dissoudre l’Assemblée pour trancher ce conflit politique. En appelant aux électeurs, il a transformé la dissolution en un référendum populaire sur le soutien à sa politique, et il en est sorti renforcé. Cette dissolution marque ainsi la première utilisation de cet outil pour garantir le soutien de la majorité au président.
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Dissolution de juin 1968 : En réponse à une crise sociale sans précédent, marquée par des manifestations et des grèves qui ont paralysé le pays, De Gaulle a utilisé la dissolution pour rétablir l’ordre. En demandant aux citoyens de s’exprimer par les urnes, il a obtenu une majorité renforcée, ce qui a permis de rétablir la légitimité du gouvernement face à une contestation massive.
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Dissolution de 1981 : Élu Président en mai 1981, François Mitterrand se retrouve face à une Assemblée nationale dominée par la droite. Pour gouverner avec une majorité alignée avec son programme socialiste, il dissout l’Assemblée, menant ainsi à une victoire écrasante du Parti socialiste aux législatives. Cette dissolution a permis de synchroniser la majorité présidentielle et parlementaire dès le début du mandat.
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Dissolution de 1988 : Réélu Président, Mitterrand fait face à une majorité parlementaire fragmentée. En dissolvant l’Assemblée, il assure une majorité relative au Parti socialiste, ce qui facilite l’exécution de son programme tout en gérant des alliances parlementaires plus souples pour son second mandat.
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Dissolution de 1997 : Jacques Chirac, anticipant des difficultés pour conserver une majorité en 1998, décide une dissolution anticipée pour renouveler l’Assemblée nationale. Cette manœuvre tactique échoue, car elle aboutit à une victoire de la gauche et plonge Chirac dans une période de cohabitation avec le Premier ministre socialiste Lionel Jospin.
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La dernière dissolution de l’Assemblée nationale en France a été annoncée par le président Emmanuel Macron le 9 juin 2024, à la suite des élections européennes où le Rassemblement National (RN) a obtenu près de 40 % des voix.
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- Résultats des élections européennes : Le RN, dirigé par Marine Le Pen, a réalisé une performance historique en atteignant près de 40 % des suffrages, surpassant les autres partis.
- Absence de majorité parlementaire : Le parti présidentiel, Renaissance, n’a pas réussi à obtenir une majorité absolue à l’Assemblée nationale, rendant la gouvernance difficile.
- Stratégie présidentielle : Face à cette situation, Emmanuel Macron a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale, espérant ainsi clarifier le paysage politique et obtenir une majorité plus stable. Mais son parti n’a pas remporté l’élection ce qui a entrainé une cohabitation.
Un pouvoir de dissuasion pour la stabilité parlementaire
En dehors de ces cas de dissolution effective, le pouvoir de dissolution joue aussi un rôle discret mais puissant de dissuasion. La simple perspective d’une dissolution exerce une pression continue sur les députés pour qu’ils soutiennent le gouvernement :
- Crainte de perdre leur siège : Une dissolution expose les députés à une campagne imprévue, coûteuse, et sans garantie de réélection. La dissolution agit donc comme une épée de Damoclès qui encourage la majorité à rester soudée.
- Stabilité et discipline : La dissolution dissuade les conflits au sein de la majorité parlementaire, en favorisant l’unité et en décourageant la désobéissance. Cette cohésion parlementaire est essentielle au maintien du système majoritaire, garantissant que l’exécutif dispose d’un soutien stable et fiable pour la mise en œuvre de sa politique.
La dissolution comme moyen de synchronisation des calendriers électoraux
Avec l’instauration du quinquennat en 2000 et l’alignement des élections présidentielle et législative, le besoin de recourir à la dissolution pour rétablir l’équilibre politique a diminué. Désormais, le Président élu bénéficie, dès le début de son mandat, d’une majorité parlementaire qui lui est généralement favorable. Cela réduit la nécessité d’utiliser la dissolution comme levier pour aligner la majorité parlementaire sur les orientations présidentielles.
L’efficacité dissuasive de la dissolution
L’article 12, par le pouvoir de dissolution, confère au Président une influence majeure sur la majorité parlementaire. Ce pouvoir fonctionne comme un armement dissuasif qui incite les députés à maintenir une discipline de groupe, sous peine de devoir affronter des élections anticipées. Ainsi, même sans en faire usage, le pouvoir de dissolution joue un rôle crucial dans la préservation de la stabilité institutionnelle et politique de la Ve République.