Pas d’immiscions du législateur dans les affaires des tribunaux

Interdiction pour le législateur de s’immiscer dans la fonction juridictionnelle, second corolaire de la séparation des pouvoirs.

Pas d’immiscions du législateur dans les affaires des tribunaux : principes rappelé par le Conseil Constitutionnel en 1981 : « il n’appartient ni au législateur ni au gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d’adresser des injonctions et de se substituer à elle »

Indépendance du pouvoir judiciaire, indépendance de l’autorité judiciaire, dans son article 64 alinéa 1 de la constitution : « le président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire ». En pratique, quelques ingérences du pouvoir législatif sur la justice : elles sont exceptionnelles et les tribunaux jaloux de leur indépendance se sont appliqués à enfermer ces ingérences dans de strictes limites pour préserver leur indépendance. On peut les regrouper en deux catégories :

  •  des lois rétroactives destinées à orienter l’issu d’un procès en cours
  •  les réponses ministérielles et les circulaires

 

  • a) Les lois rétroactives destinées à orienter l’issu d’un procès en cours :
  • Le législateur a le pouvoir de créer une loi rétroactive.

Qu’est ce qu’une loi rétroactive ? Texte du code civil important : titre préliminaire (13 articles) l’article 2 nous dit : « la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a pas d’effet rétroactif », lorsqu’une loi intervient elle ne peut pas revenir sur le passé elle ne peut s’appliquer que pour l’avenir, dans le cas contraire il n’y aurait pas de sécurité juridique. (Principe encore plus absolu en droit pénal, principe garanti par l’article 8 de la DDHC, sauf si une loi est plus « douce »). Que vaut le code civil dans la hiérarchie des normes ? Le code civil n’a la valeur que d’une loi, donc le principe de l’article 2 ne s’impose pas au législateur sauf pour une loi pénale ; en matière civile pas de valeur constitutionnelle pour une loi rétroactive car juste dans le code civil et pas dans la constitution.

Le législateur a deux façons de prendre des lois rétroactives :

  • les lois expressément rétroactives (rétroactivité écrite dans la loi elle même)
  •  une loi interprétative est une loi qui vient interpréter une loi antérieure, donc elle se fond dans le texte donc rétroactive.

Une loi rétroactive est nuisible à la sécurité juridique.

  •  Difficulté des lois rétroactives destinées à orienter l’issu d’un procès en cours

C’est là que l’on voit une atteinte à la liberté du judiciaire : cette loi est là pour forcer la main du juge. Le législateur presse une solution de la part des juges une décision qui ne le satisferait pas, il prend alors une loi rétroactive pour contraindre le juge à rendre une décision qu’il le satisfait lui législateur.

Loi du 31 décembre 1971 qui encadre la profession des avocats mais loi pas claire sur le statut des collaborateurs d’avocat, mais quel est leur statut ? Principe d’indépendance pour la profession d’avocat, mais problème : les collaborateurs voulaient se faire reconnaître comme salariés pour avoir les avantages du code du travail. –> Des litiges. Une juridiction a reconnu le statut de salarié pour le collaborateur, donc appel … Le législateur ne voyait pas d’un bon œil cette affaire, la cour d’appel n’avait pas encore statué, une loi est alors intervenue pour dire que le collaborateur d’un avocat n’a pas la qualité d’un salarié ; le législateur a alors choisi une loi interprétative pour préciser la loi de 1971 donc obligatoirement rétroactive.

Le Conseil Constitutionnel. : Une loi destinée à orienter un procès en cours, avant sa promulgation on peut saisir le Conseil Constitutionnel, le Conseil Constitutionnel s’est prononcé sur ces lois de validation. Il a posé comme condition de constitutionnalité de ces lois, la poursuite d’un intérêt général suffisant.

Loi de validation : intervention du législateur au cas où la jurisprudence tenterait d’annuler une loi. Une loi de validation destinée à orienter un procès en cours ne se justifie que dans un but d’intérêt général suffisant pour ainsi être autoriser à aller à l’encontre du principe de séparation des pouvoirs garantie par l’article 16 de la DDHC.

Une loi rétroactive porte atteinte à la sécurité juridique et à des droits et des libertés des justiciables, garanties par la constitution et la DDHC. Le Conseil Constitutionnel peut alors être saisi par une QPC a posteriori pour l’inconstitutionnalité d’une telle loi. Et de même une telle loi peut aussi faire l’objet d’un contrôle de sa conventionalité car elle contrevient à la convention européenne de sauvegarde des libertés et des droits fondamentaux, surtout sur son article 6, paragraphe 1 qui affirme le droit à un procès équitable. La cour européenne dans sa jurisprudence à tirer un corolaire de cet article 6 : le principe d’égalité des armes : une partie ne peut être désavantagée par rapport à une autre. Si une loi intervient en cours de procédure et pèse sur le juge il y a atteinte à ce principe d’égalité des armes. Ainsi la cour européenne des droits de l’homme a eu reconnaître des conditions encore plus stricte de validation, en principe une telle loi est contraire à l’article 6 de la CEDH, une telle loi n’est pas censurée qu’exceptionnellement : elle doit être justifié par « d’impérieux motifs d’intérêt général », il sera rare qu’une telle loi trouve grâce auprès de la cour européenne des droits de l’homme. CEDH est un traité directement applicable : les particuliers en plus des états signataires peuvent invoquer la violation d’un dispositif à l’encontre d’un état ou d’un autre particulier. On peut toujours contester l’application d’une telle loi devant une juridiction française au motif de la violation de l’article 1 de la CEDH.

La Cour européenne des droits de l’homme a aussi eu à se prononcer là dessus.

b) Réponses ministérielles et circulaires :

– réponses ministérielles :

Un ministre répond à un parlementaire, la réponse est publiée au journal officiel (une pratique qui est très ancienne mais qui s’est développée ces dernières années), la question des parlementaires concerne parfois sur un point de droit. Les réponses ministérielles précisent l’interprétation d’une loi, donc pas de force juridique, elle ne s’impose pas aux juges. Ces réponses ont néanmoins une influence sur le pouvoir judiciaire qui peut être appelé à statuer sur ce problème.

Ex : question de l’exploitation avec le Windows avec tout les pc. Est-il normal qu’on impose aux consommateurs un système d’exploitation ? L’idée des parlementaires était de pousser le ministre interrogé sur cette question à répondre que c’était contraire au code la consommation. –> Un arrêt de la cour de cassation du 6 octobre 2011 qui disait que tout vendeur, qui n’informerait pas le consommateur sur les logiciels pré installés sur son ordinateur, contreviendrait à son obligation d’information garantie par le code de consommation. La jurisprudence est donc influencée par les questions et réponses ministérielles

– circulaires

Ce sont des actes administratifs pris par des ministres, préfets … Ces circulaires contribuent à l’œuvre législative car indique comme appliquer une loi. Elles sont destinées aux agents publiques comment comprendre et interpréter une loi. Loi n’est pas applicable par les agents publics tant qu’une circulaire n’a pas été publiée donc on tente d’infléchir le sens de la loi implicitement (en posant des conditions supplémentaires …)

Quelle est l’autorité de ces circulaires ? Les tribunaux

Pour la cour de cassation, une circulaire n’a aucune valeur normative, pas source de loi, les juridictions judiciaires ne sont pas liées par une interprétation d’une loi faite par une circulaire.

Pour un justiciable, la question de la valeur normative peut se poser devant une juridiction administrative. Devant une juridiction administrative aucune valeur normative non plus mais en réalité si une circulaire pose des restrictions sur une loi elle a quand même une valeur normative et ne peut être frappé d’un recours pour excès de pouvoir. Le Conseil d’Etat considère les circulaires sur un autre angle, la question est de savoir si une circulaire peut être frappée par un recours pour excès de pouvoir. Distinction par le Conseil d’Etat entre 2 circulaires :

– circulaires interprétatives : interprétation simple d’une loi donc un recours n’a pas de sens car elle ne fait qu’interpréter la loi : auteur de la circulaire reste dans son rôle

– circulaires règlementaires : ajout de conditions au droit en vigueur, un ministre revient en douce sur une loi qui lui déplaît ; alors elle peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir sur le fondement que l’auteur de la circulaire méconnaît la loi et prend un rôle de législateur qu’il n’a pas.

Arrêt du Conseil d’Etat Institution Notre Dame du CHRISTCOEUR de 1954