Procédure pénale française : accusatoire? inquisitoire?

Le système de la procédure pénale française

Sur un plan général, les règles de la procédure pénale ont finalement un objectif simple à définir. Elle sert à condamner les coupables et à déterminer les innocents comme tels. On a souvent dit du Code de Procédure Pénale qu’il était le « Code des honnêtes gens » contrairement au Code pénal qui serait le « Code des malfaiteurs ». Si l’objectif est simple à définir, il est plus dur à appliquer. Pour condamner les coupables, il faut un système autoritaire alors qu’il faut un système libéral pour les innocents.

Pour répondre à cette difficulté et parvenir à trouver cet équilibre, l’histoire montre que l’on a inventé deux grands types de systèmes procéduraux. L’un est le système accusatoire, l’autre le système inquisitoire. Ces deux systèmes s’opposent l’un l’autre mais il convient d’opérer une synthèse pour aboutir à un système de philosophie mixte.

Section 1 : Les différents systèmes :

  • 1. Le système accusatoire

Ici, on a un duel entre l’auteur de l’infraction et la victime, devant un juge qui est un acteur effacé, un observateur neutre qui se contente d’orienter le duel en cas de difficulté. À l’échelle de l’Histoire, c’est le système le plus ancien, apparu dans des sociétés où l’on n’avait pas encore compris que l’intérêt en jeu est celui de la société entière, lorsqu’une infraction est commise. C’est évidemment un système protecteur des droits de l’accusé, car souvent, la victime n’a pas les moyens d’apporter la preuve de ce qu’elle prétend.

Ce système existe encore aujourd’hui. C’est le modèle anglo-saxon. Ce système procédural est né avec l’Antiquité, en Grèce et à Rome. Par conséquent, il en tire certains caractères. Il est principalement oral, car les civilisations antiques se basent surtout sur la parole et non l’écrit. La procédure est contradictoire : la victime accuse, la personne poursuivie se défend. Elle est publique car, à Athènes, les procès sont les programmes télévisés du temps. C’est un show à l’américaine avant l’heure.

L’accusé est ensuite jugé par ses pairs. Les juridictions sont collégiales et il n’y a pas de recours possible, puisque la chose est jugée définitivement. Les intérêts de la société ne sont pourtant pas bien défendus dans cette procédure car il n’y a pas de représentant de la victime. Cela a évolué, puisque l’on trouve maintenant une sorte de ministère public aux États-Unis.

  • 2. Le système inquisitoire

Il est l’antithèse du précédent, et manifeste un souci de lutter efficacement contre la criminalité. Cet intérêt général est un but au bout du procès, on lui donne donc un représentant : l’équivalent d’un ministère public. Pour des raisons historiques, ces procédures inquisitoires ont de nombreux caractères.

Étant né dans des sociétés plus évoluées où l’on a compris que la criminalité n’est pas une affaire privée, mais celle de tous, cette procédure inquisitoire est secrète et n’est pas contradictoire pendant toute une partie de son déroulement. La procédure est écrite, ce qui permet l’exercice des voies de recours. La procédure est divisée en plusieurs phases. L’une prépare la phase de jugement, et l’autre est une phase de jugement. Le juge est très actif dans le procès, notamment dans la recherche des preuves. Un système de cette nature est menacé d’un péril : celui de n’être guerre soucieux des droits de la défense. La tentation de parvenir à un système mixte est donc forte.

  • 3. Les systèmes mixtes

Ces systèmes mixtes se caractérisent par la division de la procédure en plusieurs étapes. On a donc la possibilité d’user alternativement des principes accusatoires ou inquisitoires.

Face à l’accusation, on optera pour les principes inquisitoires alors que la phase de jugement est accusatoire.

De même, dans ces systèmes, on conférera un rôle important au ministère public, mais on pourra reconnaître également une participation active de la victime qui pourra déclencher une poursuite concurremment au ministère public.

Section 2 : La procédure pénale française

La procédure française appartient à la grande famille des procédures mixtes. Il est facile de faire apparaître des influences inquisitoires et des influences accusatoires. Historiquement, cette procédure a connu une évolution qui s’est faite dans le sens d’un accroissement constant du caractère accusatoire. C’est une tendance ancienne. La loi Constans de 1897 permet en effet à l’accusé d’être assisté d’un avocat. Cette tendance aété accélérée par la CESDHLF.

  • 1. Les influences de la procédure inquisitoire

À l’origine, notre procédure pénale était d’esprit autoritaire, inspiré par Napoléon Ier. Le Code d’instruction criminelle était donc le reflet d’une forte influence du modèle inquisitoire. On y trouve en effet une procédure divisée en plusieurs phases.

On a la phase des poursuites, la phase d’instruction puis la phase de jugement. On trouve tout de même le souci d’éviter qu’il y ait une atteinte excessive aux libertés individuelles. Par conséquent, on trouve une autorité propre pour chacune de ces phases. L’idée étant que chacune des autorités contrôle les autres. Il y a donc une phase de poursuite sous l’égide du ministère public, avec un rôle actif de la police, qui décide de poursuivre ou non pour les faits de l’infraction, puis une phase d’instruction avec des autorités d’instruction (le juge d’instruction et la chambre de mise en instruction) et une phase de jugement qui se charge de juger l’infraction.

Cette procédure a connu ensuite une évolution, ne serait-ce qu’à cause des réformes de la phase des poursuites et de l’instruction. S’agissant de la première, les droits du suspect ont été sans cesse renforcés. On a règlementé la garde à vue. S’agissant de l’instruction, il n’est plus possible de soutenir que cette instruction est copie conforme d’un modèle inquisitoire ou qu’elle est secrète et non contradictoire. Les droits de la défense ont été considérablement renforcés durant l’instruction. La personne mise en examen a accès au dossier et peut apporter la contradiction en permanence, de la sorte que cette procédure n’est pas non plus contradictoire.

Ce simple relâchement du modèle inquisitoire est une sorte de relâche du modèle inquisitoire sur notre système procédural.

  • 2. L’influence du modèle accusatoire

Une de ses manifestations se trouve dans le principe de l’unité de la justice civile et pénale, suivant lequel les mêmes juridictions statuent en matière civile comme en matière pénale. Durant la phase de jugement, la procédure a toujours été orale, publique et contradictoire. En outre, ce qui manifeste l’influence du système accusatoire, c’est le rôle développé de la victime. Elle a, dans notre système procédural, beaucoup plus de droit que l’on ne lui en reconnaît en général à l’étranger.

La victime a depuis toujours des prérogatives renforcées : elle peut déclencher l’action publique, y compris contre la volonté du ministère public. Elle sera ensuite présente devant la juridiction pénale pour y faire valoir ses droits, on dit alors qu’elle se porte partie civile. Elle peut exercer l’action civile au pénal, et peut donc demander réparation du préjudice causé au juge pénal. Nous sommes un des rares pays qui accorde cette prérogative à la victime.

Cette évolution qui est donc ancienne, a été accentuée par l’influence de la CESDH et donc par l’influence des arrêts de la Cour EDH. Cette influence est telle que le modèle accusatoire tente à devenir aujourd’hui prédominant. Il s’agit d’un modèle accusatoire qui, selon le professeur Conte, imposé par la Convention et la Cour EDH, n’a plus les garde-fous qu’il a eu durant longtemps par le système inquisitoire et mixte. On se trouve ici de plus en plus dans un système accusatoire, ce qui modifie le système procédural.

L’objet du procès pénal en sort insidieusement modifié. Antérieurement, dans notre modèle traditionnel mixte, le procès pénal servait à découvrir la vérité dans le respect des droits de la défense – position équilibrée. Le modèle procédural qui se met en place est très différent, sur le schéma anglo-saxon. Il ne s’agit plus maintenant de découvrir la vérité, mais que le procès soit équitable , sans savoir si le vainqueur est celui qui a tord à l’issue du procès. La question est de savoir si les droits de chacun ont été respectés . C’est une révolution culturelle qui s’opère avec le silence complice de toute une partie de la doctrine.

Il faut se référer au procès O.J. Simpson. Simpson est connu pour avoir été accusé d’avoir assassiné son ex-épouse et le compagnon de celle-ci en 1994 et pour avoir été acquitté en 1995 à la suite d’un long procès très controversé et très médiatisé. En France, l’acquitté ne peut plus être poursuivi au civil. Cela n’est pas le cas aux USA. Il a été condamné à des amendes énormes au civil. C’est ce système que l’on tente d’imposer au niveau européen.