Le droit d’auteur et les autres droits de propriété intellectuelle

Comparaison avec d’autres matières :

On distingue le droit d’auteur avec d’autres branches du droit de la propriété intellectuelle

  • propriété industrielle : brevet, dessins et modèles
  • droit à l’image
  • concurrence déloyale
  • action en contrefaçon
  1. a) Avec les brevets :

 1)   Lignes de convergences

  • La création de monopoles en vue de favoriser la création
  • Des droits très internationalisés. Depuis toujours les œuvres ont eu une vocation à traverser les frontières. Avec la mondialisation c’est encore plus vrai, d’où la nécessité, réalisée, de conclure des traités internationaux afin d’harmoniser un minimum les différentes législations nationales
  • Des droits très communautarisés. L’Union européenne a pour but de favoriser les commerce. Pour cela une uniformisation minimale des différentes législations nationales est souhaitable. C’est ce que réalisent les directives européennes.
  • Des droits très politisés, car concernant des enjeux économiques stratégiques (revendications des pays en voie de développement, négociations des Etats au sein de l’OMC= Organisation mondiale du commerce)
  • Rapprochement de certaines règles de la Propriété littéraire et artistique de celles des brevets dans la mesure où les nouveaux droits créés en Propriété littéraire et artistique ont tendance à protéger les investissements, c’est-à-dire les entreprises
  • Dans les 2 cas l’impératif de liberté de la concurrence conduit à l' »épuisement » des droits (voir infra in contenu des droits)

2)   Lignes de divergences :

  • La Propriété littéraire et artistique n’est pas fondée sur une avance naturelle, sur une idée de progrès comme l’est le brevet.
  • La Propriété littéraire et artistique est un droit personnaliste alors que la propriété industrielle est un droit à visée économique
  • Critère de protection : nouveauté pour la propriété industrielle et originalité pour la Propriété littéraire et artistique. En fait il y a des rapprochements entre les deux. En matière d’arts appliqués on recherche une originalité objective qui en réalité ne se distingue plus guère de la nouveauté.
  • Pas de dépôt en Propriété Littéraire et Artistique.
  • En Propriété littéraire et artistique la personne de l’auteur revêt une grande importance d’où un droit moral qui est un droit de la personnalité et même un droit naturel, une sorte de droit « déclaratif » et non pas un droit créé comme l’est la propriété industrielle.
  • b) Avec les dessins et modèles (=D et M) :
  • Un modèle c’est ce qui est en 3 dimensions
  • Le cumul de protection : un Dessin ou Modèle peut être cumulativement protégé par le droit d’auteur et le dépôt en tant que Dessin ou Modèle, ce qui démontre la proximité entre propriété industrielle et Propriété littéraire et artistique.

Si on choisit les Dessins et Modèles il faut un dépôt et le critère est une nouveauté présentant « un caractère propre » (art L 511-2 du Code de la Propriété Intellectuelle), ce qui démontre, ici encore, la proximité entre propriété industrielle et Propriété littéraire et artistique.

  • Il n’en reste pas moins que sur bien d’autres points il existe des différences de régime juridique selon qu’on a déposé un Dessin et Modèle ou selon qu’on ne se prévaut que des règles du droit d’auteur.
  1. c) Avec les droits de la personnalité :

 1)   Divergence théorique :

Le droit d’une personne sur son image est un droit de la personnalité comme le droit moral de l’auteur, mais pas un droit de propriété comme les droits pécuniaires de la Propriété littéraire et artistique. Rappelons que les prérogatives des individus forment la galaxie des droits subjectifs qui se décomposent en plusieurs planètes : les droits de créance (le mot devant être pris en son sens juridique) qui s’exerce contre autrui, les droits réels (droits sur une chose corporelle ou incorporelle), les droits de la personnalité (prérogatives d’une personne qur sa propre personne et que l’on peut opposer à autrui, à savoir le respect de sa vie privée ou de son droit à l’image).

Le droit d’auteur est partagé entre deux familles : le droit moral qui appartient aux droits de la personnalité, les droits pécuniaires qui relèvent des droits réels en tant que droit de propriété sur une chose incorporelle (par exemple la composition d’un tableau, prise indépendamment de son support, la toile, donne prise au droit d’auteur en tant que création intellectuelle).

2)   Rapprochements en pratique :

Le droit à l’image était une variété du droit au respect de la vie privée : ex photos de nudité, laquelle fait partie de la vie privée en tant que droit de la personnalité.

Mais aujourd’hui les photos ont une valeur patrimoniale et s’exploitent : ici le droit à l’image se détache des droits de la personnalité et se rapproche du droit d’auteur patrimonial. Certains parlent même de droits patrimoniaux de la personnalité

3)   Comparaisons de régime juridique :

  •    Le droit à l’image ressemble au droit d’auteur car c’est un pouvoir d’interdiction fait à autrui ; on peut même se demander s’il n’y a pas de pseudo droit moral, ce qui permettrait de sanctionner lorsque l’image est utilisée dans un contexte dévalorisant + il y a comme pour Propriété littéraire et artistique un droit à la caricature de l’image, mais, en l’absence de texte, ce droit est une création prétorienne par mimétisme du droit d’auteur
  •     Différences :
  • autorisation de diffusion d’une image peut être implicite alors qu’en Propriété littéraire et artistique l’autorisation doit être explicite et répondre à certaines conditions formelles (L 131-3 du Code de Propriété Intellectuelle)
  • possibilité de rémunérer au forfait et non pas en pourcentage
  1. d) Avec la concurrence déloyale (=CD) lato sensu :

 1)   Distinction entre les deux :

  •    La concurrence déloyale est un moyen de protection indirect des projets et des idées

La concurrence déloyale ne suppose pas nécessairement une situation de concurrence entre deux entreprises (Com 13 fevr 2008, CCE 2008, n°63, Caron), même si c’est souvent le cas, mais seulement une faute : risque de confusion entre les produits et services des litigants aux yeux du public, faute par comportement déloyal tel que le dénigrement des produits du concurrent etc…

Pour la concurrence parasitaire on recherche une faute particulière, telle que le « comportement consistant à se situer dans le sillage d’autrui », à profiter du travail d’autrui. Mais la jurisprudence semble aujourd’hui plus restrictive et admettre, au nom de la liberté du commerce, que le seul fait de reprendre les investissements d’autrui n’est pas en soi suffisant (voir par ex Paris 9 mars 2005, Prop Intellect 2005, 475).

2)   Quelques exemples :

  •     Concurrence Déloyale : Affaire « Nuits des héros ». Une chaîne de télévision reprend le thème, la trame, le style de décor d’une émission d’une chaîne concurrente et débauche l’animateur vedette. La ressemblance entre les 2 émissions donnera lieu à une condamnation particulièrement sévère au niveau des dommages-intérêts : 7.622.450 euros de préjudice pécuniaire et 762.245 euros de préjudice moral (Versailles 11 mars 1993, D 1993, Som 244, obs Hassler).
  •     Agissements parasitaires : on peut citer l’exemple d’une idée publicitaire mise sous la forme d’une jeune femme tenant un lave vaisselle réduit à la taille d’un flacon, image reproduisant la combinaison des couleurs et les attitudes d’une publicité antérieure pour un parfum de la marque Guerlain. Condamnation pour parasitisme : Paris 29 sept 1995, GP 26-30 mai 1996.

 3)   Utilité :

La concurrence déloyale permet de sanctionner les comportements de ceux qui utilisent un travail d’autrui qui n’est cependant pas protégé par le droit d’auteur. Ex les slogans publicitaires non banals, mais non originaux non plus sont protégés contre leur reproduction par autrui : ex le slogan « SOS dépannage » (Paris 1er avr 1966, Ann prop ind 1966, 165).

Autre exemple : la reproduction d’éléments formels non protégeables de la page de couverture de l’ouvrage d’un concurrent : TGI Paris 22 janv 2002, Légipresse 2002.I. 84.

La concurrence déloyale permet donc une sophistication du droit. Au lieu du tout ou rien (protection par la Propriété littéraire et artistique ou aucune protection) la Concurrence Déloyale permet, en l’absence de contrefaçon de sanctionner des agissements que l’on estime condamnables.

Au sein de la concurrence déloyale on peut distinguer une sous catégorie, la concurrence parasitaire, qui est le fait de profiter abusivement du travail d’autrui. Mais la notion semble un peu en recul aujourd’hui devant les Cours d’appel de Paris et de Versailles (voir Passa prop intellec 2002, n°5, p 103 ; prop intellec 2007, n°22, p 122) ; au nom de la liberté de la concurrence le seul fait de profiter de l’idée ou du travail d’autrui et de se situer dans son « sillage » n’est plus en soi une faute ; il faut de plus une faute, telle que, par exemple, un risque de confusion. En soi imiter une montre qui n’est plus protégée parce que le modèle est tombé dans le domaine  public n’est donc plus condamnable en soi : seules des circonstances particulières sont susceptibles de constituer une faute en tant qu’agissements parasitaires : ainsi le fait de galvauder (en faisant fabriquer des copies destinées à être un cadeau publicitaire) cette montre de prestige, ce qui portait atteinte à la notoriété de la marque Cartier (Com 22 oct 2002, n°00-12914).

4)   Coordination avec l’action en contrefaçon :

Généralement, en cas de contrefaçon, les avocats visent dans leurs assignations en justice la Concurrence Déloyale au côté de la contrefaçon

De 2 choses l’une :

  • ou bien la Concurrence Déloyale est retenue à titre subsidiaire, au cas où l’action en contrefaçon serait rejetée
  • ou bien les 2 sont retenus cumulativement : mais pour cela il faut des actes de Concurrence Déloyale distincts de la contrefaçon : ex remoulage d’un modèle avait permis des économies de recherches et de mise au point (Com 25 oct 1977, D1978, IR, 164) ; la volonté de se placer dans le sillage d’autrui constitue un acte distinct de parasitisme : Paris 13 déc 2002, PI 2003, n° 83[1], de même que la revente à bas prix des œuvres contrefaisantes (Com 17 mars 2004, PI 2004, n°101). La copie servile ouvre même droit à des dommages-intérêts spécifiques quand bien même il n’y a pas de fait matériel distinct de la contrefaçon (Com 12 juin 2007,n°95-17347.

 5)   Comparaison entre Propriété littéraire et artistique et Concurrence Déloyale

  • Dans la Concurrence Déloyale le principe est la liberté (du commerce) alors que dans la Propriété littéraire et artistique le principe est la la responsabilité pour violation d’un monopole.
  • Dans un cas il y a violation d’un droit subjectif et pas dans l’autre
  • Dans un cas il y a contrefaçon et pas dans l’autre.   Dans un cas il faut démontrer une faute sur le fondement de l’article 1382 du code civil  et dans l’autre il suffit de prouver l’existence d’une atteinte, même non fautive, au monopole. 

Si on voulait compléter la comparaison on pourrait aussi comparer les droits d’auteur aux droits dits voisins, dont la seul terminologie de « voisin » indique que, s’ils ne sont pas identiques aux droits d’auteurs, ils leur ressemblent et font partie de la même famille : la propriété intellectuelle. Cela ne sera toutefois pas nécessaire, car ces deux catégories seront l’objet de l’étude du présent cours.

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