La hiérarchie des normes constitutionnelles

LA QUESTION DE LA HIÉRARCHIE DES NORMES CONSTITUTIONNELLES

Les sources du droit applicable en droit constitutionnel sont variées et proviennent de textes et dates différentes. La hiérarchie des normes constitutionnelles désigne l’ordre de primauté des différentes normes juridiques au sein d’un système juridique donné. Cette hiérarchie établit la suprématie de la Constitution par rapport aux autres normes législatives ou réglementaires.

Au sommet de la hiérarchie des normes se trouve la Constitution, qui est considérée comme la norme fondamentale et suprême d’un État. La Constitution établit les principes fondamentaux, les droits et les devoirs des citoyens, ainsi que l’organisation et le fonctionnement des institutions de l’État.

En dessous de la Constitution, viennent les lois constitutionnelles ou organiques. Ces lois sont adoptées pour réglementer des domaines spécifiques qui sont prévus par la Constitution elle-même. Elles ont une autorité législative supérieure aux lois ordinaires et nécessitent souvent des conditions de majorité ou de procédure particulières pour être adoptées ou modifiées.

Les lois ordinaires, quant à elles, occupent un niveau inférieur dans la hiérarchie des normes. Elles sont adoptées par le Parlement et réglementent divers domaines de la vie quotidienne, tels que le droit civil, le droit pénal, le droit administratif, etc. Les lois ordinaires doivent être conformes à la Constitution et ne peuvent pas contredire les dispositions constitutionnelles.

Ensuite, viennent les règlements et les décrets, qui sont des normes édictées par l’exécutif, généralement le gouvernement, pour mettre en œuvre les lois et les politiques publiques. Ces normes doivent également être conformes à la Constitution et aux lois. Elles ne peuvent pas aller à l’encontre des principes fondamentaux établis par ces normes supérieures.

Enfin, les actes administratifs et les décisions des autorités administratives occupent le niveau le plus bas de la hiérarchie des normes. Ils sont édictés par les autorités administratives pour appliquer les règlements et les décrets. Ces actes doivent être conformes à la Constitution, aux lois et aux règlements qui les encadrent.

SECTION 1. LE CONSTAT : L’HÉTÉROGÉNÉITÉ DES SOURCES DU DROIT

Il y a plusieurs sources d’hétérogénéité qui sont porteuses de contradictions particulières. Il y a une hétérogénéité dans le temps, concernant la rédaction des textes.

Concernant l’hétérogénéité dans le temps, il y a différentes sources constitutionnelles écrites dans les épiques différentes. En pratique, ces sources présentent des âges idéologiques différents concernant les droits de l’Homme et les garanties fondamentales. La différence se fait entre l’âge libéral et l’âge socialiste. L’âge libéral concerne les droits individuels. L’âge socialiste concerne les droits de créance, l’intervention de l’Etat pour donner les droits et libertés. Il s’agit donc de l’Etat providence au lieu de l’Etat gardien de nuit.

Concernant l’hétérogénéité entre les droits eux même, la conciliation de ces droits ne peut se faire naturellement. Il y a un aspect structurel marquant toute approche individualiste des droits de l’Homme. C’est l’idée qu’il y a une contradiction permanente entre les droits de l’Homme et les droits de la société. Le 25 juillet 1989, on a la contradiction entre la liberté du salarié et la liberté syndicale devant le Conseil constitutionnel.

En réalité, l’affaire est assez simple car c’est l’office même de tout juge d’organiser des conciliations nécessaires. Dans ce cas, le juge constitutionnel n’est pas dans une autre démarche que le juge ordinaire mais exactement la même. Au moment d’arbitrer et de concilier, les choses sont difficiles.

Concernant l’hétérogénéité de la rédaction des textes, il faut tenir compte de la nature de l’écriture du texte qui est un point important pour le juriste. L’écriture du texte conditionne la normativité du texte. Ainsi, pendant longtemps, on a hésité à donner de la normativité aux déclarations de droits et on donné un privilège au législateur ainsi. Du coup, le Conseil constitutionnel a été obligé de distinguer entre les règles et les principes. Un principe est une proposition générale annoncée en termes abstraits. La règle est une proposition rédigée concrètement et content des dispositions précises avec de la normativité.

En droit constitutionnel, il y a peu de textes précis. Exemple d’ambiguïté source d’interprétation, une fois la liberté d’enseignement déclaré, le corolaire est le respect de l’institution.

Cette distinction entre les principes et les règles a donc une portée limitée. C’est d’autant plus difficile que le Conseil constitutionnel a fait un usage indifférencié des textes de valeur constitutionnelle. On s’en remet donc au pouvoir d’interprétation du juge qui devra prendre en compte les diverses rédactions. Il ne rejettera jamais une disposition sous prétexte qu’elle n’est pas assez précise.

SECTION 2. LE REFUS D’UNE HIÉRARCHIE FORMELLE

Une des premières façons de remettre de l’ordre est de mettre en place une hiérarchie d’importance qui tient à la forme constitutionnelle donnée à ces principes et règles. Une partie de la doctrine a tenté de donner une hiérarchie. Derrière des arguments juridiques, ce sont avant tout des arguments idéologiques. L’objectif est de faire triompher le choix libéral ou le choix socialiste. Notamment, Goguel, disait que la Déclaration de 1789 était le noyau dur et que les autres textes entouraient ce noyau. Cela n’est pas faux mais dans ce cas on a deux types e droits : droits absolus attachés à l’Homme et les droits relatifs qui s’accrochaient à la société. Il y en a qui plaident la supériorité du Préambule de 1946 et donc la primauté des principes nécessaires à notre temps. La lecture socialiste des droits de l’Homme serait donc la lecture moderne. C’est l’idée que la loi la plus récente l’emporte sur la loi ancienne.

En réalité, le Conseil constitutionnel n’a jamais reconnu de hiérarchie formelle entre les textes. Il a rejeté la règle selon laquelle la loi nouvelle vaut sur la loi ancienne. Il a utilisé des droits plus anciens pour brider un droit plus moderne.

L’argument essentiel est qu’au fond le Conseil considère le Préambule de 1958 comme un tout solidaire.

Dans la décision du 16 janvier 1982, on a pensé que le Conseil faisait une hiérarchie en donnant à la déclaration de 1789 la place principale et au Préambule de 1946 la place secondaire. En effet, dans cette décision, le Conseil passe du temps à justifier la permanence constitutionnelle de la déclaration de 1789. On a donc cru que le Conseil soulignait le préambule en le réaffirmant. On a donc pensé que les principes nécessaires à notre temps servaient seulement à compléter les principes de 1789. Dominique Rousseau fait remarquer que le Conseil y passe beaucoup de temps car il répond seulement à l’argument socialiste qui disait que les principes de 1789 étaient en quelque sorte « morts ».

SECTION 3. EXISTE T-IL UNE HIÉRARCHIE MATÉRIELLE ?

L’idée est de dire qu’il y a quand même une hiérarchie entre les droits car ils n’ont pas tous la même valeur et les mêmes conséquences. On a présenté des arguments dans ce sens. Un des arguments est de faire la différence entre les dispositions qui sont seulement des promesses et les dispositions pouvant être mises en œuvre. Dans tous les cas, la position des juges ne peut être la même. C’est donc l’idée d’un noyau dur qui serait les droits naturels de l’Homme qui devraient être mieux protégés contre les législateurs alors que les autres droits relèvent d’une analyse conjoncturelle et peuvent être laissés à la liberté du juge.

Dominique Rousseau a son argument. Il fait remarquer que personne ne s’accorde sur la liste des principes formant le noyau dur.

En pratique, c’est vrai qu’il y a des différences et des préférences. Le Conseil constitutionnel va incontestablement tenir compte de ces différences de contenu. Au fond, il n’y a pas de système commun. L’arbitrage se fait au cas par cas et donc la démarche est prétorienne.

SECTION 4. LES PROCÉDURES DE CONCILIATION

Il s’agit ici du pur terrain de la conciliation prétorienne. La première idée est de dire qu’il n’y a pas de droits fondamentaux. Dès 1789, on prévoit des dérogations à la liberté. Les bornes sont déterminées par la loi. Le juge constitutionnel par son contrôle est associé à la détermination de ces bornes. Le juge n’a jamais l’initiative de son contrôle et donc son contrôle est essentiellement à postériori. Il fat comprendre que le contrôle à posteriori est un contrôle qui ne bride pas complètement le législateur car le juge dit seulement que ce qui a été fait n’était pas nécessaire ou proportionnel mais le juge ne dicte pas la position inverse. Le législateur n’est donc pas tenu de prendre la démarche inverse.

Le juge détermine les limites acceptables d’une liberté en mettant notamment la liberté en rapport avec le contexte social. C’est l’idée qu’un droit s’exerce dans une société donnée. Pour prendre en compte cet élément, le Conseil va soumettre la liberté à l’appréciation de l’intérêt général ou des objectifs à valeur constitutionnelle. Il y a les hypothèses ou le Conseil constitutionnel met en rapport la liberté avec l’intérêt général. La notion d’intérêt général est vague mais elle est évidente.
Par exemple, le 16 janvier 1982, le Conseil constitutionnel analyse la question de l’égalité de traitement de ceux qui sont nationalisés et des atteintes éventuelles à l’intérêt général. Le juge répond que le gouvernement a le droit d’exclure l’indemnisation car les difficultés internationales résultant de la nationalisation pouvaient compromettre l’intérêt général. Inversement, les banques mutualistes exclues de l’indemnisation ne devaient pas se faire car cela porte atteinte au principe d’égalité selon le Conseil constitutionnel.

Autre exemple, le Conseil constitutionnel a admit des limites au droit de grève dans l’audiovisuel notamment (25 juillet 1999).

Le contexte social s’exprime aussi par la soumission à des objectifs et principes constitutionnels. Le 8 janvier 1991, il s’agit d’une loi limitant la publicité pour l’alcool et le tabac qui touche a droit de propriété et la liberté d’entreprendre mais le Conseil estime que cette loi est justifié par le principe constitutionnel de préservation de la santé.

On pose aussi des limites matérielles à la liberté. On peut notamment adapter un régime d’autorisation préalable pour tenir compte des moyens techniques propres aux moyens de la communication. On est ici dans la liberté de la presse qui donne comme principe général de déclaration préalable.

Le 17 janvier 1989, cette conciliation opérée par le Conseil constitutionnel s’y retrouve bien. Il commence par rappeler l’étendue de la compétence du législateur en vertu de l’article 34. Il fixe les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques. Il précise la nature de la compétence u législateur qui est de concilier en l’état actuel des techniques et de sa maitrise avec aussi le respect d’objectifs de valeur constitutionnelle. Ici, on retrouve une liste importante qui intervient : sauvegarde de l’ordre public, respect de la liberté d’autrui, préservation du caractère pluraliste des expressions de courant auxquels les modes de communications audiovisuels peuvent porter atteinte. Cela justifie que le législateur organise une autorisation administrative entre les mains du CSA.

Après la mise en rapport avec le contexte, le Conseil constitutionnel met aussi en rapport la liberté avec le maintien de l’ordre public qui est un objectif de valeur constitutionnelle. Cela signifie qu’on ne peut donc pas lui donner à l’avance un contenu précis. C’est davantage un objectif qu’une norme. Cependant, sa valeur constitutionnelle le place au dessus de la loi et donc le Conseil constitutionnel peut l’invoquer. Il y a des cas où le Conseil évoque tout simplement le maintient de l’ordre public en disant que le législateur doit concilier l’exercice des libertés avec le maintient de l’ordre public. En 1981, concernant la loi sécurité liberté, il s’agissait de la vérification de l’identité par conduite au poste de police. Le Conseil a dit qu’il faut voir la sauvegarde de l’ordre public justifiant cette mesure.

Troisièmement, le juge constitutionnel met en rapport la loi avec les autres droits et libertés e concurrence. Le premier exemple est la mise en rapport d’une liberté avec l’égale liberté d’autrui. Dans le cadre e la liberté de l’enseignement, le Conseil met en rapport la liberté de conscience des enfants et des parents avec celle des enseignements. La conciliation se fait autour du droit de réserve qui ne porte pas atteinte à la liberté de l’enseignement. Le 25 juillet 1989, on a concilié la liberté personnelle du salarié avec la liberté syndicale.