Immunité des représentants et agents
L’Etat ou les Organisations Internationales jouissent d’une immunité. La raison d’être serait réduite à néant si on se limitait aux actions contre l’Etat, vu que ce sont des personnes physiques qui agissent au nom de l’Etat. Donc le Droit International a prévu une protection des représentants, qui est historiquement apparue en premier par la protection des diplomates. Donc on protège les représentants et les agents.
Le régime de la protection va pouvoir être plus étendu que la raison pour laquelle on leur a octroyé l’immunité. Ces personnes bénéficient de l’immunité en raison de leurs fonctions, mais la protection est plus large, puisque l’objectif est d’empêcher toute interférence dans l’activité soit de l’Etat, soit de l’Organisation Internationale (ex : harcèlement judiciaire).
I – LES AGENTS OU REPRÉSENTANTS DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES
- Droit international public
- Le règlement juridictionnel des différends (arbitrage, CIJ)
- Le règlement non juridictionnel des différends internationaux
- Le règlement pacifique des différends internationaux
- L’effet direct du Droit International
- La primauté du droit international sur le droit interne
- Conditions de l’intégration du droit international en droit interne
D’une manière générale, les agents des Organisations Internationales bénéficient de certaines immunités. Pour ce qui est des agents, c’est dans le cadre de leurs fonctions. Affaire en cassation en décembre 2006 : plainte d’un agent de l’OCDE contre un autre agent pour harcèlement, celui-ci a intenté une action pénale pour diffamation c/ la personne qui l’a dénoncé et les experts. La Cour de cassation a considéré que ces personnes agissaient dans le cadre de leurs fonctions au sein de l’OCDE, donc bénéficiaient d’immunité.
Les agents des Organisations Internationales bénéficient aussi d’immunités fiscales, notamment une exemption d’impôts sur le territoire duquel l’Organisation Internationale est implantée. Cette immunité fiscale s’explique par le principe d’égalité, pour pas qu’il y ait d’inégalité entre les Etats.
Pour ce qui est des directeurs des Organisations Internationales, c’est là encore le droit conventionnel qui s’applique, donc il faut examiner si l’accord de siège, ou si l’accord sur les privilèges et les immunités, prévoit une protection du directeur ou du secrétaire général de l’Organisation Internationale. La plupart du temps, l’Organisation Internationale prévoit une protection équivalente à celle des ambassadeurs (protection maximale, inviolabilité totale, c’est-à-dire interdiction de poursuites et d’arrestations). Lorsqu’en Mars 2011, DSK, directeur du FMI, est arrêté par la police new-yorkaise pour l’affaire du Sofitel : l’immunité contre l’arrestation ne peut être prévu que par convention, or celle du FMI ne prévoit rien. Cette Organisation Internationale étant un organe spéciale de l’ONU, il faut regarder la convention de 1947 : est accordée une immunité égale à celle accordée aux chefs de mission diplomatiques, mais les USA n’ont pas ratifié cette convention, et ne sont donc pas tenus d’accorder une protection à DSK. Il pouvait donc être arrêté à NYC, mais pas en France. Toutefois, certains se demandent si cette immunité n’est pas devenue une règle coutumière. L’immunité a été invoquée pour les poursuites au civil. Mais cette protection s’arrête au moment ou cessent les fonctions, sauf pour tous les actes accomplis dans l’exercice des fonctions.
II – LES AGENTS OU REPRÉSENTANTS DES ÉTATS
il faut en distinguer plusieurs types.
- Les diplomates, ceux à la tête de missions diplomatiques. Ils bénéficient d’une immunité de droit coutumier, codifié par la Convention de Vienne du 18 avril 1961 relative aux relations diplomatiques. La protection va être beaucoup plus large que celle qui va justifier l’octroi de cette protection. La particularité est que le diplomate a une résidence permanente sur le territoire de l’Etat accréditaire. Donc il peut faire l’objet de pressions, d’embarras… Donc il a une immunité qui couvre très largement ces fonctions. L’article 31 de la Convention de Vienne de 1961 pose le principe d’une immunité totale de juridiction en matière civile et pénale sauf pour les propriétés immobilières, successions, et activités commerciales privées. Il bénéficie aussi d’une inviolabilité totale. La convention de Vienne va plus loin en protégeant le diplomate de tout harcèlement indirect : les membres de la famille proche sont également protégés, ils ne peuvent pas faire l’objet de poursuites.
Cette immunité de l’ambassadeur ne joue qu’à l’égard de l’Etat accréditaire, s’il est en dehors de cet Etat, il peut faire l’objet de poursuites. Le problème n’est pas le même, il y aura interférence avec les fonctions mais pas par l’Etat auprès duquel il exerce ses fonctions.
La position concernant les ambassadeurs est assez claire car elle fait l’objet d’une pratique.
- La question est plus délicate pour les représentants erga omnes : le chef d’Etat, chef de gouvernement et ministre des affaires étrangères. La logique serait que tous les Etats doivent accorder une protection à une telle personnalité. Or, alors que les ambassadeurs résident sur le territoire, eux peuvent être amenés à se déplacer :
- Lors d’une visite officielle, ils bénéficient de la même protection qu’un ambassadeur.
- Lors d’une visite privée (aucun précédent d’action intentée contre un représentant erga omnes lors d’une visite privée) on peut penser qu’ils bénéficient d’une immunité pareille que lors de la visite officielle.
- Quelle est l’étendue de la protection ? En matière civile et commerciale, il n’y a eu aucune action intentée contre un chef d’Etat en exercice.
En revanche, en matière pénale, il y a quelques affaires, notamment l’affaire du mandat d’arrêt du 10 avril 2000, arrêt de la CIJ du 14 avril 2002 : un ministre des affaires étrangères du Congo avait fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la part des juridictions belges. Le Congo a saisi la CIJ –> violation de l’immunité du ministre. La cour a considéré que le mandat, étant émis pendant que le ministre des affaires étrangères était en fonction, violait le principe d’immunité. Le mandat entravait les fonctions du ministre, surtout qu’il avait été transféré à Interpol.
Dans un arrêt du 4 juin 2008 : un juge français avait convoqué pour témoignage le chef d’Etat de Djibouti, qui a considéré que c’était une violation de son immunité pénale. La Cour a fait référence à l’arrêt de 2002, donc la CIJ considère que c’est un même ensemble de règles qui protège le ministre des affaires étrangères et le chef de gouvernement. Ils disposent donc d’une immunité pénale absolue dans le cadre de leurs fonctions. La Cour de cassation a confirmé cela dans l’affaire Kadhafi relatif à un attentat qu’il aurait ordonné. La Cour de cassation a dit dans un arrêt du, qu’en tant que chef d’Etat il bénéficiait d’une immunité pénale absolue, qui couvre TOUS les actes de la procédure pénale. Donc tout acte lié à la procédure pénale est interdit à l’encontre d’un représentant erga omnes. En revanche, une invitation à témoigner n’est pas couverte par l’immunité pénale, donc quand la France a invité le Président du Djibouti à témoigner, il n’y avait pas interférence.
Dans l’affaire Breisacher, arrêt de la Cour de cassation de 2001, était en cause une convocation à témoigner envoyée au Président Chirac, qui était considéré comme allant à l’encontre de l’immunité pénale, puisque le Code de Procédure pénale considère que si la personne ne répond pas à la convocation on peut faire usage de la force publique pour le forcer. Depuis, le Quai d’Orsay a précisé qu’il fallait que dans la convocation, pour pas que la CPP soit appliqué, il y ait une invitation à témoigner.
Cette immunité pénale doit être tempérée :
- Elle ne joue que devant les juridictions pénales internationales, et donc pas devant les juridictions pénales internationales. Donc ces juridictions peuvent mettre en examen, enquêter sur les actes des officiels. C’est ainsi que le TPY avait pu engager des procédures contre Milosevic alors même qu’il était président de l’ex-Yougoslavie.
- L’immunité cesse avec les fonctions. C’est ce qu’avait dit la cour dans l’affaire du mandat d’arrêt du 14 février 2002. C’est également ce qu’avait dit la chambre des Lords dans un arrêt du 24 mars 1999, dans l’affaire Pinochet: on se posait la q° de l’étendue de protection dont pouvait bénéficiait un ancien chef d’Etat (l’Espagne demandait l’extradition). La Chambre des Lords rappelle qu’un chef d’Etat en exercice bénéficie d’une immunité absolue, mais pour un ancien représentant, la protection cesse sauf pour les actes accomplis dans l’exercice des fonctions.
Mais comment définir un acte pris dans l’exercice des fonctions ? Dans un arrêt de la Chambre des Lords du 25 Novembre 1998 (toujours affaire Pinochet), il y a eu un débat : entre-t-il dans les fonctions du chef de l’Etat de torturer sa population et de la faire disparaitre ? Evidemment que non, la question n’a pas de sens. On est quand même embarrassé pour savoir quelle est l’étendue d’un ancien chef de l’Etat. Le tout suppose l’usage de l’autorité publique, ca entre donc dans le cadre des fonctions d’un point de vue strictement matériel des actes, en admettant que, pour certains actes il existe deux types de responsabilité :
- Une responsabilité internationale à mettre en œuvre dans le cadre international
- Et pour les crimes internationaux réprimés par des conventions, il existe une responsabilité individuelle qui elle n’est pas couverte par l’immunité car cette responsabilité est prévue par des conventions. C’est ce qui permet par exemple d’engager la responsabilité individuelle des responsables serbes ayant commis des actes de génocide tout en mettant en cause la responsabilité de l’Etat serbe au niveau international, les deux responsabilités sont distinctes.
Lorsqu’on parle des immunités, on est à la croisée de deux éléments du statut de l’Etat. Tout dépend de l’angle sous lequel on l’aborde : un Etat est obligé de ne pas exercer certaines compétences dans certains domaines. C’est aussi un élément de protection, qui est soit la cause, soit la conséquence de la règle immunitaire.