Influence du droit civil et commercial sur le contrat administratif

Les principes administratifs

On étudiera l’influences sur le contrat administratif de certains principes juridique comme la liberté du commerce et de l’industrie, le respect du droit de la concurrence et du droit civil

P1- La liberté du commerce et de l’industrie

C’est une liberté publique : Conseil d’Etat. Daudignac. 22 juin 1951. Initialement, la puissance publique ne pouvait prendre en charge une activité économique qu’en cas de carence de l’initiative privée et en vertu d’un intérêt public : Conseil d’Etat. 30 mai 1930. Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers. Ces conditions initialement restrictives ont été assouplies. Notamment, l’intérêt public a été entendu de manière de plus en plus souple. Certaines activités habituellement privées ont pu être rattachées à un intérêt public : CE. 20 novembre 1964. Ville de Nanterre (un cabiné de dentiste municipal). Conseil d’Etat. 18 décembre 1959. Delansorme : il suffit que l’activité soit utile à la mission de service public pour permettre une complémentarité entre un service existant et une activité commerciale et industrielle. Conseil d’Etat. 29 avril 1970. Unipain : le principe de la LCI ne fait pas obstacle à ce que l’Etat satisfasse par ses propres moyens aux besoins de ses services.

Toute cette jurisprudence a pu poser des problèmes concernant le respect d’un autre principe qui est celui de spécialité pour les personnes publiques. Hormis pour l’Etat, les personnes publiques sont régies par le principe de spécialité qui conditionne leur champ d’action. Notamment, les collectivités territoriales doivent justifier d’un intérêt public local. Aussi, les établissements publics doivent inscrire leur action dans le champ d’une spécialité fonctionnelle. Cela signifie qu’en dehors de cette spécialité, un contrat sera illégal. Par exemple, un hôpital public ne peut pas conclure un contrat avec une clinique privée par lequel cet hôpital assurerait un service de blanchisserie : CAA de Nantes. 29 mars 2000. Centre hospitalier de Morley. Une personne morale dont la création est justifiée par la mission qui lui a été confiée n’a pas de compétence générale au delà de cette mission, selon la formulation générale qu’use le Conseil d’Etat. Mais le Conseil d’Etat permet d’exercer des activités qui sont techniquement et commercialement le complément normal de la mission statutaire de la personne morale et qui présente une utilité directe pour cette personne morale.

Un avis nommé cinémathèque du 18 mai 2004 a fait que le Conseil d’Etat a admit la légalité d’activités commerciales complémentaires susceptibles d’apporter au service public culturel des ressources propres à la cinémathèque, la vente d’ouvrages spécialises et une restauration rapide en l’espèce. C’est légal car ces mesures restent accessoires et sont prévues pour le personnel de la cinémathèque. De ce point de vue, le cocontractant privé de l’administration peut bénéficier de cette jurisprudence s’il accompagne le service public d’une activité accessoire qui en est le complément.

Du point de vue des collectivités territoriales, il y a un trafic de spécialité qui est fonctionnelle ou aussi géographique. Conseil d’Etat. 18 mai 2005. Territoire de la Polynésie française : le Conseil d’Etat rattache un service public de transport aérien à une politique publique d’aménagement du territoire, le tout pour relever qu’il existe bien un intérêt public local.

La LCI est d’abord une limite à la réglementation des activités économiques et c’est aussi une limite à la prise en charge par l’Administration d’activités économiques. L’état du droit est relativement stable sur l’interventionnisme public car les personnes publiques ne peuvent pas prendre en charge une activité économique sans intérêt public. Quant à la réglementation des activités économiques, le Conseil d’Etat affirme que les personnes publiques ne doivent pas apporter aux activités de production, de distinction ou de service exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi.

Au delà, la LCI joue assez peu en matière de contrats administratifs pour des séries de raisons. L’une d’entre elle, surement la principale, est que souvent au moment où la puissance publique conclut un contrat avec un tiers, le service public existe déjà et donc la question de l’interventionnisme public se pose en amont. Il faut distinguer la question de la prise en gestion du service public et la question des modalités de gestion. Les autres raisons peuvent être repérées dans la jurisprudence en matière de commande publique et en matière d’occupation du domaine public. En matière de commande publique, les influences de la LCI sont relatives. D’après la jurisprudence administrative, la LCI n’est pas susceptible en elle même de s’opposer à la candidature d’une personne publique à un contrat public. La jurisprudence oblige donc à distinguer le fait même de candidater à un contrat et la prise en charge d’une activité économique (Conseil d’Etat. 16 octobre 2000. Compagnie méditerranéenne d’exploitation des services d’eau, en matière de délégation de service public). Il en va de même pour les marchés publics où le Conseil d’Etat estime que la candidature d’une personne publique à un marché public n’est pas subordonné à la carence d’initiative privée ni à l’existence d’intérêt public dès lors qu’il ne s’agit pas de la prise en charge en l’espèce par un département d’une activité économique mais uniquement de la candidature d’un de ses services dans le respect des règles de la concurrence à un marché public de l’Etat (Conseil d’Etat. 10 juillet 2009. Département de l’Aisne). En matière d’occupation de domaine public, le Conseil d’Etat considère qu’il n’y a aucun droit à la délivrance d’une occupation domaniale et la décision de délivrance ou non n’est pas susceptible de porter par elle même atteinte à la LCI (Conseil d’Etat. RATP. 23 mai 2012). Encore, on distingue la gestion du domaine et l’intervention directe sur l’économie.

Dans tous les cas, le Conseil d’Etat réserve le respect du droit de la concurrence dès le stade de la passation du contrat.

P2- Le droit de la concurrence

Aujourd’hui, il vise l’action administrative selon deux modalités. D’une part, toute activité de production, de distribution ou de service, y compris celle qui est le fait d’une personne publique notamment dans le cadre d’une DSP, est directement soumise au droit de la concurrence. On a une sorte d’indifférence du critère organique propre à l’UE. L’article L. 410-1 du code de commerce pose l’applicabilité des règles de concurrence à toute activité marchande indépendamment du critère organique. Il y a un bloc de compétences spécifique en matière de répression des comportements concurrentiels car lorsqu’une personne publique agit économiquement sans respecter le droit de la concurrence, elle sera jugée par le Conseil de la concurrence.

Le droit de la concurrence doit aussi être pris en compte par l’administration même lorsqu’elle ne prend pas en charge une activité économique. Les décisions de l’autorité publique ne doivent pas conduire ou permettre à un opérateur de commettre une pratique anticoncurrentielle. Dans ce cas, le juge administratif est compétent pour sanctionner des agissements administratifs relevant de l’action publique: Conseil d’Etat. Société Million et Marais. 3 novembre 1997. En l’espèce était en cause une concession de service public entre une commune et une société de pompe funèbre qui en vertu du contrat bénéficiait de droits exclusifs pour exercer sa mission. Une autre société de pompe funèbre avait engagé une action en responsabilité devant le juge judiciaire et ce dernier était confronté à la question de savoir si le droit exclusif conféré par le contrat était légal ou pas. Ce dernier a posé une question préjudicielle au juge administratif. L’arrêt opère une nouveauté car pour la première fois le Conseil d’Etat apprécie au regard des règles internes de concurrence.

Le droit de la concurrence peut appeler à contrôler l’objet et la durée du contrat et donc la volonté des parties sera contrôlée en matière de durée et d’objet, à encadrer les actions administratives que l’administration impose dans un appel d’offre des conditions telles qu’elles impliquent une entente entre les opérateurs économiques ou qu’elle privilégie d’emblée un opérateur, à limiter les possibilités de prolongation d’un contrat notamment en matière de conclusion d’avenants au contrat administratif. Cela dit, il est parfois difficile à déceler un lien entre une décision administrative classique et une situation anticoncurrentielle. La théorie de l’abus automatique de position dominante montre cette difficulté.

P3- Le renouveau des principes contractuels

On constate en jurisprudence administrative un retour à des concepts contractuels classiques et donc des règles juridiques voulant donner un sens à l’idée que le contrat est d’abord un accord des parties. La plupart de ces règles sont anciennes, parfois non écrites. Aujourd’hui, elles répondent à une sécurisation des contrats administratifs, notamment le droit positif s’est montré attentif au fait que certaines illégalités paraissent trop dérisoires pour remettre en cause de manière rétroactive l’ensemble des relations contractuelles. Cette sanction rétroactive est d’autant plus problématique lorsque le contractant dénonce une illégalité plusieurs années après la conclusion du contrat, et donc pour éviter des pratiques marquées par la mauvaise foi, le juge administratif a réactivité un principe de loyauté des relations contractuelles. L’exigence de loyauté telle que dégagée semble analogue au principe de bonne foi. Cela témoigne du rapprochement entre le droit privé et le droit public mais il y a des concours propres à la loyauté en droit public. La loyauté est favorable aux contrats en disant que c’est la loi des parties mais en même temps elle restreint les prétentions d’une partie considérée par le juge comme de mauvaise foi et donc cela permet de limiter le contentieux et de renouveler l’office du juge en matière contractuelle. L’office du juge a été modifié en matière de contentieux de la validité du contrat (Conseil d’Etat. Commune de Bézier I. 28 décembre 2009). Par ailleurs, il y a aussi un renouveau pour le contentieux de l’exécution du contrat car il incombe au juge de faire application du contrat et ce sera qu’en cas grave que l’exécution du contrat pourra être écartée (Conseil d’Etat. Section. Commune de Bézier II. 21 mars 2011).

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