LA RESPONSABILITÉ DES PÈRE ET MERE DU FAIT
DE LEURS ENFANTS MINEURS
(article 1384, al 4 du Code civil)
= autre cas de responsabilité délictuelle du fait d’autrui.
Art 1384, al 7 prévoit une exonération possible des parents lorsqu’ils prouvent « qu’ils n’ont pas pu empêcher le fait qui donne lieu à leur responsabilité. ». Cette exonération est devenue purement théorique. E° considérable et récente de la responsabilité parentale.
- Cours de droit de la responsabilité civile
- Définition de la responsabilité civile
- Distinction entre responsabilité civile, pénale, administrative
- Distinction entre responsabilité délictuelle et contractuelle
- Histoire de la responsabilité civile
- Objectivation et collectivisation de la responsabilité civile
- Le non-cumul des responsabilités délictuelles et contractuelles
1) Depuis le Code civil, responsabilité fondée sur la double présomption simple de faute des parents:
– présomption faute de surveillance des parents
– faute commise dans l’éducation des parents sur leurs enfants et engendre aussi des devoirs.
2) Au fil des décennies, les parents avaient de plus en plus de mal à renverser cette dble présomption. Beaucoup d’auteurs considéraient qu’il fallait y mettre fin en admettant une véritable Responsabilité Sans Faute. Courant doctrinal assez fort en ce sens.
3) Civil 1ère, 19 fév. 97, Bertrand: Revirement Jurisprudentielle. Les père et mère sont responsables de plein droit de fait de leurs enfants mineurs. Ils ne peuvent s’exonérer que par la Force Majeure ou la faute de la victime. Fondement sur l’idée du risque: doivent assumer le risque créé par l’activité de leurs enfants et être objectivement déclarés responsable car ils ont une autorité parentale en vertu de la loi.
- Parfois autres explications de la doctrine quant à la responsabilité des parents.
– disent que les parents sont de véritables garants de leurs enfants. Ils doivent protéger les victimes de l’insolvabilité de leurs gosses. La responsabilité fait office de garantie.
– idée de solidarité familiale justifierait ici la responsabilité. > Tout ça n’est pas faux mais aujourd’hui la vraie raison est la notion de risque.
I/ LES CONDITIONS
Art 1384, al 4: « Le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux. »
– posées par la loi: > le fait dommageable du mineur
> Condition d’autorité parentale
> Notion de cohabitation
A_ LE FAIT DOMMAGEABLE DU MINEUR
= le fait générateur de la responsabilité 2 PRECISIONS
> Présence d’un fait émanant d’un mineur non-émancipé
> faut que le fait dommageable du mineur doit être un fait causal. Jurisprudence a évolué sur cette notion de fait causal.
1) pendant longtemps, exigence d’une faute du mineur lui étant moralement imputable (pas de démence, mineur en très bas âge privé de discernement). Jurisprudence s’est contentée d’une simple faute objective.
2) a.60: Jurisprudence va plus loin. Même sans faute, mineur pouvaient engager la responsabilité en tant que gardien d’une chose et du même coup, engagement de la responsabilité de ses père et mère. A p. de cette époque, Jurisprudence se contentait d’un fait du mineur générateur de sa propre responsabilité.
3) Assemblée Plénière, 9 mai 1984, Fullenwarth: il suffit que le fait du mineur soit une « cause directe du dommage » pour engager la responsabilité des parents. Même pas nécessaire que le fait du mineur soit de nature à engager sa propre responsabilité.
> Cet arrêt n’a pas convaincu. Dans les arrêts postérieurs, pour engager la responsabilité des parents, exigence d’une faute où la responsabilité du mineur est engagée en tant que gardien d’une chose = On n’a jamais admis qu’un simple fait causal qui ne soit pas de nature à engager la responsabilité du mineur suffise à engager la responsabilité des parents. Cet arrêt n’a pas convaincu.
4) Civil 2ème, 10 mai 2001, Levert: la responsabilité des parents n’est pas subordonnée à une faute du mineur.
Consécration de l’arrêt Fullenwarth par Assemblée Plénière, 13 déc. 2002: « pour engager la responsabilité des parents, il suffit que le dommage ait été directement causé par le fait même non fautif du mineur ».
- PORTEE DE CETTE Jurisprudence =
1) Jusque-là, il n’existait que la responsabilité indirecte des parents plus responsabilité du mineur. Les parents étaient en quelque sorte des responsables complémentaires. Avec la Jurisprudence Levert, la responsabilité des parents devient directe. Le fait n’a plus à être générateur de responsabilité civile (évolution : arrêt Bertrand et Levert)
2) cette évolution subit une critique presque unanime de la doctrine. Elle est trop sévère, trop excessive à l’égard des parents. Les Parents peuvent ainsi parfois être plus responsables que les enfants eux-mêmes.
- Abandon de cette Jurisprudence par APC. Exigence d’un fait générateur du mineur de nature à engager sa propre responsabilité
B_ UNE AUTORITE PARENTALE
– faut un lien de filiation parents/enfant (naturel ou adoptif)
– que les parents aient l’exercice de l’autorité parentale
> Exclusion des parents déchus
> Exclusion de la responsabilité des grands-parents.
– si autorité conjointe = ils sont déclarés solidairement responsable par la loi.
– divorce/séparation de corps. Selon décision du juge:
= exercice conjoint de l’autorité parentale
= le juge du divorce peut ne l’attribuer qu’à UN parent. L’autre n’est plus responsable de plein droit. Cependant, il pourra être déclaré responsable pour faute sur fondement de l’article 1382 Cc.
C_ UNE COHABITATION
pose le plus de difficultés
Art 1384, al 4: l’enfant doit habiter avec ses parents au moment du fait dommageable pour que ses parents soient responsables.
1) Cela se justifiait partiellement à l’époque où la responsabilité des père et mère était fondée sur une présomption de faute, en particulier dans la surveillance de l’enfant. On ne peut le surveiller que s’il cohabite avec les parents. Cela se justifiait moins bien au regard de la présomption de faute dans l’éducation. Déjà certaines critiques de la part de la doctrine à ce sujet.
2) condition devenue complètement anachronique depuis arrêt Bertrand. Critique unanime. Pourtant, la Jurisprudence doit l’appliquer.
APC en propose la suppression.
3) La Jurisprudence en a toujours eu une conception large de la notion de cohabitation. Laxisme accru depuis Jurisprudence Bertrand, notion édulcorée. Certains auteurs disent que c’est devenu une condition purement théorique.
> Courte séparation parents/enfant. Pendant que l’enfant séjourne quelques heures chez les amis, grands-parents, école, il y a toujours cohabitation.
> Une absence prolongée de quelque jours, semaines (vacances chez les g-parents) = toujours cohabitation°.
> Cour de Cassation va beaucoup plus loin. Un enfant placé en internat = cohabitation (TD, Civil 2è, 29 mars 2001).
> Encore mieux. Un enfant qui n’a jamais vécu avec les parents, est élevé par les grands-parents et ce depuis 13 ans = cohabitation° avec les parents! Notion vidée de sa substance.
> Cohabitation° ne cesse pas lorsque la séparation enfant/parents est due à la faute des parents: séparation de fait des parents; abandon du foyer par l’un des parents; tendance à considérer la fugue de l’enfant comme due à l’attitude des parents!
DEFINITION Cour de Cassation (souple, large), arrêt Civil 2, 20 janv. 00. La cohabitation° résulte de la résidence habituelle du mineur au domicile de ses parents ou de l’un deux.
- CESSATION DE LA COHABITATION:
– seul cas certain = une décision de justice attribue la résidence de l’enfant à l’un des parents ou décision judiciaire dit que cohabitation a cessé avec les 2 parents. (Cadre divorce/séparation de corps OU placement de l’enfant).
– 2 autres cas hypothétiques (Les juridictions ne les ont jamais admis)
> Lorsque le mineur est en apprentissage chez un employeur (pas exclu mais incertain)
> Lorsque l’enfant a toujours vécu et ce depuis sa naissance avec l’un des 2 parents. Est-ce raisonnable d’admettre la cohabitation avec l’autre parent?
- 3 SITUATIONS:
– rare aujourd’hui. Le juge du divorce/séparation de corps attribue l’autorité parentale à un seul des parents. L’autre est alors irresponsable. Quant est-il si droit de visite/hébergement par l’autre parent? Lorsque l’enfant cause un dommage alors qu’il est visite chez le père, il n’y a pas plus de cohabitation avec la mère. C’est problématique.
> Irresponsabilité de la mère
> Irresponsabilité du père car il n’a pas l’exercice de l’autorité parentale = on parle de responsabilité introuvable.
Civil 2, 19 fév. 97, SAMDA (qui est une compagnie d’assurance): la cohabitation ne cesse pas avec le parent attributaire de l’autorité parentale lorsqu’enfant en visite/hébergé chez l’autre.
– exercice conjoint de l’autorité parentale. Juge peut décider que l’enfant vivra habituellement chez l’un des parents. Sont tous 2 attributaires de cet exercice mais cohabitation° fait défaut avec l’un 2. Le seul parent responsable = celui avec lequel parent réside habituellement.
Si dommage causé pendant que l’autre parent exerce son droit de visite, mère seule responsable de plein droit. Père pas responsable de plein droit.
– la plus fréquente. Attribution conjointe de l’exercice autorité parentale mais gardes alternées (existe depuis loi 4 mars 2002). Jurisprudence muette mais on tend à considérer que la cohabitation persiste avec les 2 parents.
II/ LES EFFETS
– si faute du mineur (fait générateur de responsabilité): engagement de la responsabilité du mineur et responsabilité des parents.
EXONERATION DE RESPONSABILITÉ DES PARENTS TOUJOURS POSSIBLE? Arrêt Bertrand réserves 2 causes majeures:
> une faute de la victime. De façon générale, c’est une cause d’exonération partielle de la faute des parents.
> La Force Majeure : Pratiquement impossible car ils sont responsables de plein droit du seul fait que l’enfant ait causé un dommage à autrui. La Force Majeure ne joue aucun rôle. En plus, au terme de quelle circonstance serait-elle invoquée? Le fait imprévisible et irrésistible de l’enfant? Impossible car ils répondent du fait dommageable des actes de leur enfant. Aucun arrêt n’a admis cette exonération.
Cependant, les parents pourront invoquer la Force Majeure non pas pour s’exonérer mais pour détruire le lien causal, montrer que l’enfant a agi sous l’empire de la force majeure. Les juges apprécieront l’ensemble.