Les autorités de police administrative générales et spéciales

LES AUTORITÉS DE POLICE : police administrative générale et spéciale

Les autorités de police générale et spéciale ont des rôles distincts mais complémentaires pour assurer l’ordre public. La police générale, exercée par le maire, le préfet, le Premier ministre ou le Président, répond à des besoins souverains. La police spéciale, attribuée à des autorités spécifiques comme les AAI ou ministères, cible des domaines précis. En cas de concurrence, des principes juridiques tels que l’exclusivité ou la proportionnalité régulent les interventions. Autre cours : https://cours-de-droit.net/autorites-police-administrative/

Tableau sur les autorités de police en France

Aspect Police Générale Police Spéciale
Définition Fonction régalienne liée à l’exercice de l’autorité étatique pour garantir l’ordre public. Compétence déléguée par des textes pour gérer des problématiques spécifiques.
Principaux acteurs Maire, préfet, Premier ministre, Président de la République. Ministres, préfets de région, AAI (ex. AMF, Autorité de la concurrence).
Compétences locales Sécurité, salubrité, tranquillité publique au niveau communal (maire) ou intercommunal (préfet). Chasse, pêche, protection des monuments historiques ou des espèces protégées.
Compétences nationales Sécurité publique et gestion des crises à l’échelle nationale. Régulation économique, préservation des ressources naturelles et contrôle des activités stratégiques.
Concurrence entre polices La police générale peut renforcer des mesures locales si besoin (ex. arrêt Commune de Néris-les-Bains, 1902). Principe d’exclusivité prime, sauf lacunes ou absence de mesures de la police spéciale (ex. arrêt Commune de Saint-Denis, 2011).
Textes juridiques clés Article 12 de la DDHC de 1789, arrêt CE Labonne (1919). Textes législatifs ou réglementaires spécifiques à chaque domaine (ex. environnement, économie).

 

 

&1 – Les autorités de police générale

La police générale est une fonction régalienne réservée aux autorités publiques, sauf situations exceptionnelles. Cette restriction repose sur deux fondements principaux :

  1. L’interdiction de privatiser les fonctions de souveraineté, car la police générale est intrinsèquement liée à l’exercice de l’autorité étatique.
  2. L’article 12 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789, qui stipule que la garantie des droits doit être assurée par une force publique. Cet article est interprété comme interdisant d’attribuer des pouvoirs de police générale à des personnes privées.

A) Les autorités de police générale au niveau local

  1. Le maire

    • Le maire est responsable de la police municipale et exerce cette fonction au nom de la commune. Il agit dans le cadre de ses pouvoirs propres, indépendamment des délibérations du conseil municipal.
    • Ses compétences couvrent l’ensemble du territoire communal et incluent des mesures pour assurer la sécurité, la salubrité et la tranquillité publique.
    • Toutefois, lorsqu’il applique des mesures de sûreté générale au nom de l’État, le maire agit sous la tutelle des autorités centrales.
  2. Le préfet du département

    • Le préfet intervient pour des mesures de police générale dépassant le cadre d’une commune et lorsque des circonstances particulières le justifient. Par exemple, en cas de crise ou de carence des autorités municipales, il peut se substituer à celles-ci pour préserver l’ordre public.
    • En outre, le préfet coordonne les dispositifs de sécurité intérieure et joue un rôle central dans la gestion des rassemblements (manifestations, émeutes, tapages nocturnes).
    • Il exerce également une partie des compétences de la police de la tranquillité publique, en complément des autorités locales.

B) Les autorités de police générale au niveau national

  1. Le Premier ministre

    • Le Premier ministre dispose d’un pouvoir de police générale à l’échelle nationale, sous réserve du respect des lois adoptées par le Parlement.
    • Il est chargé de garantir la sécurité publique dans le cadre des grandes orientations fixées par le législateur, en veillant à concilier ordre public et libertés fondamentales.
  2. Le Président de la République

    • Le Président de la République peut intervenir en matière de police générale dans des cas particuliers :
      • Par décret en Conseil des ministres, dans le cadre de ses compétences ordinaires.
      • En application de l’article 16 de la Constitution, lorsqu’il dispose de pouvoirs exceptionnels en cas de crise grave menaçant l’existence de la nation.
    • L’arrêt CE 1919, Labonne reconnaît que le Président peut, en dehors de toute délégation législative, édicter des mesures de police applicables sur tout le territoire national. Toutefois, lorsque le législateur intervient dans un domaine particulier, le Premier ministre devient compétent pour appliquer ces mesures dans le respect de la loi.

Le principe de nécessité et les libertés fondamentales
Dans des situations exceptionnelles, les autorités publiques peuvent adopter des mesures minimales pour garantir l’ordre public, même sans habilitation législative formelle. Ce principe de nécessité permet de concilier la protection des droits fondamentaux et les impératifs d’ordre public, en veillant à respecter les exigences de proportionnalité.

 

 

&2. Les autorités de police spéciale

Définition et diversité des autorités de police spéciale

Les autorités compétentes pour exercer une police spéciale sont désignées par les textes législatifs ou réglementaires qui en définissent les contours. Ces autorités sont multiples et diversifiées, reflétant la variété des domaines couverts par ces polices.

  • Dans certains cas, les autorités compétentes en matière de police générale (comme le maire ou le préfet) exercent également des compétences en matière de police spéciale.
  • Toutefois, la majorité des polices spéciales sont confiées à des autorités distinctes, telles que :
    • Le préfet de région, qui dispose de pouvoirs spécifiques, par exemple en matière de protection des monuments historiques ou des espaces naturels protégés.
    • Les autorités administratives indépendantes (AAI), qui jouent un rôle clé, notamment dans les domaines économiques, où elles combinent des compétences de régulation et de sanction.

Répartition des compétences selon les niveaux territoriaux

  1. Au niveau départemental :

    • De nombreuses polices spéciales relèvent des compétences du département, telles que la gestion de la chasse, de la pêche ou encore des cours d’eau.
    • Le président du conseil départemental est responsable de la gestion du domaine public départemental.
  2. Au niveau régional :

    • Le préfet de région exerce des compétences en matière de patrimoine culturel, comme la protection des monuments classés ou des zones d’intérêt patrimonial.
  3. Au niveau national :

    • Les ministres disposent de compétences spécifiques en matière de police spéciale. Par exemple, le ministre de l’Environnement intervient pour la préservation des espèces protégées, et le ministre de l’Économie agit pour la régulation de certains secteurs stratégiques.

Les autorités administratives indépendantes (AAI)

Certaines AAI, comme l’Autorité de la concurrence ou l’Autorité des marchés financiers (AMF), se voient attribuer des compétences spécifiques de police spéciale, en particulier dans le domaine économique. Ces compétences incluent :

  • La régulation des activités économiques pour garantir un fonctionnement équitable du marché.
  • La capacité d’adopter des mesures contraignantes et de prononcer des sanctions administratives pour prévenir ou corriger des abus.

 

 

&3. La concurrence entre les autorités de police

 

A) La concurrence entre deux autorités de police générale

Les décisions prises par une autorité centrale ayant une portée nationale s’imposent aux autorités locales. Toutefois, l’autorité locale peut renforcer ces mesures si des circonstances locales spécifiques l’exigent, afin de mieux répondre aux besoins du territoire concerné.

  • Décision historique du Conseil d’État (CE) : Dans son arrêt Commune de Néris-les-Bains (1902), le Conseil d’État a établi que si les circonstances locales le justifient, une autorité de police générale locale peut édicter des règles plus strictes que celles décidées à un niveau supérieur. Cet arrêt illustre une coordination où chaque échelon tient compte des spécificités locales.

Par ailleurs, les autorités supérieures interviennent en cas de défaillance locale. Le préfet peut ainsi se substituer au maire lorsqu’un manquement à ses obligations est constaté. Cette intervention, encadrée par une procédure incluant une mise en demeure préalable, permet de garantir la sauvegarde de l’ordre public.

B) La concurrence entre deux autorités de police spéciale

En principe, la concurrence entre deux autorités exerçant une police spéciale est anticipée et encadrée par des textes législatifs ou réglementaires. Ces textes précisent les compétences respectives, permettant une répartition claire des rôles.

  • En l’absence de coordination législative, le principe d’indépendance des législations s’applique. Chaque autorité exerce alors ses compétences de manière autonome, sans qu’il y ait d’obligation de tenir compte des décisions prises par l’autre, même si elles ont des conséquences croisées. Cette indépendance vise à éviter des conflits d’interprétation ou d’application entre les autorités concernées.

C) La concurrence entre une autorité de police générale et une autorité de police spéciale

Cette situation est envisageable uniquement lorsque les finalités des deux polices se rejoignent. En règle générale, le principe d’exclusivité de la police spéciale prime : dès lors qu’une police spéciale intervient pour répondre à un impératif précis d’ordre public, le recours à la police générale devient superflu.

Cependant, la police générale peut intervenir dans des situations exceptionnelles, notamment lorsque :

  • La police spéciale est lacunaire, c’est-à-dire qu’elle ne permet pas de garantir pleinement l’ordre public.
  • Aucune mesure n’a été prise par la police spéciale.
  • Les circonstances locales imposent une adaptation des mesures nationales.

Exemple jurisprudentiel : Dans l’arrêt CE, Commune de Saint-Denis (2011), il a été jugé que le maire ne pouvait utiliser son pouvoir de police générale pour réglementer l’implantation d’antennes téléphoniques sur son territoire, au motif que ces antennes faisaient déjà l’objet d’une réglementation par une police spéciale dédiée à la protection contre les effets des ondes. Ce principe d’exclusivité garantit une gestion uniforme et cohérente des problématiques d’ordre public.

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