Le mariage à partir de l’époque moderne

 

Le mariage à partir de l’époque moderne : la primauté de la législation royale

L’Époque moderne couvre les trois siècles qui séparent la fin du Moyen Âge de la Révolution française.

Le 16ème se caractérise par une remise en cause de l’église due à la réforme et ses rapide progrès. L’église tente de réagir et va modifier sa position sur le mariage, va opérer une contre-réforme.

  • La contre-Réforme

Une nouvelle conception du mariage voit le jour avec la réforme. LUTHER et ses disciples considèrent que le mariage n’est pas un sacrement mais une institution humane et doit être régie par les lois et tribunaux étatiques. Pour les protestants, le mariage peut donc être dissout.

Pour répondre aux attaques de Luther, l’église revoit sa position lors du concile de 30 qui s’étend de 1545 à 1563.

Le principal décret est le décret TAMETSI : déclare qu’à l’avenir le mariage est un acte public et solennel à peine de nullité. Pour la 1ère fois, l’église condamne les mariages clandestins, sans publicité. En vertu du décret, l’échange des consentements doit avoir lieu en présence du curé de la paroisse de l’un des époux et de 2 témoins. La publication de banc reste souhaitée mais son absence n’est pas sanctionnée par la nullité.

Le roi de France envoi des représentants lors du concile, il souhaite que l’église déclare nuls les mariages auxquels les parents n’ont pas consentis. Il les appelle des mariages clandestins. Cette notion n’a pas la même définition pour l’église et pour le roi de France.

L’église va refuser d’adopter la position du roi. Elle considère que même en l’absence du consentement des parents le mariage reste valide. Ce refus de l’église ainsi que des raisons politiques expliquent que le concile de 30 n’ait jamais été reçu en France, les parlements refusent de l’enregistrer. Face à l’obstination de l’église le roi décide de légiférer pour soustraire le mariage à la compétence des juges d’église.

  • La « prise en main » du mariage par le droit et les juridictions temporelles

Le roi de France, s’est toujours montré hostile envers les mariages auxquels le consentement parental fait défaut. Le mariage permet de contracter de bonnes alliances, d’où la nécessité de restreindre la liberté des enfants de se choisir un conjoint.

Le roi va lui même être victime d’un mariage clandestin. Henry II en 1556 veut marier sa fille naturelle Diane avec François de Montmorency. Celui-ci se montre peu enthousiaste, il repousse le mariage et fini par avouer qu’il est déjà marié avec une jeune noble. Le roi de France choqué va adopter la même année en 1556 un édit sur les mariages clandestins.

Cet édit établi que les parents doivent consentir au mariage de leur enfant jusqu’à 30 ans pour les hommes et 25 ans pour les femmes. Cet édit reconnait une majorité matrimoniale. Si l’enfant passe outre, ses parents peuvent le déshériter.

L’ordonnance de Blois en 1579 va plus loin, elle s’inspire partiellement du concile de 30. Et elle impose pour les mariages la présence du curé de la paroisse de l’un des époux, la publication de banc, et la présence d’au moins 4 témoins. Cette ordonnance va imposer la rédaction de registres paroissiaux de mariage. L’état sous prétexte de reproduire des dispositions ecclésiastiques, va trouver le moyen pour annuler les mariages clandestins dont il ne veut pas.

Un article de cette ordonnance prévoit que le rapt, c’est à dire le fait d‘enlever un individu pour le contraindre à se marier, est un crime qui relève des juridictions temporelles, royales, crime passible de la peine de mort. Le rapt implique l’usage de la violence. Or les parlements vont donner à ce terme un nouveau sens. Pour eux, le rapt devient le mariage d’un mineur avec un majeur sans l’accord des parents. Les parlementaires vont assimiler le rapt de séduction au rapt de violence car ce rapt prime l’individu de son libre arbitre. En cas de rapt, les parents du mineur peuvent obtenir la condamnation à mort de l’époux majeur.

Une déclaration royale de 1639 rappelle les règles précédentes, de l’ordo de Blois, de l’édit, les règles de majorité. Dans cette déclaration les parents perdent le droit de pardonner à leur enfant. Au delà de l’âge fixé les enfants doivent solliciter par 3 fois le consentement des parents, au bout du 3ème refus les enfants peuvent se marier librement. En adoptant cette législation le roi n’a pas touché directement à la validité du lien matrimonial, c’est à dire n’a pas légiférer sur l’aspect sacramental du mariage. En tant que chef de l’état il a adopté une loi qui protège les mineurs. Concernant la sanction patrimoniale le roi a simplement agit sur le contrat de mariage et ses effets. Cela explique qu’à partir du 16ème le mariage va être considéré comme un sacrement et comme un contrat.

La nullité du mariage est en principe du ressort des juges d’église, seuls les officialités peuvent prononcer la nullité du mariage. Or, les justices d’église refusent d’appliquer la législation royale, elles tiennent compte uniquement du concile de 30. Pour remédier à cette situation, un édit en 1606 va créer la procédure de l’appel comme d’abus. Cette procédure ce n’est pas un appel, c’est une cassation, c’est à dire que lorsque l’officialité statut sans tenir compte d’une loi royale, il y a abus et donc le parlement peut casser la sentence de l’officialité. De cette manière es parlements vont pouvoir annuler les mariages clandestins qui dérangent l’état. De la sorte, le mariage va passer entre les mains des parlements, c’est à dire entre celles du roi.

On pourrait se demander ce qui justifie la position du roi. Il cherche à protéger les grandes familles du royaume. De plus, il est de l’intérêt du roi de favoriser l’autorité du père sur les enfants car le roi est le père de ses sujets. Il faut rappeler la soumission des enfants aux parents. Le roi agit donc sans son intérêt. Il cherche à légitimer sa propre autorité sur ses sujets.

La séparation de corps qui relevait des officialités va passer entre les mains des parlements, ils sont beaucoup moins tolérants que les officialités. Ils n’accordent la séparation de corps que très difficilement. Il faut renforcer le pouvoir de l’homme sur sa femme. A partir du 16ème on considère que le mariage est un fondement de la société civile, ce n’est plus exclusivement l’affaire des époux, il faut transformer ce mariage en cadre rigide.

Les empêchements restent de la compétence des officialités mais les parlements vont trouver le moyen d’intervenir en abolissant une preuve qui était utilisée dans les procès relatifs à l’impuissance de l’époux : le congrès.

  • L’abolition du congrès

Le congrès vient du latin congressus = la rencontre, le commerce charnel, et le combat. C’est un procédé destiné à pallier l’insuffisance des preuves reçues en cas d’impuissance de l’époux qui est un empêchement.

L’initiative peut être prise par l’homme ou la femme. Initialement pour prouver l’impuissance les officialités ordonnent la visite corporelle, c’est à dire que les experts vont vérifier que les époux ne sont pas affectés de défaut, de malformation. Quand le mari se plaint de l’impuissance de la femme, cet examen est largement suffisant. Si c’est la femme qui introduit l’action, surtout s’il s’agit de 2nde noces, les experts font savoir qu’ils ont des doutes, mais ils ne peuvent pas aller plus loin. Le juge d’église peut ordonner le congrès : il demande aux époux de s’unir en présence de témoins.

Le congrès apparait vers le 14ème en France. Cette procédure présente certaines faiblesses. Certains hommes qui ont échoué au congrès, déclarés impuissant, qui ont vu leur mariage annulé, a qui ont a interdit de se remarier, certains se sont quand même remarier et ont des enfants. A partir du 16ème les parlements vont se montrer extrêmement hostiles envers le congrès. Des juristes dont FEVRET rédigent des traités où ils démontrent le caractère honteux et inutile du congrès.

Les parlements n’ont jamais ordonné de congrès. Le congrès permet à la femme d’échapper temporairement à l’autorité maritale et lui permet de révéler un aspect très intime de l’union. Le congrès remet donc en cause la hiérarchie familiale en mettant à mal la dignité de l’époux. Au 16ème et 17ème des affaires éclaboussent les grandes familles du royaume, le congrès pose donc des problèmes politiques.

En 1677, le parlement est saisi d’une sentence qui déclare le marquis de l’Angers impuissant et annule son mariage. Entre temps il s’est remarié et a eut 7 enfants, donc le congrès prouve ses limitent. Le parlement de Paris profite de l’occasion pour interdire aux officialités d’ordonner le congrès. Les juges d’église doivent se contenter d’ordonner la visite corporelle. Dans les faits, le congrès disparait-il ? On n’en est pas sur. Mais l’abolition du congrès va créer un vide que les officialités vont tenter de combler en ayant recours à d’autres preuves encore plus incertaines que le congrès.

Les conditions de formation et de dissolution du mariage son régies par les mêmes règles partout en France. Les rapports entre époux obéissent à des règles similaires fondées sur l’incapacité juridique de l’épouse. Le statut de la femme n’est pas pire au moyen âge qu’à l’époque moderne. Au Moye Age l’incapacité de la femme mariée était relative, en revanche à partir du 16ème cette incapacité va devenir totale.