Actes de gouvernement et mesures d’ordre intérieur : des actes insusceptibles de tout recours
Autre limite au principe de la légalité qui tient à ce que certains actes administratifs, soit par leur importance, soit au contraire à l’inverse de par leur caractère mineur, échappent à tout contrôle juridictionnel. Il s’agit des actes de gouvernement et des mesures d’ordre intérieur.
- Une mesure d’ordre intérieur est une mesure édictée généralement par un pouvoir discrétionnaire. Elle touche l’organisation interne d’un établissement public ou d’une administration. On l’appelle aussi « mesure d’organisation du service ».
- L’acte de gouvernement est un acte édicté par une administration qui bénéficie d’une totale immunité juridictionnelle pour des raisons essentiellement d’opportunité politique ou diplomatique.
Section 1 : Les actes de gouvernement
Ce sont les actes administratifs qui bénéficient d’une immunité juridictionnelle. En ce sens qu’ils ne peuvent faire l’objet de recours pour excès de pouvoir, ni être contestés par la voie d’exception devant les juridictions administratives et judiciaires.
C’est une construction jurisprudentielle qui marque les limites de l’état de droit.
- Droit administratif : cours gratuit à télécharger .doc .pdf
- A quoi sert le Conseil d’État ? Qui y siège ?
- L’exécution des décisions de justice administrative
- Justice administrative : instance et voies de recours
- Le recours administratif n’a pas d’effet suspensif
- Les conditions de recevabilité du recours contentieux
- Les principes du contentieux administratif
§1. Le domaine des actes de gouvernement
Initialement le Conseil d’État se fondait sur le critère du mobile politique pour qualifier les actes administratif d’acte du gouvernement.
L’arrêt prince Napoléon du 19 février 1875 a mis fin a cette Jurisprudence.
Depuis 1875, le Conseil d’État n’a jamais pu ou su dégager un critère de l’acte de gouvernement.
Il est difficile de systématiser la Jurisprudence. La solution retenue consiste à dresser une liste des actes de gouvernement. Ceci aboutit à distinguer deux catégories d’actes de gouvernement.
A. Les actes concernant les relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif
Cette catégorie est réduite. On peut citer le refus du Premier Ministre de déposer un projet de loi sur le bureau des assemblées parlementaires. CE 28 mai 1980, arrêt Dame B. la décision du Président de la République de mettre en œuvre l’article 16 de la constitution. CE 2 mars 1962, arrêt Rubin de Servens.
Décret présidentiel soumettant un projet de loi au référendum. CE 19 octobre 1962, arrêt Brocas
Décret présidentiel pour la dissolution de l’assemblée nationale.
Refus du Premier Ministre de saisir le conseil constitutionnel.
Nomination d’un membre du conseil constitutionnel. CE 9 avril 1999, arrêt Madame Ba
B. Les actes relatifs aux relations internationales de la France avec l’étranger
Catégorie plus large que la précédente.
Elle recoupe 2 types d’actes :
– Ceux qui se rattachent à la négociation et l’exécution des traites
– Ceux qui interviennent dans le cadre des relations diplomatiques de la France.
Le CE a rattaché à cette catégorie la création d’une zone de sécurité autour de l’atoll de Mururoa dans le pacifique pendant les essais nucléaires français.
D’une manière plus fréquente, le refus d’autoriser l’ouverture d’un consulat.
Le CE a réduit la portée de cette catégorie en développant la théorie des actes détachables. Ce sont des actes qui sont considérés comme pouvant être appréciés indépendamment de leur origine ou de leurs incidences internationales. Ils ne bénéficient pas d’une immunité juridictionnelle.
Par exemple, le permis de construire délivré à un pays étranger pour la construction d’une ambassade.
§2. Le régime juridique des actes de gouvernement
Ce régime juridique est caractérisé par une immunité juridictionnelle. Tous les recours par voie d’action, d’exception sont rejetés. L’acte de gouvernement échappe à l’emprise de la légalité. L’état est totalement irresponsable ou tout au moins il y a à cet égard une irresponsabilité totale de l’état.
Section 2 : les mesures d’ordre intérieur
Le juge administratif refuse de connaître certaines mesures prises par l’administration lorsque celles-ci sont considérées comme ayant une importance minime. Cette absence d’importance fait que le juge ne peut en être saisit.
Les casernes, les prisons et les établissements d’enseignement sont les domaines d’élection des mesures d’ordre intérieur.
La jurisprudence administrative a été remise en cause par la CEDH celle-ci estimant que souvent ces mesures avaient un effet direct sur l’exercice des libertés publiques et des libertés individuelles.
Depuis une quinzaine d’années, le Conseil d’État sous la pression de la CEDH a étendu son contrôle sur ces mesures.
Il y a 2 arrêts rendus le même jour, le 17 février 1995
– les arrêts « Hardouin »
– les arrêts « Marie ».
Ils marquent un véritable revirement jurisprudentiel du Conseil d’État sous la pression de la CEDH.
§1) Le champ d’application des mesures d’ordre intérieur
Les mesures d’ordre intérieur concernent essentiellement 3 domaines :
– Celui de l’armée :
Cela concerne les sanctions disciplinaires légères. Depuis 95, il y a aune évolution jurisprudence permanente qui fait que le juge admet de plus en plus largement le recours pour excès de pouvoir.
– Celui de l’enseignement :
Là encore, il y a eu une évolution considérable. Pendant longtemps, le juge refusait de contrôler les mesures prise contre les élèves et les étudiants.
Aujourd’hui, ne sont considérés comme des mesures d’ordre intérieur que les seules décisions qui n’ont pas d’incidence sur la scolarité.
L’affectation à un groupe de TD est une mesure d’ordre intérieure pour le Conseil d’État donc insusceptible de recours.
Le CE considère que sont susceptible de faire l’objet d’un recours dans l’enseignement secondaire les décisions telles que le refus de passage dans une clase supérieure, la séparation de jumeaux ou de triplés ou le refus d’admettre un élève de participer à une classe de neige.
Le CE a admis que les règlements intérieurs des établissements pouvaient faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
– Celui des prisons :
C’est le domaine où l’évolution a été la plus remarquable et là sous la pression de la CEDH.
Jusqu’à une date très récente, toutes les mesures concernant les détenus étaient considérées comme des mesures d’ordre intérieur.
Ne sont considérées aujourd’hui comme des mesures d’ordre intérieur que les punitions sans gravité.
En dehors de ces domaines, on retrouve des mesures d’ordre intérieur dans la fonction publique. Il y a un important contentieux.
Sont considérées comme mesure d’ordre intérieur les observations faites par un supérieur, les changements d’affectation, l’ordre donné par un supérieur d’exécuter des taches statutaires.
On retrouve ces mesures dans le domaine des compétitions sportives. Le Conseil d’État estime que les décisions du corps arbitral sont des mesures d’ordre intérieur donc elles ne sont pas importantes et donc insusceptibles de recours.
§2) Le régime juridique des mesures d’ordre intérieur :
Les mesures d’ordre intérieur bénéficient d’une immunité juridictionnelle. On ne peut pas les contester par la voie du recours pour excès de pouvoir, ni par la voie de l’exception.
Aujourd’hui, le problème est celui de la justification de ces mesures d’ordre intérieur.