L’aggravation de la sanction en droit pénal marocain

L’AGGRAVATION DE LA SANCTION

Trois séries de causes d’aggravation existent en droit marocain : les circonstances aggravantes, la récidive et le concours d’infraction.

PARAGRAPHE 1 : LES CIRCONSTANCES AGGRAVANTES

Dans un système dominé par le principe de l’égalité, l’aggravation de la peine applicable ne peut être abandonnée à l’arbitraire du juge ;ce dernier, au contraire « est tenu d’appliquer au coupable une peine (…) aggravée chaque fois que sont prouvées (…) une ou plusieurs des circonstances aggravantes prévues par la loi » (article 142 alinéa 1 du Code pénal marocain). Il appartient donc au législateur de prévoir à l’avance la liste des événements qui lui paraissent susceptibles d’aggraver la responsabilité de l’agent. L’article 153 du Code pénal marocain consacre cette norme en rappelant que « la loi détermine ces circonstances à l’occasion de certaines infractions criminelles et délictuelles ». Curieusement, le texte exclut l’aggravation des contraventions, circonstance rare, mais dont le code lui-même fournit pourtant un exemple. De fait, si les contraventions ne sauraient, dans la plupart des cas, être aggravées, c’est que les circonstances qui correspondaient à leur aggravation sont le plus souvent érigées en éléments constitutifs de délits. Par exemple, la contravention de maraudage de l’article 608-6° du Code pénal marocain est la même infraction que le jour, mais la nuit ou en réunion.

Les circonstances aggravantes peuvent donc être définies comme des circonstances accessoires du fait principal, fixées limitativement par la loi et qui déterminent une augmentation des peines ordinaires.

A. DOMAINE DES CIRCONSTANCES AGGRAVANTES

L’article 152 du Code pénal marocain distingue les circonstances inhérentes à la commission de l’infraction, de celles qui sont inhérentes à la culpabilité de l’agent ; les premières sont réelles ou objectives,car elles se rattachent au fait matériel de l’infraction, les secondes sont personnelles ou subjectives, car elles sont liées à la personnalité de l’agent.

1. CIRCONSTANCES AGGRAVANTES RÉELLES

Ce sont celles qui participent à la structure matérielle de l’infraction. Elles aggravent de ce fait la criminalité objective de l’acte.

a. Circonstances de moyen

Ex : Escalade (vol, article 509 du Code pénal marocain), réunion (rébellion, article 302 du Code pénal marocain), port d’armes (mendicité article 331 du Code pénal marocain), fausses clés (vol, article 510 du Code pénal marocain), effraction (vol, article 510 du Code pénal marocain), violence (vol, article 509 du Code pénal marocain), port illégal d’uniforme (vol, article 510 du Code pénal marocain), véhicule (vol, article 509 du Code pénal marocain) …etc.

b. Circonstances de lieu

Ex. : chemins publics (vol, article 508 du Code pénal marocain), maison habitée (vol, article 509 du Code pénal marocain), aéroport (vol, article 508 du Code pénal marocain), gare ferroviaire (vol, article 510 du Code pénal marocain)… etc.

c. Circonstances de temps

Ex. : nuit (vol, article 509 du Code pénal marocain), période prohibée (pêche, article 31 alinéa 3 dahir du 16 juillet 1974), au cours d’un incendie (vol, article 51O du Code pénal marocain).

2. CIRCONSTANCES AGGRAVANTES PERSONNELLES

Elles participent, en quelque sorte, à la structure morale de l’infraction. Elles aggravent de ce fait la responsabilité de l’agent.

a. Circonstances fondées sur la nature des relations qui unissent l’agent à sa victime

car ces relations lui imposaient un devoir particulier de respect, Ex. : parricide (article 397 du Code pénal marocain, crime commis par le sujet sur la personne du souverain)

car ces relations étaient de nature a lui faciliter l’infraction. Ex. : vol du domestique (article 509 du Code pénal marocain) ou de l’ouvrier (article 509 du Code pénal marocain).

b. Circonstances fondées sur l’exercice de certaines fonctions qui impliquent une honnêteté sans faille

Ex. : usage de violence, dans motif légitime,par un préposé de la force publique (article 231 alinéa 1 du Code pénal marocain), détournement d’archives publiques par le dépositaire publics (article 276 alinéa 2 du Code pénal marocain).

c. Circonstances correspondant à un degré supplémentaire de la faute intentionnelle

Ex. : la préméditation aggrave le meurtre (article 393 du Code pénal marocain) et les blessures volontaires (article 400 du Code pénal marocain).

B. EFFETS DES CIRCONSTANCES AGGRAVANTES

1. AGGRAVATION DE LA PÉNALITÉ

Ex. : la mendicité est un délit puni de l’emprisonnement d’un à six mois (article 326 du Code pénal marocain) ; si le délit est réalisé en simulant des infirmités, il est puni de l’emprisonnement de trois mois à un an (article 327-2° du Code pénal marocain).

2. MODIFICATION DE LA CATÉGORIE DE L’INFRACTION

Elle intervient, avec les conséquences procédurales qui y sont attachées, lorsque, en raison des circonstances aggravantes, « la loi édicte une peine afférente à une autre catégorie d’infraction » (article 113 du Code pénal marocain). Ex. : L’incendie contraventionnel prévu par l’article 608-5° du Code pénal marocain est expressément aggravé et érigé en délit par l’article 435 du Code pénal marocain, lorsqu’il a provoquée un homicide ; le larcin, délit de l’article 506 du Code pénal marocain, devient un crime passible de la réclusion perpétuelle si, aux termes de l’article 507 du Code pénal marocain, l’agent était porteur « de manière apparente ou cachée d’une arme » .

3. EFFETS SUR LE COAUTEUR OU COMPLICE

Les circonstances personnelles n’ont d’effet qu’a l’égard du seul participant auquel elles se rapportent (article 130 alinéa 2 du Code pénal marocain) ; en revanche, les circonstances réelles sont supportées par le complice ou le coauteur, « même si elles ne sont pas connues » de lui (article 130 alinéa 3 du Code pénal marocain).

PARAGRAPHE 2 : LA RÉCIDIVE

La récidive en droit pénal marocain

PARAGRAPHE 3 : LE CONCOURS RÉEL D’INFRACTION

Il importe de le distinguer du concours idéal d’infraction, de l’infraction d’habitude et de l’infraction continue.

Il y a concours ou cumul idéal d’infractions lorsque un « fait unique » est « susceptible de plusieurs qualifications » (article 118 du Code pénal marocain).

Ex. : la fornication, telle qu’elle est définie par l’article 490 du Code pénal marocain (1ére qualification) et l’outrage public à la pudeur, tel qu’il est prévu par l’article 483 du Code pénal marocain (2e qualification).

Le tribunal est en ce cas tenu d’apprécier le fait « suivant la plus grave d’entre elles » (article 118 du Code pénal marocain) et de prononcer une seule peine. En l’espèce choisie, les fornicateurs seront donc jugés pour un outrage.

Il y a infraction d’habitude lorsque un acte pris isolément n’est pas punissable : seule sa répétition constitue l’infraction.

Ex. : mendicité (article 326 du Code pénal marocain) ; vagabondage (article 329 du Code pénal marocain) ; excitation habituelle de mineur à la débauche (article 497 du Code pénal marocain) ; vie commune avec une prostituée (article 498-3° du Code pénal marocain) ; proxénétisme hôtelier (article 501 du Code pénal marocain) ; tolérance habituelle de l’exercice de la débauche dans un local privé (article 503 du Code pénal marocain).

Il y a infraction continue ou successive, lorsqu’une action ou omission se prolonge dans le temps par la réitération constante de la volonté coupable de l’agent.

Ex. : port illégal de décoration, de titre, d’uniforme (articles 382 à 384 du Code pénal marocain) ; non représentation d’enfant (article 477 du Code pénal marocain) ; recel (article 571 du Code pénal marocain).

Il y aura, en revanche, concours ou cumul réel (ou matériel) d’infractions, lorsque l’agent accomplira « simultanément » ou successivement » « plusieurs infractions non séparées par une condamnation irrévocable » (article 119 du Code pénal marocain).

L’agent se distingue dès lors du délinquant occasionnel parce qu’il a commis plusieurs infractions ; il n’est pourtant pas un récidiviste puisqu’il n’a pas reçu, sous la forme d’une condamnation irrévocable, l’avertissement solennel de ne pas recommencer. La sanction qui doit lui être appliquée ne peut que faire l’objet d’une mesure particulière.