LES ATTEINTES AUX DROITS ET LIBERTÉS EN TEMPS DE CRISE
Le régime juridique des DROITS ET LIBERTÉS aménagé lorsque les circonstances ne permettent plus de maintenir des dispositifs aussi libéraux qu’en temps ordinaire.
= possibilité de durcir les règles en vigueur pour faire face à des troubles importants.
Deux hypothèses de droit français sont à distinguer :
- soit un nouveau régime est officiellement mis en place,
- soit ce sont des ajustements et remises en cause plus ou moins sérieux qui permettent de reconnaître une période d’exception.
- A) LES RÉGIMES JURIDIQUES DE CRISE
1 – Les textes
- Le juge constitutionnel, protecteur des droits et libertés
- La justice, protectrice des droits et libertés fondamentales
- Les institutions non-juridictionnelles de protection des droits et libertés
- Le régime de protection des droits et libertés en temps normal
- Les atteintes aux libertés en temps de crise
- Les libertés fondamentales dans la hiérarchie des normes
- La classification des droits et libertés fondamentales
Trois hypothèses prévues par les textes: mise en œuvre de
-
- l’état d’urgence
- l’état de siège
- article 16 de la Constitution du 4 octobre 1958.
État d’urgence = hypothèse où le pays est sous le coup d’une atteinte grave à l’ordre public ou d’une calamité publique.
Décret en Conseil des ministres assure la mise en œuvre de l’état d’urgence.
Pouvoirs de police étendus dans certaines zones géographiques, (porte inévitablement atteinte aux droits des citoyens)
Imposition de restrictions inhabituelles en matière de droit d’aller et venir librement, liberté de se réunir, fermeture de commerce ou salles collectives, etc.….
Périodes d’état d’urgence prorogeables au-delà des 12 jours initiaux sur autorisation législative.
Loi sur l’état d’urgence créée le 3 avril 1955, en raison de la Guerre d’Algérie.
Réutilisée notamment en Nouvelle-Calédonie en 1984 et, lors des émeutes en banlieues en novembre 2005.
État de siège= péril imminent (guerre ou insurrection armée).
Décret en Conseil des ministres qui assure la mise en œuvre de l’état de siège.
Pouvoirs de prévention des atteintes à l’ordre public et de répression retirés aux civils normalement compétents et confiés, dans un souci d’efficacité, aux autorités militaires.
Article 16 de la Constitution = Président de la République décide, après consultation de son Premier Ministre, des Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat et du Conseil Constitutionnel, de cumuler les pouvoirs exécutif et législatif.
Les 2 conditions cumulatives de mise en œuvre de l’article 16 de la Constitution sont :
1 – une menace grave et immédiate à l’encontre des institutions républicaines, de l’indépendance de la nation, de l’intégrité du territoire…
2 – l’interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics
Risque non négligeable parce que l’appréciation de ces conditions revient au final au seul Président de la République.
En 1958 De Gaulle avait déclenché ce dispositif pour faire face au putsch des généraux français à Alger, qui avait créé une situation grave et inédite pendant une dizaine de jours.
Rédaction initiale de la Constitution : contrôle très insuffisant -> était seulement prévu que le Président de la République exerce les pleins pouvoirs sous la surveillance du Parlement.
Parlement était certes dépossédé de sa compétence mais il était, en contrepartie, réuni de plein droit (L’assemblée ne peut être dissoute pendant cette période).
Président n’est que partiellement soumis au contrôle des juges.
Révision de 2008 a permis l’INTRODUCTION d’un alinéa supplémentaire à l’article 16 de la Constitution : désormais, dans le cas où l’article 16 de la Constitution serait activé pendant un mois, les quatre autorités de saisine du Conseil Constitutionnel (Présidents des Chambres et groupes de 60 députés ou de 60 sénateurs) peuvent demander que le Conseil rende un avis (public) afin de dire si les conditions d’application de cet article 16 de la Constitution sont toujours réunies.
2 – La jurisprudence.
Raisonnements bâtis par le juge administratif au début du XXème siècle et permettent de considérer comme légales des décisions administratives qui seraient annulées en temps normal.
Arrêt CE 1918 Heyriès a admis, en raison des difficultés rencontrées par les pouvoirs publics en temps de guerre, la suspension de l’application d’une loi par un décret.
Arrêt CE 1919 Dames Dol et Laurent, le juge administratif a refusé d’annuler l’interdiction pour les prostituées de se rendre dans un quartier, mesure qui avait été prise pour isoler les militaires. Le Conseil d’Etat a justifié cette mesure de restriction par la période de guerre.
Enfin on retiendra que les circonstances exceptionnelles peuvent être utilisées pour maintenir la compétence du juge administratif pour juger des dommages et intérêts dus au requérant.
- B) ELEMENTS RELATIFS AUX PERIODES ATTENTATOIRES AUX DROITS ET LIBERTES
Périodes attentatoires aux DROITS ET LIBERTÉS= celles où la démocratie est niée ou bafouée dans ses principes fondamentaux.
Révolution française de 1789 a connu des excès notoires, issus principalement de la confusion des pouvoirs entre les mains d’un ou plusieurs individus et de l’absence de contrepouvoirs efficaces, avec négation même du pluralisme, poursuite des opposants, confiscation des biens, violation des droits les plus élémentaires comme les droits de la défense ou le droit à un procès impartial, exécutions rapides, etc.…
Régime de Vichy pratiquera une confusion des pouvoirs qui aboutit à l’affectation voire la négation pure et simple des principales libertés reconnues jusqu’alors.
Ex :
-le droit syndical : remplacement des syndicats par des organismes corporatifs
-la liberté du travail : instauration du STO (service de travail obligatoire, sur réquisition), interdiction aux femmes mariées d’être fonctionnaires,
-la libre administration des collectivités locales : désignation des maires par le gouvernement (et non plus élection par la population)
-la liberté d’association, de pensée : épuration de la Fonction publique, et notamment de la magistrature, de ses francs-maçons, communistes, résistants, juifs
-la liberté d’aller et venir : contrôle et restriction des déplacements partout sur le territoire
-l’égalité : stigmatisation et persécution des Juifs (statut des juifs du 3 octobre 1940)
-le droit à la vie : contribution de l’Etat français à la politique d’extermination des Juifs : (déportation d’environ 80 000 juifs français, dont moins de 3 000 ont survécu)
Ses agissements ont suscité des condamnations pénales en cour d’assises, une fois la légalité rétablie + reconnaissance de la responsabilité personnelle de certains agents de l’Etat.
Guerre d’Algérie : période doublement exceptionnelle à cheval sur les IVème et Vème Républiques, régimes libéraux et démocratiques. Furent alors édictées et mises en œuvre par l’Etat français des mesures absolument contraires aux droits de l’Homme, surtout les plus fondamentaux, avec des pratiques d’intimidation, de terreur, d’humiliations et de torture. Cette dernière a même été légalisée par un décret du 12 février 1960 sous le nom de « période d’exploitation » des prisonniers.