Les libertés fondamentales dans la hiérarchie des normes

LES DROITS ET LIBERTES DANS L’ORDRE JURIDIQUE

  • &1 – LES DROITS ET LIBERTES DANS LA HIERARCHIE DES NORMES

Textes contenant les droits et libertés sont en général très élevés dans la hiérarchie des normes, relevant des pouvoirs constituant ou législatif-> garantie majeure de leur mise en œuvre.

Exécutif a un rôle majeur

  • dans l’élaboration des règles internationales.
  • dans la mise en œuvre de l’ensemble des règles

  1. A) UNE PROTECTION JURIDIQUE DE HAUT NIVEAU : CONSTITUTIONNELLE ET LEGALE

Pour être qualifiées de libertés publiques, droits et libertés doivent être protégés par le droit.

Mais tous les textes affirmant des droits et libertés n’ont pas la même valeur ni la même efficacité juridique.

1 – Des textes de rang élevé

Énumération des droits et libertés dans de nombreux textes situés au sommet de la pyramide des normes du Bloc de constitutionnalité

Le Conseil Constitutionnel censure les lois non conformes à la constitution (à priori ou à postériori avec la QPC)

C’est au juge ordinaire (juge civil, pénal et administratif) qu’incombe ce contrôle de constitutionnalité pour les contrats et actes unilatéraux.

Existe d’autres textes fondamentaux (ex : Déclaration universelle des Droits de l’Homme (DUDH) de 1948 mais n’a qu’une valeur déclarative et ne peut être invoqué devant un tribunal).

Autres textes :

– Pactes des Nations Unis de 1966 (2 textes)

Pacte international relatif aux droits civils et politiques « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Ratification tardive de la France (1980) ;

– le Pacte international relatif aux droits économiques et sociaux

– Les conventions spécialisées (ex : Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination raciale, Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants)

-Convention sur l’élimination de toutes formes de discriminations à l’égard des femmes (1er mars 1980)

– Les textes régionaux

Europe :

– la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) adopté en 1951 par le Conseil de l’Europe, par le Traité de Rome.

Respect assuré par la Cour Européenne des droits de l’Homme qui peut être saisie directement par les citoyens, sans filtre.

– la Charte des droits fondamentaux de L’Union Européenne (7 décembre 2000) : simple valeur déclarative jusqu’à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en 2009, qui a fait d’elle un texte véritablement normatif.

S’ajoutent entre autres :

-la Convention américaine relative aux droits de l’Homme (22 novembre 1969)

-la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (25 mai 1963)

-la Charte arabe des droits de l’Homme (texte initial du 15 septembre 1994, puis version amendée en 2008)

Approche culturelle des droits et libertés.

Tendance flagrante dans le dernier texte (volonté d’affirmer des droits dans une perspective religieuse, celle de l’Islam, ne correspond donc pas à la perspective laïque et universaliste, qui est occidentale)

2 – La compétence des pouvoirs constituants et législatifs.

La plupart des droits et libertés ont donc une valeur constitutionnelle ou en tout cas supra législative, (règles internationales > loi (article55 de la Constitution))

ATTENTION : certains droits et libertés sont protégés uniquement par le législateur.

Ex : droit à l’avortement, accordé en France par la loi de 1975 dite Loi Simone Weil

Constitutionnalisation = étape ultime de la protection juridique (donne aux droits et libertés le niveau maximal d’intangibilité)

Constitution donne compétence au législateur pour fixer « les garanties fondamentales accordées aux citoyens dans l’exercice des libertés publiques » (article 34 de la Constitution).

Procédure législative accélérée: se caractérise par un seul échange entre les deux assemblées au lieu des deux allers et retour classiques (largement utilisée ces dernières années, et notamment pendant le mandat de Sarkozy) -> nuit à la protection des droits et libertés.

Inflation législative: engendre une accumulation de lois dépourvues de mesures d’application, qui restent donc lettres mortes-> protection des droits et libertés limitée.

  1. B) L’IMPORTANCE DE L’ACTION DE L’EXECUTIF

Exécutif intervient dans le domaine des libertés (existence du pouvoir général de police du Premier Ministre (article 21 de la Constitution) et définition réglementaire des contraventions).

Ex : on doit pouvoir aller et venir, s’exprimer, se réunir, manifester, sans être en danger : les autorités de police, qui ont une mission de prévention (mission de police administrative) des atteintes à l’ordre public, sont missionnées pour assurer la coexistence des libertés et de l’ordre public.

Contrôle juridictionnel des mesures de police a atteint un tel degré de raffinement et une telle ampleur, qui confine parfois au contrôle de l’opportunité de la décision.

Principe de proportionnalité = que ne sont légales que les mesures de police qui sont strictement adaptées à la menace pour l’ordre public à laquelle elles répondent.

Ex : interdit de « taper fort ».

L’action policière doit être rigoureusement adaptée à chaque situation et préserver le plus possible la liberté.

Les domaines de haute police, dans lesquels le pouvoir était assez largement discrétionnaire et donc peu contrôlé par le juge (on parle alors de contrôle restreint), sont progressivement passés sous un contrôle « normal », plus protecteur des libertés.

  • C) PANORAMA DES DROITS ET LIBERTES CONSACRES PAR LE JUGE

Panorama se fonde sur les jurisprudences françaises du CONSEIL CONSTITUTIONNEL et du Conseil d’ Etat.

1 – Le principe de dignité

2004 : loi bioéthique

CAA de Douai 12/11/2009 (condition carcérale)

2009 : loi pénitentiaire

2 – Le principe d’égalité et ses déclinaisons

Conseil d’État, Assemblée. 1954 Barel, GAJA (accès à la Fonction publique)

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 1973 Taxation d’office (égalité devant la loi)

CE 1974 Denoyez et Chorques (condition de création de tarifs différents dans l’accès au service public)

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 2000 (égal accès des hommes et femmes aux mandats électoraux)

Conseil d’État, Assemblée. 2006 GISTI (droit à la représentation professionnelle des étrangers hors UE)

DC 2010 Gens du voyage (validation de la différence de régime juridique entre sédentaires et itinérants)

Décision QPC 2010 Consorts L (non-conformité de la loi de cristallisation des pensions des anciens combattants hors métropole)

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 2011 (loi sur l’immigration, l’intégration et la nationalité)

3 – La liberté et ses multiples déclinaisons

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 2001 IVG II (Interruption volontaire de grossesse)

* liberté d’aller et venir :

CE 1919 Dames Dol et Laurent, (légalité d’une décision d’interdiction d’un quartier aux prostituées, en raison de circonstances exceptionnelles)

TC 1945 Dame de la Murette (arrestation et détention arbitraire en période de circonstances exceptionnelles)

DC 1995 (Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité intérieure (LOPSI) (vidéosurveillance)

Conseil d’État, Assemblée. 1995 Hardouin (redéfinition des mesures d’ordre intérieur en milieu carcéral : l’impact d’une mise aux arrêts sur la liberté d’aller et venir implique que le juge puisse connaître de cette décision).

CE 2001 Deperthes (atteinte au droit de quitter le territoire français)

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 2011 Loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (la lutte contre l’immigration illégale est une exigence à valeur constitutionnelle)

* liberté (droit) de mener une vie familiale normale :

Conseil d’État, Assemblée. 1978 GISTI, (droit à une vie familiale normale, droit au regroupement familial, droit des membres de famille d’un étranger à occuper un emploi)

CE 2001 Min. de l’intérieur / Mme Tliba

* liberté d’association :

Conseil d’État, Assemblée. 1956 Amicale des Anamites de Paris

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 1971 Liberté d’association

* liberté du culte

CE 1909 Abbé olivier (appréciation de la légalité d’une mesure d’interdiction d’une procession au motif d’atteinte à l’ordre public)

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 1977 Liberté d’enseignement (valeur constitutionnelle de la liberté religieuse)

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 2010 Interdiction de dissimulation du visage dans l’espace public

* liberté de réunion :

CE 1933 Benjamin : énoncé du principe de proportionnalité de la mesure de restriction d’une liberté par rapport à la menace à l’ordre public

CE 2002 Front national

* liberté de l’enseignement :

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 1977 Loi Guermeur

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 1984 Libertés universitaires (indépendance des professeurs d’universités)

* liberté du suffrage

CE 2001 ord.référé Commune de Pointe à Pitre

* Liberté des médias :

CE 1959 Soc. Les films Lutétia, (possibilité d’interdire au niveau local un film autorisé au niveau national pour seule raison de protection de l’ordre public).

Conseil d’État, Assemblée. 1960 Soc. Frampar (contrôle des saisies de journaux opérées à titre préventif, c’est-à-dire dans le cadre d’opération de police administrative)

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 1984 (loi sur le pluralisme des médias)

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 1986 Liberté de communication (avec obligation de garantir le pluralisme des médias)

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 2009 (Loi HADOPI)

* droit d’asile :

CE 2001 Hyacinthe

* libre administration des collectivités locales :

CE 2001 Commune de Venelles, GAJA

* liberté du commerce et de l’industrie :

* au sens de la liberté de travailler :

CE 1919 Dames Dol et Laurent (interdiction d’employer des « filles », dans tous les établissements d’un quartier de la ville)

CE 1951 Daudignac (condition de création d’une procédure d’autorisation d’une activité professionnelle : par la loi et non via une autorité réglementaire)

Conseil d’État, Assemblée. 1950 Comité de défense des experts comptables brevetés par l’Etat (limites aux obligations que l’ordre professionnel peut imposer à ces membres)

* au sens des conditions de création d’un service public :

CE 1930 Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers (interdiction faite aux maires de créer des services publics qui feraient une concurrence aux entreprises privées. Seule possibilité reconnue : pour pallier une carence du secteur privé).

CE 1942 Mollet (possibilité de création par une personne publique d’une activité qui constitue le prolongement d’un service public existant)

* au sens de la soumission des services publics à des appels d’offres :

CE 1997 Soc. Million et Marais (soumission des activités de production et distribution des personnes publiques au Code des marchés publics)

CE 2006 Ordre des avocats de Paris (acceptation de la soumission d’offres par un service public, sous réserve que cette offre se fasse dans des conditions qui ne doivent pas biaiser la concurrence avec les entreprises privées).

CE 2001 Commune de Montreuil-Bellay

4 – Les droits créances

* droit au travail :

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 2006 (repos dominical et exceptions)

* droit à la santé

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 1990 (Loi portant sur la sécurité sociale et la santé)

* droit à un logement :

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 1995 (loi sur la diversité de l’habitat)

TA de Paris 2010 Mme B et M.D. (droit au logement opposable, issu de la loi DALO du 5 mars 2007, injonction de loger un requérant)

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 2011 LOPPSI II (censure d’un dispositif d’expulsion de campements illicites, considéré comme trop attentatoire au droit à un logement décent)

TA de Paris 2013 Mohand (droit à un hébergement d’urgence)

5 – La sureté

* les droits de la défense et présomption d’innocence :

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 1976 Prévention des accidents du travail

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 2009 Création sur Internet (présomption d’innocence, principe d’interdiction de présomption de culpabilité, exceptions très encadrées)

QPC 2010 Région Languedoc-Roussillon (article 575 du Code Pénal)

QPC 2010 Daniel V et autres (garde à vue : Droit d’être assisté d’un avocat, droit de garder le silence

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 2011 Loi LOPPI II (nécessité d’une force publique & interdiction de déléguer des missions de police administrative générale à une personne privée)

* le principe de légalité des peines

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 1981 Loi sécurité et liberté (lutte contre le risque d’arbitraire & obligation de définition claire des infractions)

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 2007 (loi sur la récidive)

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 2008 (loi sur la rétention de sûreté et l’irresponsabilité pour trouble mental)

QPC 2011 Stéphane A et autres (droit à l’individualisation de la peine article7 du code électoral)

* Sécurité juridique

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 2007 Outremer (les objectifs de clarté, intelligibilité et accessibilité de la loi contribuent à la sécurité juridique)

Conseil d’Etat, Assemblée 2007 « Société Tropic Travaux signalisation » (encadrement des revirements de jurisprudence)

6 – Le droit de grève

Conseil d’État, Assemblée. 1950 Dehaene,

CE 2003 Aguillon

7– Propriété et vie privée

* La protection de la vie privée

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 1977 Fouille des véhicules

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 1995 (Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité intérieure (LOPSI) (vidéosurveillance)

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 1999 CMU (couverture maladie universelle)

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 2010 Vidéosurveillance

* Le droit de propriété

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 1989 TVG Nord (la protection de la propriété immobilière par le juge judiciaire a valeur de PFRLR)

CE 2001 Société Lidl

* L’inviolabilité du domicile :

CONSEIL CONSTITUTIONNEL 1983 Perquisitions fiscales: non-conformité à l’art.66 de la Constitution d’une disposition autorisant trop largement les perquisitions

  • &2 – LA COEXISTENCE DES DROITS ET LIBERTÉS ENTRE EUX ET AVEC LES AUTRES NORMES

DROITS ET LIBERTÉS affirmés par les textes nombreux et hétérogènes (origine, date…) et peuvent de ce fait se trouver en contradiction les uns avec les autres.

Ex :

    • droit de grève / droit de travailler : grève des uns peut faire obstacle au travail des autres.
    • Droit de propriété / droit au logement.
    • Droit de propriété et liberté de jouissance qu’il suppose /droit à un environnement sain
    • Liberté du commerce et de l’industrie/ droit à un environnement sain

Appartient au juge d’opérer la nécessaire conciliation entre les différentes règles juridiques, celles protectrices des libertés et les autres, pour dégager des solutions justes.

Ex : en 1979, le CONSEIL CONSTITUTIONNEL a dû concilier le droit de grève avec le principe de continuité du service public -> « service minimum » dans les transports publics, qui sont régulièrement affectés par des mouvements de grève de grande ampleur.

On parle également de continuité du service public notamment l’éducation nationale -> Gouvernement Fillon a mis en place un dispositif d’accueil des enfants dans les écoles par du personnel municipal et des contractuels ponctuellement missionnés pour assurer une garderie.