Les biens propres par subrogation

Les biens propres par subrogation (régime de la communauté réduite aux acquêts)

Rappel sur la notion de bien propres : ils sont énumérés aux articles 1404 à 1408 c. civ. On distingue les biens propres par nature, par subrogation, par licitation, par origine :
1/ les biens propres par leur origine : ce sont les biens dont les époux avaient la possession ou la propriété avant de se marier, ainsi que les biens acquis à titre gratuit (donation, succession ou legs) en cours d’union.
2/ les biens propres par leur nature : les vêtements, les décorations, les bijoux,…. tous biens et droits exclusivement attachés à la personne. Il faut ajouter les instruments de travail nécessaires à la profession d’un époux, ainsi que les dommages et intérêts alloués en réparation d’un préjudice corporel ou moral (même si l’indemnisation prend la forme d’une rente).
3/ les biens rattachés à un propre : sont visés les biens acquis à titre d’accessoires d’un bien propre (ex: maison construite sur un terrain propre, même avec des fonds communs; plus-values acquises par une entreprise propre,…), les portions de biens dont l’un des époux était déjà propriétaire par indivis.
4/ les biens subrogés à un bien propre : ces biens deviennent propres, soit par une subrogation automatique (le prix de vente d’un immeuble propre est propre), soit par un emploi ou remploi de fonds propres dans les conditions des art.1434 et 1435 c civ. Nous étudions ici la subrogation

La subrogation réelle permet lorsqu’un bien propre se trouve remplacé par un autre bien, d’attribuer à ce dernier le caractère de propre et qu’il est donc indifférent qu’au moment de l’opération, il n’ait pas été fait la déclaration prévue à l’article 1434 du code civil.

 

Une masse de bien qu’on peut qualifier de patrimoine, patrimoine propre, est un ensemble évolutif. Les biens ne peuvent pas être figés pendant des années. D’autant qu’on a vu que certains biens peuvent déjà se développer par le mécanisme de l’accessoire ou par l’acquisition d’accessoires, mais surtout ils peuvent évoluer par la transformation qui est inhérente à la vie d’une masse de biens. La transformation oblige à remplacer des biens qui ont disparu, ou oblige pour des raisons économiques à remplacer certains biens par d’autres.

Le danger dans un régime de communauté est que le bien nouvellement acquis soit automatiquement bien commun et que les patrimoines propres s’étiolent face au net pouvoir d’expansion de la communauté.

Il y a au moins 2 mécanismes juridiques qui peuvent éviter cet écrasement des patrimoines propres :

L’un que l’on retrouvera plus tard et qui permet seulement une reconstitution en valeur des patrimoines propres. Mais ça peut jouer que dans un sens, c’est la technique de récompenses qui rétablit des équilibres en valeur. Cela joue au moment de la dissolution du régime, cf. le règlement de la communauté infra.

L’autre mécanisme juridique qui retiendra seul notre attention, c’est la subrogation réelle qui permet un maintien en nature d’un patrimoine propre, d’une masse de biens propres. Il y a subrogation réelle lorsqu’un bien nouveau prend la nature même de celui auquel il est substitué, de celui qu’il remplace au sein d’un patrimoine ou au sein d’une masse de biens. Il en résultera qu’un bien acheté pendant le mariage qui a priori aurait été un acquêt, mais en remplacement d’un bien propre pourra ainsi être lui-même propre. Ici, joue la subrogation réelle.

o Cette subrogation réelle joue parfois automatiquement, nous verrons cela dans un 1e temps.

o Dans les autres cas, elle est subordonnée à une manifestation de volonté de l’époux propriétaire du titulaire du patrimoine propre

Voyons ces 2 modalités de la subrogation réelle qui permettant toute les deux un maintien en nature du patrimoine propre à l’occasion d’opérations de cession, de mouvement de valeur qui sinon risqueraient de réduire par contre le patrimoine propre.

I La subrogation réelle automatique

2 cas sont prévus par les textes :

A Les créances et indemnités qui remplacent des propres

Il s’agit de l’article1406 al 2. l’alinéa 1, on l’a vu, est à propos de la notion d’accessoire.

L’alinéa 2 ajoute ceci : «forment aussi des propres par l’effet de la subrogation réelle les créances et indemnités qui remplacent des propres». Cette formule vise les indemnités qui remplacent des propres

Il s’agit par exemple d’une indemnité d’assurance en cas de détérioration ou de destruction d’un bien propre, peut-être aussi une indemnité de responsabilité, d’expropriation : si l’époux propriétaire est exproprié, la créance qu’il aura sera automatiquement propre. Et les autres créances que vise le texte, les indemnités ou créances, c’est par exemple la créance du prix de vente d’un bien propre.

Si un bien propre est vendu, la créance du prix de vente est automatiquement elle-même un bien propre

La créance ou l’indemnité compense au fond la valeur perdue par le patrimoine propre.

Quant aux sommes d’argent revues en paiement de ces créances, elles sont également propres et donc l’époux propriétaire qui perçoit ces sommes peut en dispose librement. Il n’y a plus aujourd’hui cet usufruit de la communauté qui faisait tomber ces sommes en communauté à charge de récompenses.

Cela dit, le bien acquis avec ses deniers propres , à supposer qu’on puisse identifier les deniers servant à l’acquisition, ne sera plus forcément un bien propre : il faudra observer les formalités d’emploi cf. §2

En tout cas, les indemnités ou créances qui remplacement des propres sont propres.

Et les sommes d’argent perçues en vertu de ces créances sont propres en elles même, sans besoin de formalités particulières

Tel est le 1e cas de subrogations réelles automatiques.

B L’échange

Cela est prévu par l’article 1407. La subrogation réelle joue de plein droit lorsqu’un bien propre est échangé contre un autre bien

Un immeuble propre est échangé par un autre bien. Le bien ainsi acquis pour le contrat d’échange est automatiquement propre, sans formalité.

La difficulté vient de ce que les deux biens échangés n’ont jamais la même valeur exactement : de serait un miracle que les deux biens aient la même valeur à l’Euro près. D’où le paiement d’une soulte par le coéchangiste qui reçoit le bien qui a la plus forte valeur.

Il y en a un qui échange un bien qui vaut 100 contre un bien qui vaut 110, il devra une soulte de 10 pour compenser l’écart à l’autre partie. C’est le paiement de cette soulte qui accompagne presque toujours l’échange qui a posé problème. Et ce problème est aujourd’hui réglé par l’article 1407 lui-même, qui applique une sorte de loi de majorité.

D’un adage latin, on tire la règle : la partie la plus grande attire à elle, imprime son régime juridique sur la partie la plus petite.

1er cas: concrètement, cela signifie que si la soulte est inférieur ou égale à la valeur du bien cédé, le bien acquis est propre, à la condition que la valeur de la soulte ne dépasse pas la valeur du bien acquis. Mais récompense est due à la communauté si c’est la communauté qui a dû payer cette soulte.

Par ex un époux propriétaire d’un immeuble valant 70 000 l’échange contre un autre immeuble valant 100 000 et il payer une soulte correspondant à la différence à son cocontractant, une soulte de 30 000. Il prend ça sur ses économies de salaires, biens communs. Il devra récompense à la communauté. Le nouvel immeuble sera propre, mais le déséquilibre en valeur sera rétabli par une récompense à la communauté.

2e cas, s’il se trouve que la soulte en vient à être supérieure à la valeur du bien cédé, alors là la loi de majorité conduit à un changement de qualification : le bien acquis est commun si la soulte a une valeur supérieur à la valeur du bien cédé. Et cette fois ci, c’est la communauté qui devra une récompense à l’époux échangiste, à l’époux parti à un contrat d’échange.

Par exemple un époux a un immeuble qui ne vaut cette fois ci que 40 000, il l’échange contre un immeuble valant 100 000. La soulte de 60 000 est plus importante que la valeur du bien échangé. L’article 1907 applique cette loi de majorité, disant que la contribution majeure vient de la communauté. Le nouvel immeuble acquis par échange est commun. Mais comme c’est dû au fait qu’un époux a perdu un propre, cela sera compensé par une récompense.

Dans le 2e cas, on considère implicitement, quand la soulte est supérieur à la valeur du bien cédé, échangé, que c’est un achat par la communauté en quelque sorte, réglé en partie, pour moins de la moitié, par une dation en paiement d’un bien propre et le paiement d’une dette commune fait naître un droit à récompense au profit de l’époux concerné : l’achat d’un bien commun fait naître une dette commune et l’époux qui a sacrifié un bien propre pour payer en partie cette acquisition commune a droit à récompense.

On a parlé pour l’instant de la soulte au sens large. Cela peut être la soulte stricto sensu, mais aussi la somme correspondant aux frais qu’il a fallu payer.

En réalité, la soulte doit être comprise dans son sens le plus large, c’est-à-dire incluant les frais si la communauté les a payé. La question se pose dans les mêmes termes à propos du remploi. Quoi qu’il en soit dans ces différents cas, créance ou indemnité qui remplacera des propres, ou échange, la subrogation réelle joue de plein droit, il n’y a pas besoin par ex de clause expresse dans l’acte d’échange et c’est ce qui différencie 1e cas de ce qu’on appelle l’emploi et le remploi.

II La subrogation réelle subordonnée à une manifestation de volonté : c’est l’emploi et le remploi (sous entendu de biens propres)

Ce qu’on appelle l’emploi et le remploi sont 2 mécanisme analogues qui d’ailleurs sont réglementés de la même manière par les articles 1434 à 1436 et qui sont déjà annoncés par la formule finale de l’article 1406 al 2 : ainsi que les biens acquis en emploi ou remploi conforment aux articles 1434et 1435.

Alors de quoi s’agit il au juste ?

On dit qu’il y a emploi quand un époux utilise des deniers propres, de fonds propres : par ex de l’argent liquide recueilli dans une succession. Il utiliser des deniers propres pour acquérir un bien moyennant une manifestation de volonté que l’on précisera, le bien ainsi acquis sera propre et il y a une subrogation au 1e degré comme en cas d’échange. Le bien nouveau qui apparaît dans le patrimoine propre remplace directement le bien précédent. C’est l’emploi.

Quant au remploi, l’hypothèse est la suivante : un bien propre est vendu, l’époux propriétaire vend un bien propre. Il utilise le prix de vente : ce prix est utilisé pour acquérir un nouveau bien. Ce nouveau bien sera lui aussi propre moyennant une manifestation de volonté. Là, il y a une subrogation au 2e degré : un bien propre est remplacé par un prix de vente, prix remplacé par un nouveau bien. Il y a donc un élément intermédiaire ici entre le bien ancien et le bien nouveau, c’est-à-dire le prix de vente. Mais fondamentalement cela revient au même, c’est pourquoi la réglementation est identique.

On raisonne sur l’hypothèse la plus courante, celle du remploi. Mais on pourrait dire la même chose dans l’hypothèse d’un simple emploi.

Préalablement, avant d’expliquer les règles, quelle est l’utilité du remploi ?

Elle est évidente, elle va conférer le caractère propre au bien acheté alors qu’à défaut il serait commun, mais le remploi n’est pas forcément utile : si on n’observait pas les règles du remploi, le bien nouvellement acquis serait certes commun, mais à charge de récompense au profit de l’époux, car ce bien aurait été acquis avec des fonds propres d’un époux et en valeur, cela revient au même : au lieu d’avoir un immeuble valant 100, on a une créance de 100 sur la communauté. Et si les récompenses sont calculées conformément à la valeur du bien cela revient au même. Mais en réalité, il y a des différences sensibles, et le remploi conserve un intérêt majeur.

Quels sont les intérêts du remploi ?

1e intérêt = c’est que le caractère propre conféré au bien ainsi acquis permet une reprise en nature après la dissolution du régime or, on peut être attaché au bien en nature et de manière générale, on peut dire qu’il vaut mieux agir en propriétaire (on est sûr de reprendre son bien) qu’en créancier. Un créancier n’est jamais sûr d’être payé.

2e intérêt= s’il s’agit d’un bien source de revenus, un bien fructifère, ce peut être des parts d’intérêts dans une société par exemple, après la dissolution du régime, les bénéfices au cours de l’indivision post communautaire sont propres s’il s’agit d’un bien propre. Les revenus des propres ne tombent plus en communauté, quand la communauté est dissoute, alors que si c’est un bien commun, tant qu’il n’y a pas partage, les revenus du bien indivis continuent à alimenter les biens à partager.

3e intérêt = en ce qui concerne les pouvoirs des époux :

o si le bien est propre, il est administré librement par l’époux qui a opéré le remploi et notamment il peut être aliéné par cet époux seul, il peut être vendu par cet époux seul si c’est un propre.

o si c’est un bien commun soumis à cogestion, par exemple un immeuble, il faudra l’accord du conjoint.

enfin, il y a un 4e intérêt au plan des dettes, du passif : si on a conféré le caractère propre à un bien, les créanciers communs (il peut s’agir des créanciers de l’autre époux), ne pourront pas saisir ces biens.

Le remploi donc peut présenter de nombreux intérêts au moment du partage des biens, il permet une reprise en nature et cela a des conséquences sur les pouvoirs des époux pendant le mariage, pouvoir d’aliéner par exemple et sur les risques de saisie.

Donc le remploi conserve un intérêt réel même si les récompenses peuvent dans certains cas produire des résultats économiques voisins.

La loi réglemente les opérations types de remploi, on le verra dans un 1e temps, et 2e temps on verra qu’il y a des assouplissements c’est-à-dire que des emplois qui ne sont pas exécutés dans les règles de l’art peuvent présenter tout de même un intérêt.

A L’opération type de remploi

= le remploi exécuté conformément aux règles.

Le remploi suppose des éléments objectifs à la base, et à cela s’ajoute une manifestation de volonté.

1 Les éléments du remploi

Pour procéder à un remploi, pour qu’un remploi soit possible, il faut 2 éléments simples : il faut disposer de deniers propres = d’une manière ou d’une autre avoir des fonds propres et avec ceci, il faut acquérir un bien, un nouveau bien.

Au passage, je relèverai une jurisprudence, un arrêt important de la Cour de cassation du 5 janvier 1999 qui facilite les choses en exigeant pas que les deniers remployés soient matériellement les mêmes que ceux que l’époux a perçu. Ce qui est essentiel, c’est qu’il ait par exemple recueilli des deniers propres dans une succession de 100. Il n’est pas nécessaire que les fonds soient matériellement les mêmes, cela obligerait à ouvrir des comptes en banque distincts.

Si les fonds se sont mélangés, avec des fonds communs, à partir du moment où il n’est pas douteux que ce sont des propres, ok.

Donc peu importe la nature du bien qu’on acquiert, et le pourquoi de la disposition des deniers. Peu importe également la date à laquelle le prix est payé.

La seule chose nécessaire est que l’acquisition du nouveau bien doit être antérieure à la dissolution de la communauté, du régime.

Donc ce sont les deux éléments de base : des deniers propres et acquérir un nouveau bien.

Mais là, se pose une difficulté comparable à celle de l’échange : que se passe-t-il si on acquiert un bien mais qui a une valeur supérieure au bien aliéné (propre vendu par exemple) et que la communauté fournit la différence ?

La solution est donnée par l’article 1436 qui prévoit qu’un apport complémentaire de la communauté n’empêche pas le bien acquis d’être propre à charge de récompenses au profit de la communauté qui a fourni l’excédant.

On a par ex 80 000 de fonds propres, on acquiert un bien de 100 000 en prélevant 20 000 sur la communauté, le bien est propre et la communauté a droit à récompense.

Mais là aussi, si le complément devient trop important, qu’il dépasse la moitié du prix, le bien acquis est commun, la qualification se renverse. On applique la même règle de majorité et c’est l’époux qui a vendu son bien propre qui a droit à récompense.

Encore faut-il un peu préciser les choses :

Conformément au souhait de certains auteurs et à une orientation en ce sens de la pratique notariale, le nouvel article 1436, qui résulte de la loi de 58, conduit à tenir compte non seulement du complément de prix qui a été payé mais des frais d’acquisition, droits de mutation, taxe de publicité foncière, honoraires d’un intermédiaire… et à calculer en réalité non pas la fraction du prix payé, mais la contribution globale de chaque patrimoine. Et le changement de qualification s’opère si la contribution de la communauté est majoritaire.

Alors pour reprendre un exemple schématique pour illustrer cela, supposons qu’un époux utilisant des fonds propres achète un bien dont le prix est de 100 mais il y a en plus 10 de frais. Donc il faut payer 110 en tout pour acquérir le bien. Cet époux utiliser des fonds propres à concurrence de 52. Si on s’en tenait au seul prix, le patrimoine propre aurait fourni la majorité, mais le reste, 68 + frais est payé par la communauté. Donc la contribution majoritaire est celle de la communauté. Le bien sera alors commun à charge de récompense au profit de l’époux qui a tout de même fourni une fraction de ce qui était nécessaire pour acquérir le bien.

Tel est le sens de 1436 : on applique là aussi la loi de majorité.

Ce sont donc les éléments objectifs : avoir des deniers propres, acquérir un bien et l’article 1936 suggère des distinctions quand le bien est acquis avec une part de propre.

Mais ça ne suffit pas : il faut manifestation de volonté.

2 Une manifestation de volonté nécessaire au remploi

Sans manifestation de volonté, il n’y a pas subrogation réelle et le bien serait commun. Cette manifestation volonté est exigée par 1434, qui exige une double déclaration : déclaration de deniers propres, et déclaration de remploi du bien propre.

Il faut dire que l’acquisition est faite avec les deniers provenant de l’aliénation de bien propre. Il faut indiquer quelle est l’origine des deniers, des propres. Et ensuite, il faut déclarer que l’acquisition est faite pour tenir lieu d’emploi ou de remploi de ces deniers propres : il faut donc indiquer la finalité de l’acquisition, le but poursuivi. Cette déclaration est un acte unilatéral, elle émane de l’époux au profit duquel le remploi est opéré, sans que le concours de l’autre époux ne soit nécessaire. Cette déclaration unilatérale doit être faite dans l’acte acquisition : pratiquement, il faut insérer une clause contenant cette déclaration dans l’acte d’acquisition.

L’article 1434 dit « lors de l’acquisition » : c’est une sorte de preuve intrinsèque préconstituée qui écarte la présomption de communauté et rend l’opération opposable aux tiers.

Bien sûr quand le contrat doit être soumis à publicité, il faut que la publicité ait lieu pour que ce soit opposable aux tiers.

Enfin, cette déclaration de remploi, ces formalités, doivent correspondre à la réalité : c’est-à-dire qu’il faut que l’opération de rachat soit effectivement financée avec des deniers propres. Si cette déclaration était fausse, le bien acquis serait commun.

Lorsque ces conditions sont réunies : disposer de deniers propres, acquérir un bien, et observer les formalités, on est en présence d’un remploi modèle : le bien est propre tant dans les rapports être époux qu’à l’égards des tiers.

Cependant, l’absence de certaines conditions qu’on vient d’indiquer n’empêche pas le remploi de se produire, mais avec moins de force.

B Les assouplissements, les modalités imparfaites du remploi, les tempéraments

Pour une raison ou une autre, l’opération de remploi est en quelque sorte boiteuse, il manque un élément, on ne s’est pas conformé au modèle : on peut bénéficier d’assouplissements dégagés par la jurisprudence et consacrés par la loi.

Il y en a essentiellement 2 : le remploi par anticipation, et le remploi a posteriori ou par retardement.

1 Le remploi par anticipation

Dans ce cas, ce qui n’est pas respecté, c’est la chronologie habituelle normale des opérations. L’époux suit l’ordre inverse : il acquiert d’abord un bien avant d’avoir vendu son bien propre.

Il peut être utile d’autoriser ce remploi par anticipation, cela permet à un époux de ne pas manquer une opération intéressante pour laquelle il faut se décider de suite, mais il faut vendre ensuite le bien propre. Mais il y a un danger, c’est que l’époux ne vende ensuite son propre que si l’opération se révèle avantageuse pour lui. S’il a fait une mauvaise affaire, il peut ne pas vendre son propre, et le bien reste commun à la communauté.

La possibilité d’un remploi par anticipation avait été validé dès le début du 19e s par la jurisprudence, aujourd’hui consacrée par l’article 1435 qui admet ce remploi par anticipation : on déclare que l’on acquiert un bien pour remplacer un bien propre qu’on n’a pas encore vendu. Mais alors dans ce cas, il faut que, lorsque le propre sera vendu, les fonds provenant de la vente soient payés à la communauté, mis dans la masse commune : c’est ce que prévoit le texte qui exige aujourd’hui que cela se fasse dans les 5 ans de la date de l’acte. Donc on laisse un délai raisonnable, on a pensé aux opérations immobilière surtout : 5 ans pour vendre son propre et rembourser la communauté.

Alors qu’avant 85, il n’y avait pas de limite, ça devait être avait avant liquidation de la communauté, et permettait une spéculation.

La subrogation est affectée d’une condition suspensive : le versement de sommes provenant du patrimoine propre. Cependant, la rétroactivité de la condition n’est pas absolue parce que dans l’intervalle entre le moment où le bien est acquis, et ensuite où il y a vente du propre et remboursement de la communauté, le bien demeure le gage des créanciers : le bien est commun pour les tiers, tant que l’opération n’est pas dénouée.

2 Remploi a posteriori ou à retardement

Dans ce cas, la chronologie normale a été suivie. Ce n’est pas l’opération de remploi qui est tardive, mais simplement la déclaration de remploi ne figure pas dans l’acte d’acquisition. Il y a une possibilité de rattrapage : un accord des époux intervient après coup, après le remploi avec des fonds propres pour reconnaître le caractère propre du bien acquis.

Mais là, il faut l’accord du conjoint pour reconnaître cette propriété : c’est un remploi conventionnel, il faut un accord. Ici, c’est la manifestation ne volonté qui est tardive, qui n’a pas été faite au moment de l’acquisition.

Donc il ne faut pas considérer qu’emploi par anticipation et par retardement sont des inverses : ce ne sont pas les mêmes éléments qui sont concernés dans chaque cas et un remploi par anticipation peut être en même temps un remploi a posteriori : on peut acquérir un bien et déclarer plus tard que ce bien a été acquis pour le remplacement d’un bien propre que l’on va vendre en remboursant la communauté.

C’est l’hypothèse qui s’est trouvée dans un arrêt célèbre de la Cour de cassation de 1938, l’affaire Pothier de la Morandière : dans ce cas, il faut un accord des époux et non pas une simple déclaration. Cet accord n’est soumis à aucune condition de forme particulière : ce peut être un accord tacite, mais il faut encore pouvoir prouver la réalité de cet accord. Il peut intervenir jusqu’à la dissolution de la communauté.

Par ailleurs, point important, cet accord des époux, ce remploi a posteriori conventionnel ne produit ses effets que dans les rapports entre époux : il a un effet plus limité que le remploi modèle, le remploi type. Ce remploi ne peut pas préjudicier aux tiers,

d’où le statut assez particulier du bien dans cette hypothèse de remploi à retardement. On peut dire que, dans un certain sens, le bien est propre dans les rapports entre époux, mais commun à l’égards des tiers : donc le caractère propre du bien n’est pas opposable aux tiers.

Il en résulte les conséquences suivantes :

le bien est propre dans les rapports entre époux, cela signifie que l’époux qui bénéficie de ce remploi peut reprendre le bien en nature lors de la dissolution du régime, si le bien est toujours là (ce qui peut être important)

mais à l’égard des tiers, les créanciers notamment, ils pourront saisir ce bien comme un bien commun. Donc les créanciers du conjoint peuvent éventuellement saisir ce bien et au plan des actes concernant ce bien, on raisonnera au profit des tiers comme si le bien était commun. Donc quand il s’agit d’un acte que l’un ou l’autre peut faire (exemple = un bail d’habitation pour un immeuble), le futur locataire pourra traiter avec n’importe quel époux. Si c’était un propre, il aurait fallu traiter uniquement ave l’époux propriétaire.

Tels sont les assouplissement au remploi

On pourrait s’interroger sur l’opportunité aujourd’hui des formalités du remploi : depuis que l’usufruit de la communauté a été supprimé, de même que le cas du remploi effectué par le mari pour le compte de la femme.

Reste à traiter dans un chapitre 3 les questions de preuve : la preuve des faits qui font qu’un bien est propre ou commun.