Le rôle du juge dans la protection des droits fondamentaux

Protection des libertés publique et rôle du juge

Professeur Dupre de Boulois qui essaie de créer une typologie de l’office du juge en matière de protection des Droits et libertés fondamentaux. Il y aurait selon lui 4 rôles dans son office :

  • la prévention ou la cessation d’un comportement portant atteinte aux droits et libertés : ex cas du juge saisi d’un référé liberté au cours duquel on demande au Juge Administratif de faire cesser une atteinte à une liberté fondamentale effectuée par l’administration.
  • La suspension ou l’annulation d’un acte portant atteinte aux Droits et libertés : ex le référé suspension : acte sur lequel on aurait un doute sérieux sur sa légalité, on peut le suspendre. L’illégalité peut provenir de la violation d’un droit ou d’une liberté ;
  • la sanction de l’atteinte à une liberté : le juge pénal à propos du délit de discrimination. Discrimination dans l’emploie st un délit donc le juge pénal peut prononcer une sanction contre l’auteur du délit ;
  • la réparation du préjudice qui résulterait de l’atteinte aux droits et libertés d’un individu : ex délai raisonnable droit au recours et à un procès équitable n’a pas été respecté, on peut obtenir réparation.

La première partie rappelle les protections juridictionnelles mises en place pour sanctionner au sens large les violations des droits fondamentaux et plus précisément les violations qui émanent de l’administration au sens large (a). La deuxième partie consistera à évoquer le rôle du juge face aux violations des droits fondamentaux commises par des personnes privées.

  • Protections juridictionnelles contre l’Etat

Que ce soit au niveau exécutif et législatif

Il convient de distinguer 2 champs possibles de protection :

  • La protection des droits fondamentaux contre d’éventuelles atteintes portées par la loi
  • La protection contre les possibles entraves venues des actions de l’administration

Sur la protection contre la loi

XXXnon conforme à des droits et libertés fondamentaux garantis dans des normes supranationales, la protection contre la loi se fait par le biais du contrôle de conventionalité.

On va voir le contrôle de constitutionnalité exercé par le juge constitutionnel et le contrôle de conventionalité exercé par les juges ordinaires.

Sur le contrôle de constitutionnalité : le Conseil Constitutionnel n’était pas à l’origine un juge protecteur des libertés, pas conçu dans cette perspective mais il l’est devenu. Il a été créé en 1958 par le constituant de la 5ème République en nouant avec l’idée d’un contrôle de constitutionnalité des lois et en appliquant la théorie de Kelsen sur la hiérarchie des normes. Il faut pour cela qu’il y ait une autorité, un juge chargé de vérifier le respect par la norme inférieure des exigences de la norme supérieur. Il est aussi juge électorale pour les élections nationales (présidentielles, législatives et sénatoriales). Il a un rôle de contrôle de conformité des traités à la constitution, prévu à l’article 54.

Pour l’essentiel le contrôle de constitutionnalité de la loi pour l’essentiel visait à vérifier que le législateur était bien resté dans le champs de compétence de l’article 34 de la constitution qui limite le champ d’intervention du législateur, il ne doit pas empiéter sur le domaine de droit commun du pouvoir réglementaire.

Il a rendu une décision importante le 16 juillet 1971 Liberté d’Association dans laquelle il effectua un contrôle sur le fond de la loi, il a vérifié que la loi votée ne violait pas le bloc de constitutionnalité. En l’espèce, le Conseil Constitutionnel a dégagé un PFRLR, la liberté d’association et la nouvelle loi portait atteinte à ce principe donc inconstitutionnalité de la loi qui n’a pu entrer en vigueur.

Après, d’autres éléments ont participé à en faire un véritable juge constitutionnel : xxx réforme de 1974 de : il peut être saisi par 60 députés ou 60 sénateurs, ceci a concrètement ouvert à l’opposition de saisir ce juge constitutionnel. Cela a multiplié les saisines et a permis au juge constitutionnel de développer sa jurisprudence en matière de droits et libertés fondamentaux.

Il a aussi un contrôle a posteriori de la loi, cela date de la révision constitutionnelle de 2008 qui introduit un article 61-1 dans la constitution. Loi organique du 10 décembre 2009 met en œuvre cette révision constitutionnelle en ce qui concerne la QPC et donc qui permet à une partie au cours d’une instance de soulever la QPC concernant une disposition législative, applicable à son litige. La QPC e peut porter que sur la méconnaissance de droits et libertés que la Constitution garantit. La QPC porte précisément sur les droits et libertés fondamentaux. Le juge constitutionnel admet néanmoins qu’i s’agit bien de toutes les normes constitutionnelles protégeant les droits et libertés. Pour qu’elle puisse être soumise au Conseil Constitutionnel, il y a un double filtre : d’abord filtre entre la juridiction du fond et la juridiction suprême de l’ordre juridictionnel concerné et ensuite second filtre entre la juridiction suprême et le Conseil Constitutionnel.

On ne peut soulever une QPC que si celle-ci n’a pas été déclaré conforme à la Constitution ; il ne faut pas qu’il y ait eu auparavant un contrôle a priori juste avant son adoption sauf s’il y a changement de circonstances. Cela peut être un changement de circonstances de droit (révision de la constitution), ou un changement de circonstances de fait (décision QPC concernant la garde à vue en 2010).

Les effets des décisions du Conseil Constitutionnel : les effets de ses décisions varient selon que le Conseil Constitutionnel est saisi en vertu de l’article 61 (contrôle à priori) ou en vertu de l’article 61-1 (contrôle a posteriori). XXX

Dans le cadre du contrôle a priori ; il peut déclarer une loi inconstitutionnelle, elle ne peut entrer en vigueur et il peut aussi faire des déclarations de constitutionnalité sous réserves. Il va conclure à la constitutionnalité de la loi à condition de les interpréter conformément à la constitution.

Dans le cadre du contrôle a posteriori : la déclaration d’inconstitutionnalité ne peut empêcher l’entrée en vigueur puisque la loi est déjà en vigueur, mais va avoir pour effet d’abroger la loi (la loi disparait de l’ordre juridique uniquement pour l’avenir). Le juge constitutionnel peut moduler les effets dans le temps de sa décision : Il va pouvoir éventuellement différer l’abrogation de la loi. Pourquoi ? Exemple Conseil Constitutionnel 30 juillet 2010 QPC Garde à vue : afin d’éviter le vide juridique, il a différer l’abrogation.

Le Conseil Constitutionnel est-il une véritable juridiction ? Oui notamment le fait que ses décisions soient couvertes par l’autorité de choses jugée (force contraignante de ses décisions) ; ses décisions s’imposent à tous les pouvoirs publiques, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.

Sur sa composition : on a des membres de droit (anciens présidents de la République) et des membres nommés (9 membres). Ces derniers sont nommés pour un mandat de 9 ans non renouvelable, nommés par tiers, par le président de la R, président du Sénat et Président de l’Assemblée Nationale. Des membres nommés par des autorités politiques donc se posent des questions sur leur indépendance par rapport aux autorités politiques de nomination et la question de leur impartialité.

Concernant leur indépendance : leur mandat n’est pas renouvelable, ils n’ont aucune perspective donc ça devrait garantir leur indépendance. Concernant l’impartialité : il n’y a aucune exigence en termes de profil (on n’exige pas des juristes) donc souvent ce sont d’anciennes personnalités politiques notamment d’anciens parlementaires.

Sur la protection offerte aux droits et libertés par le Conseil Constitutionnel : il effectue un contrôle important des lois par rapport à toutes les normes de valeur constitutionnelle, la limite à ce contrôle est son refus de contrôler la conventionalité des lois. Il refuse et ce de manière constante depuis la décision de 1975, IVG, de contrôler le respect par les lois des droits et libertés consacrés par des normes supranationales. Pour eux, il y avait atteinte au droit à la vie dont serait titulaire l’embryon donc inconstitutionnalité or le Conseil Constitutionnel va faire une analyse juridique strict et estime qu’il n’a compétence d’attribution, que parce que le constituant lui attribue une compétence qui serait limitée au seul contrôle de constitutionnalité de la loi.

Le Conseil Constitutionnel explique notamment qu’il rend des décisions qui ont autorité de chose jugée alors que l’article 55 impose une condition de réciprocité. Donc pour que les traités priment sur la loi il faut que cette condition soit respectée. Cette réciprocité peut ne pas être respectée. Ceci a été pallié par les juges ordinaires.

Le Juge Administratif exerce-t-il un contrôle de constitutionnalité des actes administratifs ? OUI et la question est de savoir s’il participe à un contrôle de constitutionnalité des lois ? Le Juge Administratif a très tôt admis la valeur juridique des préambules, car par le biais du Recours en excès de pouvoir il vérifie que l’acte administratif respecte toutes les normes supérieures et donc les normes constitutionnelles. Une des limites à ce contrôle tient au fait qu’il refuse de contrôler la constitutionnalité des lois or en pratique l’acte administratif ne fonde pas directement sur la constitution, le plus souvent s’interpose une loi entre acte administratif et constitution. Dans ce cas, le Juge Administratif a développé la théorie de la loi écran : il refuse de contrôle la constitutionnalité de l’acte administratif. S’il contrôle la constitutionnalité d’un acte administratif qui est pris sur le fondement d’une loi cela revient à contrôle de la conformité de la loi, qui relève du seul fait du juge constitutionnelle.

Avec l’introduction de la QPC on a mis fin au problème de la loi écran.

Le contrôle de conventionalité exercé par les juges ordinaires : les principes ont été posés suite à la décision de 1975 : le Conseil Constitutionnel refuse de contrôler la conventionalité de la loi et fait appel à la compétence des juges ordinaires. La cour de cassation répond à cette invitation faite par le Conseil Constitutionnel : arrêt Jacques Vabre Cour de Cassation 1975. Pour le juge administratif ; il faut attendre l’arrêt Nicolo du 20 octobre 1989 : jusque-là il acceptait de contrôler la conventionalité de toutes les lois. Cf. effet direct.

Arrêt CE 1990 Confédération nationale des associations catholiques

Contrôle de conventionalité exercé par le CE. Le requérant (la confédération), saisit le Conseil d’Etat d’un Recours en Excès de Pouvoir pour demander l’annulation de l’arrêté du ministre de la santé.

Le ministre autorise et réglemente la délivrance d’un médicament permettant l’IVG. Autorisation d’utiliser le médicament est prévu par l’arrêt et le requérant souhaite obtenir l’annulation de l’arrêté et éviter que ce médicament soit distribué. Le Recours en excès de pouvoir est exercé contre l’arrêté. Ce que dit le Conseil Constitutionnel est que «l’arrêté attaqué n’édicte aucune disposition violant ces textes, mais au contraire, rappelle les conditions posées, en ce domaine, par le législateur pour qu’il puisse être procédé à une interruption de grossesse. » : L’arrêté est bien conforme à la loi. On est dans l’hypothèse où l’acte administratif doit être conforme à la loi, cela revient à contrôler la loi. Donc théorie de la loi-écran : il n’appartient pas au conseil de se prononcer sur la constitutionnalité d’une loi.

S’agissant du moyen tiré de la violation des traités internationaux, rappel du caractère déclaratoire de la DUDH, elle n’a pas de force contraignante.

S’agissant, de l’incompatibilité des dispositions législatives, il effectue le contrôle de conventionalité de la loi, il vérifie si la loi de 75 et la loi de 79 ne méconnaissent pas l’article 2-4 de la CEDH et de l’article du PIDCP.

Considérant 5 : il est dit qu’il n’y a pas d’atteinte à ses deux articles. DONC REJET des requêtes.

En 1975 on conteste la constitutionnalité de la loi de 1975 mais pas inconstitutionnelle.

Critique P. Wachsmann Sur la composition du Conseil Constitutionnel.

Procédure de la QPC : celle-ci va changer le regard sur cette juridiction, le problème d’impartialité est posé par la composition du Conseil Constitutionnel ; le fait que les membres du Conseil Constitutionnel sont la plupart des autorités politiques qui ont eu à connaître souvent des lois soumises à leur contrôle par le biais de la QPC. Un député qui vote la loi admet implicitement sa constitutionnalité. Donc avec la QPC ils vont admettre explicitement la constitutionnalité de la loi.

  • Protection contre l’administration

Le principe de cette protection face à l’administratif c’est d’abord le fait du Juge Administratif mais on verra que le Juge Judiciaire peut intervenir. Principe : Juge Administratif et exception : Juge Judiciaire.

Le contrôle que le Juge Administratif effectue qui va permettre de protéger les droits fondamentaux : Recours en Excès de Pouvoir où il contrôle la légalité au sens large d’un acte administratif. Il effectue un contrôle efficace car il admet un large éventail de normes et notamment toutes les normes internationales et régionales d’effet direct. Il veille au respect des droits et libertés fondamentaux au sommet de notre hiérarchie des normes.

Le plein contentieux et le contentieux de la responsabilité administrative : dans ce cadre-là, l’illégalité est fautive, faute de l’administration susceptible d‘engager sa responsabilité.

La protection des droits et libertés fondamentaux se fait d’abord dans le cadre du Recours en Excès de Pouvoir mais de la responsabilité administrative aussi.

Les procédures d’urgence permettent aussi au Juge Administratif de protéger l’individu contre les conséquences d’éventuelles atteintes à ses droits et libertés. Il n’y a pas que le référé liberté, le référé suspension permet de demander la suspension d’un acte administratif s’il y a urgence et doute sérieux sur la légalité de l’acte administratif. Donc ce doute sérieux peut venir d’une méconnaissance des droits et libertés fondamentaux. Concernant le référé liberté, les possibilités du juge sont plus larges mais il faut toujours qu’il y ait urgence et un risque d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Il faut montrer au juge qu’une liberté fondamentale est en cause. Il y a des restrictions que les libertés fondamentales mais aussi il n’admettait pas que les droits sociaux soient des libertés fondamentales : droit à la protection de la santé —> CE 8 septembre 2005 B/ Garde des sceaux, le Conseil d’Etat estime qu’il y un principe de santé publique, principe a valeur constitutionnelle, qui ne constitue pas une liberté fondamentale au sens du code de la justice administrative.

CE 3 mai 2002, Association de réinsertion sociale Limousin, le Conseil d’Etat considère concernant le droit au logement que ni le préambule de 46 ni la constitution de 58 ne consacre un droit au logement qui aurait le caractère de liberté fondamentale.

CE 27 juin 2002 Centre hospitalier général de Troyes. Le droit à l’emploi n’est pas non plus une liberté fondamentale, droit à l’emploi qui figure aussi dans le préambule de la Constitution.

Il a des moyens de contrôle efficace de ses Droits et Libertés, mais les droits sociaux sont moins bien protégés par ce que les normes internationales ne sont pas d’effet direct en matière de droits sociaux et ce ne sont pas des libertés fondamentales.

Son contrôle a tendance à s’élargir car il réduit les actes qui sont insusceptibles de recours. Maintenant le Recours en Excès de Pouvoir, est valable contre tout acte faisant grief, et les actes ne faisant pas grief sont extrêmement réduits : les actes de gouvernement, tout ce qui concernent les relations internationale, les mesures d’ordre intérieur (école, armée et prison). Parallèlement de plus en plus d’actes sont contrôlés notamment au regard des droits fondamentaux.

  • Le juge judiciaire : l’exception

Le Juge Judiciaire joue un rôle certes restreint mais possible à l’encontre de l’administration n=lorsqu’il n’intervient en situation de voie de fait. Arrêt TC 8 avril 1935 Action Française : le Juge Judiciaire est compétent lorsque l’administration va commettre une irrégularité tellement grave qu’elle va faire perdre son privilège de juridiction. Idée : l’administration doit avoir son propre juge (privilège de juridiction) mais quand l’irrégularité est tellement grave, elle dénature l’acte, qui perd son caractère administratif et donc la juridiction compétente est le Juge Judiciaire. Ce sont les cas suivants : l’administration porte une atteinte grave au Droit Patrimonial ou alors quand la décision prise par l’administration n’est pas susceptible de se rattacher à un quelconque pouvoir de l’autorité administrative.

Le Juge Judiciaire est compétent lorsque la liberté individuelle est cause sur le fondement de l’article 66 de notre Constitution. Le régime de l’hospitalisation psychiatrique forme de détention contre la volonté ce qui explique qu’il soit compétent pour contrôler la décision de l’administration.

En matière d’expropriation, c’est le Juge Judiciaire qui est compétent. Cession forcée de la propriété contre indemnisation. Le Juge Judiciaire intervient notamment sur la question du montant de l’indemnisation.

Protection juridictionnelle contre les particuliers

Le Juge Judiciaire a à connaitre de conflits individuels qu’il est chargé de résoudre et qui peuvent protéger les droits et libertés. Le juge judiciaire va peu se servir des sources constitutionnelles en revanche ils mobilisent davantage les normes internationales (traités). Par ce biais, les droits de l’Homme vont être intégrer Par ailleurs la cour de cassation lui reconnait son effet horizontal c’est-à-dire que les droits consacrés par la convention s’impose à l’Etat Partie mais également aux individus dans les rapports de droit privé qu’ils entretiennent.

L’article 8 (droit au respect de la vie privée) de la convention : la troisième chambre civile de la Cour de cassation a en 1996 (OPAC ville de Paris Yedei) appliqué l’article 8 à un bail d’habitation. Il a déclaré le contrat de bail illégal au motif qu’il comportait des clauses interdisant aux locataires d’héberger des proches. Clauses contraires à cet article 8 de la convention.

Jurisprudence sur la dignité humaine, 2010 la Cour de Cassation avait à trancher un litige et avait à se prononcer sur la question de la liberté d’expression. Donc interdiction de l’exposition.

Le juge du travail va aussi traiter de la question des droits et libertés qui en se prononçant sur des sanctions à l’encontre des salariés, va être amené à se prononcer sur le respect ou non des droits sociaux des salariés.

Les normes inter et européennes ont pis de l’importance dans la protection des droits de l’Homme. Les organes mis en place par ses normes de protection dont la fonction est de veiller à la correcte application de ses droits de l’Homme.