La Constitution : définition, rôle et formes

LA CONSTITUTION

La première question à se poser : qu’est-ce qu’une constitution ? C’est le texte dont la vocation, la raison d’être, est d’organiser le lien fondamental entre l’individu et l’Etat, qui, autrement dit, déterminer le statut du pouvoir dans l’Etat (qu’est ce qui peut faire, quelles sont ces limites ?). Tout ça constitue cette notion de Constitution.

Si on veut aller plus loin, c’est un petit peu plus complexe. De Gaulle : « Une constitution c’est un esprit, des institutions, une pratique ». Formule tirée de l’allocution du 31 janvier 1964, parfois appelée « allocation constituante » par dérision.

Pour aller plus loin, il faut repartir de la question du lien entre le citoyen et l’Etat.

  1. On peut commencer par le texte de la déclaration des droits qui organise le rapport.
  2. Ensuite on précisera sous quelles formes s’établissent les règles constitutionnelles.

Section 1 – Les déclarations des droits

Pour affirmer l’importance de la place du citoyen, et donc de son statut juridique, des règles qui le protègent dans sa vie et dans sa liberté, c’est une pratique assez générale que d’affirmer les droits du citoyen en tête dans le texte des constitutions ou bien par un texte qui accompagne ou qui précède celle-ci. Les formes peuvent être différentes, mais elles ont une fonction équivalente. On peut distinguer les déclarations, avec une série d’articles en forme volontariste, mais aussi les préambules littéraires expliquant les finalités de la constitution, ou bien des garanties des droits avec des règles plus contraignantes. Tout ça a un peu vieilli, tous ces textes (préambules, déclaration, garanties) ont en fait la même signification.

  • I. Existence générale des déclarations des droits au préambule

Bien sûr, on peut remonter très loin. La plus ancienne garantie des droits qu’on connaisse est la magna carta (« la grande charte »), octroyée par Jean Sans Terre au barreau d’Angleterre en 1275. Après cette grande charte, les premiers textes qui correspondent à notre conception moderne sont des textes anglais, dont l’habeas corpus (= « tu as un corps »). C’est un texte qui en 1679 établi la « sûreté », c’est-à-dire le fait que la liberté physique de l’individu est proclamée et qu’on ne peut être détenu sans un jugement. Le fait qu’un individu a un corps amène à ce principe de liberté.

Les déclarations des droits, on les trouvera au moment de la révolution américaine et de la révolution américaine. Ces textes, on les trouve à la naissance des USA (1776) à la déclaration d’indépendance, et 1791 (toujours en vigueur) et une série de 10 amendements à la constitution de 1787 votée et ratifiés en 1791. Ils constituent le bill of rights, la loi sur les droits, qui est l’exactement l’équivalent de notre déclaration des droits.

En France, toutes les constitutions révolutionnaires sont précédées par une déclaration qui vise à reconnaître les droits concédés aux citoyens, la plus célèbre étant la DDHC de 1789. Celle-ci est toujours en vigueur. Cette grande déclaration, ou « la déclaration », est la traduction dans une forme juridique des grands principes philosophiques qui inspirent la révolution, la construction constitutionnel que l’on va entreprendre (qui elle sera beaucoup plus longue : 1791). Ce qui inspire cette déclaration, c’est les idées des encyclopédistes : tolérance et liberté individuelle, l’idée que la loi organise cette liberté et exprime la volonté générale (rousseau) et aussi l’idée de la séparation des pouvoirs (Montesquieu). C’est d’un point de vue plus juridique la proclamation des « libertés barrières », des barrières dresses contre l’action de l’Etat : la définition des domaines dans lesquels l’Etat ne peut pas intervenir, car on est dans le domaine de la liberté individuelle. C’est aussi la formation d’une égalité (très juridique et très formelle) entre tous les citoyens, sans distinction, par le simple fait d’être citoyen.

En réalité, on a là ce grand mouvement de synthèse des idées du 18ème siècle, comme l’annonce d’un monde nouveau qu’il va falloir construire. Le 19ème siècle se passera à essayer de construire ce monde nouveau, ceci après bien des secousses et des répliques de la révolution, lorsqu’il apparaît que ces acquis sont trop menacés (1830, 1848, 1870), avec chaque fois l’idée qu’il faut poursuivre/achever l’ouvre de la révolution.

Une fois que ceci sera à peu près fait, c’est-à-dire une société fondée sur des libertés, avec les grandes lois de liberté de la troisième République dans les années 1880, le mouvement de liberté conduira à des critiques nouvelles normalement par le marxisme sur le critère formel de ces libertés. On essaye d’explorer des droits nouveaux (sociaux et collectifs) autour du travail en particulier, qui montreront le 20ème siècle. Apparaissent aussi des droits de la troisième génération, des droits fondés sur l’idée d’une solidarité (lutte contre l’exclusion, et droit voir devoir d’ingérence au niveau international).

On peut essayer de montrer que tout se passe comme si notre trilogie républicaine (liberté, égalité, fraternité) se déclinait siècles après siècles. Fin 18ème, on rêve la liberté et on la réalisera pour l’essentiel au 19ème sous la troisième République (liberté de la presse, liberté d’association). Au 19ème vers la fin, on pense l’égalité (comment ? en diminuant les distance sociales) et on tentera de le faire au 20ème siècle. Fin du 20ème on pense la fraternité (ou solidarité aujourd’hui) qui sera peut être le sujet du 21ème.

Dans ces deux siècles d’histoire juridique, on est passé de la conception de l’état gendarme à l’idée de l’Etat providence, c’est-à-dire l’état qui fourni et satisfait à un certain nombre de besoins. =>le passage de liberté barrières à des libertés créances : la possibilité d’obtenir de l’état la santé, l’éducation. Un débat se crée autour du logement.

Cette tendance à reconnaître les droits sociaux a été particulièrement développée dans les constitutions du lendemain de la seconde guerre mondiale (France en 1946, Italie du 27 décembre 1947). Dans ces constitutions là, il y a la proclamation des principes fondamentaux, et puis une longue première partie sur les droits et les devoirs des citoyens, insistant en particulier sur les rapports économiques et les rapports politiques : tout une terminologie considéré comme étant des objectifs constitutionnels, qui sont la traduction de l’ordre supérieur désirable. Dans les constitutions plus récentes, ceci est encore plus net.

Exemple : Constitution grecque du 9 juin 1975, Espagnole de sept 1978, ou constitution portugaise du 2 avril 1976 au lendemain de la révolution des oillets. Le thème des droits et devoirs du citoyen est très longuement développé, cette constitution va loin sur le plan économique et social également. On veut rendre le retour en arrière difficile.

On pourrait multiplier les ex de déclaration, on les trouve aussi dans la constitution de l’Europe nouvelle (pays ex-communistes). Toutes ces constitutions reposent sur la même philosophie : limitation des pouvoirs de l’Etat, mais aussi le fait que le problème n’est plus de se protéger des pouvoirs de l’Etat mais le problème est aussi d’exiger des prestations positives (passage des libertés barrières aux libertés créances), le problème étant quelle effectivité attendre d’une déclaration ? Exemple, comment faire pour mettre en œuvre l’objectif constitutionnel de « droit au bonheur » ?

Le cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs parties :

  • II. Le cas de la France contemporaine

Aujourd’hui, notre système de déclaration des droits se présente/caractérise par l’existence de textes emboîtés les uns dans les autres un peu à la manière des poupées russes. En effet, la constitution de 1958 contient un préambule extrêmement court, dans lequel le peuple français proclame son attachement aux droits de l’homme tels qu’ils ont été définis par la déclaration de 1789, confirmés par le préambule de la déclaration de 1946. Autrement dit, le préambule de 1958 se contente de dire qu’il reprend le préambule de 1946, qui lui-même reprenait la déclaration de 1789. Tout cela constitue aujourd’hui notre préambule, notre déclaration des droits. Donc il n’y a pas d’apports nouveaux sur ce plan, il y a ce qu’on peut appeler l’acceptation de l’héritage en la matière : l’apport de la révolution, c’est-à-dire 1789 et les principes proclamés dans la déclaration, qui constituent une synthèse des idées du 18ème.

Vient aussi l’apport spécifique de 1946, qui lui-même fait référence à ce qu’avait apporté la troisième république, avec la formule des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » (=ceux qui sont reconnus au moment ou le préambule est écrit). La dedans, ce sont les grandes conquêtes du 19ème siècle (droit de réunion, liberté de la presse, liberté syndicale, liberté des consciences et des cultes, liberté d’association, etc.). Bref tout ce qui a fait le pacte républicain qui caractérisait la troisième République. Dans le préambule de 1946 il y a aussi les principes nouveaux proclamés à la libération, considérés comme étant « particulièrement nécessaires à notre temps ». C’est là qu’on voit apparaître non plus un statut négatif (ce que l’état ne doit pas faire) mais un statut positif : ce qu’il doit faire et garantir (les créances).

C’est ainsi qu’apparaît la proclamation de l’égalité des sexes (en particulier dans le domaine politique, 8 juillet 1999 révision constitutionnelle). Est proclamé aussi en 1946 ce qui touche le droit des travailleurs, le droit à l’emploi dont l’effectivité reste à démontrer. Le droit au travail, le droit à participer à l’élaboration de ces droits, le droit syndical, et puis aussi le droit de grève reconnu dit le texte de 46 « dans le cadre des lois qui le réglementent ».

S’ajoute à cela, toujours dans le préambule de 1946, déjà contenu pour parti dans les principes fondamentaux, d’autres droits plus théoriques et qui ont aussi une signification plus importante, avec des formules comme le droit au développement, le droit à la protection sociale, à la santé, le droit à la solidarité (fondation de régime de sécu sociale), le droit à l’instruction, à la culture, etc. Cela devient le rôle de l’état d’organiser la mise en œuvre de ces droits.

Dispositions plus diverses, dont une significative de l’esprit de l’époque : alinéa 9 du préambule de 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité ». Il sonne comme une obligation de nationalisation.

Tout cela est l’apport de la quatrième république. Du point de vue de la déclaration des libertés, la constitution de 1958 n’a rien ajouté. Il y a eu des tentatives ultérieures (1975, 1989, sous prétexte du bicentenaire pour réécrire la DDHC). L’idée était d’ajouter un titre 2 autour des idées évoquées plus haut de droit au développement, de solidarité, etc. Cela ne c’est pas fait, la seule chose qui a été ajoutée est la charte de l’environnement, contenant le principe de précaution, qui est adossé à la Constitution. La loi constitutionnelle de 2005 a inscrit cette charte dans le bloc de constitutionnalité.

Toute la question que posent ces textes est de savoir s’il s’agit là de simples déclarations philosophiques, de vue idéales sur l’ordre sociale désirable, ou s’il s’agit de textes ayant une valeur juridique, une valeur normative, c’est-à-dire de textes sur lesquels on peut s’appuyer.

Quelles sont les formes de cette constitution ?

Section 2 – Les formes des règles constitutionnelles

La constitution est donc un texte qui se doit d’avoir une force juridique puisqu’il contient l’essentiel, dont les règles relatives à la limitation du pouvoir (séparation de ses branches) et aussi protection de l’individu. La constitution est l’instrument de limitation de l’Etat, hors la Nation est l’Etat, donc la constitution limite aussi le pouvoir de la nation.

La nation pose un problème théorique par rapport à la souveraineté. Si elle est souveraine, elle peut tout faire, mais si elle est limitée par la constitution, elle ne peut pas tout faire. On pose le principe de l’autolimitation : on ne peut être limité que par soi même. A priori il y a une contradiction, la constitution est une limitation : l’état souverain est limité, mais par lui-même. Il peut, et c’est pour ça qu’il est souverain, modifier les limitations qu’il s’est lui-même infligé : c’est l’Etat de droit.

Si on veut que la constitution soit respectée, il faut qu’elle ait une force supérieure aux autres actes juridiques, et notamment à l’acte longtemps considéré comme normal : la loi.

  1. C’était la question de la supra légalité de la loi.
  2. Pour manifester cela, généralement on établi des constitutions écrites dans une forme solennelle.
  3. Il y a aussi à côté d’autres possibilités, la constitution peut être contenue dans une loi ordinaire.
  4. Il peut aussi y avoir la coutume comme source constitutionnelle
  • I. Le critère de supra-légalité et la distinction souple/rigide

Une constitution peut se définir de deux manières : au sens matériel, par son objet (c’est le texte qui contient l’ensemble des règles principales relatives à l’exercice du pouvoir) ou au sens formel[1] (par le fait que c’est le texte originaire, la norme principale, fondamentale), le texte issu de la volonté nationale, et que ce texte doit être respecté par tous y compris par les organes qu’il institue.

La constitution doit donc être respectée par les organes, y compris par le parlement. On établi la constitution par une procédure spéciale plus exigeante que la procédure ordinaire, avec notamment l’intervention du peuple. En principe ces deux critères (matériel/formel) se rencontrent. Mais, même si les choses ne se recoupent pas exactement, il faut insister sur l’aspect formel : la constitution est adoptée selon une procédure spéciale. On va donner à la constitution un statut supérieur à la loi, et c’est tout simplement l’idée de supra-légalité qui entraîne le contrôle de constitutionnalité, c’est-à-dire le contrôle du fait que la loi est bien conforme à la constitution.

On dit « supra-légalité », c’est-à-dire que l’élément de référence est celui qui est au milieu de la hiérarchie, alors que d’habitude on défini en prenant celui qui est en haut de la pyramide. La loi étant antérieure à la constitution, il serait logique de dire que la loi est « infra constitutionnelle ». Conséquence de la supra-légalité : les dispositions constitutionnelles ne peuvent être modifiées selon la procédure ordinaire du parlement.

C’est là qu’intervient la distinction souple/rigide :

  • Dans le cas d’une constitution souple, il y a le critère matériel (des textes relatifs à l’exercice du pouvoir), mais il n’y a pas de critère formels : ces textes sont votés comme les autres et on la même valeur juridique que la loi ordinaire, et peuvent être modifiés par la loi ordinaire. Et une loi qui contredit la constitution est en réalité une loi qui modifie la constitution. Dans cette phase, il n’y a pas de contrôle de constitutionnalité possible. Ainsi une loi postérieure modifie une loi antérieure.
  • Dans l’hypothèse d’une constitution rigide, c’est l’idée que la loi doit la respecter, qu’une loi ordinaire (qui n’est pas votée dans les conditions exigées pour réviser la constitution) ne saurait modifier la constitution, et donc que s’il y a une loi ordinaire contraire à la constitution, elle ne la modifie pas, et il faut pouvoir annuler cette loi et la déclarer non conforme, faire en sorte qu’elle ne soit pas applicable. C’est la formule qui existe aujourd’hui un peu partout.

Aujourd’hui, à peu près partout dans le monde existe soit une cours constitutionnelle, soit un organe équivalent, soit une cours suprême qui joue à peu près le même rôle. On s’oriente souvent vers la constitution rigide considérée comme plus protectrice du pacte fondamental initial.

  • II. Les constitutions écrites en forme solennelle

Il s’agit là de textes qui normalement présentent les deux caractères que l’on vient d’évoquer : le caractère matériel (règles relatives à l’exercice du pouvoir) et le caractère formel (mode d’élaboration particulier faisant intervenir le pouvoir constituant). A partir de là il y a une grande variété (constitutions plus ou moins longues et sommaires), tout cela dépend des périodes et des normes des modes de l’idéologie, du degré de description qu’on veut donner de ce fameux ordre social désirable.

On peut voir la constitution comme soit un texte très technique, soit un texte doctrinal, idéologique, définissant la société. Napoléon : « une constitution doit être courte et obscure ». Courte, parce que c’est le manuel d’exercice du pouvoir, et obscure parce que c’est bien que celui qui au pouvoir puisse l’interpréter comme il le veut. Cette idée marque un peu l’avantage et l’inconvénient d’une constitution.

A l’inverse il peut y avoir de longues énumérations de garanties et de droit (cf. supra, Section 1, Paragraphe I).

Historiquement, on peut distinguer 6 grandes vagues de constitutionnalisation.

  1. L’indépendance américaine et la révolution française (1787-1793), où l’on fait les textes fondateurs (déclaration des droits) et les premières constitutions. Ceci inspirera une série de disposition en Europe jusque vers 1825, tout cela autour de 2 grandes idées :
    1. L’affirmation des libertés individuelles
    2. La liberté de l’individu garantie par la modération du pouvoir, laquelle s’obtenant par la séparation de ses branches.
  2. Les révolutions libérales de 1830 et 1848 en France et en Europe, qui achèvent cette première phase en insistant surtout sur l’architecture constitutionnelle. C’est le moment où apparaît le régime parlementaire et l’affirmation du rôle du parlement.

    1. 1830, c’est l’affirmation de l’équilibre entre le roi déclinant et la nation montante. A un moment l’équilibre se fait entre les deux (l’orléanisme).
    2. 1848, c’est en France le triomphe du principe démocratique (affirmation du suffrage universel) et ailleurs la montée du suffrage, même si les monarchies sont conservées voire même établies (par les unités allemande et italienne). Ces monarchies résultent de la volonté populaire : le principe de légitimité est dans le peuple.
  1. La première guerre mondiale. La fin de WW1 voit un bouleversement des états, une carte politique nouvelle : « l’effondrement des empires centraux », c’est-à-dire la disparition de l’Autriche-Hongrie, le fait que l’Allemagne ne domine plus l’Europe centrale. C’est l’apparition de pays qui trouvent une indépendance nouvelle, et qui doivent faire une constitution. D’où l’apparition de forces constitutionnelles nouvelles. L’effondrement des empires centraux donne naissance à la république de Weimar, et puis une série de régimes parlementaires en Europe centrale (Autriche, Pologne, Tchécoslovaquie), avec déjà un regard un peu plus moderne et l’apparition du parlementarisme rationalisé : idée que certes le modèle à développer est le régime parlementaire, que le parlement peut renverser le gouvernement, mais qu’il ne peut pas trop le faire en mettant en place des mesures particulières alors que les forces politiques deviennent polarisées (nazisme vs communisme). Et aussi la révolution russe de 1917, c’est-à-dire une série de présupposés idéologiques très différents de l’idéologie libérale sur laquelle fonctionne le reste de l’Europe. Les russes cherchent une vraie démocratie face à celle considérée comme formelle, bourgeoise. On cherche à se rattacher à un modèle existant, et notamment le système jacobin. Cette ligne constitutionnelle est affirmée dans une série de constitution successive : 1918 en Russie, puis 1924 et 1936 pour l’URSS, puis celle de 1967 (dernière de l’ère soviétique classique).
  2. La seconde guerre mondiale, est un peu la même chose. Là aussi, une carte politique nouvelle, des régimes emportés par la guerre et la défaite (Italie, Allemagne, et France aussi d’une manière différente).

    1. D’abord les pays où se manifeste l’effondrement des régimes fascistes et qui reviennent à un parlementarisme classique (Italie, Allemagne) et la 4ème république qui ressemble à R3, puis le japon qui impose un régime parlementaire.
    2. L’autre ligne, ce sont les pays avec une prise de pouvoir des partis communistes, donc une construction sur le modèle communiste.
  • Le grand mouvement de décolonisation: les Etats nouveaux nés dans les 1960’s, et notamment en Afrique noire ; on importe plus ou moins les constitutions des anciens empire. Les règles fonctionnent mal, d’où d’autres recherches constitutionnelles.
  • La sortie des dictatures, c’est-à-dire qu’à la fin du 20ème siècle disparaissent les dernières séquelles de la seconde guerre mondiale et la carte politique qui en étaient issue :

    1. d’abord les dictatures d’extrême droite du Portugal et d’Espagne qui avaient échappé à la guerre bien que plus ou moins alliées à l’Allemagne. Ces trois pays rejoignent très vite le modèle de la démocratie libérale (75, 76, 78). On voit là le passage de régimes autoritaires de droite à des formes parlementaires classiques, et un parlementarisme moderne avec des constitutions qui tiennent compte des expériences passées. S’accompagne du rétablissement de la monarchie à l’anglaise en Espagne : le roi est un symbole et n’a que peu de pouvoir politique
    2. l’effondrement des régimes communistes en Europe de l’est et en Europe centrale. Difficultés de l’URSS dans les 1980’s (difficultés économiques). Changement institutionnel voulu par Gorbatchev en 1989/90. Agitation dans les autres pays. Est-ce cette volonté de ne pas agir ou cette incapacité à intervenir font que l’effondrement du mur de Berlin gagne rapidement les autres pays ? => phénomène rapide de contagion. Ces Constitutions sont marquées par un soucis de pluralisme (adoption du système occidental), ceci s’accélérant fin 1991 avec la disparition de l’URSS et l’apparition de la CEI. Apparition de modèles proche de la 5ème République (président fort, parlement).

Avec l’organisation d’élections libres, on constate que l’établissement d’une constitution est l’un des premiers soucis de ces périodes de transition. C’est montrer la force de ces idées constitutionnelles.

Finalement, c’est tout ce mouvement qui est le plus récent qui clos pour l’instant ce cycle. On peut distinguer ces 6 phases de grandes constitutions écrites en forme solennelle. Ce mouvement n’est pas la source exclusive des mouvements d’écriture des constitutions.

  • III. Les lois ordinaires

Il peut arriver que les règles constitutionnelles soient contenues dans une loi ordinaire, et non dans une constitution. C’est plus rare car normalement il y a une correspondance entre le critère matériel et le critère formel. Dès lors qu’il y a une constitution solennel formelle, rigide, les lois ordinaires en matière constitutionnelle sont rares : ce sont de simples textes d’application d’une constitution dont elles ne font pas parti formellement.

Dans les situations ou on a une constitution souple qui ne présente pas ce caractère de supériorité formelle, l’idée de l’intervention d’une loi ordinaire est plus facile à imaginer, puisque la distinction loi constitutionnelle / ordinaire s’estompe. Il faut signaler que la loi ordinaire comme texte constitutionnel est très rare.

L’exemple qu’on cite toujours est le statut Albertain de 1848, qui va devenir la constitution italienne (qui est une loi ordinaire) et qui restera en vigueur (au moins formellement) jusqu’en 1946. C’est l’exemple qu’on cite toujours d’un texte constitutionnel contenu dans une loi ordinaire.

Comme règle accessoire, les lois ordinaires sont assez nombreuses. On peut en citer de nombreuses sous la troisième République et sous la quatrième République. Aujourd’hui dans la cinquième République il faut faire une place aux lois à part : les lois organiques, forme de lois intermédiaires. Elles ne font pas partie de la constitution mais ont une procédure d’adoption un peu plus difficile/exigeante que celle de la loi ordinaire. Les lois organiques sont déterminées par l’article 46 de la constitution, article tautologique : « les lois auxquelles la constitution confère le caractère de loi organique sont votées et modifiées selon les conditions suivantes : ». Une loi organique est un peu plus qu’une loi ordinaire.

On peut considérer qu’il s’agit là de lois d’application, d’accompagnement de la constitution. Il y a lois d’application de la constitution comme il y a des décrets d’application de la loi. Le mode de scrutin pour l’élection des assemblées relève de la loi ordinaire, alors que le nombre des membres des assemblées, la question de l’éligibilité ou alors le financement des campagnes électorales relèvent de la loi organique.

Ces lois sont des éléments d’accompagnement de la constitution, une loi ordinaire ne peut réviser une loi organique, mais les lois organiques peuvent être révisées plus facilement qu’une constitution. Ces lois sont parfois la mise en forme de coutumes qu’on ne fait pas rentrer dans la constitution formellement mais qu’on met à côté de la Constitution dans un texte précis.

  • IV. Le problème de la coutume

La coutume peut être une source du droit en général et donc aussi du droit constitutionnel. On pourrait penser que s’il y a une constitution écrite, la coutume se contente de la compléter. En revanche, s’il n’y a pas de constitution écrite, la coutume peut être la source principale des règles constitutionnelle. En réalité ça ne se passe pas comme ça. On peut montrer que la coutume, qui est tjrs présente, vu que la constitution est un texte de longue durée : on ne peut pas tout prévoir, il y a des compléments à apporter qui peuvent être par des textes ou la coutume. La coutume soit comble les vides, soit interprète les textes en proposant une lecture accordée au sentiment du temps.

A) La coutume comblée

  1. En l’absence de constitution écrite

La coutume étant une source du droit (cf. supra), il se peut très bien qu’en matière constitutionnelle il y ait une constitution entièrement coutumière, dès lors que les caractéristiques de la norme juridique sont respectées, c’est-à-dire dès lors que cette coutume présente les deux caractéristiques habituelles :

  1. la pratique habituellement suivie
  2. et le fait que cette pratique soit considérée comme obligatoire (l’opinio juris: le sentiment que c’est du droit).

L’exemple que l’on site traditionnellement, et c’est le principal même si ça s’atténue, est l’exemple de la Grande-Bretagne où les règles essentielles du pouvoir (position de la couronne, règles des ministres, etc.) résultent de la coutume, forgée depuis le début du 17ème siècle et fixé mi 18ème. Lorsque Montesquieu écrit sa célèbre théorie de la séparation des pouvoirs, cette constitution n’existe pas, et Montesquieu ne décrit pas un texte mais une pratique obligatoire.

Il faut ajouter que ceci est un peu moins vrai de nos jours, et sur bien des points cette coutume tend de plus en plus à être remplacée sur les points importants par des règles écrits (des lois, ou act en anglais). Bref, toute une série de lois qui viennent modifier la coutume, autant de lois ordinaires qui petit à petit remplacent/modifient la coutume. Aujourd’hui une partie de la constitution anglaise vient de la coutume, et une autre de la loi. Les dernières en date, c’est la révision constitutionnelle que le labour party (de Blair) avait promise à son retour au pouvoir. Il a été réalisé pour partie par la transformation de la Chambre des Lords (loi de novembre 1999), supprimant une série de lords héréditaires et une autre en cours de préparation qui devrait aboutir l’année prochaine.

En dehors de la Grande-Bretagne, une constitution entièrement coutumière est rare.

  1. En présence d’une constitution écrite

S’il y a un texte écrit, on pourrait penser qu’il n’y a plus de place pour la coutume. Mais parfois, lorsque la constitution est incomplète, il peut y avoir certains éléments coutumiers car liés à une forte tradition.

Exemple d’Israël qui n’a pas une constitution entière mais des lois constitutionnelles, et à côté de ces lois constitutionnelles il y a une série de dispositions coutumières (en particulier le nombre des membres de la Knesset, qui est fixé à 120 de toute éternité parce que la bible prévoie une représentation des 12 tribus d’Israël par 10 délégués chacune).

Et puis il se peut que la pratique de la constitution, au bout de plusieurs années, fasse apparaître des oublis, des problèmes non prévus au départ. Lorsqu’ils se posent, il faut bien les trancher. Quand on les tranche, on crée un précédent, et s’il est accepté et s’il se multiplie, cela devient une pratique généralement suivie considérée comme obligatoire : cela prend les traits de la coutume, et la constitution est complétée par cette coutume qui se crée.

Exemple : 1961 en France, alors que la constitution de 1958 est en place depuis 3 ans, se pose la question de savoir si une motion de censure pour renverser le gouvernement peut être déposée et discutée pendant la période où le parlement est réuni de plein droit en application de l’article 16 de la constitution. A l’époque il y a des périodes de session du parlement limitées, et l’article 16 (plein pouvoir du Président de la République) et comme garanti que ces pleins pouvoirs seront exercés, le parlement est réuni de plein droit.

Question : le parlement jouit-il de toutes ses prérogatives, y compris celle de renverser la constitution ? La réponse n’est pas évidente. Lorsque se pose la question en 1961 lorsque l’article 16 est appliqué, on ne sait pas répondre à la question ; ce sera une interprétation du président de l’assemblée national qui dira en gros que ça dépend si on est dans la période de session normale du parlement, auquel cas il exerce normalement ses prérogatives, ou si on n’est pas dans une période de session normale, auquel cas on est dans une situation exceptionnelle est la motion de censure n’est pas recevable. Cette interprétation a été acceptée à peu près par tout le monde.

S’il est pensable que la coutume soit là pour combler des vides, le rôle de la coutume en présence d’une constitution écrite est plutôt d’interpréter des textes

  • B) La coutume interprète

Une constitution est faite a priori pour durer longtemps, et donc il se peut que plusieurs décennies après elle soit comprise et appliquée différemment. La constitution américaine a plus de 2 siècles. Si les choses ont changé, pourquoi ne pas réviser ou adapter le texte à la réalité ? Parfois la révision est difficile, il y a souvent l’idée d’une interprétation nouvelle ou « convention de la constitution », la question étant de savoir si la convention peut contredire le texte qu’elle prétend interpréter.

« Convention de la constitution », terme d’usage anglo-saxon, popularisé en France par Pierre Avril. La convention de la constitution au sens de Pierre Avril est l’idée qu’il y a une manière de lire le texte constitutionnel, de l’appliquer : une pratique qui finalement rencontre l’accord des différents acteurs. C’est-à-dire qu’il y a un consensus sur la manière de lire la constitution, et donc le même texte est lu différemment selon les époques mais avec l’accord de tout le monde.

Exemple : en Belgique. Jusqu’en 1993, il y avait la constitution de 1831, qui était un peu l’équivalent de la constitution orléaniste (charte de 1830). Dans l’esprit de 1831, la Charte donnait beaucoup de pouvoir au roi, au roi éclairé par l’avis du ministère. La montée en puissance du parlement et une série de crises ont fait que le roi ne décidait plus et ne se contentait que de signer. Finalement la constitution qui écrivait « le roi signe » ou « le roi nomme » (il peut le faire ou non selon sa volonté) est devenu « il doit signer » « il doit nommer ».

Avril 1990, nouvelle lecture : le parlement belge vote une loi permettant l’IVG, un peu à l’image de la loi Weill. Le roi est très ennuyé, car très catholique. L’Eglise et ses sentiments lui disent de ne pas signer. Le ministère lui dit que « le roi signe » veut dire qu’il doit signer, le roi prétend le contraire. Solution : le roi abdique, et dans l’hypothèse où le trône est vacant, c’est à titre intérimaire que le gouvernement exerce les pouvoirs du roi et signe la loi. Le gouvernement retourne voir le roi, lequel reprend ses pouvoirs. L’idée « le roi signe », dans la lecture qu’on en fait un siècle et demi plus tard, est devenu « le roi a obligation de signer », c’est devenu fort au point que si le roi ne signe pas, il doit abdiquer. Le même texte se lit de manière totalement différente. Dans le cas d’espèce « le roi signe » est devenu « le roi a obligation de signer ».

En France, la fameuse constitution Grévy La constitution Grévy découle du message du Président de la République aux chambres, le 6 juillet 1879. Grévy dans son message dit « je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale ». Ceci s’explique parce qu’en 1877, le maréchal de Mac-Mahon (Président de la République) avait décidé de dissoudre l’assemblée nationale qui lui était hostile, et les élections avaient ramené une majorité de républicains hostiles au maréchal. Son successeur, lorsqu’il dit qu’il n’entera jamais en lutte contre la volonté, dit en réalité « il n’y a un article de la constitution que je n’appliquerai pas : celui de dissoudre l’assemblée nationale ». Du coup il y a une manière d’appliquer la constitution de 1875 différente, et en indiquant qu’en cas de conflit c’est la volonté des chambres qui l’emportera. Le président abandonne ainsi une partie de ses pouvoirs au profit des chambres. Cette interprétation va devenir obligatoire, un quand un président essayera de reprendre un peu de pouvoir (Millerand en 1924), il sera obligé de démissionner.

Sous la 4ème République, on peut citer l’idée qu’on appelé de celle de la double investiture. Le texte constitutionnel contenait l’idée que le président du conseil était investi tt seul par un vote de l’AN. L’habitude est prise dès le premier gouvernement que le président du conseil demande un second vote dès que son équipe est constituée : la pratique a été suivie jusqu’à ce que la première investiture soit supprimée.

Sous la 5ème République on peut trouver d’autres exemples. L’idée de la soumission du premier ministre au président de la République, en dehors des périodes de cohabitation. L’idée que le 1er ministre démissionne si le président le lui demande n’est écrite nulle part dans la constitution. Et pourtant, elle a été systématiquement appliquée. Ceci est accepté et donc défini une convention de la constitution, et d’une manière générale on parle volontiers d’une « double lecture », une lecture présidentialiste, dans laquelle tout remonte au président, et une lecture parlementariste dans lequel au contraire le premier ministre appuyé sur le parlement ont plus de pouvoir (ceci selon la concordance des majorités ou cohabitation).

Question délicate : la coutume peut elle être contraire à la constitution ? La réponse, a priori, est négative. En principe une pratique ne peut pas contredire le texte, sans ça cela voudrait dire qu’une pratique commune deviendrait une violation de la constitution. Mais l’interprétation peut aller loin : peut elle aller si loin qu’en réalité elle est contraire au texte de la constitution ? Il n’y a pas forcément l’accord de tous les acteurs.

Mars 1960 : De Gaulle refuse de convoquer le parlement en session extraordinaire alors que les conditions posées par l’article 29 de la constitution sont remplies. Mais ceci ne peut être considéré comme une coutume, d’autant plus qu’il y au ne pratique inverse. En mars 1979, VGE acceptera de convoquer le parlement.

La vraie question qui s’est posée et qui pourrait se reposer dans quelques mois est celle de l’application de l’article 11 de la constitution, c’est-à-dire le référendum pour réviser la constitution en lieu et place de l’article 89 qui prévoit une procédure préciser. La question s’est posée en 1962 quand DG décide de modifier la constitution pour que désormais le Président de la République soit élu au suffrage universel. Il décide de passer par l’article 11 qui permet au Président de la République de consulter directement le peuple, mais qui a la base ne permet pas de le faire en matière de révision. Un juriste dira que c’est contraire à la constitution, mais vu que le peuple souverain va voter oui, finalement ça passe.

1969 : De Gaulle passe par l’article 11 pour la décentralisation. Quelques juristes expliquent que c’est possible car il y a une coutume (ça c’est déjà fait), mais c’est discutable en fait (Colliard). La pratique est insuffisante (il n’y a eu qu’un seul précédent), ça voudrait dire que toute interprétation de la coutume entraînerait de fait sa modification. Comme le vote des français en 1969, si le vote des français est négatif, l’irrégularité couverte en 1962 est découverte en 1969. On a donc ce système absurde d’une constitution variable : c’est constitutionnel si vote positif, anticonstitutionnel si vote négatif. Ça n’a pas grand-chose : on est dans une situation de constitution existentielle et variable en fonction du vote précédent.

La question pourrait se reposer à l’automne 2007, car certains candidats à la présidentielle indiquent qu’ils voudraient se livrer à une révision constitutionnelle. Comme on voit mal l’accord du Sénat, la question se ferait probablement par l’article 11 (référendum).

Si la pratique est ouvertement contraire au texte, finalement dire que c’est une coutume, serait admettre que manquer à la règle, c’est transformer la règle, et que par la même celui qui manque à la règle s’investi du pouvoir constituant. « Qui gardera les gardiens ? ».

26 mars 2003 : le conseil constitutionnel s’est déclaré incompétent en matière de révision constitutionnelle.

Le président de la république, s’il en est le gardien, n’est pas le propriétaire du pouvoir constituant.

Le cours complet de droit constitutionnel est divisé en plusieurs parties :