La définition du mariage

Le mariage : définition juridique et évolution

La liberté de se marier occupe une place centrale dans le droit français et, plus largement, dans les textes internationaux relatifs aux droits fondamentaux. Elle se traduit par le libre choix du conjoint (personne ne peut imposer un époux à une autre personne) et par le libre choix de l’union matrimoniale elle-même (chacun peut décider de se marier ou non). Historiquement, ce principe a fait l’objet de vifs débats, particulièrement autour des mariages homosexuels ou transsexuels, et l’on constate que les interventions législatives et juridictionnelles successives ont peu à peu renforcé cette liberté.

I) La définition du mariage

Historiquement, le Code civil ne proposait pas de définition explicite du mariage, mais plusieurs articles en précisaient les éléments fondamentaux :

  • Article 144 (avant 2013) : Interdisait le mariage avant 18 ans révolus pour l’homme et la femme. Cette disposition impliquait implicitement que l’union ne pouvait exister qu’entre deux personnes de sexes différents.
  • Article 146 : Exigeait un consentement libre et éclairé. Le mariage était donc présenté comme un acte juridique impliquant un accord mutuel des parties, faisant du mariage à la fois un contrat et une institution.
  • Article 165 : Fixait les modalités de célébration du mariage, obligatoire devant un officier d’état civil, marquant ainsi la nature civile et publique de l’acte.

Les réformes introduites par la loi du 17 mai 2013

La loi relative au mariage pour tous a profondément modifié les dispositions du Code civil :

  1. Article 144 : Maintient la majorité matrimoniale à 18 ans sans distinction de sexe.
  2. Article 143 (nouvellement introduit) : Autorise explicitement le mariage entre « deux personnes de sexe différent ou de même sexe ».
  3. Article 165 : Renforce le caractère républicain et laïc de la célébration en affirmant son indépendance totale des rites religieux.

Caractéristiques actuelles du mariage

À la suite des réformes, le mariage peut être défini comme un acte juridique solennel, reposant sur les principes suivants :

  1. Caractère civil : La célébration est réalisée sous l’autorité de l’État, garantissant une séparation stricte entre le religieux et le civil.
  2. Caractère solennel : Des formalités obligatoires encadrent sa célébration (publication des bans, présence d’un officier public).
  3. Engagement des parties : Il consacre l’union de deux individus, de sexe différent ou de même sexe, dans un cadre réglementé par la loi, tant pour sa formation que pour ses effets ou sa dissolution.

Ainsi, le mariage combine des éléments contractuels (le libre consentement des parties) et institutionnels (l’intervention de l’autorité publique pour encadrer l’union).

 

II) Un des principes essentiels du  mariage : la liberté de se marier

La liberté de se marier occupe une place centrale dans le droit français et, plus largement, dans les textes internationaux relatifs aux droits fondamentaux. Elle se traduit par le libre choix du conjoint (personne ne peut imposer un époux à une autre personne) et par le libre choix de l’union matrimoniale elle-même (chacun peut décider de se marier ou non). Historiquement, ce principe a fait l’objet de vifs débats, particulièrement autour des mariages homosexuels ou transsexuels, et l’on constate que les interventions législatives et juridictionnelles successives ont peu à peu renforcé cette liberté.

A) Reconnaissance nationale et internationale de la liberté matrimoniale

1) Textes internationaux et européens

  • Article 16 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (10 décembre 1948) : affirme que tout homme et toute femme majeurs ont le droit de se marier « sans aucune limitation quant à la race, la nationalité ou la religion ».
  • Articles 8 et 12 de la Convention européenne des droits de l’homme :
    • L’article 8 consacre le droit au respect de la vie privée et familiale.
    • L’article 12 stipule qu’« à partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille » selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit.
  • Article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE (Charte de Nice) : réaffirme le droit de se marier et de fonder une famille « selon les lois nationales ».

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) contrôle l’application concrète de ces textes. Elle a été maintes fois saisie par des justiciables homosexuels ou transsexuels contestant des refus de mariage ou demandant des aménagements de leurs droits. Si la CEDH laisse une marge d’appréciation aux États, elle assure que les lois nationales ne portent pas d’atteinte disproportionnée à la liberté matrimoniale.

2) Reconnaissance constitutionnelle et législative en France

  • Préambule de la Constitution de 1946 et Constitution de 1958 : la Nation garantit « à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ».
  • Lois pénales contre les discriminations : depuis 1975, la législation française punit les discriminations fondées sur le sexe, les mœurs, la religion, la race ou l’origine.
  • Décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993 : qualifie la liberté du mariage de composante de la liberté individuelle.
  • Jurisprudence de la Cour de cassation : va dans le même sens, confirmant que le mariage relève de la liberté fondamentale.

3) Mariage homosexuel et avis du Conseil constitutionnel

Avant la loi du 17 mai 2013 qui a ouvert le mariage aux couples de même sexe, le Conseil constitutionnel avait jugé que l’interdiction du mariage homosexuel était conforme à la Constitution. Il estimait que cette interdiction ne portait pas atteinte ni à la liberté du mariage, ni au droit de mener une vie familiale normale, ni au principe d’égalité.
Toutefois, la législation a ensuite évolué, permettant le mariage pour tous (loi dite du « mariage pour tous »), ce qui a acté un changement majeur dans la politique matrimoniale française.

B) Limites et entraves à la liberté de se marier

Malgré son statut de principe fondamental, la liberté matrimoniale connaît plusieurs restrictions légales ou conventionnelles.

1) Entraves prévues par la loi

  • Conditions d’âge : En France, l’âge légal du mariage est fixé à 18 ans. Les mineurs doivent obtenir, selon les situations, des autorisations spécifiques (consentement parental, dispense du procureur de la République, etc.).
  • Opposition au mariage : Certains proches ou le ministère public peuvent former opposition à un mariage dans des cas précis (bigamie, défaut de consentement, fraude, etc.).
  • Autorisations hiérarchiques dans l’armée : Historiquement, certains militaires de haut rang devaient obtenir l’accord de leur hiérarchie pour se marier, afin de protéger la sécurité de la Nation (dispositif devenu largement obsolète ou très restreint dans son application actuelle).

2) Clauses dérogatoires insérées par les particuliers

Les particuliers eux-mêmes tentent parfois de restreindre la liberté de mariage dans des actes juridiques :

  • Clauses de célibat : Subordonner une libéralité (donation, legs) ou un contrat de travail au fait que le bénéficiaire demeure célibataire.
  • Clauses de viduité : Interdire à une personne veuve de se remarier, sous peine de perdre un avantage patrimonial.

a) Clauses dans les libéralités

  • Article 900 du Code civil : répute « non écrites » les conditions contraires aux bonnes mœurs.
  • Arrêt de principe du 18 mars 1867 (Ch. des requêtes, Cour de cassation) :
    • Les clauses de non-mariage dictées par un simple « caprice » ou visant à faire « échec à l’ordre social » sont déclarées nulles.
    • Celles inspirées par un motif légitime (intérêt de la famille, protection bienveillante du donataire, etc.) peuvent être validées.
  • Justification : la pression exercée sur le bénéficiaire reste relativement faible, puisqu’il peut toujours renoncer à l’avantage patrimonial pour se marier.

b) Clauses dans les contrats de travail

  • Clause subordonnant l’embauche ou le maintien en poste au fait de rester célibataire ou de ne pas se remarier :
    • Principe général : en matière de contrat onéreux, la liberté de se marier prime.
    • Affaires Air France (CA Paris, 30 avril 1963) : une hôtesse de l’air licenciée pour s’être mariée a obtenu l’annulation de la clause, le juge considérant que le droit au travail et la liberté matrimoniale sont d’ordre public.
    • Arrêt Association pour l’éducation populaire Sainte-Marie (Ass. plén., 19 mai 1978) : une enseignante dans un établissement scolaire catholique est licenciée pour s’être remariée après divorce. L’Assemblée plénière juge que « l’employeur ne peut porter atteinte à la liberté du mariage que dans des cas très exceptionnels où les nécessités de ses fonctions l’exigent impérativement ». Dans cette affaire, le licenciement a finalement été validé au motif que la conviction religieuse constituait un élément déterminant du contrat et que le second mariage, incompatible avec la doctrine de l’institution, créait un trouble caractérisé.
    • Arrêt du 17 avril 1991 (Ch. soc.) : rappelle qu’un employeur ne peut licencier un salarié « pour le seul motif tiré de ses mœurs ou de ses convictions religieuses ». Cependant, un licenciement peut être justifié si le comportement du salarié crée un trouble caractérisé dans l’entreprise, compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre de l’employeur.

C) La liberté de ne pas se marier

La liberté du mariage implique également le droit de ne pas se marier :

  • Chacun peut préférer le célibat, le concubinage ou le PACS.
  • Jusqu’au dernier instant, un fiancé ou une fiancée peut refuser de célébrer l’union. L’officier d’état civil ne prononce le mariage que s’il recueille deux “oui”.
  • Cette possibilité se manifeste dans la formation du mariage : pas de consentement, pas d’union.

Ainsi, la liberté de ne pas se marier est le versant négatif de la liberté matrimoniale. Elle protège les individus contre tout mariage forcé ou contraint, assurant qu’aucune pression extérieure (familiale, religieuse, sociale) ne puisse annuler leur volonté de s’unir.

D) Conséquences pratiques de la liberté de se marier

  1. Formation du mariage

    • Le consentement doit être libre et éclairé, recueilli devant l’officier d’état civil.
    • Tout vice du consentement (erreur, violence, dol) peut entraîner la nullité du mariage.
  2. Protection contre les discriminations

    • Nul ne peut se voir refuser la possibilité de se marier en raison de sa race, religion, orientation sexuelle ou opinion.
    • Toute clause ou condition instaurant une discrimination (notamment dans les contrats de travail) est présumée illicite.
  3. Recours en justice

    • Les tribunaux français et la Cour européenne des droits de l’homme peuvent être saisis si une personne estime que sa liberté matrimoniale est violée (refus d’un officier d’état civil, clause discriminatoire, etc.).
  4. Évolution législative

    • L’ouverture du mariage aux couples de même sexe en 2013 illustre la modernisation de la notion de liberté matrimoniale.
    • Les juges maintiennent cependant une surveillance sur les clauses abusives qui menaceraient cette liberté.

Résumé : La liberté de se marier est un droit subjectif essentiel, reconnu tant par les textes internationaux que par la Constitution française et la jurisprudence. Elle implique le libre choix du conjoint et la faculté de ne pas se marier. Bien que ce principe soit fort, des restrictions légales (âge minimum, oppositions, autorisations spécifiques) ou des clauses insérées dans des libéralités ou des contrats de travail peuvent venir le limiter. Les tribunaux opèrent alors un contrôle pour déterminer si ces clauses sont légitimes (intérêt familial, mission particulière dans un établissement religieux…) ou illicites (discrimination, pression injustifiée). Au final, la liberté matrimoniale demeure une composante fondamentale de la liberté individuelle et un élément-clé de la vie privée protégé par l’ordre juridique, tout en s’adaptant aux évolutions sociales (mariage pour tous, reconnaissance des droits des personnes trans, etc.).

 

 

L’évolution du mariage

Les dernières décennies ont été marquées par des changements notables dans les comportements matrimoniaux :

  • Diminution du nombre de mariages : Le nombre annuel de mariages a diminué, passant de 295 720 en 2001 à 241 000 en 2011, et à environ 235 000 en 2023. INSEE
  • Âge au mariage : Les individus se marient plus tardivement. En 2019, l’âge moyen au premier mariage était de 32,9 ans, soit près de dix ans de plus qu’en 1976. INSEE
  • Mariages entre personnes de même sexe : Depuis l’adoption de la loi en 2013, environ 70 000 couples de même sexe se sont mariés en France, représentant environ 3% de l’ensemble des mariages célébrés.  La Dépêche
  • Pactes civils de solidarité (PACS) : Le PACS est devenu une alternative populaire au mariage. En 2022, environ 209 827 PACS ont été conclus, se rapprochant du nombre de mariages célébrés la même année.  INSEE

Facteurs expliquant le recul du mariage

Plusieurs raisons expliquent la diminution du nombre de mariages :

  • Augmentation des divorces : Environ un mariage sur deux se termine par un divorce, ce qui peut dissuader certains de s’engager.
  • Naissances hors mariage : Près de 60% des enfants naissent hors mariage, reflétant une évolution des normes sociales et familiales. Cairn.info
  • Attractivité du PACS : Le PACS offre une alternative au mariage, avec des formalités simplifiées et une flexibilité appréciée par de nombreux couples.

En conclusion, le mariage en France a évolué pour s’adapter aux transformations sociales et légales, notamment avec l’ouverture aux couples de même sexe et la concurrence du PACS. Ces évolutions reflètent une diversification des formes de conjugalité et une redéfinition des engagements au sein du couple.

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