Qu’est-ce que le droit à l’image ?
La protection accordée par le droit à l’image varie en fonction du lieu où se trouve la personne :
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Lieu privé : La protection est entière. Aucune image ne peut être prise ou diffusée sans le consentement de la personne, même si elle est une personnalité publique. Par exemple, la diffusion de photos de célébrités prises à leur domicile sans leur accord est en principe interdite.
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Lieu public : La protection est atténuée. Les personnalités publiques peuvent être photographiées dans l’exercice de leurs fonctions ou dans un contexte d’actualité légitime. Toutefois, l’image ne doit pas être détournée de son contexte initial, et un lien doit exister entre la photo et l’information diffusée.
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- Limites et exceptions
Le droit à l’image entre en conflit avec certaines libertés fondamentales, notamment la liberté de la presse et le droit à l’information. La Cour de cassation et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ont établi que, dans certains cas, le public peut avoir un « intérêt légitime » à être informé, ce qui peut primer sur le droit à l’image. Ainsi, pour les personnalités politiques ou les personnes impliquées dans des affaires d’intérêt général, la diffusion de leur image peut être justifiée sans autorisation préalable, sous réserve que cette diffusion soit proportionnée et respecte leur dignité.
- Sanctions en cas de violation
Les violations du droit à l’image peuvent donner lieu à des sanctions civiles (dommages et intérêts) et, dans certains cas, à des sanctions pénales. Le Code pénal prévoit jusqu’à un an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende pour la diffusion de l’image d’une personne dans un lieu privé sans son consentement (Art. 226-1 et 226-2 du Code pénal) Hemera Avocats Légavox
Le droit à l’image est protégé de manière stricte dans les lieux privés, mais connaît des ajustements en fonction de l’intérêt public et de la liberté de la presse dans les lieux publics.
- Introduction au droit (L1)
- Histoire du droit français
- Les sources juridiques (loi, jurisprudence, coutume…)
- La séparation entre droit privé et droit public
- Quelles sont les différentes branches du droit ?
- Quelle est l’organisation des juridictions civiles en France?
- Quels sont les caractères et sources du droit objectif ?
I- La protection entière dans un lieu privé
En France, le droit à l’image bénéficie d’une protection étendue, en particulier dans les lieux privés, et garantit à chacun le respect de sa vie privée. Ce droit permet à toute personne, qu’elle soit une personnalité publique ou un individu ordinaire, de s’opposer à la captation et à la diffusion de son image sans son consentement. Cette protection est appliquée aussi bien de son vivant qu’après sa mort, par le biais des héritiers. L’article 9 du Code civil, qui garantit le droit au respect de la vie privée, fonde cette protection.
A) La Protection des Personnes dans les Lieux Privés
Que la personne soit célèbre ou inconnue, son image bénéficie d’une protection lorsqu’elle se trouve dans un espace privé. Une personnalité publique (comme un artiste ou un politicien) n’est cependant protégée que lorsqu’elle n’exerce pas ses fonctions ou ne participe pas à des événements publics. Le droit à l’image s’applique même après la mort, permettant aux héritiers de s’opposer à l’utilisation non autorisée de l’image du défunt.
Exemples Jurisprudentiels :
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Du vivant de la personne :
- Affaire Brigitte Bardot : Dans un jugement du 27 février 1976, la Cour d’appel de Paris a statué en faveur de Brigitte Bardot, qui avait été photographiée sans son consentement dans sa propriété par un magazine. Bien que les photos aient été prises depuis la voie publique, la cour a jugé qu’il s’agissait d’une atteinte à sa vie privée, condamnant le magazine en vertu de l’article 9 du Code civil.
- Affaire Gérard Philipe : En 1966, la Cour de cassation a condamné un hebdomadaire qui avait publié des photos du fils de l’acteur Gérard Philipe sur son lit d’hôpital. Bien que l’enfant ait été dans un lieu public (un hôpital), la cour a considéré que sa vie privée avait été violée.
- Nouveautés concernant les enfants : La protection des enfants a récemment évolué avec l’adoption, en 2023, d’une loi visant à encadrer les publications de leurs photos par les parents sur les réseaux sociaux. Désormais, les parents doivent exercer ce droit en tenant compte de l’avis de l’enfant ; en cas de conflit, un juge peut interdire la publication d’images ou même déléguer ce droit à un tiers en cas de mise en danger (comme dans les cas de “sharenting” ou de blogs familiaux). Cette réforme entend prévenir l’utilisation abusive des images des mineurs sur les réseaux sociaux et lutter contre des pratiques qui pourraient causer des atteintes graves à leur dignité ou à leur sécurité en ligne (notamment dans le cadre de forums illégaux) .
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Post mortem :
- Affaire Rachel : En 1858, un journal fut condamné pour avoir publié des portraits de l’actrice décédée Rachel sans le consentement de ses héritiers. Le tribunal a estimé que même après la mort, l’image de la personne reste protégée.
- Affaire Jean Gabin : En 1980, la Cour de cassation criminelle a jugé qu’un journal ayant diffusé une photo de l’acteur Jean Gabin sur son lit de mort sans l’accord de ses héritiers avait porté atteinte à sa mémoire et à son droit posthume à l’image.
Principe Fondamental : Le droit à l’image d’une personne dans un cadre privé est un droit qui ne tolère aucune intrusion sans consentement. La jurisprudence a clairement affirmé ce principe dans un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 5 mars 1997 : publier une photo d’une personne dans un cadre privé sans son accord porte atteinte à son intimité.
Conséquences du Droit à l’Image :
- Droit à l’image universel : Toute personne a droit à la protection de son image, indépendamment de sa notoriété.
- Identification de la personne : Pour qu’il y ait atteinte, la personne doit être identifiable sur la photo.
- Double condition : La captation et la diffusion d’une image sans autorisation constituent une violation.
La protection du droit à l’image est ainsi régulièrement renforcée pour répondre aux nouvelles pratiques, notamment dans le contexte numérique. En 2024, des campagnes de sensibilisation sont encouragées pour alerter sur les conséquences de l’exposition en ligne, spécialement pour les enfants dont le droit à l’image devient un enjeu majeur de protection en France National Assembly
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B) Le Régime de Protection et les Conditions de Réparation
Pour invoquer une atteinte à son droit à l’image, une personne doit démontrer que la photo a été captée et/ou diffusée sans son consentement. Si elle a donné son accord pour la prise mais non pour la diffusion, elle pourra encore demander réparation. La réparation en cas d’atteinte prend généralement la forme de dommages-intérêts, calculés en fonction de l’ampleur du préjudice.
Cas de figure de la violation du droit à l’image :
- Absence totale de consentement : Lorsque la personne n’a consenti ni à la prise ni à la diffusion de l’image, le préjudice est considéré comme grave.
- Consentement à la prise, mais pas à la diffusion : Si la personne a accepté la prise de photo mais refuse sa diffusion, le préjudice est moins sévère mais reste indemnisable.
- Usage détourné : La personne a accepté la captation et la diffusion dans un contexte précis (par exemple, pour une campagne promotionnelle). Si l’image est utilisée ultérieurement à d’autres fins, cela constitue une atteinte à son droit à l’image.
Légitimité du contexte de publication
La jurisprudence récente exige un lien entre l’image et l’information que la publication prétend illustrer. La Cour de cassation, dans un arrêt du 19 février 2004, a jugé que la publication d’une image doit respecter l’objectif initial. Dans cette affaire, une photo d’une actrice avec un enfant sur un tournage avait été initialement autorisée pour un usage promotionnel du film, mais avait été ensuite détournée pour illustrer un article insidieux sur une prétendue grossesse de l’actrice. La cour a condamné cet usage abusif, soulignant le caractère inapproprié de la publication.
Conclusion : La publication d’images non autorisées, souvent accompagnées de légendes trompeuses, peut constituer une grave atteinte au droit à l’image, avec des sanctions civiles et, potentiellement, pénales.
II – La protection atténuée dans un lieu public
La question de la protection de l’image d’une personne en lieu public se pose notamment lorsque cette personne prend le risque de se montrer dans un espace ouvert. La jurisprudence distingue ainsi entre les personnages publics, les particuliers et les personnes photographiées dans un cadre professionnel.
A) Personnages publics photographiés dans l’exercice d’une activité professionnelle
Les personnages publics peuvent, en principe, être photographiés durant leurs activités professionnelles, leur statut impliquant un consentement tacite à être exposés dans un contexte professionnel. Ce principe de base comporte toutefois des nuances.
- Principe général : La première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 20 février 2001, a jugé légitime la publication de la photo d’un policier en pleine expulsion, considérant que celle-ci ne constituait pas une atteinte à sa vie privée.
- Confirmation de la CEDH : Dans l’arrêt Krone-Verlag du 16 février 2002, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a estimé qu’un article sur les revenus d’un homme politique, illustré par une photo de lui, ne violait pas l’article 8 de la Convention européenne. La CEDH a affirmé que la qualité d’homme politique implique une acceptation de l’exposition dans la sphère publique.
- Limites apportées par la Cour de cassation : La diffusion de telles images ne doit pas être excessive et doit conserver un lien direct avec l’information relayée. Par exemple, dans un arrêt du 19 février 2004 concernant l’hebdomadaire France Dimanche, la Cour de cassation a validé la publication d’une photo de Caroline de Monaco, alors enceinte et participant à un événement officiel. Cette décision reposait sur le lien direct entre l’image et le sujet abordé dans l’article.
B) Particuliers photographiés à leur insu dans un lieu public
La jurisprudence permet, de manière générale, la prise et la diffusion de photos de particuliers dans un lieu public sans leur autorisation, sous certaines conditions.
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Photo dans un contexte général : La photographie prise dans un contexte général est admissible. Par exemple, la première chambre civile de la Cour de cassation a, dans un arrêt du 25 février 2000, estimé que le cliché d’une personne parmi d’autres, devant un bâtiment public pour illustrer un événement, ne constituait pas une atteinte à son image. La personne présente fortuitement dans ce contexte ne peut invoquer une violation de son droit à l’image.
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Photo dans un contexte prétexte : Lorsque le contexte de la photo est utilisé comme prétexte pour cibler une personne identifiable de manière isolée, la publication devient condamnable. Dans un arrêt du 12 décembre 2000, la Cour de cassation a affirmé que, même dans un lieu public, une personne ne peut être photographiée de manière isolée par un cadrage particulier sans que cela constitue une atteinte à son image. En 2004, la Cour a également sanctionné l’utilisation d’une photo n’ayant aucun lien direct avec le contenu d’un article, illustrant ainsi l’importance du contexte légitime de la publication.
- Personnalités publiques et exercice de fonctions officielles : Les personnalités exerçant des fonctions publiques (politiques, sportives, etc.) peuvent être photographiées dans le cadre de leur rôle, surtout si l’image est diffusée pour informer. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et la jurisprudence française, comme dans l’affaire Krone-Verlag, confirment que cette diffusion est légitime tant que l’image respecte la dignité de la personne. Cependant, l’image ne doit pas être détournée de son contexte original ni utilisée pour des buts qui ne seraient pas liés à l’information, ce que la Cour de cassation a également souligné en 2022 en matière de droit à l’image des salariés (par exemple pour illustrer un site web d’entreprise après leur départ sans consentement) .
C) Personnes photographiées dans une entreprise
La photographie ou la surveillance des individus sur leur lieu de travail est une question complexe qui dépend de la finalité poursuivie par la captation d’images.
- Caméras de surveillance : La pose de caméras de surveillance est admise à condition qu’elle serve des objectifs de sécurité et non de surveillance du personnel, sous peine de porter atteinte à la liberté des employés.
- Enregistrements comme moyen de preuve : La chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 20 mars 1991, a jugé illicite l’utilisation des enregistrements de caméras de surveillance pour prouver des faits pouvant conduire au licenciement d’un employé. Cette position diverge cependant de celle de la chambre criminelle, qui, en 1992, a validé l’utilisation de tels enregistrements à des fins de preuve.
- Surveillance et preuve en entreprise : L’installation de caméras dans les entreprises est tolérée lorsqu’elle se justifie par des raisons de sécurité, mais non pour surveiller les employés de manière excessive. En matière de preuve, la jurisprudence distingue entre le droit civil et le droit pénal : en 2022, des décisions contradictoires ont encore souligné les nuances en matière d’usage de ces images en justice selon le contexte.
- Photocopie de pièce d’identité : Pour lutter contre les paiements sans provision, il est licite de demander une copie de la pièce d’identité d’un client, mais seulement avec son consentement préalable. Si cette démarche est faite à son insu, elle est considérée comme illicite, car constituant une atteinte à l’image et aux droits de la personne.
III. Les limites générales à la protection
La limite : le droit à l’information
En France, le droit à l’information est une des principales limites au droit à l’image et au respect de la vie privée. Ce principe permet aux médias de publier certaines images sans l’autorisation des personnes concernées lorsque l’intérêt du public le justifie. Cela s’applique notamment aux événements d’actualité de grande portée, où les images sont diffusées au nom de la transparence et de l’information publique.
- La protection de l’image d’une personne est soumise à des limites lorsqu’elle entre en conflit avec des libertés publiques, telles que la liberté de communication de l’information. Un arrêt de la Cour de cassation du 30 juin 2004 a illustré cette tension : dans cette affaire, l’hebdomadaire Paris Match avait publié une photo d’une personne impliquée dans le scandale de l’affaire Elf. Cette photographie, prise sans consentement lors des obsèques du père de la personne concernée, était destinée à illustrer un article d’actualité sur l’affaire, rendant possible l’identification de la personne.
- La Cour de cassation a rappelé le droit fondamental à l’image, qui permet à chacun de s’opposer à l’utilisation de son image sans son autorisation, sauf lorsque cette protection se heurte à un « intérêt légitime du public à être informé ». La Cour a ainsi confirmé que la publication d’une image dans ce cas précis, bien qu’elle ait été prise dans un cadre privé, était licite dès lors qu’elle illustrait un événement d’actualité majeur dans lequel la personne était impliquée. Cette jurisprudence permet aux journalistes de rendre compte des événements d’actualité, mais elle pose deux conditions pour respecter le droit à l’image : d’abord, la personne doit être impliquée directement dans l’événement, et ensuite, la publication doit servir à rendre compte de cet événement Lexbase
Limites et Conditions de l’Exception du Droit à l’Information
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Événements d’actualité légitimes : L’image d’une personnalité lors d’un événement de nature publique, comme un mariage princier ou une manifestation politique, peut être publiée sans autorisation. Ce type de diffusion est permis si l’image contribue à l’information du public et ne porte pas atteinte à la dignité ou à la vie privée des personnes concernées Le Monde.fr
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Temporalité de l’actualité : Cette limite cesse d’être valide dès lors que l’événement ne présente plus de caractère informatif ou d’actualité immédiate. Par exemple, une photo prise dans le cadre d’un incident de sécurité ne pourrait pas être exploitée plusieurs années après, sauf dans des contextes particuliers (comme une rétrospective historique) et avec des précautions renforcées concernant la vie privée des personnes visibles sur les clichés.
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Respect de la dignité humaine : Le droit à l’information n’autorise pas la diffusion d’images choquantes ou humiliantes. La Cour européenne des droits de l’homme a réaffirmé ce principe en interdisant la publication d’images violant la dignité humaine, même si elles étaient liées à l’actualité Humanium
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Nécessité de Police et Captation d’Images :Par ailleurs, certaines images sont exemptées du consentement pour des raisons de sécurité publique ou dans le cadre de mesures policières. Par exemple, les images captées par des radars automatiques pour enregistrer les infractions routières sont légitimes car elles servent une fonction de contrôle et de prévention des infractions. Ces dispositifs ne relèvent pas d’une exploitation commerciale mais d’une finalité strictement encadrée par les autorités publiques Assemblée nationale
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