Le passif de l’entreprise en difficulté au Maroc

Il est essentiel d’avoir une idée précise du patrimoine de l’entreprise aussi bien pour effectuer des mesures de redressement que pour réaliser les opérations de liquidation. La connaissance des composantes patrimoniales de l’entreprise est dévolue au syndic, il dispose, pour l’accomplissement de sa mission, d’un pouvoir d’information et d’investigation auquel ne peut être opposé le secret professionnel.

On distingue : le passif de l’entreprise (étudié ici) et l’actif de l’entrepris. On étudie l’actif dans ce lien : https://cours-de-droit.net/actif-entreprises-difficulte/

1) Détermination du passif de l’entreprise en droit marocain :

il est primordial d’opérer un recensement précis du passif de l’entreprise ainsi qu’un examen critique des créances. Concrètement l’opération se déroule en deux étapes :

 

■ La déclaration des créances:

La déclaration des créanciers, art.686 impose à tous les créanciers antérieurs de déclarer leurs créances au syndic. Les créanciers postérieurs comme les salariés bénéficient d’un régime favorable qui les exonère de cette obligation. L’obligation de déclaration s’applique à toutes les créances quelque soit leurs montant, leurs statuts et leurs date d’exigibilité. A noter que dans le cadre de l’ouverture volontaire des procédures collectives la déclaration incombe au débiteur, en effet quand le débiteur demande lui-même l’ouverture de la procédure, il doit accompagner sa demande de la liste des créances huit jours au plus tard à compter de l’ouverture.

A noter que cette obligation n’est pas sanctionner par la loi, le législateur n’attribue aucune sanction pour le défaut de déclaration. La responsabilité délictuelle du débiteur pourra être recherchée pour fausse déclaration (droit commun).

Le délai de la déclaration: ce délai est de deux mois à partir de la publication du jugement sur le bulletin officiel (problème suite à la négligence habituelle au niveau de la consultation du B.O). Ce délai de deux mois est augmenté au deux mois supplémentaires pour les créanciers domiciliés hors du Maroc.

Nuance importante, celle concernant les créanciers titulaires d’une sureté publiée (hypothèque inscrite au titre foncier, nantissement inscrit au registre de commerce) ou d’un crédit bail publié. Pour ces créanciers le délai de deux mois ne court qu’à partir de la notification qu’elle aurait faite personnellement par le syndic, ces créanciers bénéficient en effet d’un régime de faveur qui ne s’applique pas aux créanciers titulaires d’un privilège général comme le trésor général et la CNSS.

La sanction du défaut de déclaration : la forclusion.

A défaut de déclaration dans les délais prescrits, le créancier et forclos, c.à.d. qu’il ne sera pas admis à la participation à l’apurement du passif. Le créancier est donc évincé des répartitions éventuelles. Cependant, le créancier peut être relevé de sa forclusion par le juge commissaire dan le cas où il établie une preuve d’impunité (créance fiscale à la suite d’un contrôle fiscale opéré après l’ouverture, maladie grave induisant une perte de connaissance, le créancier a été empêché, incapable de désigner un avocat pour le représenter).

L’action en relevé de forclusion peut être exercée dans un délai d’un an à compter de la date d’ouverture des procédures collectives. Le juge vérifiera non pas le bien fondé de la créance, mais le motif invoqué par le créancier demandeur pour justifier son extériorité au défaut de déclaration. Les créances qui n’étaient pas déclarées et qui ne donnent pas lieu à un relevé de forclusion sont éteintes. L’action à la forclusion se prescrit elle-même par un an à compter du jugement d’ouverture

 

La vérification des créances

La vérification des créances s’articule sur les proposition du syndic, sauf dispense des articles 691 et s du c.c.p. puis réunies en liste accompagnées de ses propositions pour être transmises au juge commissaire qui en décide l’admission ou le rejet ou qui constate leur contestation judiciaire ou que ladite contestation ne relève pas de sa compétence, articles 693 à 696 c.c.p. Les décisions ainsi prises sont portées sur un état déposé au greffe du tribunal et publié immédiatement par le greffier mais dont toute personne peut prendre connaissance au greffe, article 698 et p.c.c. Ces décisions restent susceptibles de réclamation par voie d’opposition formée par les personnes intéressées, conformément aux précisions des articles 697 (alinéa 1 et 3), 700 et s.

Normalement une créance déclarée et vérifiée ne constitue pas une raison de paiement immédiat même si les circonstances le justifient. Dans un sens d’assouplissement, l’article 629 du code de commerce permet au juge commissaire d’ordonner d’office ou sur demande du syndic ou du créancier, le paiement à titre provisionnel, d’une cote part de la créance définitivement admise dans le cadre de la liquidation judiciaire.

Si la déclaration des créances s’impose dans tous les cas, leur vérification dépend de l’état de l’entreprise. Aux termes de l’article 691, quand l’entreprise fait l’objet d’une cession ou d’une liquidation judiciaire et, s’il apparaît que l’actif sera entièrement absorbé par les frais de justice et les créances privilégiées, la vérification des créances chirographaires n’a plus d’intérêt et n’aura pas lieu partant. Elle ne subsistera cependant que si l’entreprise concernée est une personne morale et s’il y a lieu de mettre à la charge de ses dirigeants, de droit ou de fait, rémunérés ou non, tout ou partie du passif.

Dans les hypothèses ainsi exceptées de la vérification, le syndic remet au juge commissaire, dans le mois dès son entrée en fonction, un état mentionnant le prix de cession ou l’évaluation de l’actif et du passif privilégié et chirographaire. Sur ce, le juge décidera de la vérification ou non des créances.

Quand la vérification des créances a eu lieu, elle est assurée par le syndic, assisté par les contrôleurs, en présence du chef d’entreprise ou au moins après l’y avoir dument appelé. Le syndic, agit sous le contrôle du juge commissaire (article 693 et 640 du cc). Si une créance est contestée, devant le syndic ou le juge commissaire, par le débiteur ou par un tiers, il en avise le créancier par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette lettre précise l’objet de la contestation, indique éventuellement le montant de la créance dont l’inscription est proposée, et invite le créancier à faire connaitre ses explications sous peine d’interdiction de toute contestation ultérieure, à défaut de réponse dans un délai de 30 jours.

Dans un délai maximum de 6 mois à compter du jugement d’ouverture de la procédure, le syndic établit après avoir sollicité les observations du chef d’entreprise, et au fur et à mesure de la réception des déclarations de créances, la liste des créances déclarées en leur ajoutant ses propositions d’admission, de rejet et les contestations du débiteur et des créanciers.

 

2. Décisions du juge commissaire

 

La liste indiquée fait l’objet d’appréciation du juge commissaire qui décide de l’admission ou du rejet des créances. En cas de contestation, le juge constate soit qu’une instance est en cours, soit que la solution du différend ne relève pas de sa compétence. Quand le juge commissaire statue sur la compétence ou sur une créance contestée par l’entreprise ou le créancier, le greffier convoque ces derniers par lettre recommandée avec accusé de réception.

 

Les décisions d’admission sans contestation sont notifiées par lettre simple aux créanciers. La notification précise, d’un part, le montant pour lequel la créance est admise, et, d’autre part, les sûretés et privilèges dont elle est assortie. La décision du juge commissaire demeure passible de recours de la part du créancier, du débiteur et du syndic. Quand elle vide une question rentrant dans la compétence du juge commissaire, le recours doit être porté devant la cour d’appel commerciale dans un délai de quinze jours, à compter de la notification pour le créancier et le débiteur, à compter de la décision pour le syndic.

 

Toutefois, le créancier dont la créance est discutée en tout ou partie et qui n’a pas répondu au syndic dans le délai légal, ne peut exercer de recours contre la décision du juge commissaire quand elle confirme la position du syndic. Son inertie est interprétée comme une acceptation de la proposition visée. Lorsque la décision du juge commissaire porte sur une matière dont la connaissance appartient à la compétence d’une autre juridiction, la notification de la décision d’incompétence ainsi prononcée fait courir un délai de deux mois , au cours duquel le demandeur doit saisir le tribunal compétent a peine de forclusion

 

3. Réclamation des tiers

Les décisions d’admission ou de rejet de créances ou d’incompétence prononcées par le juge commissaire, ainsi que celles qui sont rendues par les autres juridictions suite à une déclaration d’incompétence du juge commissaire, sont parties sur un état déposé au greffe du tribunal, article 698 du code de commerce.

Le greffier fait publier sans délai au bulletin officiel une insertion indiquant que l’état des créances est déposé au greffe. Toute personne peut en prendre connaissance et les tiers intéressés peuvent former toute réclamation dans un délai de quinze jours à compter de cette publication. Ces derniers peuvent former une tierce opposition contre une ou plusieurs des décisions judiciaires visées. Ils peuvent également former opposition contre les décisions définitives du juge commissaire. Les deux voies de recours mentionnées doivent être exercées au plus tard dans les quinze jours qui suivent la publication au bulletin officiel, article, article 698 cc.

Le juge commissaire statue sur l’opposition après avoir étendu ou durement appelé le syndic et les parties intéressées. Sa décision est notifiée par le greffier au moyen d’une lettre recommandée avec accusé de réception. Elle demeure susceptible de recours devant le cours d’appel commerciale dans les quinze jours de sa notification aux intéressés et du jour de sa date pour le syndic.