Les conflits de juridiction dans l’Union européenne

Conflit de juridiction Le texte de l’Union européenne

Le 27 septembre 1968, Il y avait six États signataires de la communauté économique européenne (Allemagne, France, Italie et Bénélux).

La Convention dite de « Bruxelles » concerne la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. Le but de cette convention était de simplifier les formalités de jugement d’un pays à l’autre.

Cette convention et le protocole qui lui est annexé sont entrés en vigueur le premier février 1973.

Cette convention a été suivie parla convention du Luxembourg du 9 octobre 1978 qui a permis l’adhésion du Danemark, de l’Irlande et du Royume uni.

Puis, la Convention de San Sebastien du 26 mai 1989 a permis l’adhésion de l’Espagne et du Portugal.

Il faut ajouter à ces différentes conventions d’adhésion la convention de Lugano du 16 septembre 1988 qui reprend les dispositions de la convention de Bruxelles et règle les questions de compétences jurisprudentielles entre les États membres et ceux de l’AELE (Finlande, Autriche, Suède, Suisse et Norvège, puis la Pologne).

Puis, les travaux de la convention de Bruxelles ont repris, et normalement, il devait y avoir une autre convention de Bruxelles.

Mais cela ne s’est pas fait, car le Conseil a adopté un règlement du 22 décembre 2000. Ce règlement concerne la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution de décisions en matière civile et commerciale.

Ce règlement est entré en vigueur le premier mars 2002 (journal officiel des communautés européennes du 16 janvier 2001). Tous les litiges nés avant cette date continuent à être régis par la convention de Bruxelles.

De plus, certains pays ne veulent pas appliquer le règlement et restent sous l’application de la Convention.

Le Traité d’Amsterdam du 1er mai 1999 a donné plus de pouvoir à l’union européenne dans le domaine de la justice : «il faut faire de l’union européenne un espace de liberté, de sécurité, de justice au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes».

La forme de règlement a été utilisée, car c’est un outil communautaire contraignant et directement applicable dans tous les pays de la communauté.

Il n’y a aucune marge d’appréciation fournie par les États et il ne peut donc y avoir de divergence entre les États.

Autre texte : protocole de Luxembourg qui a été signé le 3 juin 1971 et qui est entré en vigueur le 1er septembre 1975. Il a confié à la Cour de justice des communautés européennes le soin d’assurer l’unité d’interprétation de la convention de Bruxelles.

Le règlement a rectifié un certain nombre de propositions de la convention. Cela fait que différents pays n’auront pas la même réglementation au sein même de l’union européenne.

  • 1 : Le champ d’application des textes communautaires

On a deux textes à portée générale et un texte de portée spéciale

A-/ Quant aux États

  • 1°) Le règlement entré en vigueur le premier mars 2002 implique que ce règlement est applicable dans tous les litiges reçus avant cette date (qui sont gouvernés par la convention de Bruxelles).
  • Ce n’est pas l’introduction de l’instance qui est retenue comme date, mais le moment où le litige est reçu.
  • 2°) Le règlement ne s’applique pas dans les relations entre les ressortissants des États membres et ceux du Danemark (article 1-3 du règlement).
  • 3°) Pour la France, le règlement ne s’applique pas aux territoires d’outre-mer et aux collectivités territoriales de Saint Pierre et Micquelon et de Mayotte.
  • 4°) La Convention de Bruxelles et le règlement ne s’appliquent que pour les ressortissants des États contractants (ceux de la communauté européenne). Ainsi, un litige entre un français et un Américain ne tombe pas sous le coup de la convention et du règlement.

5°) Le Danemark : La Convention de Bruxelles est applicable, mais pas le règlement

B-/ Quant aux matières

La convention de Bruxelles et le règlement ont la même couverture (article 1-1 du règlement et 1 de la convention).

Ils s’appliquent en matière civile et commerciale. Ces textes ne recouvrent pas les matières fiscales, administratives, et tout ce qui concerne les domaines.

Il y a également exclusion de matières telles que l’état et la capacité des personnes physiques, les régimes matrimoniaux, les testaments, les successions, les litiges relatifs aux faillites, toute ta matière de la sécurité sociale et l’arbitrage. On a donc focalisé sur les problèmes liés à la circulation des biens.

  • 2 : Les règles de compétence générale

Les grandes orientations dans cette matière sont mises en avant par les considérants (8ème de la convention et 11ème du règlement) :

L’article 2 du règlement énonce : «sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un Etat membre sont attraits quelle que soit leur nationalité devant les juridictions de cet Etat membre».

Le même article Existe dans la Convention de Bruxelles et dans le protocole de Lugano.

Portée de ces textes :

  • 1°) Les textes de l’UE consacrent le principe qui est que l’ordre juridique choisi dépend du domicile du défendeur. Ainsi, le règlement demande à l’Etat du domicile du défendeur de déterminer l’ordre juridique compétent, et ce, tant en matière de compétence d’attribution que de compétence territoriale.

Cette règle n’est pas une règle de compétence directe qui donnerait directement le tribunal compétent, c’est une règle indirecte. On va demander aux tribunaux de l’ordre juridique de l’Etat du domicile du défendeur quel est le tribunal compétent, et surtout, on va demander à ce tribunal s’il veut de sa compétence. C’est à cet Etat de qualifier le domicile.

Et par là même, et par le fait de la jurisprudence qui va en découler, on va parvenir à une consécration communautaire de la notion de domicile.

  • 2°) Cette règle établie par l’article 2 signifie aussi que l’on exclue la nationalité comme facteur de compétence.
  • 3°) Dans l’hypothèse où le défendeur n’est pas domicilié dans un Etat membre, la compétence est réglée par la loi de cet Etat membre (article 4), sauf tout ce qui concerne les compétences spéciales. Cela signifie qu’il y a assignation des nationaux par les non-nationaux par le domicile.

À côté de cette règle générale de l’article 2, il y a toute une série de règles de compétence spéciales.

  • 3 : Les règles de compétence particulière

A-/ Les règles spéciales

Les règles sont prévues à l’article 5 de la Convention et à l’article 5 du règlement. Ces règles spéciales rendent compétent d’autres tribunaux que celui de l’Etat du défendeur (mais le tribunal du défendeur est toujours possible) dans certaines matières.

L’article 5 précise «Peut» cette disposition donne une possibilité, mais en aucun cas une obligation.

Les matières sont la matière contractuelle, la matière délictuelle, la réparation d’un dommage, les contestations relatives à une fondation, l’assistance ou le sauvetage d’une cargaison ou d’un frêt.

La jurisprudence la plus fournie que nous trouverons, c’est celle en matière contractuelle.

  1. En matière contractuelle

En matière contractuelle, aussi bien la convention que le règlement ont un article : c’est l’article 5-1.

Cet article énonce : «en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécuté».

Cette formulation peu claire a donné lieu à une jurisprudence excessivement abondante de la Cour de justice des communautés européennes, et des Cours de cassations des pays concernés :

Première question qui n’est pas résolue par la Convention de Bruxelles et par le règlement :

Qu’entend-on exactement par la matière contractuelle ? Tous les pays de l’union ont des visions différentes. C’est ce qui ressort de l’arrêt «Handte» rendu par la Cour de justice des communautés européennes le 17 juin 1991 (revue critique de droit international privé 1992, page 726).

Cet arrêt a défini la matière contractuelle en en a exclu un litige qui opposait un sous acquéreur d’une chose avec le fabricant.

Il donne à l’occasion une définition de la matière contractuelle : «Il faut une situation où il existe un engagement librement assuré d’une partie envers l’autre».

Cette matière contractuelle une fois définie, encore faut-il savoir comment interpréter l’article 5.

Cette vision d’article 5 a été mise en place par l’arrêt «Tessili/ Dunlop» : il ne faut pas confondre compétence législative et compétence jurisprudentielle. Cet arrêt est du 6 octobre 1976 (revue critique de droit international privé 1976, page 1473) :

« Le juge saisi doit déterminer en vertu de ses propres règles de conflit quelle est la loi, le lieu d’exécution de l’obligation contractuelle litigieuse».

Cela veut dire que l’on doit passer par la règle de conflit pour déterminer le tribunal compétent.

La Cour de justice a dans un arrêt du 26 mai 1982 considéré que c’est celle qui caractérise le contrat. Cela faisait suite à un arrêt important «De Bloos » rendu par la Cour de justice le 6 octobre 1976 qui avait dit qu’il fallait isoler l’obligation litigieuse.

Arrêt de la Cour de justice du 15 janvier 1987 «Shenavati» (revue critique de droit international privé 1987, page 793) précise que l’obligation litigieuse doit s’entendre comme l’obligation qui caractérise le contrat.

Cette jurisprudence a été confirmée par l’arrêt du 29 juin 1994 «Custom made». Cela signifie que l’on va avoir une appréciation au cas par cas et qu’à chaque fois, il faut se demander quelle est l’obligation litigieuse, la détermination, et savoir où elle s’exécute.

Dans ce débat, il faut signaler l’arrêt de la Cour de cassation française rendu le 11 mars 1997 (revue critique de droit international de 1997, à la page 385).

Cet arrêt marque une rébellion face à la Cour de justice. C’est l’arrêt «Comptoir commercial d’Orient contre Medtrafina» : il s’agissait d’une demande d’exéquatur en France d’une décision étrangère faite sur le fondement de la convention de Genève et concernant une société française contre une société libyenne à propre d’abricots en conserve mis en boîte en Grèce. La décision grecque condamne le paiement des marchandises et le tribunal Grec est reconnu compétent sur le fondement de l’article 5-1. La Cour de Cassation a énoncé : « Le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande doit être défini en fonction du rapport d’obligation et des circonstances de l’espèce comme étant celui où la prestation a été ou doit être effectivement fournie».

La Cour de cassation refuse d’utiliser la règle de conflit pour déterminer la compétence juridictionnelle. Les juges doivent donc procéder à une localisation du lieu d’exécution des rapports litigieux.