Le processus d’intégration d’un Etat à l’Union Européenne
La capacité d’intégration de l’UE (inclusion croissante de nouveaux Etats) s’appuie sur une procédure d’adhésion particulière. Les mises en œuvres successives de cette procédure donne à voir un processus, celui de l’intégration.
Chaque strate du processus, chaque intégration d’un ou plusieurs Etats membres, redessine les contours du territoire de l’UE. C’est au sein de ce territoire que s’appliquent les traités de l’UE.
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I) Le processus d’intégration
L’introduction d’un Etat au sein de l’UE constitue l’étape finale d’une procédure d’adhésion. Cette procédure ne peut être enclenchée et menée à son terme que si l’Etat candidat correspond à un certain nombre de conditions.
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A) Les conditions à l’adhésion
Elles découlent du TUE et de la pratique. On peut identifier 5 critères (ce qui n’exclue pas que des considérations d’ordre géopolitiques ou stratégiques aient pu jouer de manière officieuse en faveur ou en défaveur d’un Etat) :
1) Le critère qualitatif.
La 1ère des conditions est liée à la qualité reconnue à l’organisation candidate. Même si la question ne s’est jamais vraiment posée, il doit s’agir d’un Etat reconnu comme tel en droit international.
Cette exigence exclue d’emblée les collectivités territoriales, les organisations non-gouvernementales, les autres institutions Européennes mais aussi les entités fédérées.
Ex : Au moment où la Belgique a signé le Traité d’Amsterdam, elle a indiqué que sa signature engagée également les communautés et les régions.
2) Le critère géographique.
L’article 49 du TUE permet à « tout Etat Européen » de demander l’adhésion. Il y a donc 2 types d’Etats sur le continent Européen ; les Etats membres de l’UE, et les Etats ayant vocation à le devenir.
Formulé comme tel, le critère géographique représentait une sorte de « main-tendue » vis-à-vis des pays de l’Europe centrale et orientale qui finiront par adhérer à l’UE. Ce critère géographique prête à discussion.
C’est sur son fondement que la candidature du Maroc a pu être rejetée en 1987 mais le fait que ce pays soit situé sur le continent « Africain » et qu’il soit séparé des autres Etats membres par la méditerranée est-il un argument convaincant ?
Durant l’Antiquité, la présence du pouvoir Romain sur les terres bordant le tour de la méditerranée n’empêche pas de considérer l’empire de Rome comme un « tout » unitaire. De même, la Guyane se situe sur le territoire Américain mais fait partie de l’UE.
Le critère géographique semble donc animé par une conception particulière du territoire Européen, celle de la continuité territoriale.
Ex : La Turquie est candidate depuis plusieurs années, or beaucoup ne considère pas que la Turquie soit sur le contient Européen. Mais il faut rappeler que sous l’impulsion de l’Ata turque, la Turquie est devenu l’Etat le plus occidentalisé du Moyen-Orient.
Par ailleurs, la Turquie participe depuis 1950 au Conseil de l’Europe qui pose le même critère géographique. Ce pays est lié à la communauté Européenne par un accord d’association depuis 1953.
– La candidature de la Russie a aussi été envisagée.
Le critère géographique apparaît strict mais fragile, ce qui est un paradoxe.
3) Le critère politique
Il est apparu progressivement. Ce critère a conduit à exclure certains Etats bien ancré dans le territoire Européen mais occupés par des régimes autoritaires (ex : Grèce, Portugal, Espagne).
Il repose en substance sur la protection des droits fondamentaux, sur l’instauration d’un régime politique fondé sur les valeurs démocratiques, sur le respect et la protection des minorités, ou encore sur la mise en place d’un Etat de droit.
La condition de l’Etat de droit pose problème vis-à-vis des Etats d’Europe centrale et orientale. Ce système implique que l’administration soit soumise à un ensemble de règles qui lui sont à la fois supérieures et extérieures. Ces règles s’imposent à l’Etat, encadrent son action et la justifie.
Le système exclu toute démarche arbitraire de la part de l’administration (à l’inverse d’un Etat de police).
Cette administration doit agir en conformité avec la constitution et la loi, qui est voté par les représentants de la nation. Pour être effectif, le principe doit être doublé d’un principe juridictionnel indépendant.
Le juge retire de l’ordre juridique les normes déviantes en prononçant leur annulation (ce qui est l’enjeu du recours pour l’excès de pouvoir).
Cependant, l’instauration d’un Etat de droit comporte une dimension incantatoire non négligeable. D’une part, la règle de droit permet une certaine marge d’appréciation. D’autre part, l’administration participe elle-même indirectement à l’élaboration des règles législatives.
Cette fragilité du concept d’Etat de droit est encore plus forte dans les pays d’ex-URSS marqués par l’héritage de l’Etatisation de la société. En réalité, ces pays ont des difficultés à soumettre leur administration au principe de l’égalité. L’Etat de droit est plus formel qu’effectif.
Quant aux valeurs démocratiques, elles supposent « l’identification maximum des gouvernants aux gouvernés » (Vedel). Il est question en ce sens d’encadrer juridiquement la vie politique afin que cet objectif soit atteint.
4) Le critère économique
Il apparaît évident dès l’instant où la libéralisation des capitaux, des marchandises, est l’un des objectif des traités constitutifs de l’UE. Il suppose de s’assurer que les Etats seront en mesure de subir la pression concurrentielle.
Ex : Les pays de l’ex-URSS sont passés d’une économie communiste à une économie débridée.
Le risque était d’un côté pour l’UE se subir une concurrence excessive en provenance de ses pays, et de l’autre pour ces pays de voir leur économie s’effondrer sous les règles communautaires.
Ce risque a été contourné grâce à un système d’intégration différencié.
5) Le critère de la capacité d’absorption de l’UE
Il pose les limites à l’élargissement de l’UE. Contrairement aux précédents critères, ce n’est pas l’Etat candidat qui est observé mais l’UE directement. Ce critère se présente comme une sorte de variable discrétionnaire. Il permet à l’UE se s’opposer à l’entrée d’un candidat, alors même que celui-ci remplirait les conditions d’adhésion.
Le fondement juridique de ce critère n’a rien d’évident. La condition émerge au lendemain du rejet du « Traité établissant une constitution pour l’Europe » par la France et les Pays-Bas en 2005.
Le Conseil Européen se réunit en juin 2006 et estime que cet échec n’est pas sans lien avec un élargissement perçu comme trop « rapide » par certains peuples Européens.
Le Conseil Européen préconise d’évaluer la capacité de l’UE sur 3 plans :
– institutionnels – politique – financier
La Commission est chargée d’élaborer un rapport sur cette base, établissant de façon laconique que l’élargissement de l’UE ne doit pas nuire aux objectifs politiques établis par le Traité.
Or l’article 49 du TUE dispose que « l’examen des candidatures à l’UE prend en compte les critères d’éligibilité approuvés par le Conseil Européen ».
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B) La procédure d’adhésion
1) La phase communautaire
Elle débute à partir du moment où un Etat se porte candidat. Ce n’est donc pas l’UE qui prend l’initiative d’une invitation.
Le Conseil de l’UE entreprend des négociations avec l’Etat tiers et examine ensuite la candidature. Il prend par la suite une décision de principe à l’unanimité.
Au cours de cet examen, la Commission émet un avis consultatif, faisant état de la situation politique et économique du pays candidat. Cet avis n’est pas de pure forme, il a pu retarder d’1 an l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie.
Le Parlement dispose aussi d’un avis conforme.
Depuis le Traité de Lisbonne, il doit être tenu informé de toute nouvelle candidature.
2) La phase interétatique
Des conférences intergouvernementales sont organisées. Il s’y réunit les Etats de l’UE ainsi que les Etats candidats. Un accord est conclu entre chaque partie, et les conditions d’admission sont précisées à l’attention des candidats et les Etats membres évaluent de leur côté quelles sont les modifications qui apparaissent nécessaires au niveau des Traités constitutifs.
Il est évalué la pondération des voix au Conseil de l’UE, le nombre de siège au sein du Parlement Européen… Cet accord peut aussi prévoir l’aménagement d’une période de transition.
Il s’en suit une ratification de l’accord par les Etats membres et par les candidats. Cette ratification se fait suivant les procédures constitutionnelles de chaque Etats.
A cet égard, certains Etats ont mis en place des procédures spécifiques.
Ex : En France, la réforme constitutionnelle du 1er mars 2005 a introduit l’article 88-5 dans la constitution.
Il soumet par référendum toute nouvelle adhésion dans l’UE (cas de la Turquie).
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a modifié ces dispositions. Désormais, le parlement français peut demander au président de la république de ne pas soumettre au peuple le traité d’adhésion. Si le président choisi d’exclure la procédure référendaire, alors ce sont les 2 chambres (congrès) qui sont chargées de la ratification du traité.
L’exclusion de la procédure référendaire permet de ne pas exposer directement le peuple aux conséquences d’un refus.
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C) La suspension
Elle s’opère sur les droits liés à la qualité de membre. Elle sanctionne le non-respect des droits de l’homme et de la démocratie.
Elle suite une procédure particulière en 2 temps :
– Il faut que la violation soit constatée par le Conseil Européen. Il statue à l’unanimité après approbation du parlement.
– Le Conseil Européen peut être saisit par 1/3 des Etats membres ou par la Commission.
Le gouvernement de l’Etat en cause est invité à présenter ses observations. Il est exclu des votes au sein du Conseil Européen. Cependant, les parlementaires et les membres de la Commission qui sont des ressortissants de cet Etat conservent leurs droits de vote.
Cela s’explique par le fait que leur statut implique leur indépendance.
– Une fois la violation constatée, le Conseil de l’UE peut décider à la majorité qualifiée de suspendre certains des droits accordés par le TUE, y compris le droit de vote au Conseil.
La suspension ne va que dans un sens car si les droits sont suspendus, à l’inverse les obligations demeurent.
Ex : En 1999, cet outil a été ressenti comme insuffisant. Lors de la participation au gouvernement Autrichien du « parti Autrichien de la liberté », son dirigeant, Joerg Haider, été connu pour avoir fait l’apologie de la politique de l’emploi sous le IIIème Reich et pour avoir considéré qu’il fallait au sein de l’armée Allemande rendre honneur à la SS.
Il n’y avait pas eu de violation mais la nouvelle formation gouvernementale suscitait des inquiétudes. Le Traité de Nice (2001) a modifié le TUE afin de permettre au Conseil de l’UE de constater qu’il existe « un risque claire de violation grave par un Etat membre ».
Le Conseil statue à la majorité des 4/5ème et peut adresser des recommandations à l’Etat en cause.
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II) Le champ d’application territorial des traités
L’espace au sein duquel les traités s’appliquent résulte de l’élargissement de l’UE aux Etats situés sur le continent Européen.
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A) L’élargissement de l’Union Européenne
Il s’est fait par étapes successives. Le « club des 6 » composé de l’Allemagne, l’Italie, la France, du Luxembourg, de la Belgique, des Pays-Bas constitue le « noyau dur » de l’UE.
Ils sont rejoints en 1973 par 3 membres de l’Association européenne de libre-échange : le Danemark, l’Irlande et le Royaume-Uni.
L’UE s’élargit vers le sud avec l’adhésion de la Grèce en 1981, puis de l’Espagne et du Portugal en 1986.
Entre temps, le Groenland a décidé de se retirer (1985).
Après la fin de la Guerre froide, elle est rejointe en 1995 par des États neutres : l’Autriche, la Finlande et la Suède en vertu de l’accord de Corfou.
L’UE intègre en 2004 dix nouveaux États, en majorité issus du bloc de l’Est : Chypre, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Slovénie, puis en 2007 la Bulgarie et la Roumanie.
Le problème était que ces Etats étaient gangrénés par la corruption et leur économie était débridée après plusieurs décennies de doctrine collectiviste. C’est la raison pour laquelle le Conseil Européen réunit à Copenhague en 1993 a formulé des critères à leur attention.
Ces critères correspondent au respect des exigences démocratiques, à la mise en place d’une économie viable et concurrentielle, et à l’acceptation de l’acquis communautaire.
L’adhésion de l’Ukraine et de la Biélorussie est aussi envisagée. Il y a aussi la Serbie, l’Albanie, la Kosovo, et la Bosnie Herzégovine qui sont des candidats potentiels. Quant au cas Turc, il subsiste des points de tension (génocide Arménien, risques d’atteinte à la laïcité)
L’adhésion de la Croatie est prévue le 1er juillet 2013.
La Croatie deviendra le 28ème pays membres de l’Union le 28 juillet 2013. Ce pays avait déposé sa candidature en 2003, mais son adhésion a été retardée en raison de son entêtement à ne pas livrer des criminels de guerre au tribunal international.
Un rapport du procureur de ce tribunal en 2005 a rassuré l’UE ce qui a permis de reprendre les négociations avec la Croatie.
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B) Les espaces concernés par l’application des traités.
Toute personne physique ou morale exerçant une activité professionnelle sur l’un de ces territoires quel que soit sa nationalité est soumise aux normes édictées par l’Union et à ses traités constitutifs. L’espace en cause est d’abord le territoire terrestre, mais il s’agit aussi de tous les domaines soumis à la compétence de l’Etat.
Dans l’arrêt Kramer du 14 juillet 1976, la cour de justice des communautés européennes a estimé que l’UE pouvait règlementer la pêche en haute mer dans la mesure où les Etats disposent de cette compétence en vertu du droit international.
Les exceptions :
*Les traités ne s’appliquent pas aux îles Féroé ni au Groenland : relèvent tous deux de la souveraineté du Danemark
*Sont également exclus les zones de souveraineté britannique à Chypre.
*Il en va de même des territoires d’Outre-mer dont la liste est annexée dans TFUE. (Mayotte, St Pierre et Miquelon, la Nouvelle Calédonie, la Polynésie française, etc.). Les territoires d’Outre-mer sont soumis à un régime spécial d’association qui touche aux échanges commerciaux, aux investissements, ou encore au droit d’établissement.
L’application du droit de l’Union sur ces territoires d’Outre-mer n’est que partiel, en revanche les départements d’Outre-mer que sont la Guyane, la Réunion, la Martinique et la Guadeloupe relèvent bien du champ territorial d’application des traités.
La question de