La QPC (question prioritaire de constitutionnalité)

LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

La QPC, abréviation de « Question Prioritaire de Constitutionnalité », est un mécanisme juridique en France qui permet à toute personne engagée dans un procès de contester la constitutionnalité d’une loi. Elle a été introduite en 2010 dans le système juridique français. Avant la mise en place de la QPC, seuls le gouvernement, le président de la République, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat et certains autres acteurs spécifiques pouvaient saisir le Conseil constitutionnel pour examiner la constitutionnalité d’une loi.

Cette saisine a donc une signification politique, contenir la souveraineté du Parlement. La deuxième étape est la révision constitutionnelle de 1974 où est crée la saisine par la minorité du Parlement. Ici, la signification est libérale au sens du souci du respect des droits et libertés des citoyens. C’est donc une sorte de garantie des droits et libertés. Il faut faire la forte liaison avec l’élargissement fondamental des sources du droit constitutionnel avec la décision de 1971. La combinaison des deux est n tourment en droit constitutionnel français. Il y a donc une dynamique libérale avec VGE. Elle reste encore faute aujourd’hui.

En 1990, le projet d’exception d’inconstitutionnalité apparaît. Dans ce projet, les individus n’ont pas d’accès direct au Conseil constitutionnel. Au cours des procès ordinaires les juges pouvaient relever une question de constitutionnalité avec un filtre.

La révision de 2008 donné l’article 61-1 qui prévoit la possibilité pendant une instance devant une juridiction de soulever la question de constitutionnalité d’une loi portant atteinte aux droits et libertés garanties dans la Constitution. Ce système a été détaillée avec une loi organique du 10 décembre 2009 qui a subit le contrôle obligatoire du Conseil constitutionnel le 3 décembre 2009.

Avec l’introduction de la QPC, les justiciables ordinaires ont désormais la possibilité de soulever une question prioritaire de constitutionnalité directement devant les juridictions.

Lorsqu’une partie à un procès estime qu’une disposition législative dont dépend l’issue du litige est contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle peut soulever une QPC devant le tribunal ou la cour compétente. Si le tribunal estime que la question est sérieuse et présente un caractère nouveau, il la transmet à la Cour de cassation ou au Conseil d’État, selon le type de juridiction.

La Cour de cassation ou le Conseil d’État examine alors la constitutionnalité de la disposition législative contestée. Si la question est jugée sérieuse, elle est transmise au Conseil constitutionnel qui se prononce sur la constitutionnalité de la loi. Si le Conseil constitutionnel déclare la disposition législative contraire à la Constitution, celle-ci est écartée du litige et peut être déclarée inapplicable.

La QPC a permis d’ouvrir un accès direct des citoyens aux questions de constitutionnalité et a renforcé le contrôle de constitutionnalité des lois en France. Cela contribue à garantir le respect des droits fondamentaux consacrés par la Constitution.

SECTION 1. LA NATURE DU RECOURS

La nature particulière de ce recours à postériori conduit à des difficultés de mise en œuvre.

D’abord, ce n’est pas une exception d’inconstitutionnalité car le juge de l’action n’est pas le juge de l’exception. Aussi, le juge ne suspend pas l’application du texte jugé inconstitutionnel. La QPC aboutit à une annulation, ce qui est une particularité. En réalité, c’est une question préjudicielle d’un genre particulier car nous avons un juge qui s’adresse à un autre juge spécialisé, qui peut seul donner la réponse à la question posée. En réalité, c’est plus que cela en raison du pouvoir d’annulation du Conseil constitutionnel. Il s’agit d’un contrôle à postériori mais qui dispose de la force accordée au contrôle à priori.

La puissance exceptionnelle de cette QPC est que c’est une puissance rétroactive. A case de cette rétroactivité de l’annulation, on est obligé de se livrer à des aménagements particuliers. C’est le cas de l’article 62 alinéa 2 de la Constitution qui permet au Conseil « de déterminer les conditions et les limites dans lesquelles les effets que la disposition a produit sont susceptibles d’être remis en cause ». La QPC pose donc un problème de sécurité juridique en raison de sa rétroactivité.

SECTION 2. LE CHAMP D’APPLICATION DE CETTE PROCÉDURE, LA GARANTIE DES DROITS ET LIBERTÉS

C’est l’objectif fondamental justifiant l’ouverture de cette procédure à un recours individuel. L’article 61-1 prévoit que la saisine ne peut porter que contre une disposition législative qui porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantie. Il faut examiner à ce sujet trois choses.

  • – Il faut d’abord une atteinte aux libertés que la constitution garantie. Cette notion est simple et claire mais ça ne l’est jamais assez pour le juriste. Cela permet de couvrir tous les droits substantiels prévus dans la Constitution. Cela veut dire qu’il ne peut y avoir aucun recors contre des dispositions procédurales, de compétence, à caractère constitutionnel. Cette saisine de la QPC laisse de côté un certain nombre d’inconstitutionnalité concernant le jeu des pouvoirs.

On s’était posé la question des incompétences négatives du législateur. A priori, une incompétence négative est une règle de procédure et de compétence et est donc exclue de la QPC mais il est pensable qu’une incompétence négative constitue une atteinte aux droits et libertés et garanties dans la mesure où le législateur, en déclinant sa compétence, a privé le citoyen d’une liberté fondamentale. On a la QPC n°5 du 18 juin 2010 dans laquelle une société n’avait pas exercé sa compétence et que donc il y avait violation de l’article 14 de la DDHC. Le Conseil constitutionnel a répondu que l’article 14 de la DDHC n’institue pas un droit ou une liberté invocable par le biais d’une QPC.

  • – Ensuite, il faut que la liberté ou le droit soit garanti par la Constitution. Les normes de références sont bien indiquées, la Constitution, mais cela amène des précisions. Les principes constitutionnels que l’on peut invoquer dans ne QPC ne sont pas équivalents au principe conventionnel que la France a accepté. Il y a des points communs entre la Constitution et la Convention mais aussi comme des différentes : principe d’indépendance des professeurs d’université, laïcité, continuité du service public,… (particularités françaises). Concernant le principe d’égalité, il n’est pas le même dans la Convention car c’est un principe de non discrimination, ce qui marque une différence importante. L’article 14 de la Convention ne peut fonctionner que couplés avec d’autres droits et donc d’autres articles.

Pendant le débat, on s’est posé la question de savoir si les objectifs constitutionnels doivent être pris en compte. Devant l’Assemblée, certains étaient partisans de les insérer comme Carcassonne. La circulaire du ministère de la justice a émit des doutes sr l’invocabilité. Le Conseil n’a jamais censuré une loi par rapport à un objectif. Les objectifs constitutionnels, selon la circulaire, n’ont servi qu’à fonder la compétence du législateur ou bien ont permis au Conseil de contrôler la conciliation entre les objectifs et les principes. C’est donc une position hésitante qui renvoie à la prudence.

  • – Concernant le principe de priorité, le terme prioritaire a été introduit dans la loi organique à travers le titre du chapitre II « De la question prioritaire de constitutionnalité ». Le mot prioritaire est important car il permet la différence entre la QPC et l’exception d’inconstitutionnalité. Les requérants, devant le juge, vont invoquer des arguments conventionnels et constitutionnels pour contester un texte de loi. Alors, le juge est libre de choisir l’une ou l’autre car il est juge de la conventionalité et appréciateur de la constitutionnalité. Lorsque le juge peut s’appuyer sur la conventionalité, le juge répond à la question lui même mais ce n’est pas le cas pour la constitutionnalité. Le juge sera donc davantage intéressé par la conventionalité. Il a donc fallu réaffirmer la priorité du contrôle de constitutionnalité pour deux raisons : 1. dans l’ordre interne, c’est la Constitution qui est la norme suprême et la validité du droit européen dépend de la constitution et 2. Le contrôle de constitutionnalité doit passer avant.

Lors des débats, certains députés voulaient laisser le choix au juge. La réponse qui a prédominé est celle de donner sa chance au contrôle de constitutionnalité ainsi que son rang. La question de conventionalité n’interdit pas parallèlement la question de constitutionnalité. La valeur de la priorité de ce contrôle a été renforcée par la loi organique car il a été posé à tous les niveaux de juridiction, y compris pour la Cour de cassation et le Conseil d’Etat. Aussi, on a retiré une réserve renvoyant aux exigences de l’article 88-1 de la Constitution.

Les débats ont été contrastés. Le vice président du Conseil d’Etat avait plaidé la priorité des questions de conformité au droit communautaire car c’est une exigence constitutionnelle. Cela a été contesté en disant que cale aboutissait à une nouvelle hiérarchie des normes où la Constitution serait inférieure au droit communautaire, ce qui est seulement possible dans un Etat fédéral. Devant l’Assemblée Nationale, un juriste a soutenu que le contrôle de conformité du droit communautaire s’impose au juge mais pas en priorité et donc il faut faire les deux contrôles. Il faut donc s’assurer que le contrôle de conventionalité pourra avoir lieu après. D’ailleurs, on peut poser les questions.

La Cour de cassation n’a pas voulu jouer le jeu et dans une décision d’avril 2010 elle a provoqué de la part de l’Assemblée la suppression de la création d’un organe spécialisé pour examiner les questions prioritaires dans la Cour de cassation. Le 16 avril 2010, la Cour de cassation décide de transférer une question préjudicielle à la CJUE concernant les contrôles aux frontières d’immigrés clandestins. En choisissant d’abord le contrôle de conventionalité, la Cour met de côté la QPC. Elle a considéré que l’article 88-1 de la Constitution était invocable ici.

SECTION 3. LES CONDITIONS DE LA SAISINE

L’article 61-1 de la Constitution parle d’une disposition législative. Le constituant a clairement refusé de limiter dans le temps les lois peuvent être examinés par ce contrôle. Par parallélisme, il faut exclure les lois qui ne sont pas parlementaires c’est-à-dire essentiellement les référendums et les lois de révision votées par le Congrès. Il y a eu un débat concernant les lois organiques. Genevois, pendant longtemps secrétaire général du Conseil constitutionnel, était hostile à cela car selon lui les lois organiques font partie de la Constitution et elles règles les rapports entre les pouvoirs et ne s’occupent donc pas des libertés. On lui a objecté le problème de lois organiques concernant les collectivités d’outre mer qui peuvent toucher aux droits et libertés des citoyens. On a pensé à accepter les lois organiques qui n’ont pas encore été soumises au Conseil constitutionnel. Ce sont celles de l’installation de la Ve République. Même si elles ont été examinées en entier au Conseil constitutionnel, il faut pouvoir invoquer les changements de circonstances. On s’est également posé la question pour les lois du pays. Il n’y a pas de raison de les exclure, elles seraient mieux protégées que les lois du Parlement. Il y a aussi le cas des ordonnances de l’article 38. Soit l’ordonnance a une valeur réglementaire soit elle a été ratifiée et donc elle a une valeur législative et elle est donc recevable. Comme la loi ne s’est pas prononcée sur ces questions, il faut attendre une décision du Conseil constitutionnel.

Le principe posé par la loi organique est que toutes les juridictions relevant du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation sont concernées. Cela est justifié par l’exigence du filtrage exercé par ces juridictions suprêmes. On a donc une liste importante : les juridictions de droit commun, les juridictions spécialisées, juridictions d’instruction, les juridictions provisoires, juridictions de l’exécution. La demande peut être soulevée à tout moment : instance, appel, cassation et même pendant instruction pénale. Il n’y a en réalité que trois types d’exceptions :

  • – tribunal des conflits, haute cour, cour supérieure d’arbitrage. La Cour de justice de la République est concernée car ses décisions sont soumises à la Cassation.
  • – cour d’assise en première instance
  • – tribunal arbitral et autorité administrative indépendante

Il n’y a pas d’auto saisine du juge. Il ne peut donc pas soulever d’office le moyen. La QPC n’est donc pas un moyen d’ordre public au titre de la procédure. Cependant, le ministère public a le droit de soulever une QPC. La circulaire d’application a rappelé qu’en conséquence le juge ne peut pas modifier la QPC qui lui est posé. Par exemple, il ne peut pas la modifier en examinant la disposition contestée au regard d’un droit ou d’une liberté non invoqué par le requérant.

Il y a trois contions cumulatives de la recevabilité de la saisine. Elles sont posées à l’article 23-2 de la loi organique. Ce sont également les conditions de transmission aux cours suprêmes :

Il faut que le texte soit applicable au litige ou à la procédure et que ce soit une disposition fondant les poursuites. La question doit être clairement liée à l’instance et avoir un rapport avec l’affaire en cause et donc être un élément de la solution de l’affaire. Ainsi, il ne s’agit pas d’un recours dans l’intérêt de la loi. On n’est pas dans l’hypothèse d’n recours très ouvert car alors ce serait un moyen pour le Conseil d’Etat de balayer les textes illégaux. On peut poser une question concernant la validité de la procédure et donc la question peut se poser dès le début de l’instruction.

La disposition ne doit pas déjà être déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et les dispositifs d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changements de circonstances. L’exigence est précise : il s’agit d’empêcher que la mention de l’absence de contrariété à la Constitution que l’on retrouve dans le dispositif de certaines décisions du Conseil constitutionnel, surtout les anciennes, suffit à considérer que la mesure à été validé par le Conseil constitutionnel. Jusque 1993, le Conseil utilisait un considérant balai considérant que la loi n’était pas inconstitutionnelle alors même que tout n’a pas été examiné. Depuis 1993, la décision ne vaut que pour ce qui a été discuté. Pour s’assurer que le Conseil a déjà tranché la constitutionnalité d’une partie d’une loi, il faut qu’il contrôle expressément la partie concernée. Donc, on ne peut pas considérer que ce qui a été passé sous silence est valide. Tout cela est sous réserve du changement des circonstances. C’est une condition apparue lors de la révision de 2008 et non prévu en 1990. On peut envisager un changement des circonstances de droit ou de fait dans les normes constitutionnelles de référence. En cas de changement, on peut réexaminer une disposition déjà tranchée. On s’est demandé si cette condition ne permettrait pas de contourner la condition d’absence de déclaration de constitutionnalité. La QPC du 9 juillet 2010 a eu à se prononcer sur le changement de circonstances. Il s’agissait d’une saisine par le Conseil d’Etat concernant un article du code de procédure pénale concernant la question de la rétention administrative. Or, le Conseil constitutionnel avait saisi en 2008. L’article 1 et 2 ont été déclaré conforme à la disposition dans le motif et le dispositif. Le Conseil constitutionnel a considéré qu’il n’y avait pas de changement de circonstance. Ainsi, le Conseil constitutionnel envisage donc le changement de circonstances.

La question ne doit pas être dépourvue de caractère sérieux. Pour comprendre le caractère sérieux, il faut comparer avec d’autres formules. En 1990, on avait la formule « une question qui n’est pas manifestement infondée ». L’ouverture est donc plus large en 2008 qu’en 1990 car la formule de 1990 comprend le mot « manifestement ». C’est donc une tournure indirecte mais elle est liée à l’idée de filtre qui élimine au lieu de choisir. Le filtrage n’est donc pas une fonction d’appréciation directe de la constitutionnalité. La commission de l’Assemblée Nationale avait souhaité poser les mêmes critères pour les juridictions suprêmes et les juridictions de base avec un critère alternatif. La loi votée a conservé une différence entre les deux cours suprêmes qui est celui du premier filtrage. Les juridictions ordinaires ne peuvent statuer que sur une question non dépourvue de caractère sérieux alors que les cours suprêmes ont le droit en plus de saisir le Conseil constitutionnel pour le caractère nouveau de la question. Le 7 mai 2010, la Crim. a refusé de transmettre une QPC à propos de la loi Gayssot qui poursuit pénalement la négation de faits qualifiés comme criminels par le tribunal de Nuremberg. La Crim. considère que la question soulevée n’a pas de caractère sérieux mais la motivation est insuffisante et même scandaleuse. Elle a considéré que le droit a été régulièrement introduit en droit interne, que la loi définit de manière claire et précise l’infraction et que donc c’est une infraction dont la répression ne porte pas atteinte aux droits et libertés. L’opinion publique conteste l’idée même de la loi Gayssot.

La requête doit répondre à trois conditions :

  • – elle doit être écrite
  • – il doit s’agir d’un écrit distinct car il faut identifier rapidement la présentation d’une QPC différente de celle de la plaidoirie et pouvoir la traiter sans délai. Le Conseil constitutionnel n’est pas censé connaître le fond et donc on sépare.
  • – Il faut que l’écrit soit motivé. Il faut entendre la motivation au sens que lui donne la jurisprudence et donc il doit s’agir d’n moyen articulé », il faut pouvoir identifier le droit ou la liberté visée. Il n’est pas nécessaire d’avoir un argumentaire détaillé mais il faut comprendre en quoi la disposition méconnait un droit ou une liberté. L’instance doit être en cors, donc ni interrompue ni suspendue. La question ne peut plus être soulevé après la clôture des débats ou de l’instruction, sauf si c’est à nouveau ouvert. Ainsi, la QPC n’est pas autonome, elle suit le régime de la prétention principale.

SECTION 4. LES EFFETS DE LA SAISINE

L’article 23-2 pose le principe : le juge, une fois saisi, doit se prononcer en priorité sur la transmission des la QPC au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation.

Le résultat de la décision de transmettre la question provoque le sursit à statuer jusque la réception de la décision. Il faut donc attendre que la juridiction suprême donne sa réponse. Le sursit à exécution ne porte pas sur l’instruction. Il y a ne exception obligatoire, il n’est pas possible de sursoir à statuer lorsque la personne est privée de liberté à l’instance ou lorsque l’instance a pour objet de mettre fin à une mesure privative de liberté. Il y a une exception facultative lorsque le juge doit se prononcer en urgence ou dans un délai déterminé et donc il apprécie s’il sursoit à statuer.

Les délais sont strictement encadrés par la loi organique. La QPC doit être prioritaire mais la loi ne détermine pas le délai d’examen. La commission de l’Assemblée Nationale avait ajouté un délai maximal de 2 mois mais cela n’a pas été retenue car on a considéré que le juge aurait conscience qu’il devait prendre rapidement sa décision. Les deux juridictions suprêmes sont soumises à un délai de 3 mois. Si une des juridictions suprêmes reste silencieuse, la commission avait proposé une régler selon laquelle le silence vaut transmission automatique au Conseil constitutionnel au bout de 3 mois. Cela a été retenu par la loi organique.

La première garantie est celle du respect du contradictoire. Il est clair que le pouvoir constituant a inconsidéré qu’il est tenu par les principes de l’article 6 paragraphe 1 de la CEDH. Concernant le ministère d’avocat, rien n’est dit et donc on applique les règles communes de la représentation concernant l’instance. On a considéré aussi que le ministère d’un avocat au conseil n’ s’impose devant les juridictions suprêmes que s’il s’impose pour les instances principales. La grande question qui s’est posée est celle de la contestation de la décision de transmission et la décision de non transmission. La décision de transmission n’est pas contestable. La décision de non transmission peut être contestée lors de l’examen de tout recours réglant toute ou partie du litige.

La procédure de filtrage est traitée aux articles 23-4 à 23-7 de la loi organique. Les deux juridictions suprêmes ont trois mois pour se prononcer avec transmission d’office en cas de silence. En raison de l’article 61-1 de la Constitution, il n’était pas pensable qu’en cas de silence les parties puissent saisir le Conseil constitutionnel. Le critère de transmission au Conseil constitutionnel est différent car il est plus large avec plus de possibilités pour les juridictions suprêmes. La question doit être nouvelle ou présenter un caractère sérieux. Le texte pose un critère de niveau plus élevé pour les juridictions suprêmes et donc pur restrictif. Le problème est que d’apprécier le caractère sérieux de la question ne doit pas revenir à apprécier soi-même la constitutionnalité. Le risque, ce qui s’est passé avec la Cour de cassation, est que la juridiction tranche la question elle même sans la transmettre.

Lorsque la juridiction refuse de transmettre la décision, il y a une obligation de retransmetteur une copie de la décision motivée de no transfert au Conseil constitutionnel. Ainsi, le Conseil constitutionnel est informé du filtrage et du comportement des juridictions suprêmes. Les juridictions doivent donc faire preuve de prudence, surtout le Conseil d’Etat qui a l’habitude de traiter la constitutionnalité d’une disposition dans sa fonction consultative.

SECTION 5. LA COMPÉTENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Un monopole du contrôle de constitutionnalité

Le Conseil statut dans un délai de 3 mois à compter de sa saisine. La requête est partie d’une demande particulière pendant une instance mais malgré cela le traitement de l’affaire par le Conseil se fait dans l’intérêt de la Constitution. On en a deux symboles. D’abord, la bande des quatre est avertie et a le droit de présenter des observations. On se rapproche donc d’un recours dans l’intérêt de la loi. Ensuite, il y a une dé liaison avec l’instance originale. L’article 23-9 prévoit que l’extinction de l’instance n’éteint pas l’examen de la question.

Le Conseil constitutionnel, dans la décision 595-DC du 3 décembre 2009, dit que cette dé liaison montre que le contrôle de constitutionnalité est devenu un contrôle objectif c’est-à-dire détaché des faits qui l’ont provoqué.

La QPC confirme t-elle la juridictionnalisation du Conseil constitutionnel ?

On se rend compte qu’il n’est pas possible de délier la QPC des parties. La question qui se pose est donc celle de savoir qu’elle sera la procédure, les garanties pour les parties devant le Conseil constitutionnel. Dans les débats à l’Assemblée, un député a soulevé l’idée que cela confirmait le fait qu’il y a des individus avec des avocats et que ces personnes confirment une juridictionnalisation du Conseil constitutionnel.

L’article 23-1O introduit quatre garanties essentielles allant dans le sens de la juridictionnalisation :

  • – les parties peuvent présenter contradictoirement leurs observations
  • – l’audience est publique
  • – la décision est notifiée aux parties
  • – l’aide juridictionnelle

Le détail de la procédure est réglé par le règlement du Conseil constitutionnel. Les décisions du Conseil doivent être motivées, qu’elles soient positives ou négatives.

Il y a un principe d’égalité des armes entre les parties.

Les effets d’une décision d’inconstitutionnalité

Ces effets sont définis par la Constitution dans l’article 62 alinéa 2. La chose est simple mais par exception le Conseil constitutionnel reçoit une compétence spécifique. En cas d’inconstitutionnalité, le principe est l’abrogation à compter de la publication de la décision. Il est prévu que l’abrogation peut intervenir à une date ultérieure fixée par le Conseil constitutionnel et qu’il peut modifier les effets. Ainsi, il a n pouvoir d’appréciation et de détermination de la date d’entrée en vigueur de l’inconstitutionnalité et de ses conditions et modalités dans ses effets. Il peut fixer une date ultérieure d’entrée en vigueur, ce qui signifie qu’il permet au législateur de prendre de nouvelles dispositions pour pallier l’abrogation. Le Conseil peut aussi déterminer les conditions et les limites dans lesquelles les effets d’une disposition annulée peuvent être mis en cause. Ainsi, il peut prendre en compte les effets pouvant être nocifs. En particulier, il peut permettre l’extension des effets de l’abrogation à des décisions de justice devenues définitives si l’instance originelle a déjà prospéré.

Exemples :

  • Le 28 mai 2010, une QPC « cristallisation des pensions » est intervenue. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel décide d’une inconstitutionnalité. Le Conseil dit que pour préserver l’effet utile de la décision, il appartient d’une part aux juridictions de sursoir à statuer jusqu’au 1er janvier 2011, date d’intervention de la nouvelle loi, et d’autre part de prévoir au législateur une nouvelle disposition rétroactive.
  • Le 2 juillet 2010, une QPC intervient et le Conseil considère que la composition du tribunal maritime national n’est pas constitutionnelle. Il estime que les tribunaux maritimes devront siéger dans la juridiction pénale de proximité.
  • Le 30 juillet 2010, une QPC intervient dans le cadre de la garde à vue. Une inconstitutionnalité est décidée. Le Conseil a noté un changement de circonstances en raison de l’augmentation du nombre de garde à vue. Concernant les effets, le Conseil commence par rappeler qu’il n’a pas de pouvoir général d’interprétation comme le législateur. Ensuite, il estime que l’abrogation immédiate serait trop dangereuse en faisant la balance entre les effets de l’abrogation et les objectifs constitutionnels, notamment celui du maintien de l’ordre public. En raison du maintien de l’ordre public, il va mieux ne pas procéder à une abrogation immédiate et donc l’abrogation est différée d’un an.

SECTION 6. LES DIFFICULTÉS DE MISE EN ŒUVRE

C’est le débat ayant eu lieu devant la commission des lois de l’Assemblée Nationale le 1er septembre 2010 pour faire un bilan des 6 premiers mois de la QPC pour examiner la position de la Cour de cassation. Le 20 juillet 2010, il y a eu une première alter en supprimant l’organe spécialisé de la Cour de cassation.

Cela vient de la fonction de filtre par un arrêt du 7 mai 2010 où la Cour de cassation décide de ne pas transmettre mais ne motive pas suffisamment et même de façon scandaleuse. Elle se comporte comme si le contrôle de constitutionnalité est purement formel, sans concerner le fond. Elle choisit de donner priorité au revoie préjudiciel devant la QPC. Elle donne donc la priorité au droit communautaire sur le droit constitutionnel et néglige donc le caractère prioritaire de la QPC. Elle refuse donc de jouer le jeu et donner lieu à une crise grave.

Des questions se posaient, le filtrage et la priorité.

  • Concernant la priorité, la CJUE intervient le 22 juin 2010 et valide sous conditions la QPOC française. Elle considère que la loi organique est compatible avec le droit de l’Union, que la QPC est prioritaire mais tant que l’obligation d’assurer le plein effet du droit de l’union n’y fait pas obstacle. En effet, la CJUE est attentive à l’effectivité du droit de l’Union. Selon elle, la QPC peut gêner cette effectivité si le juge ne peut pas assurer la protection provisoire des droits assurés par l’Union. Elle indique également une hypothèse dans laquelle exceptionnellement la question préjudicielle doit être prioritaire, c’est l’hypothèse qu’un grief d’inconstitutionnalité contre une loi transposant correctement une directive communautaire. Dans ce cas, la CJUE estime qu’elle est la seule à pouvoir apprécier la légalité de la directive. On a proposé alors de faire comme le préconise le Conseil d’Etat dans l’arrêt Arcelor de 2007. Cela permet d’éviter d’arbitrer entre la protection des droits et l’attente de la réponse.
  • Concernant le filtrage, les députés ont tout envisagé, même sa suppression. Le plus important est de regarder les techniques des juridictions suprêmes.

La Cour de cassation, sous couvert d’apprécier elle même a sérieux d’une question, s’est livrée elle même à l’appréciation de la constitutionnalité. Elle l’a d’autant plus fait car elle se considère comme capable de le faire car elle sait faire le contrôle de conventionalité. Le 19 mai 2010, dans un rejet de QPC, la Cour de cassation a soutenu que dans la loi le problème n’était pas dans la loi mais dans l’interprétation de la loi. Or, séparer le texte de la loi de sa lecture est curieux car ils vont ensemble. La Cour prétend qu’on peut les séparer et donc cela signifie qu’elle entend conserver le monopole d’interprétation de la loi. On a été jusqu’à dénoncer le retour des parlements de l’ancien régime face à ce comportement de la Cour de cassation.
C’est ici que le Conseil d’Etat s’est montré intelligent car il s’est demandé comment éviter un pré jugement de constitutionnalité. Le vice président du Conseil d’Etat a expliqué comment ils ont élaboré leur méthode. Il a choisit une motivation très légère et rapide des décisions de transmission, ce qui évite de s’alourdir et de rentrer dans le détail de la constitutionnalité. La technique retenue est celle du doute raisonnable, donc savoir s’il y a moyen de douter sur la constitutionnalité de la disposition. En conséquence, c’est un risque volontaire de transmettre plus d’affaires, au risque qu’elles soient rejetées par le Conseil constitutionnel.

Les députés se sont alors posé la question du maintien du filtrage. On a proposé que le premier juge décide lui même de la transmission au Conseil constitutionnel. On a proposé également d’aligner les critères de transmission des deux juridictions suprêmes avec ceux des juridictions inférieures, donc la suppression du caractère nouveau. Le vice président du Conseil d’Etat a plaidé le maintien du filtrage. Il demande également le maintien du double critère. On s’est demandé s’il fallait prévoir un appel pour les refus de transmission. L’idée est que devant le risque de l’époque de voir le Conseil constitutionnel court-circuité, faut il donner au Conseil le droit de surmonter une position d’une juridiction suprême ? On a alors proposé de faire appel devant le Conseil constitutionnel mais cela rendrait le Conseil comme cour suprême et le filtre serait inutile. On a aussi proposé un appel en cas de différence d’appréciation entre le Conseil d’Etat et la Cour de cassation. Aussi, on a proposé l’évocation qui est la possibilité pour le Conseil constitutionnel de se saisir lui même de certains refus pour les étudier lui même directement. C’est le système du cherrypicking qui existe dans le cadre de la Cour suprême des Etats Unis. Cela pourrait présenter les même dangers que l’auto saisine car cela conduirait à un gouvernement des juges car le choix d’opportunité est un choix politique.

Conclusion : Le Conseil constitutionnel devient il une Cour suprême ?

Il ne faut pas oublier une différence fondamentale avec la Cour de cassation et le Conseil d’Etat. Le contrôle du Conseil constitutionnel est un contrôle in abstracto de la norme et il ne règle jamais le litige au fond. Il se contente de juger la constitutionnalité de texte qu’on lui a transmis. Et donc ce ne sera jamais une juridiction suprême au même sens que les deux autres.