Recevabilité du recours administratif : capacité, qualité, intérêt à agir

La recevabilité des recours : capacité, qualité, intérêt à agir du requérant

La recevabilité du recours contentieux est conditionnée non seulement par la capacité juridique du requérant à ester en justice, mais aussi par son intérêt à saisir le juge. Il s’agit de règles d’ordre public que celui‑ci soulève d’office (CE, 25 octobre 1996, Association Estuaire-Écologie, req. no 169557) et que le défendeur peut également invoquer à tout moment de l’instance.

I) Le requérant : capacité et qualité.

A) La capacité à agir en justice.

Le majeur ou le mineur émancipé. Il n’y a pas de limitation pour la nationalité. Les personnes morales ont la capacité, ainsi que les associations loi 1901 ont la capacité juridique. Pour le cas des associations qui contestent le décret portant leur dissolution, elles conservent leur capacité pour attaquer ce décret. Les groupements non dotés de la personnalité juridique ou morale ont la possibilité de contester la décision qui concerne les intérêts collectifs : une autorité administrative indépendante, un tribunal supprimé par voie parlementaire dont les magistrats se sont regroupés en un groupement pouvant contester cette décision.

B) La représentation du requérant.

En matière administrative, nul ne plaide par procureur. La personne physique doit agir elle-même, elle peut cependant faire appel à un conseil : un avocat.

Pour les personnes morales : pour les sociétés civiles ou commerciales la loi prévoit clairement qui représente la personne morale en justice. Pour les associations loi 1901 ou les syndicats, en principe, les statuts permettent d’identifier la personne qui juridiquement représente l’association vis-à-vis des tiers.

Le Juge Administratif a eu à cet égard une attitude qui a varié dans le temps. Au début l’association était représentée par qui elle voulait. Puis il a voulu vérifier si celui qui la représentait était dûment habilité. Maintenant il se contente de vérifier d’un point de vue formel que le président représente bien l’association.

C) La qualité à agir pour le compte d’autrui

Le justiciable peut donner mandat à un avocat, mais pas à son conjoint ou à une tierce personne. Pour les personnes morales ; le mandat n’a pas à être prouvé mais ce que le juge peut exiger c’est de prouver si la personne qui a donné mandat à un avocat disposait elle-même d’un mandat.

Dans tout le contentieux de pleine juridiction, l’avocat est obligatoire, et il est nécessaire parfois dans le REP. Il faut bien distinguer les avocats normaux et les avocats au conseil qui ont le monopole de la représentation devant le CE. Il n’y a aucune place pour quiconque autre qui serait habilité pour représenter les parties.

En ce qui concerne l’Etat requérant, il est représenté par un ministre, le préfet ou le recteur… devant les juridictions judiciaires il est représenté par l’agent judiciaire du trésor.

L’aide juridictionnelle fonctionne pour les parties qui ne disposent pas de moyen pour faire appel à un avocat.

II) L’intérêt donnant qualité à agir.

C’est une question très complexe en matière administrative, beaucoup plus qu’en matière judiciaire, et surtout dans le contentieux de l’excès de pouvoir où le juge régule lui-même cette notion d’intérêt à agir. La position du Conseil d’Etat n’a jamais été univoque.

  • Les conditions d’appréciation de l’intérêt à agir : il y a d’abord la date. Il s’apprécie à la date du dépôt de la requête. Si il y a une modification au cours de l’instance sur la situation du requérant pas de problème. Ensuite, il s’apprécie par rapport aux conclusions et non par rapport aux moyens invoqués. De plus un requérant peut avoir plusieurs qualité à agir superposées.
  • L’état du droit : l’intérêt à agir peut être purement moral. Pour le porte-avion Clemenceau, la Ligue des Droits de l’Homme a attaqué la décision de l’envoyer en Inde. Exemple d’intérêt : décision par laquelle le ministre de la défense veut déplacer l’école Polytechnique en banlieue. Association des anciens élèves a un intérêt purement moral. L’intérêt peut être purement individuel ou collectif, l’intérêt collectif est apparu tardivement dans la jurisprudence : Syndicats des patrons coiffeurs de Limoges.

A) L’intérêt individuel.

Dans le cas le plus simple, il concerne une décision individuelle défavorable. Il faut que l’intérêt à agir ait un rapport suffisamment direct avec la décision attaquée. Par exemple pour contester un permis de construire, on a conçu un cercle d’intérêt : toute personne située dans un rayon de 800 mètres par exemple autour du domicile…

Arrêt Société albigeoise de spectacle : notion d’intérêt pertinent. Le Recours en excès de Pouvoir reste un recours visant à apprécier la légalité des actes administratifs. La société conteste un permis de construire d’une salle de cinéma, elle-même étant exploitant d’une autre salle de cinéma. Le but recherché n’est pas le respect des règles d’urbanisme mais d’éliminer une future concurrente : il n’y a donc pas d’intérêt à agir suffisamment pertinent.

B) L’intérêt collectif.

  1. Appréciation de l’intérêt invoqué.

La décision contestée a des conséquences, même extrêmement ténues sur les intérêts collectifs défendus.

  1. Cas particulier des associations ou syndicats.

Les recours contre les actes règlementaire sont très largement ouverts. Concernant les décisions individuelles, la position du Conseil d’Etat est plus complexe. Elle n’interdit pas a priori qu’un syndicat conteste une décision portant sur un seul adhérent.

Les mesures positives sont en principe insusceptibles de recours par les syndicats et associations. Les décisions négatives portent atteinte à l’ensemble des agents.

Dans le cadre du recours de plein contentieux, les associations ne peuvent contester que les décisions qui portent atteinte à leur intérêts financiers ou en cas de préjudice moral.

  1. Les limites.

Le CE a exclu les actions publiques, cad celles qui permettent à tout citoyen de contester toutes les décisions prises par l’administration. La qualité de contribuable local permet cependant de contester toutes les décisions à caractère financier et local. En ce qui concerne les usagers d’un service public le Conseil d’Etat est extrêmement large. Depuis le 21 décembre 1906 Syndicats des propriétaires et contribuables du quartier de Croix Serguei Tivoli, il permet de contester les décisions modifiant le service public.

La qualité d’électeur suffit pour contester les décisions en matière électorale. La qualité de parlementaire ne permet pas de contester des décisions émanant de l’exécutif. Le 20 novembre 1981 est rendu un arrêt d’assemblée (par respect des parlementaires : formation la plus solennelle) : étaient en cause des dispositions concernant la nationalité des entreprises.

11 mars 1903 LOT : c’est un des premiers arrêts dans lesquels le Conseil d’Etat juge recevable un recours dirigé par des archivistes paléographes contre la nomination dans un corps de fonctionnaires d’un fonctionnaire qui ne disposait pas des diplômes requis pour l’être.

1905 Martin : l’intérêt à agir des membres des assemblées délibérantes locales contre les actes de l’exécutif local mais surtout contre les délibérations adoptées par les assemblées délibérantes.

Section, 28 mai 1971 Damasio : était en cause la fixation par le ministre de l’éducation nationale de la date des congés scolaire. Damasio exploitait un hôtel et il estimait que la fixation des dates de congés scolaires portait atteinte à son exploitation commerciale. Y a t il un intérêt à agir ? oui, il est suffisant, certain et direct.

14 février 1958 Abisset : cet arrêt marque la limite maximale du Conseil d’Etat en ce qui concerne l’intérêt à agir. Il s’agit d’une décision prise par le maire d’une commune d’interdire sur le territoire de la commune la pratique du camping. Abisset est un campeur hors pair, (certains l’auraient vu planter des piquets avec son nez…) peut-il contester la décision du maire ? oui, il a un intérêt à agir. Le caractère potentiel de sa venue suffit à lui donner qualité à agir.

Da Silva et CFDT, 13 février 1975 : changement de régime concernant la situation des travailleurs étrangers sur le territoire national. Droit administratif Silva est titulaire d’un permis de travail. Est-ce qu’il peut contester le changement de régime sous prétexte qu’un jour il pourra être concerné par cette nouvelle réglementation.

Enfin pour conclure, il faut remarquer qu’il y a une tendance actuellement à restreindre cet intérêt à agir.

 

III ) Les conditions tenant aux requérants.

A) Les principes.

Le Juge Administratif peut parfaitement rejeter une requête pour irrecevabilité par ordonnance sans avoir à soumettre cette instance à une procédure contradictoire. Si la requête est irrecevable et si cette irrecevabilité est insusceptible d’être couverte, il y a rejet du recours. Par exemple, les décisions insusceptibles de recours. Dans d’autres cas, la juridiction pourra être incompétente, dans ce cas le requérant sait très rapidement et très facilement si le juge en question est compétent. Une demande rédigée en langue étrangère est irrecevable.

Le Juge Administratif, même si la requête est irrecevable, même si elle a fait l’objet d’une instruction peut, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité faire reste de droit et rejeter la requête au fond : le requérant n’aura pas ainsi le regret d’avoir vu sa demande rejeter pour irrecevabilité sans qu’il fût statuer au fond. Cela est très fréquent.

  1. La jurisprudence Préfet de l’Eure (1913).

Elle concerne une certaine catégorie de recours, celle où l’administration est elle-même le requérant. Le principe posé par cette jurisprudence est que l’autorité administrative ne peut pas demander au juge e prendre une décision qu’elle peut elle-même exercer à raison du privilège du préalable. L’administration peut par exemple procéder à l’évacuation du domaine public par un occupant sans titre. Elle peut elle-même l’expulser, donc elle ne peut pas le demander au juge.

L’administration peut au titre de son pouvoir de tutelle retirer un acte d’une autorité soumise à un pouvoir de tutelle. Les sanctions prévues au contrat peuvent être appliquées directement.

  1. Les dérogations à cette règle.

Reprenons l’exemple de l’occupation du domaine public par un occupant sans titre. Imaginez un homme qui fait la grève de la faim dans le hall de l’hôtel de Région et qui s’enchaîne par-dessus le marché ! Si on le vire, c’est une voie de fait. La seule solution est de saisir le juge pour avoir recours à la force publique pour le virer. C’est l’arrêt Lecoq du CE, Ass, du 31 mars 1978 qui a posé cette jurisprudence.

Une autre dérogation existe en ce qui concerne les états exécutoires émis par les EPIC. Ces états peuvent être authentifiés par une décision de justice. Ils consistent en une constatation d’une créance d’un EPIC contre quelqu’un d’autre.

  1. les recours de l’administration.

Dans les cas où l’administration peut être l’auteur d’un recours, il y a le contentieux de l’excès de pouvoir, mais aussi le contentieux de pleine juridiction dans lequel l’administration saisi le juge pour obtenir un titre, un droit, par exemple l’authentification d’une créance.

Lorsque le préfet constate qu’une collectivité locale a pris une décision et que cette décision n’entre pas dans le champ d’application des actes soumis à l’obligation de transmission, il va, si il juge que cet acte est illégal, se comporter en requérant ordinaire et ne dispose d’aucun privilège qui ne s’attache au contrôle de l’illégalité. —>Arrêt de principe : sect, 13 janvier 1988 Mutuelle générale du personnel des collectivités territoriales. Lorsque un contrat est en cause le préfet peut demander l’annulation du contrat.

Les services fiscaux peuvent en cas de contestation entre un contribuable et eux-mêmes saisir le juge, c’est bien ici l’administration qui saisit le juge.

  1. les recours administratifs préalables facultatifs.

Ils constituent une possibilité permanente applicable à tous les actes administratifs. Donc même sans texte, le justiciable peut saisir soit dans le cadre d’un recours gracieux soit dans le cadre d’un recours hiérarchique l’administration. Mais il faut savoir que l’administration revient rarement sur ses décisions.

  1. les recours administratifs préalables obligatoires.

Ils sont obligatoires soit parce que l’administration l’a décidé, soit en vertu d’un texte. Quand le recours administratif est obligatoire, la saisine directe du juge est irrecevable. Il existe de très nombreux cas de recours obligatoires, le but est de désengorger le juge.

  • Par la jurisprudence : par exemple, pour le refus de communication d’un acte administratif, la saisine de la CADA est obligatoire.
  • C’est parfois un texte qui l’impose : les recours contre les élections universitaire nécessitent un recours préalables à la commission de contrôle des élections. La loi par exemple exige un recours préalable pour tout recours par des militaires. Si il y a contestation d’une décision individuelle, ils doivent saisir une commission qui siège auprès du ministre de la défense. De même en ce qui concerne le refus de visa opposé aux étrangers voulant venir en France. Il ne sera susceptible de Recours en excès de Pouvoir que si il y a eu saisine préalable d’une commission située à Nantes, loi de 2002.
  • Par la voie contractuelle : le recours préalable n’a pas un caractère d’ordre public. Le juge ne peut pas d’office soulevé le moyen de la non réalisation du recours préalable. Exemple : marché portant sur les travaux publics, il y a forcément une procédure précontentieuse.

B) La recevabilité et la régularisation.

le JA, à la différence du juge judiciaire, fait preuve de beaucoup de gentillesse à l’égard des requérants car son accès est très complexe. Des régularisations sont donc possibles dans certaines limites cependant. On classe donc les irrecevabilités en deux catégories :

  • les irrégularités insusceptibles de régularisation : lorsque les délais du recours contentieux sont écoulés. Absence préalable à l’administration en matière de travaux publics où le juge ne peut être saisi que d’une décision négative de l’administration. Dans le contentieux de l’urbanisme, spécialement en ce qui concerne les recours sur une utilisation du droit des sols, il y a une procédure spécifique : la notification du recours aux défendeurs.
  • Les irrégularités susceptibles de régularisation : le juge est tenu d’inviter le requérant à régulariser, si le juge ne le fait pas il ne pourra pas invoquer ensuite cette irrecevabilité contre la demande. Exemple : le ministère d’avocat est obligatoire, si pas d’avocat, le requérant peut régulariser la situation jusqu’à la clôture de l’instruction. L’absence de demande préalable est régularisable : Lambert 1938. si l’administration ne s’oppose pas à cette absence au bout d’un délai de deux mois, la requête est régularisée.