L’action en justice : définition, conditions

L’ACTION EN JUSTICE  

Dans tout État de droit, le droit d’agir en justice est fondamental : chaque citoyen peut soumettre un litige au juge et faire valoir une prétention pour que celui-ci en évalue le bien-fondé. Le défendeur, en parallèle, a le droit de contester cette prétention, permettant ainsi un débat équitable devant le juge.

En résumé, l’action en justice est un droit fondamental permettant à tout citoyen de soumettre une prétention au juge. Pour être recevable, l’action doit justifier d’un intérêt direct, actuel et personnel, et parfois d’une qualité spécifique quand la loi le prescrit. Ce droit exclut « l’autoprocureur », réservant la justice à l’État. Ces critères garantissent une gestion rigoureuse et légitime des actions devant les tribunaux.

Tableau des Conditions de l’Action en Justice

Condition d’Action Description et Fonction Exemples et Applications
Intérêt à Agir Nécessité d’un intérêt direct, personnel, actuel et légitime pour accéder à la justice. Défense d’un droit personnel, réparation d’un préjudice actuel.
Qualité pour Agir Exigence d’une légitimité spécifique du demandeur pour certaines actions attitrées. Nullité de mariage réservée aux époux, action en désaveu de paternité pour le père.

Section 1 : la notion d’action en justice

L’action en justice, selon l’article 30 du Code de procédure civile, est définie comme le droit, pour l’auteur d’une prétention, de demander à un juge de la déclarer bien ou mal fondée. L’alinéa 2 de cet article ajoute que, pour l’adversaire, l’action est le droit de contester le bien-fondé de cette prétention.

Ce droit d’action est souvent qualifié de droit subjectif, en ce qu’il permet à chaque partie de faire valoir ses droits devant le juge, qu’il s’agisse de faire reconnaître un droit, d’obtenir réparation (dommages-intérêts), ou de revendiquer des biens en annulant un contrat, par exemple.

Le recours exclusif aux tribunaux pour la reconnaissance et l’exécution des droits

  • En vertu du principe de monopole étatique de la justice, il est interdit à tout particulier de se faire justice lui-même : l’État est le garant de la justice publique, et tout citoyen doit recourir aux tribunaux pour faire reconnaître ses droits et en obtenir la sanction. Ainsi, il est nécessaire d’obtenir la reconnaissance judiciaire de son droit avant toute exécution forcée, notamment pour saisir ou vendre les biens du débiteur.
  • L’État proscrit les initiatives privées en matière d’exécution forcée afin de prévenir violences et abus. Par conséquent, seul un jugement ou une décision juridique autorise l’exécution d’une obligation, si nécessaire par le concours de la force publique.

Distinction entre le droit subjectif et l’action en justice

Historiquement, la doctrine classique assimilait étroitement l’action au droit subjectif lui-même, la considérant comme le prolongement dynamique du droit. Demolombe, juriste éminent, affirmait que « l’action, c’est le droit lui-même mis en mouvement ; le droit à l’état de guerre, au lieu d’être à l’état de paix ». Cependant, cette conception a été progressivement abandonnée. Aujourd’hui, il est clair que l’action en justice diffère du droit subjectif qu’elle vise à faire reconnaître.

  • L’action tend à constater un droit et à le sanctionner : elle est donc distincte du droit subjectif en tant que tel.
  • Certains droits n’ont pas de sanction juridique associée, tels que les obligations naturelles, qui ne peuvent pas être exécutées par une action en justice. L’action en justice ne confère donc que le pouvoir d’exiger que le juge examine une prétention ; elle ne garantit pas la reconnaissance du droit revendiqué.

Conditions d’existence de l’action en justice

Pour qu’une action en justice soit recevable, certaines conditions doivent être remplies, définies par l’article 31 du Code de procédure civile : l’action est accessible à toute personne ayant un intérêt légitime à voir la prétention acceptée ou rejetée. Cet intérêt légitime est une condition essentielle, mais certaines actions sont réservées à des personnes spécifiquement qualifiées par la loi pour protéger ou défendre un intérêt particulier.

En somme, l’action en justice est à la fois un droit et un outil fondamental, garantissant à chacun la possibilité de faire valoir et de protéger ses droits sous le contrôle exclusif de l’État.

Pour exercer une action en justice, il faut donc pouvoir invoquer un intérêt (I) et une qualité pour agir (II).

 Section 2 : les conditions d’existence de l’action en justice

Pour qu’une action en justice soit recevable, deux conditions principales doivent être remplies : l’intérêt à agir et la qualité pour agir. Ces exigences visent à garantir que seuls ceux qui possèdent un droit légitime puissent accéder aux tribunaux pour faire valoir leurs prétentions.

1- L’intérêt à agir

L’intérêt est l’élément fondamental de toute action en justice. Il ne suffit pas d’être titulaire d’un droit pour agir ; il faut également que ce droit confère un avantage direct et certain au demandeur, qui justifie son recours au juge. En d’autres termes, « pas d’intérêt, pas d’action ». Pour être recevable, l’intérêt doit remplir quatre conditions spécifiques :

  • L’intérêt doit être direct : Cela signifie que l’intérêt du demandeur doit découler directement du succès de l’action judiciaire. Il ne peut être fondé sur des implications indirectes ; il doit être liée au droit dont la reconnaissance est demandée devant le juge.

  • L’intérêt doit être légitime : Bien que l’expression puisse paraître ambiguë, elle a longtemps permis d’écarter des actions fondées sur des motifs immoraux ou juridiquement non protégés, en vertu du principe « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». Cependant, cette condition a été abandonnée par la jurisprudence depuis un arrêt de la chambre mixte de la Cour de cassation du 27 février 1970. Aujourd’hui, cette exigence de légitimité est interprétée comme englobant d’autres qualités requises pour l’intérêt, sans autre restriction morale.

  • L’intérêt doit être personnel au demandeur : En principe, chaque individu ne peut défendre que ses propres droits ; notre droit français ne reconnaît pas l’action populaire, qui permettrait à un particulier de plaider au nom de la société. Seul le ministère public a la prérogative de représenter les intérêts de la société. Néanmoins, la loi accorde dans certains cas des droits d’action à des groupements pour défendre des intérêts collectifs. Par exemple :

    • Un syndicat professionnel peut intenter une action pour défendre les intérêts de la profession.
    • Les ordres professionnels (avocats, médecins) peuvent agir pour protéger l’intérêt collectif de leur corps.
    • Certaines associations, telles que celles de consommateurs, sont spécifiquement habilitées par le législateur pour défendre les intérêts collectifs de leurs membres. Toutefois, cette possibilité d’action collective est strictement encadrée pour éviter que ces groupements ne se substituent au ministère public.
  • L’intérêt doit être né et actuel : L’intérêt invoqué ne doit pas être hypothétique ou éventuel. Une action n’est recevable que si elle tend à réparer un préjudice existant ou certain de se réaliser. Cela signifie qu’un dommage futur peut justifier une action, à condition que sa survenue soit indiscutable, bien que la date ou les modalités de sa réalisation puissent rester indéterminées.

 

2- Une qualité pour agir

La qualité constitue une seconde condition pour agir en justice, bien que d’ordre plus restreint. Elle renvoie à la légitimité du titre par lequel le plaideur demande au juge de statuer sur le fond d’un litige. L’article 31 du Code de procédure civile précise que l’action est ouverte « sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt légitime ». En principe, toute personne peut agir en justice dès lors qu’elle justifie d’un intérêt, mais dans certains cas, le législateur limite ce droit aux seules personnes expressément désignées.

  • Actions réservées ou « attitrées » : Pour certaines actions, la loi précise que seules certaines personnes peuvent agir en justice. Par exemple :
    • En matière de nullité de mariage, seuls les époux ou certaines personnes ayant un intérêt spécifique peuvent saisir le juge.
    • L’action en désaveu de paternité est strictement réservée au père.
    • L’action en divorce est limitée aux époux.

Dans ces situations, on parle d’actions « attitrées », car seules les personnes qualifiées par la loi disposent du droit d’action. Ce cadre restreint permet de protéger des droits particulièrement sensibles ou liés à des intérêts spécifiques.

En résumé, pour qu’une action soit recevable en justice, le demandeur doit non seulement justifier d’un intérêt direct, personnel, légitime et actuel, mais également, dans certains cas, d’une qualité spécifique lorsque la loi en impose l’exigence. Ces conditions visent à limiter l’accès aux tribunaux aux situations réellement justifiées et encadrées juridiquement.

 

 

Le Cours complet d’Introduction au droit est divisé en plusieurs fiches (notion de droit, biens, acteurs de la vie juridique, sources du droit, preuves, responsabilité…)

 

Questions fréquentes sur l’action en justice

Qu’est-ce que l’action en justice selon le Code de procédure civile ?

L’action en justice est définie par l’article 30 du Code de procédure civile comme le droit pour une personne de soumettre une prétention à un juge pour en évaluer le bien-fondé, tandis que le défendeur a le droit de contester cette prétention.

Pourquoi est-il interdit de se faire justice soi-même ?

L’État détient le monopole de la justice pour garantir une application uniforme et équitable des lois et pour prévenir les abus et violences. Par conséquent, seule une décision judiciaire permet d’obtenir l’exécution d’un droit, éventuellement par le recours à la force publique.

Quelle est la différence entre un droit subjectif et l’action en justice ?

Le droit subjectif représente le droit en lui-même, tandis que l’action en justice est le moyen de faire reconnaître et sanctionner ce droit. L’action en justice ne garantit pas que le droit revendiqué sera reconnu, elle permet seulement au juge de l’examiner.

Quelles sont les conditions d’existence de l’action en justice ?

Pour qu’une action soit recevable, deux conditions doivent être remplies :

  1. Un intérêt à agir, direct, personnel, légitime et actuel.

  2. Une qualité pour agir, qui est requise dans certains cas où la loi réserve l’action à certaines personnes qualifiées.

Qu’est-ce que l’intérêt à agir et quelles sont ses caractéristiques ?

L’intérêt à agir signifie que le demandeur doit tirer un avantage direct et certain de l’action. Il doit être personnel, actuel, et découler directement de la demande faite devant le juge.

Dans quels cas la qualité pour agir est-elle requise ?

La qualité pour agir est requise lorsque la loi réserve certaines actions spécifiques à des personnes précises, par exemple en matière de nullité de mariage (réservée aux époux et certaines personnes ayant un intérêt) ou de désaveu de paternité (réservée au père).

Pourquoi impose-t-on des restrictions à certaines actions en justice ?

Ces restrictions visent à limiter l’accès aux tribunaux pour des cas sensibles, afin de protéger des intérêts spécifiques et de garantir une utilisation appropriée de la justice pour des causes justifiées.

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