La preuve littérale : acte sous seing privé / acte authentique

Un exemple de preuve parfaite : La preuve littérale (l’écrit)

En droit, les preuves se divisent en deux grandes catégories : les preuves parfaites et les preuves imparfaites. Les preuves parfaites sont requises pour établir la réalité des actes juridiques de manière incontestable. Elles s’imposent au juge qui ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation quant à leur valeur. À l’inverse, les preuves imparfaites, telles que les témoignages ou présomptions, sont laissées à la libre appréciation du juge et peuvent être contestées plus facilement.

Parmi les preuves parfaites, trois procédés principaux existent : la preuve littérale (écrit), l’aveu judiciaire et le serment décisoire. La preuve littérale, en particulier, est essentielle en matière juridique car elle constitue la méthode de preuve la plus couramment utilisée.

Le Code civil distingue deux types de preuve littérale, selon la nature de l’écrit utilisé pour établir un acte juridique :

  • L’acte sous seing privé : Il s’agit d’un document signé par les parties sans intervention d’un officier public. Cet acte, qui prouve un engagement entre les parties, ne nécessite aucune formalité particulière autre que la signature, qui peut être manuscrite ou électronique, selon les dispositions de la loi du 13 mars 2000. Le support de l’écrit est indifférent : un acte sous seing privé peut donc être rédigé sur support papier ou électronique, pourvu qu’il respecte les conditions de validité requises.

  • L’acte authentique : Cet écrit est établi par un officier public (notaire, huissier) et bénéficie d’une force probante supérieure. Contrairement à l’acte sous seing privé, l’acte authentique est entouré de formalités plus strictes et confère aux faits qu’il relate une valeur de preuve incontestable.

 

&1. – Les actes sous seing privé

L’acte sous seing privé est l’écrit qui, contenant un acte juridique, comporte la signature des parties. C’est la seule condition de forme requise par la loi. Le support est indifférent. La signature n’est plus nécessairement manuscrite.

 

a) Le support

Depuis l’adoption de la loi du 13 mars 2000 et la réforme de 2016, la définition de l’écrit et de la preuve littérale a été actualisée dans le Code civil, notamment avec les articles 1365 à 1369 qui remplacent les anciens articles 1316 et suivants. Selon cette nouvelle définition, l’écrit se caractérise par une suite de signes ou de symboles intelligibles inscrits sur un support physique ou numérique, sans qu’un support papier soit requis pour garantir sa valeur probante.

Définition de l’écrit : éléments principaux

L’article 1365 du Code civil définit désormais l’écrit comme une suite de lettres, caractères, chiffres ou autres signes intelligibles, quelle que soit la nature de leur support. Cette définition modernise la notion de preuve littérale et reflète l’évolution vers la dématérialisation des échanges. Trois éléments en constituent les fondements :

  1. Suite de signes ou symboles : lettres, chiffres, caractères ou tout autre symbole utilisé pour transmettre un message.

  2. Signification intelligible : les signes doivent être compréhensibles et véhiculer une information cohérente.

  3. Support indifférent : qu’il soit numérique ou papier, le support n’affecte pas la validité de l’écrit comme preuve littérale.

Le support papier reste donc une option parmi d’autres, mais la loi reconnaît désormais les documents électroniques comme équivalents aux documents papier, à condition que leur intégrité et leur conservation soient garanties.

Les règles de preuve pour les actes sous seing privé et les contrats synallagmatiques

Les actes sous seing privé, ou contrats signés par les parties sans intervention d’un notaire, bénéficient de la liberté de forme, mais certains contrats synallagmatiques, c’est-à-dire ceux impliquant des obligations réciproques, sont soumis à des formalités spécifiques pour garantir l’égalité entre les parties.

  • Formalité du “double original” (article 1375 du Code civil) : cette formalité, anciennement couverte par l’article 1325, exige que chaque partie conserve un original de l’acte pour prouver ses droits en cas de litige. Toutefois, la jurisprudence prévoit des exceptions, notamment lorsque l’acte unique est confié à un tiers neutre, comme un notaire, qui garantit sa conservation et son intégrité pour les deux parties (Cass. Civ. 3e, 3 novembre 1968 ; Civ. 3e, 5 mars 1980). Cette dérogation permet de réduire les coûts liés à la production de plusieurs originaux sans compromettre la sécurité juridique.

  • Absence de double original : lorsqu’un seul original est établi pour un contrat synallagmatique, l’acte ne sera pas nul, mais il perdra sa force probante. Il pourra toutefois être utilisé comme un commencement de preuve par écrit, suffisant pour convaincre le juge en l’absence d’autres preuves contraires.

Formalités particulières pour certains actes unilatéraux (article 1376 du Code civil)

Les actes unilatéraux, comme une reconnaissance de dette ou une promesse de livraison d’un bien fongible, doivent respecter des formalités spécifiques pour prévenir les fraudes. L’article 1376 exige que la somme ou la quantité engagée soit indiquée en toutes lettres et en chiffres, une formalité instaurée pour prévenir les altérations. En cas de divergence, c’est la somme écrite en toutes lettres qui prime, car elle est plus difficile à falsifier. Cette disposition permet de limiter les risques d’altération frauduleuse et assure une meilleure protection des engagements unilatéraux.

  • Cas des cautionnements et autres obligations fongibles : en matière de cautionnement, la caution doit inscrire le montant garanti et les intérêts de sa main propre. Ce formalisme, destiné initialement à prévenir la fraude, est une règle de preuve et non de validité (Civ. 1re, 15 novembre 1989), ce qui signifie que l’acte reste juridiquement valide, bien qu’il puisse perdre sa pleine force probante si les mentions manuscrites ne sont pas respectées.

La preuve électronique

La réforme des obligations a confirmé l’égalité entre les preuves papier et numériques (article 1366). Les écrits électroniques sont reconnus comme des preuves valables à condition qu’ils soient signés électroniquement, ce qui garantit leur authenticité et leur intégrité. La signature électronique, qualifiée ou avancée, est ainsi l’équivalent d’une signature manuscrite et est de plus en plus utilisée dans les échanges commerciaux et administratifs.

Cette modernisation du Code civil permet d’adapter les pratiques juridiques aux évolutions technologiques

b) La signature

La loi du 13 mars 2000 a introduit une reconnaissance légale de la signature électronique en France, modernisant le Code civil pour s’adapter aux évolutions technologiques. Auparavant, la jurisprudence imposait, en l’absence de disposition contraire, le caractère manuscrit de la signature sur les actes sous seing privé, condition essentielle pour leur valeur probante. L’introduction de l’article 1367 dans le Code civil (anciennement 1316-4) a permis d’étendre la reconnaissance de la signature à la forme électronique, garantissant ainsi la valeur juridique des documents électroniques.

Le rôle de la signature

L’article 1367 du Code civil (anciennement 1316-4) définit le rôle de la signature dans un acte sous seing privé, qu’elle soit manuscrite ou électronique. Selon cet article, la signature :

  • Identifie l’auteur de l’acte, attestant de son engagement à travers l’apposition de la signature.
  • Exprime le consentement de l’auteur aux obligations découlant de l’acte, ce qui confère une valeur de preuve à l’engagement pris.

Dans le cas d’un acte authentique (acte rédigé et signé devant un officier public, tel qu’un notaire), la signature de l’officier public n’indique pas une adhésion personnelle au contenu, mais confère à l’acte un caractère d’authenticité, garantissant sa véracité et sa légitimité.

Les conditions de validité de la signature électronique

La signature électronique est désormais juridiquement reconnue, à condition de respecter certains critères de fiabilité et d’authenticité définis par l’article 1367 du Code civil. Deux niveaux de signature électronique sont distingués :

  1. Signature électronique simple : cette signature peut être contestée en justice, et son authenticité doit être prouvée. Elle offre une force probatoire, mais son usage est moins sécurisé et son efficacité peut être mise en question.

  2. Signature électronique avancée (souvent qualifiée de signature électronique qualifiée en droit européen) : pour bénéficier de la présomption de fiabilité, la signature doit être effectuée via un procédé conforme aux normes strictes fixées par décret en Conseil d’État, garantissant l’identité du signataire et l’intégrité de l’acte. Cette signature est présumée fiable tant qu’aucune preuve contraire n’est apportée, ce qui confère à l’acte une force probante renforcée. Les prestataires de services de certification, accrédités pour ce type de signature, garantissent la sécurité et la fiabilité des procédés d’identification.

Les décrets en application, actualisés selon les normes européennes (eIDAS), précisent les modalités de certification des prestataires et les exigences techniques, renforçant la sécurité et la confiance dans la signature électronique.

La coexistence de la signature manuscrite et électronique

Bien que la signature électronique ait acquis une reconnaissance légale, la signature manuscrite reste valide et continue de jouer un rôle central, notamment pour les actes sous seing privé sur support papier. Cette signature conserve toute sa force probante et demeure une forme de preuve traditionnelle et pleinement acceptée par les tribunaux.

En somme, la loi garantit désormais une équivalence entre la signature manuscrite et la signature électronique, permettant aux parties de choisir la forme de signature qui convient le mieux aux besoins de chaque acte, tout en assurant sécurité, fiabilité, et intégrité juridique.

 

c) Force probante de l’écrit :

Le Code civil encadre la force probante des écrits, qu’ils soient manuscrits ou électroniques, et précise les conditions de validité des actes sous seing privé (contrats signés sans intervention notariale). La loi du 13 mars 2000 et la réforme de 2016 ont modernisé le Code civil, reconnaissant la pleine valeur probante des écrits électroniques et clarifiant les règles relatives aux conflits de preuve et à la datation des actes.

1. Force probante de l’acte sous seing privé

L’acte sous seing privé tire sa force probante de la signature des parties qui y apposent leur consentement. Conformément à l’article 1372 du Code civil (ancien article 1322), un acte sous seing privé reconnu par les parties a la même valeur qu’un acte authentique, et lie les signataires ainsi que leurs héritiers. Cependant, si la signature est contestée, l’acte perd temporairement sa force probante jusqu’à ce qu’une procédure de vérification d’écriture soit engagée.

Vérification d’écriture

Si la validité de l’écriture ou de la signature est contestée, c’est à la partie qui invoque l’acte d’en apporter la preuve. Elle doit donc initier une procédure de vérification d’écriture (articles 287 à 298 du Code de procédure civile). Le juge peut comparer les signatures, demander des documents pour appuyer la vérification, ou ordonner une expertise en graphologie si nécessaire, bien que cette expertise ne soit pas systématiquement exigée.

En l’absence de contestation ou si la vérification établit que l’écrit émane bien du signataire, l’acte sous seing privé fait pleinement foi de son contenu, jusqu’à preuve du contraire.

2. La force probante de l’écrit électronique

La loi du 13 mars 2000 et l’article 1366 du Code civil reconnaissent désormais l’écrit électronique comme ayant la même force probante que l’écrit sur support papier, à condition que l’identité du signataire et l’intégrité de l’acte soient garanties. En pratique, un écrit électronique peut donc être utilisé dans les mêmes conditions qu’un document manuscrit, sous réserve d’authentification.

3. Conflits entre preuves écrites : rôle du juge

En cas de conflit entre plusieurs preuves écrites, l’article 1369 du Code civil (ancien article 1316-2) laisse au juge le pouvoir souverain de déterminer la preuve la plus crédible. Cela signifie qu’aucune hiérarchie ne privilégie a priori les écrits papier ou électroniques ; le juge doit évaluer, par tous moyens, la crédibilité de chaque document présenté.

4. La datation des actes sous seing privé

La date d’un acte sous seing privé est opposable entre les parties, mais elle n’est pas présumée certaine vis-à-vis des tiers. L’article 1377 du Code civil (ancien article 1328) prévoit que les tiers peuvent contester la date d’un acte sous seing privé, car les parties pourraient en théorie antidater le document pour influencer des droits tiers.

Pour obtenir une date certaine, les parties peuvent recourir à l’un des procédés suivants :

  • Enregistrement auprès de l’administration fiscale : en présentant l’acte sous seing privé pour enregistrement, un agent fiscal inscrit une date officielle, qui devient opposable aux tiers à partir de l’enregistrement, bien que cette procédure entraîne des frais.

  • Acte authentique constatant l’existence de l’acte sous seing privé : un notaire peut intégrer l’acte sous seing privé dans un acte authentique, tel qu’un procès-verbal ou un inventaire, conférant ainsi une date officielle et opposable à tous.

  • Décès de l’un des signataires : en cas de décès d’un signataire, la date certaine de l’acte sous seing privé est fixée au jour du décès, car il devient évident que l’acte n’a pu être rédigé après cette date.

 

&2. – Les actes authentiques

 

Les actes authentiques se distinguent par leur valeur probatoire renforcée, garantissant l’authenticité et la sécurité juridique des engagements pris. Ils sont définis par l’article 1369 du Code civil (ancien article 1317) comme des documents établis par des officiers publics compétents, tels que les notaires, les huissiers de justice, ou les agents consulaires à l’étranger, et rédigés dans le respect des formalités requises. Depuis la réforme de 2000, ces actes peuvent également être établis sur support électronique, sous réserve de conditions spécifiques définies par décret en Conseil d’État.

1. Définition et rôle des officiers publics

Un acte authentique est rédigé par un officier public qui agit dans le cadre de sa mission d’intérêt général, conférée par le législateur. Ces officiers, qui incluent les notaires, les huissiers, les officiers de l’état civil, et certains agents diplomatiques, sont responsables de conférer aux actes un caractère d’authenticité et d’assurer leur conservation. Leur impartialité et moralité sont strictement encadrées par la loi, et ils encourent des sanctions en cas de falsification ou de manquement.

2. Conditions de validité d’un acte authentique

Pour qu’un acte soit qualifié d’authentique, trois conditions essentielles doivent être remplies :

  • Établissement par un officier public : l’acte doit être dressé par un officier compétent, comme un notaire ou un huissier. Depuis 1973, les notaires peuvent autoriser des clercs assermentés à procéder à la lecture et à recueillir les signatures des parties.

  • Compétence de l’officier public : l’officier doit être compétent à la fois en matière (c’est-à-dire dans le domaine de l’acte, comme les actes civils pour l’officier d’état civil ou les décisions de justice pour l’huissier) et territorialement (compétence définie par la loi pour chaque type d’officier).

  • Respect des formalités requises : de nombreuses règles de forme visent à éviter toute fraude ou altération de l’acte. Par exemple, l’acte doit être rédigé en français, sans abréviations, ni blancs, ni surcharges ; la date doit être mentionnée en toutes lettres, et chaque page numérotée avec indication de leur total en fin d’acte.

3. Sanction en cas de non-respect des conditions

Si l’une des conditions de compétence ou de forme n’est pas respectée, l’acte perd sa qualité d’acte authentique et devient un acte sous seing privé, à condition qu’il soit signé par les parties (article 1370 du Code civil, ancien article 1318). Il conserve alors une valeur probatoire moindre, mais peut être utilisé comme preuve de l’accord entre les parties.

4. Force probante de l’acte authentique

Lorsqu’un acte authentique est régulier en la forme, il dispose d’une force probante exceptionnelle. Les constatations faites par l’officier public (comme la présence des parties, leur consentement, et la date de l’acte) font foi jusqu’à inscription de faux. Cette procédure complexe est prévue par les articles 303 et suivants du Code de procédure civile et impose au demandeur de prouver le caractère erroné de l’acte ; en cas d’échec, il risque des sanctions, y compris une amende et des dommages et intérêts.

Les déclarations des parties dans l’acte, en revanche, font foi jusqu’à preuve contraire, ou peuvent être considérées comme de simples témoignages si elles ne portent pas sur des faits essentiels.

5. Conservation de l’acte authentique et délivrance des copies

L’original d’un acte authentique, appelé minute, est conservé par l’officier public (notaire ou greffe du tribunal) pour garantir sa pérennité. Les copies délivrées aux parties se divisent en deux types :

  • La grosse : copie exécutoire revêtue de la formule exécutoire, permettant au créancier d’obtenir l’exécution forcée de l’obligation (par exemple, une saisie) sans recourir au tribunal.
  • Les expéditions : copies simples certifiées conformes à l’original, remises aux parties pour consultation ou archivage.

 

Le Cours complet d’Introduction au droit est divisé en plusieurs fiches (notion de droit, biens, acteurs de la vie juridique, sources du droit, preuves, responsabilité…)

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