Les preuves imparfaites
En droit, les modes de preuve sont divisés en preuves parfaites, dotées d’une force probante élevée, et preuves imparfaites, dont la valeur juridique dépend de l’appréciation du juge. Cette distinction repose sur la capacité de chaque type de preuve à convaincre le juge et à lier juridiquement les parties. Sont étudiés ici les preuves imparfaites mais il convient de faire un bref rappel sur les preuves parfaites :
- Les preuves parfaites
Les preuves parfaites sont des moyens de preuve irréfutables ayant une valeur juridique supérieure car elles apportent une certitude incontestable au juge, le liant de manière stricte. Les principales preuves parfaites incluent :
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La preuve écrite ou preuve littérale : Il s’agit d’un écrit formel documentant un acte juridique, qui peut être de deux types :
- L’acte authentique : Un document rédigé par un officier public (notaire, huissier) qui confère une force probante maximale.
- L’acte sous seing privé : Un écrit signé par les parties sans intervention d’un officier public ; il a une force probante moindre, mais reste une preuve parfaite si certaines formalités sont respectées.
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Le serment décisoire : Preuve parfaite dans laquelle une partie, à la demande de l’autre, jure solennellement la véracité de ses propos. Ce serment lie le juge et donne une certitude juridique à l’affaire.
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L’aveu judiciaire : Déclaration par laquelle une partie reconnaît la véracité d’un fait qui lui est défavorable. L’aveu judiciaire est irrévocable et lie également le juge, d’où sa nature de preuve parfaite.
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- Les preuves imparfaites
Les preuves imparfaites ne possèdent pas la même force contraignante que les preuves parfaites. Leur crédibilité est laissée à la libre appréciation du juge, qui n’est pas tenu de les considérer comme déterminantes. Ces preuves sont toutefois utilisées pour établir des faits lorsque les preuves parfaites sont absentes ou insuffisantes. Parmi les preuves imparfaites, on distingue quatre principales catégories :
- L’autorité de la chose jugée
- Les principes directeurs de l’instance
- L’action en justice : définition, conditions
- Les preuves imparfaites (témoignage, présomption, aveu, serment)
- Les preuves parfaites : écrit, aveu judiciaire, serment
- La preuve littérale : acte sous seing privé / acte authentique
- L’admissibilité des preuves des actes et faits juridiques
- Le témoignage
- Les présomptions de fait (ou présomptions du fait de l’homme)
- L’aveu extrajudiciaire
- Le serment supplétoire
En résumé : Les preuves imparfaites, telles que le témoignage, les présomptions, l’aveu extrajudiciaire et le serment supplétoire, manquent de force probante absolue et sont laissées à la libre appréciation du juge. Ces éléments peuvent renforcer la conviction judiciaire mais ne lient pas le juge. Leur fiabilité est souvent variable, et leur pertinence dépend des circonstances de l’affaire et de la crédibilité des sources.
Tableau des types de preuves imparfaites et leurs caractéristiques
Type de Preuve Imparfaite | Description et Fonction | Limites et Fiabilité |
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Témoignage | Déclaration de tiers relatant des faits perçus directement. | Fiabilité dépend de la crédibilité du témoin ; jugé imprécis pour certains cas. |
Présomptions de Fait | Inférences basées sur des indices pour conclure un fait incertain. | Liberté d’appréciation pour le juge ; prudence requise pour éviter des erreurs. |
Aveu Extrajudiciaire | Reconnaissance faite hors instance judiciaire, souvent verbalement. | Peut être rejeté s’il est obtenu sous pression ; valeur probante moindre. |
Serment Supplétoire | Serment ordonné par le juge pour clarifier des faits incertains. | Utilisation rare ; ne garantit pas la fiabilité des déclarations. |
A – La preuve testimoniale
Le Code civil traite la preuve testimoniale principalement en termes de son admissibilité. Selon M. Le Roy, « la preuve testimoniale est celle qui résulte des déclarations faites sous serment en justice, au cours d’une enquête par des personnes ayant perçu directement avec leurs propres sens le fait contesté ». Toutefois, la preuve testimoniale inclut aujourd’hui également des attestations écrites, et peut donc prendre une forme à la fois orale ou écrite.
- Qui peut témoigner ?
L’article 10 du Code civil impose à chaque individu l’obligation de contribuer à la justice pour la manifestation de la vérité. Ceux qui refusent de témoigner sans motif légitime peuvent être contraints ou sanctionnés par une astreinte ou une amende civile, ainsi que des dommages et intérêts. L’article 206 du Code de procédure civile confirme cette obligation, mais prévoit des dispenses pour certaines personnes, comme les parents, alliés en ligne directe, ou conjoints, même divorcés, qui peuvent refuser de témoigner. Ces personnes bénéficient d’une présomption de motif légitime, contrairement aux autres, qui doivent justifier leur refus de déposer.
Dans certains cas, la loi interdit le témoignage. Par exemple, l’article 205 alinéa 3 du Code de procédure civile interdit aux descendants de témoigner sur les griefs soulevés par les époux dans une demande de divorce ou de séparation de corps.
- L’objet du témoignage
Le témoignage doit se limiter à des faits que le témoin a personnellement vu ou entendu. Ce sont des perceptions directes, c’est-à-dire des faits perçus par ses propres sens. Le droit français exclut strictement la preuve par commune renommée ou « on-dit », qui est considérée comme imprécise et sujette à des déformations. Bien que cette forme de preuve fût courante sous l’ancien droit, elle n’est aujourd’hui admise que dans des situations exceptionnelles, comme dans le cadre de la tutelle (article 451 alinéa 3 du Code civil).
Cependant, la Cour de cassation a reconnu la possibilité d’admettre le témoignage indirect, où un témoin rapporte ce qu’il a entendu d’un tiers. La valeur de ces témoignages indirects est toutefois laissée à la discrétion des juges, qui peuvent décider de leur pertinence en fonction des éléments du dossier.
B – La preuve par présomptions
Les présomptions de l’homme ou présomptions de fait permettent au juge de tirer des conclusions à partir d’un fait connu pour en déduire l’existence d’un fait inconnu. Il s’agit d’un raisonnement inductif qui repose sur l’intime conviction du juge, formée à partir d’un faisceau d’indices ou de faits.
Les éléments utilisés pour former cette conviction peuvent être extrêmement variés. Parmi ceux-ci, on trouve :
- Des constatations matérielles ;
- Des déclarations de personnes qui ne sont pas considérées comme témoins officiels ;
- Des documents divers, quelle que soit leur origine ou leur nature ;
- L’attitude des parties, comme un refus de se soumettre à une expertise ;
- Les résultats d’une expertise elle-même.
Ces présomptions, bien qu’utiles, ne sont pas des preuves scientifiques et peuvent être considérées comme risquées, car elles ne fournissent pas de certitude absolue. Cependant, elles restent indispensables dans de nombreux cas, car il est souvent difficile de prouver directement un fait litigieux. Ainsi, le recours à ces indices indirects devient souvent nécessaire.
L’article 1382 du Code civil invite les juges à faire preuve de prudence dans l’utilisation des présomptions : « Les présomptions qui ne sont pas établies par la loi sont abandonnées à la prudence du juge, qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes. »
Malgré cette recommandation de prudence, le juge bénéficie d’une grande liberté d’appréciation. Il peut choisir d’accepter une présomption s’il la juge convaincante ou de la rejeter. Il n’est pas nécessaire que plusieurs indices soient réunis pour fonder une présomption : un seul indice peut suffire, à condition qu’il soit jugé suffisamment pertinent.
C – L’aveu extrajudiciaire
L’aveu extrajudiciaire désigne toute reconnaissance faite en dehors du cadre d’une instance judiciaire. Contrairement à l’aveu judiciaire, il ne bénéficie pas des mêmes garanties de fiabilité, car il peut être obtenu sous l’effet de pressions, telles que la violence, la tromperie (dol) ou encore une erreur. De ce fait, l’aveu extrajudiciaire n’a pas la même force probante et ne lie pas le juge. Il est généralement classé parmi les présomptions de fait, qui appartiennent aux modes de preuve imparfaits.
L’article 1361 du Code civil encadre cet aveu en précisant : « L’allégation d’un aveu extrajudiciaire purement verbal est inutile toutes les fois qu’il s’agit d’une demande dont la preuve testimoniale ne serait point admissible ». Cela signifie qu’un aveu extrajudiciaire exclusivement verbal est souvent irrecevable pour prouver un acte juridique. La valeur probante de cet aveu repose essentiellement sur l’appréciation souveraine du juge, qui peut, selon les circonstances et son intime conviction, décider de l’admettre ou de le rejeter.
D – Le serment supplétoire
Le serment supplétoire est défini à l’article 1386 du Code civil : «Le juge peut d’office déférer le serment à l’une des parties. Ce serment ne peut être référé à l’autre partie. Sa valeur probante est laissée à l’appréciation du juge». Ce serment, contrairement au serment décisoire, n’est pas demandé par les parties, mais proposé par le juge. C’est un outil à la disposition du magistrat pour clarifier des points d’incertitude dans une affaire. Il est utilisé à titre subsidiaire et ne lie pas le juge dans sa décision finale.
Bien qu’il ait pour but de compléter la preuve ou de renforcer la conviction du juge, le serment supplétoire est rarement utilisé en pratique. Son efficacité est limitée par le fait que les parties, malgré le serment, ne sont pas toujours fiables dans leurs déclarations. Le juge reste donc libre de l’utiliser ou non, selon les besoins de l’instruction et l’état des preuves déjà apportées.
Le Cours complet d’Introduction au droit est divisé en plusieurs fiches (notion de droit, biens, acteurs de la vie juridique, sources du droit, preuves, responsabilité…)
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Questions fréquentes sur les preuves imparfaites
Quelles sont les différentes preuves imparfaites ?
- Le témoignage : Il s’agit de déclarations de tiers relatant des faits dont ils ont été témoins. La fiabilité d’un témoignage dépend de la crédibilité du témoin et des circonstances rapportées, ce qui explique sa nature de preuve imparfaite.
- Les présomptions de fait (ou présomptions du fait de l’homme) : Il s’agit d’inférences logiques faites à partir de faits connus pour conclure à l’existence d’un fait incertain. Le juge évalue la pertinence des présomptions selon les circonstances de chaque affaire.
- L’aveu extrajudiciaire : C’est un aveu fait hors de la présence d’un juge, par exemple en conversation ou dans un document privé. Bien qu’il puisse être probant, son caractère extrajudiciaire le rend moins contraignant et lui confère le statut de preuve imparfaite.
- Le serment supplétoire : Ce serment est ordonné par le juge lui-même lorsqu’il souhaite obtenir des précisions d’une partie sur des faits incertains. Contrairement au serment décisoire, le serment supplétoire n’a pas une force probante absolue et laisse le juge libre de son appréciation.
Qu’est-ce qu’une preuve imparfaite en droit ?
Les preuves imparfaites sont des éléments de preuve dont la force probante n’est pas absolue et qui sont laissés à la libre appréciation du juge. Leur crédibilité dépend des circonstances et du jugement personnel du magistrat, contrairement aux preuves parfaites, qui lient le juge.
Quels types de preuves sont classées comme preuves imparfaites ?
Les principales catégories de preuves imparfaites sont le témoignage, les présomptions de fait, l’aveu extrajudiciaire et le serment supplétoire. Ces preuves servent souvent à établir des faits en l’absence de preuves parfaites.
En quoi consiste la preuve testimoniale et qui peut témoigner ?
La preuve testimoniale repose sur les déclarations de personnes ayant perçu directement les faits contestés. Elle peut être orale ou écrite (attestations). En principe, toute personne peut être appelée à témoigner, sauf certaines exceptions prévues par le Code civil pour les proches parents, conjoints et alliés.
Quelles sont les limites du témoignage en justice ?
Le témoignage doit être basé sur des faits observés directement par le témoin. Le droit français n’admet pas les « on-dit » ou rumeurs comme preuves. Les témoignages indirects (faits rapportés) peuvent être pris en compte mais sont laissés à l’appréciation du juge.
Qu’est-ce qu’une présomption de fait et quelle est sa fonction ?
Les présomptions de fait permettent au juge de déduire l’existence d’un fait inconnu à partir d’un fait connu, sur la base d’indices. Elles sont utiles lorsque des preuves directes font défaut et sont laissées à la prudence du juge, qui doit les évaluer avec précaution.
Quelle est la différence entre un aveu extrajudiciaire et un aveu judiciaire ?
Un aveu extrajudiciaire est une reconnaissance faite en dehors du tribunal, par exemple lors d’une conversation privée, et n’a pas la même force probante qu’un aveu judiciaire. Il est moins contraignant et n’oblige pas le juge à en tenir compte.
À quoi sert le serment supplétoire et comment est-il utilisé ?
Le serment supplétoire est un serment que le juge peut demander à l’une des parties pour clarifier un point incertain. Contrairement au serment décisoire, il ne lie pas le juge, qui reste libre de l’utiliser comme complément de preuve.