Le jugement : notion et autorité de la chose jugée
Nous allons d’abord définir la force du jugement (A) avant d’examiner l’autorité de la chose jugée en matière civile (B). L’autorité de la chose jugée repose sur un principe d’ordre public qui vise à éviter les contradictions entre les décisions judiciaires portant sur une même question litigieuse entre les mêmes parties. Le principe est que ce qui a été définitivement jugé ne peut plus être remis en cause, protégeant ainsi l’intérêt public et garantissant la sécurité juridique.
L’autorité de la chose jugée empêche de remettre en cause une décision judiciaire définitive. Ce principe d’ordre public s’applique aux jugements contentieux, dès lors que trois conditions sont réunies : identité d’objet, de cause et de parties. On distingue également les jugements déclaratifs, qui constatent un état de droit, et les jugements constitutifs, qui créent de nouvelles situations juridiques, avec des effets relatifs ou absolus.
A – Force du jugement
Lorsqu’un litige est définitivement tranché, le jugement acquiert l’autorité de la chose jugée, c’est-à-dire qu’il devient impossible de remettre en cause ce qui a été décidé. Pour comprendre cette notion, il est essentiel d’examiner deux aspects : le domaine et les conditions de l’autorité de la chose jugée.
- L’autorité de la chose jugée
- Les principes directeurs de l’instance
- L’action en justice : définition, conditions
- Les preuves imparfaites (témoignage, présomption, aveu, serment)
- Les preuves parfaites : écrit, aveu judiciaire, serment
- La preuve littérale : acte sous seing privé et acte authentique
- L’admissibilité des preuves des actes et faits juridiques
1) Le domaine de l’autorité de la chose jugée
L’autorité de la chose jugée s’applique uniquement aux décisions définitives (article 480 du Code de procédure civile). Une décision est considérée comme définitive lorsque toutes les voies de recours ont été épuisées ou lorsque aucun recours n’est plus possible. Un jugement acquiert alors l’autorité de la chose jugée, signifiant qu’il ne peut plus être contesté. L’article 500 du Code de procédure civile précise que « a force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution. Le jugement susceptible d’un tel recours acquiert la même force à l’expiration du délai du recours si ce dernier n’a pas été exercé dans le délai imparti. » En d’autres termes :
- Si aucune voie de recours n’existe, le jugement devient immédiatement définitif et acquiert l’autorité de la chose jugée dès son prononcé.
- Si le jugement est susceptible d’un recours, il ne devient définitif qu’une fois le délai de recours écoulé sans action, et acquiert l’autorité de la chose jugée à ce moment-là.
L’autorité de la chose jugée ne s’applique qu’aux décisions contentieuses, quelles que soient la juridiction ou l’instance ayant rendu le jugement. Cela signifie que les jugements qui tranchent des litiges opposant deux parties sont couverts par ce principe.
Toutefois, il convient de préciser que seul le dispositif du jugement, c’est-à-dire la partie où le tribunal tranche officiellement le litige, bénéficie de l’autorité de la chose jugée. Les motifs, c’est-à-dire les raisons et justifications du juge, ne jouissent pas de la même autorité et ne lient donc pas les parties ou le juge dans un futur procès.
2) Les conditions de l’autorité de la chose jugée
L’article 1355 du Code civil (anciennement 1351 avant la réforme de 2016) précise que trois conditions doivent être réunies pour que la décision bénéficie de l’autorité de la chose jugée : l’identité d’objet, l’identité de cause, et l’identité des parties.
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Identité d’objet : Il est nécessaire que la demande porte sur la même chose que celle qui a déjà été jugée. Si l’objet de la nouvelle demande diffère, l’autorité de la chose jugée ne peut être opposée. Par exemple, après avoir échoué dans une demande de divorce, une partie peut encore demander une séparation de corps, car les deux actions poursuivent des objets distincts.
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Identité de cause : La cause de l’action, c’est-à-dire le fondement juridique sur lequel repose la demande, doit être identique à celle du précédent jugement pour que l’autorité de la chose jugée puisse être opposée. Si une nouvelle cause est invoquée, le juge peut examiner la demande sans se heurter à cette autorité. Par exemple, après avoir échoué dans une demande en divorce sur demande acceptée, il est possible de demander un divorce pour faute ou une séparation de corps.
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Identité des parties : L’autorité de la chose jugée est relative et n’est opposable qu’aux parties du procès et à leurs ayants cause. Pour qu’elle s’applique, il faut que la demande soit formulée par les mêmes parties ou contre elles, et dans la même qualité. En d’autres termes, seules les personnes ayant participé au procès précédent ou leurs représentants peuvent invoquer cette autorité.
Conclusion : L’autorité de la chose jugée, tout comme les exceptions de défaut d’intérêt, de qualité ou de prescription, constitue une fin de non-recevoir. Ces exceptions interdisent au juge d’examiner la demande sur le fond, l’obligeant à refuser de statuer.
L’article 1355 » L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ».
B – Notion de jugement
Dans son sens large, le terme « jugement » désigne toute décision rendue par une juridiction spécialement habilitée à trancher, suivant une procédure rigoureusement encadrée, les litiges que lui soumettent les parties. Cependant, toutes les décisions émanant d’une juridiction ne peuvent pas être qualifiées de jugements au sens strict. Il est nécessaire de distinguer les jugements contentieux, les actes d’administration judiciaire, ainsi que les décisions gracieuses. Parmi ces catégories, seuls les jugements contentieux constituent de véritables actes juridictionnels.
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Actes d’administration judiciaire : Ces actes visent à garantir le bon fonctionnement du service de la justice. Par exemple, la décision de répartir les affaires entre différentes chambres ou de fixer une date d’audience relève de l’administration interne de la juridiction, sans résoudre de litige.
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Décisions gracieuses : Elles ne tranchent pas de conflit, mais consistent en des mesures qui ne concernent pas un contentieux. Par exemple, il peut s’agir de mesures de protection pour certaines personnes, de l’homologation d’un partage successoral ou de la rectification d’un acte d’état civil.
En outre, les jugements peuvent être classés en deux grandes catégories : les jugements déclaratifs et les jugements constitutifs.
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Jugements déclaratifs : Ces décisions constatent un état de droit préexistant, sans modifier la situation juridique des parties. Par exemple, un jugement qui reconnaît le droit de propriété d’un plaideur est déclaratif. Il ne crée pas de nouveau droit, mais confirme un droit déjà existant, même si ce droit était contesté avant l’intervention du juge.
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Jugements constitutifs : Ces jugements créent une nouvelle situation juridique. Ils modifient l’état de droit des parties en introduisant un changement dans leur statut. Par exemple, le jugement qui prononce un divorce est constitutif, car il transforme l’état civil des époux, les faisant passer de mariés à divorcés. Les jugements constitutifs ont un effet créateur de droits pour l’avenir.
Cette distinction entre jugements déclaratifs et constitutifs est fondamentale en raison de leurs effets juridiques distincts.
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Les jugements déclaratifs n’ont qu’une autorité relative, c’est-à-dire qu’ils ne lient que les parties au litige et leurs ayants cause. Les tiers ne sont pas tenus de les respecter et peuvent les ignorer.
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À l’inverse, les jugements constitutifs ont souvent une autorité absolue. Par exemple, un jugement de divorce doit être opposable à tous, y compris aux tiers. Toutefois, pour prévenir les risques d’ignorance des tiers, le législateur impose souvent des publicités. Dans le cas du divorce, celui-ci n’est opposable aux tiers qu’après inscription de la mention du divorce sur les registres de l’état civil. Jusqu’à ce que cette publicité soit réalisée, les tiers peuvent légitimement ignorer l’existence de cette nouvelle situation juridique.
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