L’objet de la preuve
La preuve judiciaire est fondamentale pour faire valoir un droit : sans elle, l’exercice effectif du droit est impossible. Elle porte sur les faits que chaque partie doit prouver pour appuyer sa prétention. Le juge reste neutre mais peut intervenir pour instruire le dossier et ordonner des preuves. Les parties prouvent les faits, tandis que le juge qualifie et applique le droit, assurant un équilibre procédural.
Tableau sur la notion de preuve et son importance en matière judiciaire
Aspect de la Preuve | Description et Fonction | Exemples et Exceptions |
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Importance de la Preuve | Garantit l’effectivité du droit ; un droit non prouvé n’est pas opposable. | Principe illustré par « ne pas prouver, c’est ne pas avoir de droit ». |
Objet de la Preuve | Faits que chaque partie doit établir pour appuyer ses prétentions. | Ex. : En cas de demande d’indemnisation, preuve d’un accident, d’un préjudice et du lien de causalité. |
Rôle du Juge | Application et qualification du droit ; n’a pas besoin d’une preuve du droit applicable. | Peut requalifier les faits (article 12), sauf pour usages et lois étrangères. |
Pouvoirs d’Instruction du Juge | Pouvoir de constatations, enquêtes, et ordres de production de preuves. | Ex. : Article 179 : constatations sur place, expertises selon l’article 10. |
Principes d’Exception | Certaines règles de droit (usages, lois étrangères) doivent être prouvées par les parties. | Parères des chambres de commerce, charge de la preuve pour les lois étrangères. |
La notion de preuve et son importance en matière judiciaire
La preuve consiste à établir la vérité ou à faire reconnaître quelque chose comme réel et certain. En droit, la preuve sert à convaincre le juge de la véracité d’une allégation, et permet ainsi à la partie qui invoque un droit de le faire tenir pour vrai afin de bénéficier des effets juridiques qui en découlent. Comme le soulignent Ghestin et Goubeaux, la preuve revêt une importance pratique considérable dans les procès, car l’issue de la procédure dépend souvent de la capacité à démontrer l’existence du droit revendiqué. Il ne suffit donc pas de posséder un droit ; encore faut-il pouvoir en prouver l’existence pour obtenir gain de cause.
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La preuve comme condition de l’efficacité des droits
Même si le droit et la preuve de ce droit sont distincts en théorie, en pratique, ils sont indissociables. En effet, un droit existe indépendamment de la preuve qui en est rapportée, mais sans preuve, il est impossible pour son titulaire d’en bénéficier pleinement. Sans pouvoir prouver son droit, une personne se trouve dans une situation comparable à celle de quelqu’un qui ne possède aucun droit. Depuis le droit romain, ce principe est illustré par l’idée selon laquelle « ne pas pouvoir prouver son droit équivaut à ne pas en avoir ». Ainsi, l’enjeu de la preuve est fondamental : être titulaire d’un droit sans pouvoir l’établir revient à être privé de sa portée pratique.
Déterminer l’objet de la preuve : quoi prouver ?
Avant de s’interroger sur les moyens de prouver, il est essentiel de déterminer l’objet de la preuve, c’est-à-dire ce qui doit être prouvé dans le cadre d’une procédure judiciaire. Cette étape préliminaire vise à clarifier les faits ou droits spécifiques que chaque partie doit établir pour convaincre le juge et faire valoir sa prétention.
L’objet de la preuve porte sur ce que les parties doivent établir pour soutenir leurs prétentions en justice. En droit, cela repose principalement sur la distinction entre faits et droit. En effet, tout droit subjectif repose sur un acte ou un fait juridique qui en constitue la source, et c’est donc à ces faits ou actes que la preuve doit être dirigée. Celui qui revendique un droit doit apporter la preuve des faits pertinents pour établir sa prétention.
Preuve des faits et rôle du juge dans l’application du droit
En principe, les parties n’ont pas à prouver l’existence, le contenu, ni l’interprétation des règles de droit invoquées pour appuyer leur prétention. Le rôle du juge est de vérifier et appliquer les règles de droit qui fondent les droits subjectifs invoqués. Ainsi, le juge connaît la loi, ce qui dispense les parties de démontrer le droit applicable, conformément aux articles 9 et 12 du Code de procédure civile :
- Article 9 : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. »
- Article 12, alinéa 1 : « Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. »
Le juge est par ailleurs souverain dans la qualification juridique des faits : il peut « donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée » (article 12, alinéa 2). En d’autres termes, les parties démontrent les faits, et le juge applique le droit.
Exceptions au principe de non-preuve du droit
Certaines règles de droit exigent toutefois une preuve de la part des parties :
- Usages et coutumes : Ces règles, bien que juridiques, doivent être prouvées par la partie qui les invoque. Les chambres de commerce peuvent délivrer des parères pour faciliter cette preuve en certifiant l’existence et la teneur de certains usages.
- Lois étrangères : Lorsque des règles de droit étranger sont invoquées, les parties doivent en prouver le contenu. En effet, le juge français n’est pas tenu de connaître toutes les lois étrangères mais peut déclarer leur applicabilité, laissant aux parties la charge de démontrer leur contenu.
Rôle du juge en matière de preuve : neutralité et pouvoir d’instruction
Dans notre système procédural de contradiction, le juge est neutre et se limite, en principe, à trancher les prétentions opposées des parties. Cependant, le juge dispose de pouvoirs d’instruction lui permettant d’intervenir activement en matière de preuve lorsqu’il l’estime nécessaire.
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Pouvoirs d’instruction du juge :
- L’article 179 du Code de procédure civile permet au juge d’effectuer des constatations, évaluations ou reconstitutions directement, notamment en se rendant sur les lieux du litige pour observer les faits par lui-même.
- L’article 10 lui permet également d’ordonner toute mesure d’instruction légale d’office pour mieux éclairer le litige. Cela inclut des expertises ou enquêtes qui permettent au juge de recueillir des éléments utiles.
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Production de preuves par les parties et les tiers :
- L’article 11 du Code de procédure civile autorise le juge à enjoindre une partie de produire des éléments de preuve ou à solliciter des documents détenus par des tiers, sauf empêchement légitime.
- En cas de nouvel élément au cours de l’instruction, le juge doit inviter les parties à discuter cet élément, conformément au principe de contradiction (article 146 du Code de procédure civile).
Illustration de l’objet de la preuve : exemple pratique
Supposons qu’une personne affirme être créancière à la suite d’un accident ayant causé un dommage :
- Elle devra prouver la réalité de l’accident, l’ampleur du préjudice subi, et le lien de causalité entre l’accident et le dommage pour étayer sa demande d’indemnisation. Ces faits pertinents constituent l’objet de la preuve, sans laquelle la demande ne pourra être reconnue par le juge.
Ainsi, la détermination de l’objet de la preuve repose sur les faits que les parties doivent prouver, tandis que la connaissance du droit et son application demeurent du ressort du juge. Ces principes garantissent une répartition équitable des rôles entre les parties et le juge, assurant un traitement impartial et conforme aux règles de droit.
Le Cours complet d’Introduction au droit est divisé en plusieurs fiches (notion de droit, biens, acteurs de la vie juridique, sources du droit, preuves, responsabilité…)
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