Arrêt Dehaene, 7 juillet 1950

Arrêt Dehaene, CE 7 juillet 1950 (Grève dans les services publics)

Le jour d’une grève, le ministre de l’intérieur fit savoir que tous les agents d’autorité qui se mettraient en grève devaient être immédiatement suspendus. La majorité des agents ainsi visés cessa néanmoins le travail et ne le reprit qu’une semaine plus tard. Les préfets prononcèrent la suspension des chefs de bureau de grève. Six chefs de bureau formèrent un recours contre la sanction dont ils étaient frappés, soutenant que l’exercice du droit de grève reconnu par le préambule de la Constitution ne pouvait constituer une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.

La législation française est demeurée longtemps muette au sujet de la grève des fonctionnaires. C’est donc à la jurisprudence administrative qu’il revint d’élaborer les règles de droit relatives à la grève des agents publics. Elle adopta une attitude rigoureuse, en considérant que l’agent qui se mettait en grève s’excluait par là même du service et, par voie de conséquence, du bénéfice des garanties disciplinaires.

Cette jurisprudence sévère pour les grévistes appelait tout naturellement une jurisprudence favorable aux mesures prises par les pouvoirs publics pour briser les grève de fonctionnaires ou d’agents des services concédés.

Dans cette affaire, le commissaire du gouvernement Gazier soutint que le préambule de la Constitution n’exprimait que des principes fondamentaux du droit et que le principe du droit de grève devait être concilié avec d’autres principes non moins respectables, notamment celui de la continuité du service public. « Admettre sans restriction la grève des fonctionnaires, ce serait […] consacrer officiellement la notion d’un État à éclipses ».

Le Conseil d’État a suivi ce raisonnement en admettant que la grève n’est plus nécessairement illicite, mais que, dans l’attente des lois la réglementant, le gouvernement peut limiter son exercice si l’ordre public l’exige.

Depuis cet arrêt, le Conseil d’État s’en tient à cette jurisprudence malgré les critiques d’une partie de la doctrine qui estime que la limitation de l’exercice du droit de grève des fonctionnaires était réservée au pouvoir législatif par la Constitution (pour voir quelques principes qui régissent le droit de grève, se référer aux pages 402 à 406 du GAJA).