Force obligatoire du contrat et révision du contrat par le juge
L’ article 1103 du code civil énonce que : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. » Il est également précisé à l’article 1194 que les contrats obligent à ce qui y est exprimé et à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi.La force obligatoire d’un contrat désigne sa capacité à créer des obligations et des droits pour les parties qui y ont adhéré. En d’autres termes, cela signifie que les parties sont tenues de respecter les engagements pris dans le contrat, et que le contrat a une valeur juridique qui permet de faire valoir ces obligations et ces droits en cas de non-respect.
SI le juge peut dans une certaine mesure compléter le contrat, on conçoit plus difficilement qu’il puisse le réviser car cela reviendrait carrément à modifier le contrat tel qu’il a été voulu par les parties ce qui correspondrait à une atteinte majeure à la force obligatoire du contrat. La force obligatoire d’un contrat est généralement considérée comme essentielle à la protection des droits et des obligations des parties, et à la stabilité et à la confiance dans les relations contractuelles. Elle permet également de prévenir les litiges et les contentieux en précisant les droits et les obligations des parties de manière claire et précise.
C’est pourquoi le principe posé est l’impossibilité d’une révision judiciaire du contrat.
- Fiches – résumé de droit des contrats
- Qu’est-ce que la résolution pour inexécution ?
- La réduction du prix du contrat (article 1223 code civil)
- Exécution forcée en nature (art. 1221 et 1222 code civil)
- L’exception d’inexécution (art. 1219 et 1220 code civil)
- L’exonération de responsabilité contractuelle
- La responsabilité contractuelle : conditions, effets
Ce principe connaît des exceptions.
A) Le principe : la force obligatoire du contrat s’oppose à la révision judiciaire du contrat.
Le juge ne peut pas modifier le contenu contractuel. C’est ce qui explique depuis toujours le rejet de la théorie de l’imprévision. En effet, selon cette théorie, un juge pourrait modifier un contrat lorsque les circonstances économiques qui existaient au moment de sa conclusion ont totalement changé et qu’ainsi l’équilibre des prestations devenait complètement déséquilibré.
Les juridictions administratives ont appliqués cette théories et depuis un arrêt du 30 mars 1916 « Gaz de Bordeaux », elles admettent que les juges puissent réviser le contrat si il devenait déséquilibré en raison d’un bouleversement des circonstances économiques.
La Cour de Cassation a toujours rejeté cette théorie et toujours posé comme principe l’interdiction pour le juge de réviser le contrat même en cas d’imprévision. Elle considère que la force obligatoire du contrat s’impose aux juges. Seules les parties peuvent réviser le contrat d’un commun accord.
Cette position de la Cour de Cassation est posée depuis le célèbre arrêt du « Canal de Craponne » du 06/03/1876. Depuis, on considère qu’il n’appartient pas aux juges, quelque équitable que puisse leur paraître leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants.
La sévérité de cette solution a été dénoncé ces dernières années, la jurisprudence a ainsi tenté de trouver des moyens de contourner les interdictions posé par l’arrêt « Canal de Craponne » mais c’est la réforme du droit des contrats qui a véritablement révélé le problème.
B) les aménagements portés au principe
La Cour de Cassation, avant la réforme, a été sollicité à de nombreuses reprises par des cocontractants qui, souffrant d’un déséquilibre survenu au cour de leur contrat, se sont retournés vers elle dans l’espoir d’une solution juste. Cependant la Cour de Cassation n’était pas libre : on sait que le juge doit appliquer la loi lorsqu’elle est claire et précise et le principe de la force obligatoire est très clairement exprimé dans l’ancien article 1134 du Code Civil.
A l’occasion d’un bilan de son action, la Cour de Cassation a eu la possibilité de s’expliquer sur sa position en faisant valoir que c’était au législateur de prendre ses responsabilités en trouvant le moyen de mettre fin à une situation injuste –> elle même étant tenue au respect des règles de droit énoncé dans le Code Civil.
La Cour de Cassation a pourtant dans quelques arrêts d’atténuer la rigueur de la jurisprudence Canal de Craponne.
16 mars 2004 –> Cour de Cassation a considéré qu’en vertu de l’obligation d’exécuter de bonne foi, une modification imprévue des circonstances économiques faisait naître une obligation de renégocier et qu’engageait donc sa responsabilité contractuelle celui qui refusait de se livrer à cette renégociation.
–> Ce n’était pas une solution très satisfaisante et, à l’occasion de la réforme du Droit des Contrats, le législateur a enfin pris ses responsabilité en envisageant la situation particulière de l’imprévision.
Cette situation de l’imprévision est prévu à l’article 1195 du Code Civil –> il dispose « si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque »
3 conditions de l’imprévision :
- un changement de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat.
- Il faut que ce changement rende l’exécution de l’obligation excessivement onéreuse : le contrat devient déséquilibré –> exécution d’une des obligations est plus difficile.
- Aucune des parties ne doit avoir accepter le risque d’un changement de circonstances.
Si ces trois conditions sont remplies, l’article 1195 propose plusieurs solutions avec une progression :
- 1ère possibilité : une partie peut demander à l’autre la renégociation du contrat.
L’article 1195 prévoit que si les parties renégocient, elles continuent d’exécuter leurs obligations pendant leur négociation. Si les négociations aboutissent, les parties s’entendent pour réviser le contrat et d’un commun accord modifie son contenu. Si en revanche elles refusent de renégocier ou ne s’accorde pas, l’alinéa 2 de l’article 1195 prévoit alors que les parties peuvent se mettre d’accord pour mettre fin aux contrats ou se mettre également d’accord pour demander au juge de procéder à l’adaptions du contrat (= sa révision).
Pour l’instant, toutes les solutions envisagées supposent que les parties soient d’accord.
- 2ème possibilité : article 1195 –> à défaut d’accord dans un délai raisonnable, une partie peut demander au juge la révision du contrat ou de mettre fin au contrat.
Pas d’atteinte majeure à la force obligatoire du contrat dans la mesure ou ce n’est pas le juge qui révise le contrat mais une partie qui lui demande.
Il y a tout de même une atteinte à ce principe puisque ce n’est pas ce qu’avait décider les parties mais puisque il faut bien mettre fin à cette situation, le juge pourra soit modifier le contenu du contrat soit mettre fin à ce contrat.
Par cet article, le législateur porte une atteinte à la force obligatoire du contrat à l’égard du juge : ces atteintes sont nombreuses et existent depuis longtemps mais on assiste à un déclin de la force obligatoire du contrat à l’égard du juge qui s’accentue encore avec la réforme.
29/11/2016
Il y avait déjà l’article 1343-5 qui reprends les dispositions de l’ancien 1244-1 qui autorise le juge à accorder des délais de grâce au débiteur, à reporter ou échelonner dans la limite de 2 ans le paiement des sommes dues. C’est bien une révision par le juge du contrat car les parties ce sont entendues sur le montant et le jour du paiement et c’est le juge qui modifie ce que les parties ont voulu.
Article 1231-5, de la même manière, reprend également une disposition ancienne autorisant le juge, même d’office (sans qu’on lui ai demandé) à modérer ou augmenter la pénalité convenue par les parties si elle est manifestement excessive ou dérisoire : les parties peuvent elles mêmes dans leur contrat prévoir une clauses pénales qui fixe le montant des dommages et intérêts qui sera due en cas d’inexécution par l’une des parties de ses obligations. Cette clause voulue par les parties n’a pas une totale force obligatoire à l’égard du juge puisque s’il estime manifestement excessive ou dérisoire, il peut modifier le montant des dommages et intérêts prévus par cette clauses. On voit donc bien qu’il existe de nombreuses hypothèses où le juge modifie ce sur quoi les parties se sont entendu et donc porte atteinte à la force obligatoire du contrat.
On peut noter qu’avec la réforme l’intervention du juge va être croissante du fait de la multiplication de notion volontairement floues qui nécessitent l’appréciation du juge.