La force obligatoire du contrat (art. 1103 du Code Civil)

La force obligatoire du contrat à l’égard des parties

Une fois le contrat valablement formé, quels sont ses effets et à l’égard de qui produit-il ses effets ?

Deux principes répondent à ces questions, le principe de la force obligatoire du contrat (article 1103 du Code Civil) et le principe de l’effet relatif du contrat (article 1199 du Code Civil).

Selon l’article 1103 du Code Civil, «les contrats valablement formé tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits».

Si elles ne respectent pas le contrat, elles s’exposent à des sanctions.

La force obligatoire du contrat s’impose en premier lieu aux parties, à ceux qui ont conclu le contrat.

Il faut commencer par préciser les obligations qui résultent pour les parties du respect de la force obligatoire du contrat avant de voir les atténuations portées au principe de la force obligatoire à l’égard des parties.

  • &1- Les conséquences de la force obligatoire des contrats à l’égard des parties

Dès lors que les parties ont consenti au contrat, dès lors que ce contrat est valablement formé, il devient la loi des parties ce qui implique pour elles trois conséquences :

  • Les parties doivent exécuter le contrat

Chacune doit exécuter sa propre obligation : elle doit fournir la prestation qu’elle s’est engagé par contrat à fournir.

  • Le contrat est soumis à un principe d’immutabilité

Les parties sont tenues à ce qu’elles ont prévu par contrat. Ainsi, elles ne peuvent pas modifier le contenu du contrat de manière unilatérale.

Pour modifier le contrat, il faut obligatoirement un accord des parties à ce contrat.

Les parties peuvent soit s’accorder en cours d’exécution pour modifier ce contrat, soit elles peuvent dès la conclusion du contrat anticiper une révision/modification de ce contrat par exemple en prévoyant une clause d’indexation qui modifiera le montant de l’obligation de l’une des parties en fonction de la variation de l’indice.

Ex : Le loyer pour un bail peut varier.

Ce que la force obligatoire du contrat interdit c’est qu’une seule des parties modifie ce à quoi elles ont toutes les deux consenties.

  • Le principe d’irrévocabilité du contrat

Dès lors que les parties ont donnés leur consentement au contrat, aucune d’entre elles en peut se désengager de manière unilatérale. Ce que les parties ont fait, en principe, seule les parties ensemble peuvent le défaire. Pour mettre fin au contrat, pour le révoquer, il faut donc qu’elles soient toutes les deux d’accord (mutuus dissensius)

Cette possibilité de révoquer le contrat a pu faire l’objet d’un accord des parties dès la formation du contrat et l’une d’elle peut révoquer unilatéralement le contrat si et seulement si le contrat prévoit une telle possibilité. Car dans ce cas, révoquer le contrat de manière unilatérale c’est encore respecter le contrat puisque c’est lui qui offre cette possibilité. Il n’y a pas atteinte à la force obligatoire du contrat.

–> C’est ce qui se passe par exemple lorsque les parties prévoient dans leur contrat une clauses de dédit.

Ces conséquences de la force obligatoire du contrat sont aujourd’hui énoncé à l’article 1193 du Code Civil qui dispose que « les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties ou pour les causes que la loi autorise ».

On devine dans la dernière partie de l’article que le principe de la force obligatoire n’est pas absolu.

  • &2- La force des obligations des parties

L’intensité de la force obligatoire du contrat à l’égard des parties n’est pas celle qui serait censée résulter du principe de l’autonomie de la volonté. En effet, chacune des obligations qui résultent de la force obligatoire du contrat fait l’objet ou d’assouplissement, ou d’exceptions.

A) L’obligation d’exécuter le contrat

Cette obligation est la plus stricte : dans tous les cas, les parties doivent exécuter leurs obligations

Toutefois, l’ancien article 1134 alinéa 2 prévoyait déjà que les contrats devaient être exécutés de bonne foi. Cette exigence est reprise au nouvel article 1104 du Code Civil qui rappelle encore que les contrats doivent être exécutés de bonne foi

Or, cette exigence de bonne foi conduit à assouplir la rigueur de la force obligatoire du contrat quant à l’exécution par chaque parties de ses obligations.

On ne peut pas en effet exiger d’une partie qu’elle exécute à n’importe quel prix ses obligations.

Jusque là, la jurisprudence a en effet considéré que la bonne foi dans l’exécution impliquait entre les parties un devoir de loyauté dans ce contrat. Le devoir de loyauté s’impose d’abord au débiteur qui doit exécuter fidèlement ses obligations. La jurisprudence considère que si les efforts déployer par le débiteur ont permit d’atteindre le but auquel tendait le contrat, le débiteur était de bonne foi même si les prestations effectué n’étaient pas exactement conforme aux prévisions contractuelles : rien ne peut donc lui être reproché.

Le devoir de loyauté s’impose aussi au créancier qui, selon la jurisprudence, doit s’abstenir d’entraver par un moyen quelconque l’activité du débiteur qui s’attache à exécuter son obligation : il ne doit pas compliquer la tâche du débiteur.

Se le créancier manque à se devoir de loyauté, il ne pourra pas demander réparation de l’inexécution.

La jurisprudence interdit également au créancier d’imposer au débiteur, sous prétexte de faire exécuter par ce dernier ses obligations, des sacrifices disproportionnés avec l’utilité du but à atteindre.

L’exigence de bonne foi dans l’exécution, jusque là, a permis d’assouplir à l’égard des parties le principe de la force obligatoire du contrat.

B) Les assouplissement à l’irrévocabilité du contrat.

Appliquer strictement le principe de la force obligatoire du contrat interdit en principe toute révocation du contrat par une manifestation unilatérale de volonté d’un seul des cocontractants. Toutefois il faut rappeler que l’article 1103 qui pose le principe de la force obligatoire du contrat est assoupli par l’article 1193 du Code Civil qui pose la possibilité d’exception prévue par la loi.

Il est parfois indispensable qu’une partie puisse rompre le contrat de manière unilatérale :

C’est le cas tout d’abord pour les CDI, c’est-à-dire les contrats à exécution successive sans détermination de durée. La jurisprudence admettait déjà que ce type de contrat puisse être rompu de manière unilatérale par une des parties. En effet, il existe un principe fondamental en droit des contrats, posé à l’article 1210 du Code Civil, qui est la prohibition des engagements perpétuels.

Or, si l’on n’autorise pas, dans un CDI, une partie à y mettre fin de manière unilatérale, cela reviendrait à exiger d’elle qu’elle soit indéfiniment liée par le contrat. Ainsi, l’article 1211 du Code Civil pose une exception au principe de la révocation voulu par les deux parties en admettant que dans les CDI, chaque partie puisse mettre fin au contrat à tout moment sous réserves de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou à défaut un délai raisonnable.

De même, la loi prévoit certaines exceptions pour certains CDD. Ainsi, pour des contrats qui reposent sur des rapports de confiances entre les parties, la loi admet qu’il doivent toujours pouvoir être révoqués de manière unilatérale lorsque cette confiance disparaît. C’est la cas par exemple pour le mandat : l’article 2004 du Code Civil prévoit que le mandant peut révoquer le mandataire à n’importe quel moment.

Avant la réforme, la jurisprudence admettait également que lorsque l’un des cocontractants manquait gravement à ses obligations, l’autre pouvait rompre unilatéralement le contrat à ses risques et périls. Cette solution est reprise à l’article 1226 qui dispose que « le créancier peut à ses risques et périls résoudre le contrat par voie de notifications en cas d’inexécution ». Cela signifie que si l’autre conteste, il pourra saisir le juge et engager la responsabilité contractuelle de l’auteur de la rupture si il démontre qu’elle n’était pas justifiée.

L’interdiction de mettre fin au contrat de manière unilatérale n’est pas absolue. C’est également le cas du principe d’immutabilité.

C) L’assouplissement du principe d’immutabilité du contrat

Les parties ne peuvent pas en principe, en vertu de la force obligatoire du contrat, modifier de manière unilatérale le contrat.

Si elles décident donc de modifier une disposition du contrat, elles doivent conclure un nouvel accord.

Toutefois, pour éviter que les parties se trouvent prisonnière d’un contrat, la pratique a imaginé différentes clauses permettant de faire évoluer le contenu du contrat.

  • Il peut s’agir tout d’abord d’une clause d’adaptation automatique qui entraîne une modification automatique du contrat. Ce n’est dans ce cas pas une atteinte à la force obligatoire du contrat car c’est le contrat lui même (et donc les parties) qui ont prévu cette évolution du contrat.
  • Il peut aussi s’agir de clauses de renégociations: ce sont des clauses que les parties insèrent dans leur contrat et par lesquelles elles s’engagent à renégocier le contrat si des données essentielles à son équilibre venait à changer. Les parties doivent alors renégocier de bonne foi mais si elles n’arrivent pas à un nouvel accord alors le contrat, en vertu de sa force obligatoire, ne pourra pas être révisé. On pourra juste éventuellement demander des dommages et intérêts à celui qui n’aurait pas négocier de bonne foi.

Le contrat ne s’impose pas seulement aux parties : il s’impose aux tiers et en particulier aux juges.