La procédure de l’adoption plénière et ses effets juridiques
Contrairement à l’adoption simple, l’adoption plénière a effet sur le lien de filiation entre l’enfant et sa famille d’origine. C’est alors que l’enfant adopté acquiert une nouvelle filiation qui se matérialise entre autres par la substitution de son nom initial par celui des adoptants. L’enfant adopté cesse alors d’appartenir à sa famille d’origine par le sang (article 357). Les liens juridiques sont supprimés ainsi que les droits successoraux.
L’adoption plénière est irrévocable et engendre un glissement de l’autorité parentale dans l’intégralité et exclusivement aux parents adoptifs.
Section 1 – procédure de l’adoption plénière
Elle se décompose en deux phases :
- Le droit de la filiation
- La contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants
- La gestion du patrimoine du mineur
- Le nom de famille : attribution et modification
- L’autorité parentale
- Comment est attribué l’exercice de l’autorité parentale ?
- Le recours à une mère porteuse (gestation pour autrui)
La personne qui désire adopter un enfant pupille de l’Etat doit obtenir un agrément. Il doit ensuite accueillir l’enfant dans son foyer pour que le jugement d’adoption puisse éventuellement être prononcé.
I / L’agrément :
Il est exigé pour les adoptions des pupilles de l’Etat (article L 225-2 et suivants CASF) et les enfants étrangers (article L 225-15 CASF) et les enfants recueillis par un organisme autorisé pour l’adoption, sauf si l’Ase lui avait confié la garde de l’enfant (article 353-1 alinéa du Code Civil et L 225-2 CASF).Cette procédure de délivrance d’un agrément a pour objectif de vérifier si les demandeurs à l’adoption présentent les qualités requises pour élever les enfants qu’ils souhaitent adopter. L’agrément se fait auprès du Service de l’aide sociale à l’enfance du département de résidence de la personne souhaitant adopter un pupille de l’Etat (article L 225-2 CASF).L’agrément est accordé par le président du conseil général, responsable du service de l’aide sociale à l’enfance auprès du département, après avis d’une commission départementale d’agrément (article L 225-2 alinéa 2 CASF). Le refus peut être contesté devant le Tribunal administratif. L’agrément est accordé ou refusé dans le délai de 9 mois qui suivront la confirmation de la demande du candidat à l’adoption (article 225-2 alinéa 2 CASF), pour une durée de 5 ans. Il est accordé « en considération des conditions d’accueil offertes par le demandeur sur les plans familial, éducatif et psychologique » article L 225-4 CASF). L’obtention de cet agrément n’ouvre pas automatiquement droit à l’adoption immédiate d’un enfant. Inversement, le refus d’agrément ou son obtention tardive n’est pas systématiquement un obstacle à l’adoption. En effet, l’adoption peut être prononcée sans agrément dans plusieurs cas :
- Lorsqu’il existe entre les personnes à qui le service de l’ASE a confié l’enfant pour en assurer la garde et de pupille de l’Etat des liens affectifs établis qui justifie la mesure d’adoption (article L 225-2 alinéa 1).
- Lorsque l’aptitude des adoptants à accueillir l’enfant a « été régulièrement constatée dans un Etat autre que la France en cas d’accord international engageant à cette fin le dit Etat » (article L 225-2 alinéa 1).
- Lorsque l’agrément a été refusé ou n’a pas été délivré dans le délai légal « s’il estime que les requérants sont aptes à accueillir l’enfant et que cette adoption est conforme à son intérêt (article 353-1 alinéa 2 du Code Civil).
- Le suivi obligatoire de l’enfant : la loi du 5 juillet 2005 prévoit une aide de proximité pour les familles. Dans chaque département, le président du Conseil général désignera au sein de ses services au moins une personne chargée d’assurer les relations avec l’agence française de l’adoption (article L 225-16 CASF). Le mineur placé en vue de l’adoption ou adopté bénéficiera d’un accompagnement par service de l’aide sociale à l’enfance ou l’organisme autorisé et habilité pour l’adoption, à compter de son arrivée au foyer de l’adoptant et jusqu’au prononcé de l’adoption plénière en France ou jusqu’à la transcription du jugement étranger (possibilité de prolongation : article L 225-18 CASF).
II / Le placement de l’enfant en vue de l’adoption :
La phase de placement préalable de l’enfant au foyer de l’adoptant consiste dans la remise matérielle de l’enfant aux futurs adoptants (article 351 alinéa 1) ce qui suppose que le consentement à l’adoption a été préalablement et valablement donné.
Pour les enfants donnés en adoption par leurs parents, le placement ne pourra intervenir qu’après l’expiration du délai de repentir ouvert à ces parents en application de l’article 348-3 du Code Civilet s’ils n’ont pas demandé devant le TGI la restitution de l’enfant, même à l’expiration de ce délai de repentir (article 348-3 alinéa 3 du Code Civil).
La remise de l’enfant ne consiste pas seulement en une remise matérielle de l’enfant à ses futurs adoptants mais une « pré adoption » rendant impossible la restitution de l’enfant à sa famille d’origine (article 352 alinéa 2 du Code Civil). C’est à la date du placement que les parents biologiques perdent leurs droits sur leurs enfants. L’enfant ne peut plus faire l’objet d’une reconnaissance ou d’une déclaration de filiation (article 352 alinéa 1 in fine).
Le placement est réalisé soit par l’ASE soit par l’accueil au foyer en cas d’accord entre les particuliers, pendant au minimum 6 mois (article 345 du Code Civil) la requête en vue de l’adoption ne peut être déposée avant l’écoulement de ce délai. Il peut durer plus longtemps. Lorsque le placement en vue de l’adoption cesse ou lorsque le jugement refuse de prononcer l’adoption, les effets du placement sont alors rétroactivement résolus.
III / Le jugement d’adoption :
La procédure judiciaire d’adoption : le TGI (du lieu où demeure le requérant, voir l’article 1166 CODE DE PROCÉDURE CIVILE quand ils demeurent à l’étranger) est saisi par une requête de l’adoptant ou du couple qui désire adopter (article 1168 CODE DE PROCÉDURE CIVILE). L’affaire est instruite en chambre du conseil, après l’avis du Ministère public (article 1170 CODE DE PROCÉDURE CIVILE), dans un délai de 6 mois à compter du dépôt de la requête (article 1168 CODE DE PROCÉDURE CIVILE).
Le tribunal doit s’assurer que toutes les conditions légales de l’adoption sont réunies et que la volonté constante de l’adoptant, qui peut retirer sa requête jusqu’au jour où le jugement est passé en force de chose jugée. Le tribunal doit également contrôler l’opportunité de l’adoption au regard de l’intérêt de l’enfant (article 353 alinéa 1 et 2 du Code Civil) et de l’ordre public (expertise possible pour vérifier s’il n’y a pas un trafic d’enfants ou contrat de mère porteuse). Il juge aussi si l’adoption ne risque pas de compromettre la vie familiale en présence d’autres descendants (article 353 alinéa 2 du Code Civil) selon les cas, il peut prononcer ou non l’adoption malgré l’opposition des descendants. Le tribunal peut soit prononcer l’adoption plénière soit la refuser soit prononcer l’adoption simple avec l’accord du requérant (article 1173 CODE DE PROCÉDURE CIVILE). Le juge dispose d’un pouvoir discrétionnaire, sa décision n’a pas à être motivée (article 353 alinéa 5 du Code Civil).Ce jugement produira des effets du jour de la requête introductive.
Il peut être frappé d’opposition pendant 30 ans par les tiers intéressés (les parents par le sang) en cas de dol ou fraude (article 353-2 alinéa 1). La loi du 17 mai 2013 a précisé que « constitue un dol la dissimulation au tribunal du maintien des liens entre l’adopté et un tiers, décidé par le juge aux affaires familiales sur le fondement de l’article 371-4 ».Il est susceptible d’appel dans les 15 jours du jugement par les parties et également par les tiers auxquels la décision a été notifiée. Le pourvoi en cassation leur est ouvert dans les conditions du droit commun. Le jugement donne lieu à une transcription sur les registres d’état civil du lieu de naissance de l’adopté dans les 15 jours de la date à laquelle le jugement est passé en force de chose jugée, à la requête du procureur de la République (article 354 alinéa 1). La transcription ne contient aucune indication relative à la filiation de l’enfant (alinéa 3 in fine). Cette transcription tient lieu d’acte de naissance à l’adopté (alinéa 4).
Section 2 : Les effets de l’adoption plénière
L’adoption plénière substitue de manière irrévocable une nouvelle filiation à la filiation d’origine. Les effets existent à compter de la requête en adoption. L’adoption plénière emporte deux effets principaux :
I / La rupture totale avec la famille d’origine :
- L’adoption confère à l’enfant une filiation qui se substitue à sa filiation d’origine. Il cesse d’appartenir à sa famille par le sang (article 356 du Code Civil).
- L’acte de naissance original est considéré comme nul.
- Il perd son nom d’origine, tout droit à succession, l’obligation alimentaire disparaît.
- Toutefois, les prohibitions au mariage subsistent entre l’adopté et sa famille de sang (article 356 du Code Civil).
- La jurisprudence a cependant admis un droit de visite des grands-parents par le sang, s’il n’est pas contraire à l’intérêt de l’enfant.
Attention : L’adoption de l’enfant du conjoint bien que plénière laisse subsister la filiation d’origine à l’égard de sa famille d’origine (article 356 alinéa 2). Il conserve son nom ses droits successoraux….à l’égard de ce conjoint mais les perd à l’égard de son autre parent par le sang.
II / L’intégration de l’adopté dans sa famille adoptive :
- L’adopté a dans la famille de l’adoptant les mêmes droits et les mêmes obligations qu’un enfant dont la filiation a été établie conformément aux dispositions générales relatives à la filiation (article 358 du Code Civil) (Vocation successorale, obligations alimentaires, autorité parentale.
- L’adopté prend le nom de l’adoptant : son nom d’origine disparaît au profit de celui de l’adoptant (article 357modifié par la loi du 17 mai 2013).
- En cas d’adoption de l’enfant du conjoint ou d’adoption par deux époux, l’adoptant et son conjoint, ou les adoptants choisissent par déclaration conjointe le nom de famille conféré à l’enfant : soit le nom de l’un d’eux, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux, dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux : article 357 alinéa 2. Cette faculté de choix ne peut être exercée qu’une seule fois. Si les adoptants avaient déjà des enfants, l’adopté portera le même nom que ses frère ou sœur (article 357 alinéa 4).
Lorsque les adoptants ou l’un d’entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent, par une déclaration écrite conjointe ne transmettre qu’un seul nom à l’adopté (article 357 alinéa 6).
En l’absence de déclaration conjointe mentionnant le choix de nom de l’enfant, celui-ci prend le nom de l’adoptant et de son conjoint, ou de chacun des deux adoptants dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux accolés dans l’ordre alphabétique.
Le tribunal peut modifier les prénoms de l’enfant (article 357 alinéa 7 du Code Civil) sur la demande de ou des adoptants. Cette intégration dans la famille adoptive est absolue, sans effet rétroactif à la naissance de l’adopté (article 355 du Code Civil) et définitive (article 359 du Code Civil). Les effets de l’adoption partent du jour du dépôt de la requête : article 355 du Code Civil. L’adopté aura donc 2 statuts qui se succéderont.
L’adoption plénière est irrévocable : article 359 du Code Civil. Elle ne peut être annulée et si l’adoptant manque à ses devoirs éducatifs, ce sont des mesures d’assistance éducative qui seront mises en place. Cependant, la loi du 5 juillet 1996, l’article 360 alinéa 2, prévoit qu’en cas de « motifs graves » (désintérêt manifeste de l’adoptant) l’enfant pourra faire l’objet d’une nouvelle adoption, mais il s’agira d’une adoption simple. En raison de son caractère irréversible, l’adoption plénière ne peut être annulée à raison d’un vice du consentement de l’adoptant, dans la mesure où cela résulte d’un jugement et non d’un acte privé.