Le gage de meuble corporel : conditions et effets

Le droit commun du gage de meuble corporel

Le gage est un contrat par lequel le débiteur remet à son créancier un bien meuble en vue de garantir le paiement de sa dette

  • A) La constitution du gage

Cette constitution résulte d’un accord de volonté, vu que le gage est un contrat. Il existe des gages judiciaires, mais ce sont des exceptions. En toute hypothèse il n’existe pas de gage légal.

1) Les éléments du contrat

Le gage repose sur un principe de spécialité. Ce principe s’applique d’abord à la créance, il ne peut y avoir de gage sans créance à garantir, mais cela signifie aussi qu’il n’existe pas de gage « volant ». Le gage ne va pas glisser d’une créance à une autre…

En vertu de l’article 2333 du code civil, ce gage peut être constitué sur un bien mobilier ou un ensemble de bien mobilier, corporel, présent ou futur.

  • a) L’assiette du gage

Il peut s’agir de tout meuble, à contrario le gage ne peut pas porter sur un immeuble. Cela signifie que les immeubles par destination ne sont pas susceptible de faire l‘objet d’un gage.

L’assiette du gage peut être constitué par un ensemble bien mobilier corporel (Ex : une bibliothèque). Cette largesse autorise le gage sur les stocks ainsi qu’une chose future : cette disposition se dégageait de l’article 1130 du code civil.

Ce bien peut être un bien fongible : L’essentiel sera que les biens fongibles mis en garantie permettront de mettre en œuvre cette garantie. Pour effectuer un bien meuble en garantie, il faut en être propriétaire. Le gage de la chose d’autrui est nul et il peut donner lieu, à dommages et intérêts lorsque le créancier à ignorer que la chose fut à autrui. Cette nullité est affirmée en faveur du créancier, qui risque de souffrir d’un défaut de propriété du constituant. C’est une nullité relative, le véritable propriétaire du bien agir lui en revendication :

Quel est l’intérêt pour le créancier gagiste d’invoquer cette nullité ?

Si ce dernier est de bonne foi, il pourra se prévaloir de la protection possessoire qui résulte de l’article 2276 du Code Civil.

Le gage a vocation à se réaliser par une aliénation du bien, de ce fait, il faut que le bien soit susceptible d’être aliéné et donc qu’il ne soit pas indisponible. Toute indisponibilité du bien n’affecte pas la validité du contrat de gage : la cour de cassation décide qu’est valable, le gage constitué sur un bien indisponible dès lors que cette indisponibilité est temporaire.

Quand est ce qu’une indisponibilité n’est plus temporaire ? La Cour de Cassation ne le dit pas.

2) Les parties au contrat

Il y en a nécessairement deux :

  • Le créancier : Il doit avoir l’aptitude juridique à contracter. Le fait pour une personne d’ouvrir ou tenir une maison de prêt sur gage sans autorisation légale est un délit. Malgré cela, le contrat de gage n’en sera pas moins valable.
  • Le constituant : Il doit nécessairement avoir la capacité d’aliéner, car c’est une fin possible du contrat de gage.

L’hypothèse où une procédure collective est ouverte, la constitution du gage est affectée par cet évènement. Les dispositions du code de commerce fulminent des nullités de droit pour les gages constitués pendant la période suspecte. En outre, les gages constitués postérieurement à l’ouverture de la procédure sont eux aussi affectés de nullité à moins qu’il n’ait été constitué après autorisation du juge commissaire.

Ce constituant n’est pas nécessairement le débiteur : il peut s’agit d’un tiers. Il est usuel de parler de cautionnement réel, étant compris comme étant à la fois un cautionnement et une suretés réelle. Le constituant était alors tenu relativement aux bien affectés en garanti. La cour de cassation a rompu avec cette analyse, en ce sens que la sureté réelle consentie par un tiers n’implique aucun engagement à satisfaire l’obligation d’autrui. L’article 2334 a consacré cette analyse.

3) La solennité du contrat

Ici, il faut parler de législation antérieur à 2006, initialement l’article 2074 du code civil imposait le recours à un écrit, mais seulement à des fins probatoire et d’opposabilité. Cet écrit devait spécifier la créance garantie et le bien affecté en garanti. On exigeait aussi que l’écrit ainsi établit ait date certaine conformément aux prescriptions de l’article 1328 du Code Civil et ce pour éviter la fraude : l’écrit antidaté.

Le gage était valable nonobstant l’absence d’écrit. L’article 2336 du Code Civil modifie la fonction de l’écrit. Le gage est devenu un contrat solennel et la solennité exigée ad validatem et l’établissement d’un écrit pouvant être un écrit soit un acte sous seing privé sois un acte authentique…

Il en découle qu’en l’absence d’écrit le gage sera nul d’une nullité absolue, dès lors que l’écrit est devenu une condition de validité, l’exigence d’une date certain ne se pose plus étant donné qu’il s’agit d’une exigence probatoire.

Cette disposition doit elle aussi s’appliquer au gage commercial ? Les modalités de constitution du gage commercial ont toujours été allégées pour la nécessaire célérité des transactions commerciales.

L’article L 521-1 du code de commerce dispose que le « gage constituait soit par un commerçant, soit par un individu non commerçant pour un acte de commerce, se constate à l’égard des tiers comme à l’égard des parties contractantes conformément aux dispositions de l’article L 110-3 (relatif à la liberté de la preuve en matière commerciale) ». Il n’est donc point besoin d’écrit en matière commerciale. L’article L 521-1 du code de commerce se trouve implicitement abrogé en ce que tout gage exigerait un écrit à titre de validité. L’article 2336 ne distingue pas et donc s’applique à tous les gages, ou au contraire on peut estimer que l’ordonnance de 2006 n’a pas abrogé donc a voulu garder la spécificité du gage commercial.

Le gage commercial est celui qui garanti une créance commerciale, peu importe la qualité du constituant.

4) L’opposabilité du gage

L’article 2337 dispose « le gage est opposable aux tiers par la publicité qui en est faite, il l’est également par la dépossession entre les mains du créancier ou d’un tiers convenu ».

Ainsi, pour le gage produise des effets à l’égard des tiers, il y a deux modalités :

  • a) La dépossession :

[Avant 2006, l’article 2076 disposait « le droit de préférence du créancier gagiste n’existe qu’autant que ce créancier ou un tiers convenu est en possession du bien gagé ». La dépossession était une condition de validité du contrat de gage qui était un contrat réel. L’ordonnance de 2006 abandonne cette qualification : le gage commercial n’était pas un contrat réel, la dépossession n’est qu’un élément de publicité, d’opposabilité.

Ce changement de fonction n’empêche pas à cette dépossession de conserver ses trois utilités essentielles:

  • . La dépossession confère au créancier la certitude qu’il pourra exercer son droit de la manière la plus efficace.
  • . La dépossession permet d’individualiser le bien gagé : en présence de biens fongibles c’est essentiel.
  • . Il n’y a pas meilleur publicité que la dépossession : les tiers sont nécessairement convaincus que le débiteur n’exerce pas pleinement ses droits sur la chose gagée.

Auparavant, on qualifié le contant de gage de contrat réel, donc s’il y avait accord de volonté et absence de remise du bien : on considérait qu’il s’agissait d’une promesse de gage. Maintenant que ce n’est plus un contrat réel, l’accord de volonté constaté par écrit est le contrat de gage lui-même. De plus, lorsqu’il s’agissait d’un contrat réel il se formation par ma remise de la chose et en faisait naitre d’obligation qu’à la charge du tiers promu tenu de restituer le bien si la créance était éteinte. Maintenant que ce n’est plus le cas, il va faire naitre une obligation à la charge du constituant : remettre le bien entre les mains du créancier ou du tiers convenu. Il deviendra donc un contrat synallagmatique. ]

Cette dépossession doit être apparente et réelle : L’idée est que les tiers ne soient pas dans le doute quant au fait que le débiteur n’a plus le bien sous sa main ?

Cette dépossession peut se faire entre les mains du créancier, mais aussi d’un entièrement qui sera fait un tiers convenu.

  • b) L’inscription sur un registre :

Cela suppose que le gage devient sans dépossession. Le décret du 23 Décembre 2006, organise les modalités de cette publicité par voie de registre. L’idée est que le créancier continue de bénéficier d’une protection identique à celle du créancier dans le gage avec dépossession et c’est l’inscription dans le registre qui va l’assurer. Le créancier gagiste ne détient pas le bien et peut difficilement se prévaloir de la protection possessoire.

L’inscription est faite sur un registre spécial par le greffier du tribunal de commerce dans le ressort duquel le constituant est immatriculé ou dans lequel il réside. L’inscription est gratuite est la fiche du registre doit mentionner le nom du constituant et la catégorie du bien affecté en garantie.

L’inscription prend effet à sa date, cette inscription va concerner le gage pendant 5 ans avec une faculté de renouvellement. Cette inscription peut être radiée par le créancier mais aussi par le constituant s’il dispose d’un acte ordonnant la main levée de l’instruction.

Avec le gage sans dépossession, il est possible de constituer plusieurs gage sur le même bien. Le rang entre ces différents créanciers va se régler en fonction de la date de l’inscription

  • B) Les effets du gage

Le code civil traite indifféremment le gage avec dépossession et celui sans dépossession. Cette unité se retrouve quand on envisage les obligations du détenteur ou les droits du créancier.

1) Les obligations du détenteur

Quelles sont les obligations de celui qui détient : créancier ou tiers ? Il doit disposer la chose en bon père de famille et en cas de faute, il doit réparer le dommage. Les parties sont libres d’aménager la responsabilité contractuelle du détenteur. Si le détenteur est un tiers convenu, on va le traiter comme un dépositaire.

Il est tenu de restituer la chose à la fin du contrat, si le bien objet du gage est détruit les droits du créancier se reportent sur l’indemnité d’assurance. Il en découle qu’il est interdit de dépenser cette somme.

En cas de gage sans dépossession : l’obligation de restitution va se transformer en obligation de radier l’inscription.

Le gage est indivisible, cela signifie que si la dette est partiellement payée, le gage subsiste en son entier. Il n’est donc pas possible de demander au créancier si ce gage porte sur un ensemble d’en libérer la moitié. Mais les parties peuvent en convenir autrement.

2) Les droits du créancier gagiste

Il a deux droits essentiels :

  • Le droit de réaliser le gage
  • Le droit de retenir la chose gagée

Ce créancier bénéficie d’un droit de suite même si le gage est sans dépossession.

  • a) La réalisation du gage :

Cette réalisation peut emprunter deux voies :

La vente judiciaire : Le créancier qui veut être payé doit s’adresser aux tribunaux afin que soit ordonné la vente du bien gagé. Celle-ci doit se faire selon les modalités prévues par le droit des procédures civiles d’exécution. Cela exclue une dispense conventionnelle de recourir au juge pour procéder à la vente. « La clause de voie parée » n’est pas admise en droit positif. Le juge à qui on va demander une autorisation, en apprécie l’opportunité et la vente va se dérouler aux enchères publiques. Cependant il est possible d’exclure cette vente aux enchères publiques, si d’autres modalités de vente permettent d’obtenir un prix aussi élevé. En matière de gage commercial : ces règles sont écartées. En droit commercial on permet au créancier de signifier ses intentions au débiteur, attendre 8 jours et ensuite faire vendre les biens aux enchères par un courtier.

Au terme de ces procédures un prix va ressortir et le créancier gagiste bénéficie d’une préférence dont le rang n’est pas toujours la première place. C’est le cas dans l’hypothèse d’une procédure collective : il pourra être coiffé au poteau par les salariés…

L’attribution de la chose au créancier : Au lieu de vendre le bien pour dégager un prix, le créancier va devenir propriétaire du bien. C’est comme s’il y avait dation en paiement. Cette attribution du gage peut être judiciaire ou conventionnellement organisé.

L’attribution judiciaire est gratuite et c’est l’article 2347 du code civil qui l’organise. Le créancier va demander au juge de lui attribuer le bien au titre de paiement. Le créancier gagiste n’a pas vocation à s’enrichir, donc si la valeur des biens gagés sont supérieur à sa créance il devra restituer l’excédant soit en les remettant entre les mains du débiteur, soit en le consignant au profit d’autre créancier gagiste sur le même bien. Il n’appartiendra pas au juge de déterminer la valeur, il nommera un expert. Si la valeur est inférieure au montant de la créance, le créancier gagiste restera un créancier mais ne sera plus qu’un créancier chirographaire, vu que le gage a été accomplit.

Il s’agit d’une faculté pour le créancier, mais quand il bénéficie en outre d’un cautionnement, la jurisprudence tend à considéré que le non exercice de cette faculté permet à la caution d’invoquer le bénéfice de subrogation.

L’attribution conventionnelle : Par un pacte commissoire qui est une obligation conditionnelle de transfert de propriété. Le créancier devient propriétaire du bien sous la condition de la défaillance du débiteur. Dès lors que ce débiteur est défaillant, le transfert de propriété se réalise. L’insertion de cette clause suppose de prévoir précisément les circonstances constituant la défaillance du débiteur. Il y a toujours le risque que le créancier ne s’enrichisse en imposant cette clause, de ce fait le code civil prévoit que la valeur du bien objet du pacte soit déterminée au jour du transfert par un expert. Si la valeur du bien excède le montant de la créance garantie, le créancier ne pourra s’enrichir et devra resituer la contrepartie monétaire de l’excès.

  • b) Le droit de rétention

Ce droit existe d’abord en cas de dépossession l’article 2286 reconnait un tel droit à celui à qui la chose a été remise jusqu’au paiement de sa créance. Lorsqu’on est en présence d’un gage sans dépossession il ne pourrait y avoir de rétention, pourtant le législateur admet un droit de rétention « fictif », mai il est moins fort qu’un réel dans le cas d’une procédure collective. Il est inopposable au débiteur pendant la période d’observation.

  • C) L’extinction

Le gage est une sureté, donc extinction par voie accessoire : La disparition de la créance emporte disparition du gage. Le gage en tant que sureté peut être éteint par voie principale : quand le créancier renonce à son gage par exemple, ou destruction du bien gagé.

L’article 2354 du Code Civil prévoit que les dispositions relatives au gage de droit commun ne font pas obstacle à l’application de règles particulières prévues en matière commerciales ou en faveur des établissements de prêt sur gage. Par ailleurs, le code civil comporte une section relative au gage portant sur un véhicule automobile. Il existe donc à coté des gages de droit commun, des gages spéciaux. Parmi ces derniers, certains relèvent du code civil et d’autres relèvent du droit commercial.