DÉFINIR ET DISTINGUER « DROIT » ET « JUSTICE »?
La justice est n’est pas séparable des lois. En effet, l’étymologie du terme de justice nous l’indique car « justus » en latin signifie « conforme au droit »). Le Droit a pour fonction de régir les comportements, d’imposer, de fixer et d’établir des obligations ainsi que des droits pour les personnes morales et physiques.
Le Droit n’est pas :
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La répression : La répression est l’une des réponses de la société à la violation de valeurs jugées essentielles. Elle a pour mission de maintenir la paix publique (par la sanction, la prévention, la réintégration), mais d’autres réponses sont possibles. La répression est un moyen de faire respecter le Droit.
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L’injustice : Le Digeste, une compilation du droit romain établie par l’Empereur Justinien au VIe siècle avant J.-C., s’ouvre sur cette définition : « Le Droit est l’art du Bon et du Juste ». En latin, le mot Droit se dit « Jus » et justice « Justicia ». Il existe un lien entre ces deux termes, mais ils ne coïncident pas toujours, selon les formes qu’ils prennent.
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I) La distinction entre droit et justice :
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Définition du droit et de la justice :
- Droit : Le droit est un ensemble de règles et de normes établies par une société pour régir les comportements et les relations entre les individus et les institutions. Ces règles sont codifiées dans des textes de lois, des règlements et des décisions judiciaires.
- Justice : La justice, en revanche, est un concept plus abstrait, correspondant à une idée de ce qui est moralement correct, équitable et juste. Elle représente l’idéal vers lequel le droit doit tendre, mais elle n’est pas nécessairement inscrite dans les textes de loi.
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Nature du droit / nature de la justice :
- Droit : Le droit est prescriptif et contraignant. Il impose des obligations et des interdictions, et son non-respect entraîne des sanctions. Il est le produit de décisions politiques, juridiques et sociales.
- Justice : La justice est normative et aspirante. Elle incarne un idéal moral ou éthique que les individus et les institutions cherchent à atteindre. Contrairement au droit, elle n’a pas de force contraignante par elle-même.
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Objectif du droit et la justice :
- Droit : L’objectif du droit est de maintenir l’ordre social, de réguler les comportements, de résoudre les conflits, et de protéger les droits des individus. Il peut poursuivre des finalités autres que la justice, comme la sécurité juridique, l’efficacité, ou la stabilité sociale.
- Justice : L’objectif de la justice est de garantir que chaque individu reçoit ce qui lui est dû, de manière équitable et morale. Elle vise à équilibrer les intérêts en fonction des principes éthiques, même si cela entre parfois en conflit avec les règles de droit.
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Application :
- Droit : Le droit s’applique de manière systématique et uniforme à tous les cas similaires, sans nécessairement prendre en compte les spécificités individuelles de chaque situation.
- Justice : La justice peut nécessiter une approche plus contextuelle et personnalisée, prenant en compte les circonstances spécifiques pour rendre une décision qui soit moralement juste.
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Conflits entre loi et justice :
- Il arrive que le droit et la justice entrent en conflit. Par exemple, une loi peut être appliquée de manière injuste dans certaines situations. Dans de tels cas, la règle de droit prime généralement, même si elle peut sembler injuste.
- Cependant, les juges peuvent recourir à l’équité, une forme de justice, pour modérer l’application stricte du droit et atteindre une décision plus juste.
II ) Qu’est ce que la justice ?
A) Définition de la « justice »
La justice est un concept avec plusieurs facettes :
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Distinction entre Justice normative et Justice individuelle:
- La justice normative définit ce qui est juste selon les lois et les normes.
- La justice individuelle concerne l’application de ces normes à des cas spécifiques.
- La justice normative ne garantit pas toujours la justice individuelle (ex: erreurs judiciaires).
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Distinction entre Justice commutative et Justice distributive:
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Justice commutative:
- Vise à rétablir l’égalité entre deux parties en réparant un préjudice.
- Basée sur l’égalité arithmétique (chacun reçoit l’équivalent de ce qu’il a donné).
- Exemple: restitution d’un bien volé.
- Difficulté: estimer la valeur exacte du préjudice (ex: en cas de décès).
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Justice distributive:
- Vise à répartir équitablement les biens, les charges et les honneurs selon le mérite de chacun.
- Basée sur l’égalité géométrique (proportionnalité).
- Fondement de la justice sociale et de la progressivité de l’impôt.
- Question centrale: comment déterminer le mérite de chacun ?
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B) La place de la justice au sein du droit a des limites :
La justice est un idéal important du droit, mais elle n’est pas toujours sa priorité absolue. Le droit doit parfois concilier la justice avec d’autres finalités, comme la sécurité juridique. L’équité peut être utilisée pour atténuer la rigueur de la loi dans certaines situations, mais son application reste encadrée pour éviter l’arbitraire.
Limites de la place de la justice au sein du droit :
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Première limite : La notion de justice est trop floue pour constituer autre chose qu’un idéal. Bien qu’elle soit une finalité importante, la justice demeure une finalité parmi d’autres.
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Deuxième limite : La justice est souvent concurrencée par d’autres finalités que poursuit le droit, qui peuvent parfois l’emporter.
- Exemple : La sécurité juridique, dont l’objectif est de protéger les citoyens contre les effets secondaires négatifs du droit, tels que les incohérences ou la complexité des lois et règlements, ou encore leurs changements trop fréquents. Cette sécurité juridique garantit la liberté individuelle des citoyens.
Distinction entre droit et justice :
- Le droit n’est pas synonyme de justice, mais cette dernière reste un objectif vers lequel doit tendre la règle de droit.
- L’individu ne peut s’opposer à une loi injuste ; la résistance n’est admise que si le pouvoir ayant émis la loi a été renversé par la force. Une loi, même injuste, doit être appliquée en raison de son statut de loi.
- Citation : « Dura lex, sed lex » – Ulpien.
Justice et équité dans la pratique judiciaire :
- Certaines règles peuvent être contraires à la justice (exemple : le refus d’annuler un contrat pour déséquilibre économique des prestations).
- Les juges cherchent à atteindre la justice sous une forme indirecte, par le biais de l’équité dans leurs jugements.
- Le juge qui statue en équité s’efforce de résoudre le litige de manière conforme au sentiment de justice, en écartant partiellement ou en modérant l’application de la loi en fonction des circonstances atténuantes.
- En principe, les juges ne peuvent pas statuer en équité, car cela pourrait entraîner un arbitrage injuste et créer de l’insécurité juridique.
- Dicton : « Que Dieu nous garde de l’équité des Parlements » (Dicton révolutionnaire de l’Ancien Régime).
Reconnaissance légale de l’équité :
- L’équité est admise par la loi sous deux formes :
- Article 1135 du Code civil : « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature. » (Créé par la loi du 7 février 1804, promulguée le 17 février 1804)
- Malgré l’interdiction de principe, les juges statuent souvent en équité de manière implicite, en choisissant une solution équitable qu’ils habillent ensuite de façon légale. L’équité apparaît ainsi comme un correctif à la rigueur de la loi.
III) Qu’est ce que le Droit ?
« Il y a plus d’une définition dans la maison du droit » Carbonnier, 1960
Le droit est l’ensemble des règles imposées aux membres d’une société pour que leurs rapports sociaux échappent à l’arbitraire et à la violence des individus et soient conformes à l’éthique dominante.
A) La Notion de droit :
Première définition : Le droit est l’ensemble des règles qui régissent la vie en société et sont administrées par la puissance publique.
Seconde définition : Le droit est la faculté d’accomplir un acte, de disposer d’une chose, ou d’exiger quelque chose d’une autre personne.
Explication des définitions :
La première définition correspond au droit objectif. Ce concept montre que le droit est un phénomène social : il n’existe pas de droit sans société, ni de société sans droit. L’idée que le droit est inexistant sans société signifie qu’un individu isolé peut avoir une morale, mais n’a pas de droit car il n’interagit avec personne. De même, l’idée qu’une société sans droit n’existe pas découle du fait que toutes les sociétés obéissent à des règles juridiques.
« Ubi Societas, Ibi Jus »
Cette expression signifie que là où il y a une société, il y a du droit. Cependant, l’intensité du droit peut varier d’une société à l’autre. Il existe deux grandes distinctions à ce sujet :
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Le droit objectif : Ce terme désigne l’ensemble des règles juridiques qui régissent la conduite des personnes au sein d’une société. Ces règles incluent les interdictions, les obligations, les sanctions, ainsi que les droits accordés aux individus pour la satisfaction de leurs intérêts.
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Les droits subjectifs : Ce sont des prérogatives individuelles reconnues par le droit objectif. Le terme « subjectif » ici fait référence au fait que ces droits appartiennent aux sujets de droit (« subjectum »). Les droits subjectifs permettent aux individus d’exercer certaines actions ou de bénéficier de certaines protections.
Ces deux définitions ne sont pas opposées, mais plutôt complémentaires. Les droits subjectifs sont les prérogatives accordées aux individus par le droit objectif. Si le droit objectif nous permet d’accomplir un acte, cela signifie que nous avons le droit subjectif de le faire.
Distinctions et confusions possibles :
Il est parfois difficile de distinguer clairement entre ces deux concepts :
- Les droits subjectifs n’existent que s’ils sont consacrés par le droit objectif.
- En français, il n’existe pas de termes distincts pour désigner le droit objectif et les droits subjectifs, contrairement à l’anglais qui utilise « Law » pour le droit objectif et « Right » pour les droits subjectifs.
Le droit objectif est envisagé comme un ensemble de règles, tandis que les droits subjectifs sont considérés comme un ensemble de prérogatives, de droits et d’obligations.
La notion de droit positif :
Il existe une troisième notion : le droit positif, qui désigne l’ensemble des règles juridiques en vigueur dans un État à un moment donné. Certains auteurs le confondent avec le droit objectif, tandis que d’autres considèrent que le droit positif n’est qu’une composante du droit objectif. L’autre composante serait le droit naturel, c’est-à-dire un droit idéal, immuable et universel.
Diversification du droit :
Quelle que soit la définition retenue, le droit régit les activités humaines et doit tenir compte du particularisme de chaque situation sociale pour offrir une règle adéquate. Cela entraîne une diversification des règles de droit, conduisant à une spécialisation du droit en branches, chacune étant un ensemble cohérent et autonome de règles adaptées à un domaine ou secteur spécifique. Les branches du droit sont organisées selon deux distinctions considérées comme fondamentales.
B) La distinction droit privé / droit public :
La distinction entre droit public et droit privé remonte à l’époque du droit romain. Le droit est classiquement divisé en deux grandes branches :
- Droit public : Concerne l’organisation de l’État et ses relations avec les particuliers.
- Droit privé : Régit les relations entre particuliers.
1) Droit privé
- Définition : Partie du droit qui régit les rapports entre personnes physiques et morales.
- Caractéristiques :
- Les règles du droit privé sont orientées vers la satisfaction d’intérêts individuels.
- Le droit privé comprend des règles souvent supplétives, c’est-à-dire proposées et non imposées.
- La violation des règles de droit privé est sanctionnée par les juridictions de l’ordre judiciaire.
- Branches principales :
- Droit civil : Régit le droit des personnes, de la famille, des contrats, des biens, et des successions.
- Droit des affaires : Régule l’activité des entrepreneurs, qu’ils agissent individuellement ou en société.
- Droit du travail : Encadre les relations entre employeurs et salariés.
2) Droit public
- Définition : Partie du droit qui régit l’organisation de l’État et ses rapports avec les particuliers.
- Caractéristiques :
- Les règles de droit public sont impératives et visent la satisfaction de l’intérêt collectif.
- La violation des règles de droit public est sanctionnée par les juridictions de l’ordre administratif.
Interactions entre droit privé et droit public
- Inclusion du droit privé dans le droit public : Les pouvoirs publics peuvent parfois entreprendre des activités soumises aux règles du droit privé. Exemple : La privatisation d’entreprises publiques soumet ces dernières au droit privé.
- Publicisation du droit privé : L’État peut intervenir dans des rapports entre particuliers, entraînant une publicisation du droit privé.
C) Quelles sont les principales branches du droit ?
Principales branches du droit privé
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Droit civil :
- Constitue le tronc principal du droit privé.
- Historiquement, le droit civil était synonyme de droit privé, couvrant l’ensemble des règles relatives à la vie privée des individus et à leurs relations entre eux.
- Aujourd’hui, le droit civil reste le droit commun, s’appliquant en l’absence de dispositions spécifiques pour régir une situation donnée.
- C’est un domaine vaste comprenant le droit des biens, le droit des successions, le droit des contrats, la responsabilité civile, etc.
- Il sert de base à de nombreux autres droits qui en sont dérivés, tels que le droit des assurances.
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Droit commercial :
- Constitue un droit d’exception par rapport au droit civil.
- S’applique aux commerçants et aux actes de commerce.
- Plusieurs branches en dérivent, comme le droit des transports, le droit des assurances, le droit de la consommation, le droit de la distribution, etc.
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Droit du travail :
- Régit les relations entre employeurs privés et salariés dans le cadre du travail.
- Couvre à la fois les relations individuelles (entre employeur et salarié) et les relations collectives (syndicats, conventions collectives, etc.).
Principales branches du droit public
Le droit public, qui peut être interne ou international, régit l’ensemble des situations dans lesquelles l’État intervient :
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Droit constitutionnel :
- Concerne l’organisation et le fonctionnement de l’État, ainsi que la protection des droits fondamentaux.
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Droit administratif :
- Prolongement du droit constitutionnel, il régit le fonctionnement de l’administration publique.
- Gère les relations entre les administrations et les administrés.
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Droit des finances publiques :
- Régit la gestion des finances de l’État, y compris le budget, les impôts et les dépenses publiques.
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Droit international public :
- Régit les relations entre les États et les institutions internationales.
Branches mixtes du droit
Certaines branches se situent à la croisée du droit privé et du droit public :
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Droit pénal :
- Branche mixte en raison de son caractère public (sanctions prononcées au nom de l’État) et privé (protection des personnes et des biens privés).
- Appliqué par des juges de droit privé.
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Droit judiciaire privé (procédure civile) :
- Régit l’organisation judiciaire et le déroulement des procès.
- L’aspect public concerne l’organisation de la justice, tandis que l’aspect privé précise les règles que les individus doivent suivre pour faire valoir leurs droits en justice.
- Se divise en procédure civile, pénale, et administrative.
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Droit international privé :
- Régit les relations entre particuliers présentant un élément d’extranéité (relation avec un élément étranger).
- Couvre également des aspects relevant du droit public, comme la condition des étrangers et la nationalité.
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Droit de l’Union européenne :
- Se distingue du droit international car il s’incorpore dans le droit national de chaque État membre.
- Ne relève pas strictement du droit national, mais influence directement les législations internes.
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Droit de l’environnement :
- Relève à la fois du droit public, du droit interne et du droit international, en raison de la nécessité de protéger l’environnement au-delà des frontières nationales.