Le sort de la créance postérieure au jugement d’ouverture

Les créanciers postérieurs à l’ouverture de la procédure collective

L’ouverture d’une procédure collective emporte une qualification essentielle pour les créances : il est distingué entre les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture et celles nées postérieurement au jugement d’ouverture.

  • Les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation sont payées à leur échéance. Les autres créances sont payées par privilège avant toutes les autres créances à l’exception du superprivilège des salaires, des frais de justice et du privilège de la conciliation.
  • Créances antérieures au jugement d’ouverture : Le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice tendant :

    • à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ;
    • à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.

    De plus, le jugement d’ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous les intérêts de retard et majorations

Avant 1985, les créanciers antérieurs étaient constitués en personne morale, la collectivité des créanciers était intégrée dans une personne morale, la Masse, a la tête de laquelle on trouvait le syndic et les créanciers antérieurs étaient dit ‘créanciers dans la masse’ et les postérieurs, ‘créanciers de la masse’ et on considérait que les créanciers postérieurs à l’ouverture de la Procédure Collective avaient traité avec la masse des créanciers et ainsi ceux-ci acceptaient un paiement de ces créanciers postérieurs prioritaire. Ceci dit, les créanciers postérieurs à l’ouverture de la procédure collective avaient un droit au paiement prioritaire, mais avant les créanciers chirographaire. Les créanciers privilégiés eux, avant 85, étaient traités à part, en particulier ils ne faisaient pas parti de l’assemblée.

Dans la réforme de 85, on a fait un grand ménage (théorie de la Masse était devenue une pollution intellectuelle beaucoup trop compliquée), restait néanmoins le problème du paiement des créanciers postérieurs et alors comment inciter des co – contractants à traiter avec un débiteur en procédure collective. On a affirmé le principe d’un droit au paiement prioritaire des créanciers postérieurs et on a même été largement au delà car on a donné à ces créanciers postérieurs un droit de priorité, mais aussi à l’égard des créanciers privilégiés pour assurer un meilleur paiement aux créanciers postérieurs. Cette règle a semé le trouble.

Mais si on avantage les créanciers postérieurs au détriment de ceux ayant des sûretés, on va orienter la Procédure Collective vers la solution la plus favorable pour les créanciers antérieurs.( ?)

Les créanciers antérieurs sont mieux traités si l’issu de la procédure est une liquidation que si c’est un redressement.

L’idée du L était d favoriser le redressement en donnant une grosse sécurité au créancier postérieur, ils vont ainsi traiter avec le débiteur et sauver l’entreprise.

La loi de 85 avait renforcé ce droit au paiement des créanciers postérieurs (privilège de l’article 40). La loi de 2005 n’a pas fait totalement marche arrière mais a, tout en maintenant ce droit de préférence postérieur, en a limité le domaine, et c’est ce fameux article L 622 – 17 qui limite ce traitement privilégiés des créanciers postérieurs. Mais cette limitation n’est pas si importante que cela.

a) Le domaine de l’article L622 – 17

Seules les créances décrites sont concernées « les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture ».

– 1ère observation : Ce qui compte pour savoir si créance postérieure c’est le fait générateur ; ainsi la créance de l’URSSAF exigible après l’ouverture sera une créance

antérieur pour le fait travaillé avant l’ouverture. Même critère que celui vu précédemment.

– 2e : quel sens donner à « régulièrement ». par ex certains avaient soutenu que créance de nature délictuelle pas née régulièrement car justement elle sanctionne une faute –> pas l’analyse retenue par les tribunaux. En réalité, la question aujourd’hui ne se pose plus parce que sont concernées par les dispositions de L 622 – 17 les créances rattachées à la poursuite de l’activité, donc on exclut les créances délictuelles qui ne peuvent pas y être rattachées.

–> « Seules sont concernées les créances nées après le jugement d’ouverture pour les besoins de la période d’ouverture de la proc ou période d’observation ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pour son activité professionnelle pendant cette période ». Donc seules sont concernées les créances nées à l’occasion de la poursuite de l’activité. Il aurait sûrement mieux valu adopter une formule générique. Ce sont les salaires, loyers, marchandises commandées et livrées, prestations etc… A contrario les autres sont de droit commun, ce sont des créances postérieures qu’il faudra déclarer : quelles sont elles ? Ce sont les créances délictuelles car par définition une créance délictuelle ne peut pas être rattachée à la poursuite de l’activité. La nuance est entre les créances nées pour la poursuite de l’activité et delà poursuite de l’activité.

Elles ne rentreront donc pas dans le cadre du paiement préférentiel

b) Le régime de ces créances postérieures

  • Les créances visées à L 622 – 17 al 1 = créances nées après le jugement d’ouverture pour les besoins de la poursuite de l’activité

C’est un régime en 4 temps :

– Ces créances sont payées à leur échéance

– lorsqu’elles ne sont pas payées à leur échéance : il y a un risque et la seule sécurité c’est ne donner les marchandises que quand on a l’argent. Mais quand pas payées à leur échéance, ces créances font l’objet d’un privilège = privilège de l’article 40

Lorsqu’elles ne sont pas payées à l’échéance, elles sont payées par privilège. Par privilège par rapport à toutes les autres créances antérieures ou postérieures, y compris par rapport aux créances assorties de sûretés antérieures. Le III de L 622 – 17 établie ensuite un classement entre les créances postérieures. Donc double classement, d’abord des postérieures par rapport aux antérieurs et ensuite nouveau classement entre postérieures.

1ère hiérarchie générale établie par le texte.

Elles sont payées par privilège avant toute autre créances (antérieures ou postérieures y compris) assorties ou non de privilège ou sûretés à l’exception de ceux prévu par les 4 privilèges (L 643 – 11 code du travail : salaires et congés payés dus pour les 60 jours de travail précédent l’ouverture de la procédure collectiveec + marins + vrp) et encore deux qui résistent : les frais de justice (rémunération organes de la procédure) mais les antérieurs. Et le dernier ilot de résistance est neuf : privilège de L 611 – 11 : dans proc de conciliation, les nouveaux apport de trésorerie dit argent frais.

Ex : un créancier postérieur (salarié ayant travaillé) relève de L 622 – 17, idem le bailleur ou beaucoup ayant avancé des fonds, matériel du fournisseur ou TVA et cotisations sociales. Ça peut faire beaucoup surtout si beaucoup de salariés. Ils vont primer les créanciers antérieurs y compris les créanciers titulaires de sûretés (hypothèques) : cela montre bien que l’efficacité des sûretés réelles est remise en cause.

Précision : en matière de liquidation (solution apportée par réforme de 1994), on aura la même problématique des créances postérieures et même de manière beaucoup plus généralisée car avant loi de 2005 la liquidation postulait la fin de l’activité ; or dans la nouvelle liquidation choses plus identiques car elle ne postule pas nécessairement l’arrêt de l’activité. Ainsi en matière de liquidation les créanciers postérieurs sont primés par les même 6 hyp mais ici les créanciers hypothécaires résistent et donc ils ont intérêt à pousser à la liquidation.

Cependant si tout se termine bien, on va pas vendre les actifs (sauf si liquidation) et donc c’est un classement qui va rester virtuel dans la mesure où si les choses se déroulent bien (et que pas liquidation) tout le monde sera payé en fonction du % retenu par le jugement ; en fait le classement ne sera effectif que si le plan échoue. –> Quand issu de la procédure est un plan d’apurement l’exécution de celui-ci exclue les conflits, tout le monde doit être payé comme le prévoit le jugement et si conflit le plan a échoué et on passe en liquidation.

(Si créancier pas payé à l’échéance, c’est déjà que défaillant et donc peu de chance que plan et on basculera certainement en liquidation)

– Hiérarchie entre les créanciers postérieurs.

  • 1er rang Le paiement des salaires dont montant pas avancé par l’AGS. Ils sont seulement primés par les exceptions vues avant
  • 2e rang Les frais de justice
  • 3e rang : les prêts consentis par les établissements de crédit après l’ouverture de la procédure.
  • 4e rang : l’AGS qui a avancé les salaires
  • 5e rang : les autres créances selon leur rang (tout les fournisseurs)

La loi de 2005 a envisagé l’hypothèse où créance pas payée à son échéance puis n’était pas payée dans un certain délai après cette échéance (créancier postérieur pas payé dans un délai raisonnable). Qu’est ce qui se passait avant ? Ce créancier conservait son rang et pouvait le mettre en œuvre 1 an, 2 an, 3 ans … au moment où on vend l’immeuble. Avant il pouvait faire valoir sn droit très tard (immeuble hypothéqué) car bénéficiait du privilège de l’article 40.

Nouveau L 622 – 17 « les créances impayées perdent le privilège que cf le présent art si elles n’ont pas été porté à la connaissance du mandataire judiciaire ou l’org le remplaçant dans le délai d’un an a compter de la fin de la période d’observation ». On va donc obliger les créanciers postérieurs impayés à déclarer leur créance alors que normalement que les créanciers antérieurs. Ils ont un an à compter de la fin de la période d’observation. Or à la fin de celle-ci, il y a un jugement et soit apurement soit LJ. On risque d’avoir beaucoup de problèmes en pratique. Ainsi un créancier postérieurs, quand procédure converti en liquidation a un an pour déclarer sa créance sinon il perd son rang.

  • Les créances autres que celles visées à l’alinéa 1 de L 622 – 17 = pas nées pour la poursuite de l’activité

Ex : hypothèse de la concurrence déloyale.

Avant 2005 ces créances relevaient du régime général et la loi de 2005 les fait rentrer dans le sort commun des créances et donc plus de priorité de paiement.

L 622 – 24 avant dernier alinéa.

Ces créances doivent faire l’objet d’une déclaration et obéissent au même régime que les créances antérieures.

En outre elles doivent être déclarées, et le problème c’est qu’elles peuvent naître bien après le délai de déclaration qui courre lors de l’ouverture de la procédure collective et fallait donc prévoir de nouvelles modalités. –> d’où le fait que dans les textes une disposition, en particulier pour les créances de nature délictuelle, le délai de déclaration est de 2 mois après le jugement définitif sur le montant.