La souveraineté et l’immunité des États

Souveraineté et immunité des États

En droit international public, un État est une entité politique souveraine qui est reconnue comme telle par la communauté internationale et qui a un territoire, une population et un gouvernement. Un État est considéré comme une personne morale distincte, capable de conclure des traités internationaux, de faire des déclarations diplomatiques, et de participer à des organisations internationales.

La souveraineté des États est un principe fondamental du droit international qui reconnaît que chaque État a l’autorité suprême sur son territoire, son gouvernement, sa population et ses affaires intérieures. La souveraineté implique que chaque État est libre de prendre ses propres décisions sans ingérence extérieure, et qu’il a le pouvoir de réglementer et de contrôler les activités sur son territoire.

Cependant, la souveraineté des États n’est pas absolue, car elle est limitée par les règles et les normes du droit international public, qui régissent les relations entre les États.

L’immunité des États est un autre principe du droit international public qui reconnaît que les États sont immunisés de la juridiction des tribunaux nationaux étrangers, sauf dans certaines circonstances limitées. Cette immunité est basée sur le principe de la souveraineté des États et vise à éviter toute ingérence dans les affaires intérieures d’un État. Toutefois, cette immunité n’est pas absolue, car elle peut être levée dans certaines circonstances, par exemple lorsque l’État a renoncé à son immunité ou lorsqu’il est accusé de violation des droits de l’homme ou de crime international.

Le Droit International Public encadre les relations entre Etat en posant des règles et des principes pour assurer une coexistence pacifique entre les Etats. Pour cela, chaque Etat a le droit au respect de sa souveraineté et à ce titre chaque Etat possède une immunité

Paragraphe 1 : Respect de la souveraineté de l’Etat.

C’est un principe cardinal du Droit International Public car il le structure entièrement. C’est un attribut essentiel de l’Etat et il en découle que certains principes en sont les corolaires.

A) La souveraineté : un attribut essentiel de l’Etat.

Chaque Etat est doté de la souveraineté et lui seul en est doté. Les individus n’ont pas de souveraineté. C’est un terme récent qui ne signifie pas arbitraire ou absolutisme.

Souveraineté = dire qu’un Etat souverain signifie qu’il n’existe en droit aucune autorité qui lui est supérieure.

Il y a aucun pouvoir légal susceptible de s’exercer sur cet Etat. On définit souvent la souveraineté comme l’indépendance. On retrouve cette affirmation dans une sentence arbitrale de 1928 rendu par Huber dans l’affaire de l’île de Palme. Cette affaire opposait les Pays-Bas et les USA qui revendiquaient que cette île leur appartenait. Le territoire a été reconnu comme appartenant au Pays-Bas. On exprime pour la première fois que « la souveraineté dans les relations entre les Etats signifie indépendance ». Ces deux mots ne sont pas synonymes car l’indépendance est une question de fait alors que la souveraineté est sa traduction en droit.

Il faut distinguer souveraineté et non-soumis au droit. Souveraineté ne signifie pas que l’Etat peut faire tout et n’importe quoi. L’Etat souverain est soumis au droit. Mais il est soumis au droit qu’il a accepté.

La souveraineté doit être distinguée de la puissance. La souveraineté est souvent présentée comme la puissance de l’Etat d’édicter les normes qui s’imposent aux individus mais cela est la phase interne de la souveraineté. Dans l’ordre international, cela ne signifie pas qu’on peut imposer des règles à un sujet car aucun Etat ne peut être soumis à des règles d’un autre Etat. La face externe de la souveraineté de l’Etat peut être résumé par la formule « la souveraineté pas une puissance, une liberté ». Reconnaitre que l’Etat est souverain, c’est reconnaitre qu’il est libre de décider des règles de droit auquel il va être soumis. On peut parler d’autolimitation. Il devra respecter les règles qu’il choisit de se rendre opposable.

Les limites de l’Etat ne se présument pas : arrêt de 1927 par la CPJI dans l’affaire du Lotus.

Il faut aussi distinguer souveraineté et abandon de souveraineté. Quand un Etat décide de se contraindre (en ratifiant un traité par ex) : c’est un exercice de souveraineté.

Cela a été invoqué dans une affaire rendu par la CPJI : affaire vapeur Wimbledon en 1923 : question de navigation en Allemagne après le traité de Versailles qui avait imposé à l’Allemagne d’être neutre. Pendant le conflit entre la Russie et la Pologne, l’Allemagne s’est déclarée neutre alors que le RU voulait envoyer du matériel de guerre à la Pologne en empruntant un canal qui allait en Pologne situé en Allemagne. L’Allemagne a refusé. Elle dit qu’elle n’a pas renoncé au droit de se déclarer neutre en acceptant le traité de Versailles. Dans cette affaire, la Cour a indiqué que la conclusion d’un traité n’est pas un abandon de souveraineté.

Les Etats membres de l’UE n’ont pas abandonnés leur souveraineté du point de vue du Droit International Public car c’est l’exercice d’un choix. Ils ont décidé que l’exercice d’une certaine compétence se ferait autrement.

La souveraineté est inaliénable, indivisible et insaisissable. C’est une liberté.

Affaire de l’île de Palme, droit au maintien de l’indépendance, « pas une puissance, une liberté », pas de présomption de limite à l’indépendance des Etats, les limites sont librement consenties et l’Etat organise l’exercice de ses compétences.

La conséquence de cet attribut est le respect de certains principes.

B) Principes corolaires de la souveraineté de l’Etat.

Il faut organiser les relations entre les souverainetés.

1) Égalité souveraine des Etats.

Il existe une inégalité entre les Etats qui est naturelle (grand territoire : Russie/Monaco). Il y a une inégalité économique. Mais en Droit International Public, il y a un principe qui consacre une égalité juridique entre les Etats destinée à contrebalancer les autres inégalités. Cela est consacré à l’article 2 paragraphe 1 de la charte de l’ONU : l’organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses membres. Cet article vient consacrer le principe d’égalité en droit. Cela signifie qu’aucun Etat ne peut imposer sa volonté à un autre Etat.

2) Le principe de bonne foi.

Puisque chacun est souverain et chacun est lié que par ce qu’il accepte, le principe de bonne foi s’impose. Puisqu’il n’y a pas d’autorité supérieure, le risque est qu’un Etat n’ait pas de garantie extérieure que l’autre Etat assumera ses obligations. Il faut donc bien un principe : article 2 paragraphe 2 de la charte des Nations Unies : « les membres de l’organisation afin d’assurer à tous la jouissance des droits et avantages résultant de leurs qualités de membres doivent remplir de bonne foi les obligations » assumées.

Les Etats doivent faire preuve de bonne foi dans les relations avec les autres Etats.

Arrêt de la CIJ de 1974 : affaire des essais nucléaires : elle oppose l’Australie et la France à propos d’essais nucléaires dans le Pacifique. La CIJ dit que la confiance réciproque est une condition inhérente de la coopération internationale. Si on méconnait le principe de bonne foi, on se soumet à la sanction.

3) Le principe du respect de l’intégrité territoriale de l’Etat.

L’article 2 paragraphe 4 de la charte des Nations Unies : les membres de l’organisation s’abstiennent dans leurs relations internationales de recourir aux menaces ou au recours de la force contre l’intégrité territoriale. On ne peut pas porter atteinte au territoire d’un Etat. Chaque Etat est le seul maitre de son territoire. Il faut l’accord de l’autre Etat pour agir sur son Etat. Cela résulte de la souveraineté puisque chaque Etat décide pour son territoire.

Ce principe entraine des obligations pour les Etats tiers et des obligations pour l’Etat du territoire concerné.

  • a) Les obligations de l’Etat tiers.

Ce principe est souvent confondu avec un autre principe qui est celui de l’inviolabilité du territoire.

Intégrité territoriale signifie que chaque Etat a le droit au respect des contours de son territoire.

Un autre Etat ne peut pas décider d’annexer une partie du territoire.

Inviolabilité du territoire (T) : chaque Etat a le droit de ne pas voir un autre Etat pénétrer sur un autre territoire. On ne peut pas légiférer sur un autre Territoire.

En 1991 : Irak qui a envahi le Koweït : méconnaissance de l’inviolabilité du Territoire.

Cela vaut pour le Territoire terrestre, maritime et aérien.

  1. b) Les obligations de l’Etat concerné.

L’Etat ne doit pas utiliser son Territoire et laisser utiliser son Territoire pour porter atteinte aux droits d’un autre Etat. Cela signifie que chaque Etat doit utiliser les moyens nécessaires pour éviter les actes qui porteraient atteintes aux intérêts d’autres Etats : ne pas laisser utiliser son Territoire pour commettre un acte terroriste dans un autre Etat par ex.

Affaire de l’Alabama : 1872 : cette affaire opposait le RU aux USA. Le conflit porté sur le fait que pendant la guerre civile américaine, certains navires britanniques venaient apportés des armes aux séparatistes. L’arbitre a condamné le RU car il avait laissé sur son Territoire construire un navire et appareillé des navires manifestement destinés aux séparatistes.

L’Etat ne peut pas agir sur son propre Territoire d’une façon que cela cause des dommages à autre Etat. Ex : fleuve qui traverse plusieurs Etats : sur notre Territoire on ne peut pas mettre en place des barrages qui coupent le débit d’eau pour les autres Etats.

4) Le principe de non-intervention dans les affaires intérieures d’un Etat.

C’est l’obligation pour chaque Etat de ne pas intervenir dans les affaires intérieures d’un autre Etat. Article 2 paragraphe 4 : les membres de l’organisation s’abstiennent de recourir à la menace ou à la force contre l’indépendance politique de tout Etat.

Résolution de 1970 : aucun Etat a le droit d’intervenir dans les affaires intérieures d’un Etat, cela interdit l’intervention armée mais aussi toute autre forme d’ingérence dirigée contre la personnalité d’un Etat ou contre ses éléments politiques, économiques et culturels.

Ce principe est souvent mis à mal.

Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci : Nicaragua contre USA : arrêt du 27 juin 1986 : il y a eu une chute du gouvernement en 1979. L’opposition armée va mettre en place un gouvernement provisoire. Certains opposants à ce nouveau gouvernement vont mettre en place des forces militaires irrégulières : les contras. Ces groupes vont déclencher une campagne armée pour essayer de faire chuter ce nouveau gouvernement. Au début, le gouvernement américain était plutôt favorable à ce nouveau gouvernement provisoire. Mais à partir de 1981 avec l’arrivée de Reagan au pouvoir, les USA vont changer d’attitude. Ils vont soutenir les contras. Au début cela se fait par l’envoi de forces spéciales, d’armes de façon discrète. Le soutien aux contras va être assumée par les USA avec une ligne budgétaire pour leur accompagnement. Cette affaire arrive devant la CIJ qui condamne les USA car ils ont violé le Droit International Public. Elle décide que les USA « en entrainant, armant, équipant, finançant et approvisionnant les forces contras ont violé l’obligation que leur impose le droit international de ne pas intervenir dans les affaires d’un autre Etat ». C’est la première fois que les USA ont été condamnés. La Cour, à cette occasion, a évoqué de nombreux principes du Droit International Public.

Cette question de souveraineté concerne bien la compétence de l’Etat.

Paragraphe 2 : Le régime des immunités des Etats.

C’est un régime qui existe et qui est indispensable pour organiser les relations entre les Etats. L’idée c’est qu’il faut bien que l’attribut de souveraineté de chaque Etat soit respecté dans chaque Etat. Ce régime est prévu pour cela.

L’immunité des Etats est un principe coutumier qui s’impose à tous les Etats. Il existe malgré tout quelques conventions qui ne sont pas en vigueur. L’idée est de protéger la souveraineté d’un Etat quand il agit sur le territoire d’un autre Etat. Cela permet d’éviter qu’il y ait une soumission d’un Etat à un autre Etat. Si pas d’immunité : Etat soumis au droit de cet autre Etat et il pourrait être jugé par l’autre Etat.

A) L’immunité de juridiction.

Un Etat ne peut pas être attrait devant la juridiction interne d’un autre Etat sans son consentement. Ce principe a été atténué avec la jurisprudence interne qui a restreint cette immunité. Depuis le 20ème siècle, les Etats ont beaucoup développé leurs activités économiques et ils se comportent parfois comme des agents économiques. En fonction de l’activité en jeu, on déterminera si l’Etat bénéficie de l’immunité ou non. L’immunité de juridiction n’est applicable qu’aux actes de puissance publique. En revanche, s’il s’agit d’un acte de gestion commerciale, il n’y a pas d’immunité de juridiction.

Arrêt de la Cour de cassation :

20 juin 2003 : affaire de l’école saoudienne de Paris. C’est une école rattachée à l’ambassade de l’Arabie Saoudite. L’une des enseignantes est égyptienne et se plaint du fait que l’ambassade d’Arabie Saoudite refusé de lui payer diverses prestations sociales. La Cour de cassation a décidé qu’il ne s’agissait que d’un acte de gestion, donc l’Etat pouvait être jugé par la Cour de cassation.

B) L’immunité d’exécution de l’Etat.

On se place ici après une décision juridictionnelle. Deux hypothèses :

  • Malgré l’immunité, le juge a décidé de juger l’Etat.
  • Un Etat (A) a été condamné par une juridiction d’un autre Etat (B) et les victimes demandent l’exécution de la solution dans un troisième Etat (C).

Le principe est qu’un Etat étranger ne peut pas subir une contrainte ou une mesure d’exécution d’une décision d’un autre Etat sur ses Biens. C’est une pratique qui peut être fréquente de vouloir l’exécution de la décision. Il y a eu une évolution de la jurisprudence et on regarde l’affection du Bien en question pour savoir si on peut demander une exécution forcée. Si c’est un Bien affecté à l’exercice de la souveraineté –> on n’y touche pas ; si c’est un Bien affectée à une activité commerciale -> on peut forcer l’exécution.

Arrêt de la Cour de cassation : affaire Eurodif : fonds iraniens qui sont dans des banques françaises et qui été affecté au développement de leur programme nucléaire. Ces fonds ont été saisis dans le cadre de l’exécution d’une décision. Exécution forcée ou non ? La Cour de cassation a considéré que oui car il s’agissait de fond destiné pour une activité privée.

Affaire actuelle : il y a un conflit qui oppose la France et la Guinée équatoriale. Le président de la Guinée équatoriale a un fils qui vient en France et qui a acheté un hôtel particulier à Paris. Il se trouve qu’il y a eu diverses affaires contre le fils pour détournement de fonds. Il y a un problème qui est que la Guinée prétend que cet immeuble est l’ambassade de Guinée à Paris -> immunité mais certains agents de la police française sont allés perquisitionnés et ont fait des saisies. L’autre partie du problème est que le fils a changé de fonction (agricole -> vice-président de la Guinée). = L’affaire des Biens mal acquis (africains qui achètent des Biens en France).

Il faut faire la différence entre ces deux immunités :

  • Immunité de juridiction : idée de soustraire un Etat étranger de la compétence d’un juge interne.
  • Immunité d’exécution : soustraire l’Etat étranger de toutes contraintes (administratives ou judiciaires) résultant d’un jugement sur ses B. Elle est plus large que l’immunité de juridiction.