Les actes interdits durant la période d’observation

La réglementation de certains actes en période d’observation

Le jugement qui prononce l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire ouvre une période d’observation de 6 mois maximum, renouvelable sans pouvoir dépasser 18 mois.

La période d’observation est destinée à analyser la situation de l’entreprise et à préparer une solution de redressement. Quels sont les actes que peut accomplir l’entreprise pendant cette période ?

* D’abord certains actes sont interdits (L 622 – 7) : l’interdiction de payer les dettes antérieures, aujourd’hui la limitation au droit de payer les dettes postérieures.

* Par ailleurs un régime particulier qui s’applique à certains actes précis tel par exemples les baux.

  • 1 : Les actes interdits

Lorsqu’un jugement ouvre une procédure collective, qu’elle soit de sauvegarde ou de redressement, l 622 – 7 prévoit l’interdiction de plein droit de payer toute créance née antérieurement : règle qui s’applique au débiteur.

Traditionnellement on faisait une distinction et on opposait les créances antérieures aux postérieures. Pour les antérieures, paiement interdit mais pour les postérieures, payement à l’échéance. En effet le co contractant n’acceptera de traiter qu’a la condition d’être payé.

La réforme de 2005 a un peu changé les choses car cette réforme limite le droit au paiement des créanciers postérieurs car elle interdit de payer toute créance postérieure au jugement et non mentionnée dans L 622 – 17 I. Une créance de dommage et intérêt n’est plus une créance pouvant générer un paiement immédiat.

  • a) l’interdiction de payer les dettes antérieures

C’est la règle d’or des procédures collectives : le but que l’on poursuit dans le cadre des procédures collectives. Le paiement des créanciers se fait dans le cadre d’une approche globale. Ainsi les créanciers relevant d’une même catégorie sont traités d’une manière égale.

Ce principe assure en même temps une sorte de répit, elles permettent à l’entreprise à n’avoir à faire face qu’aux nouvelles dettes ; les dettes antérieures, on les met entre parenthèses. Cela veut dire que lorsqu’on demande l’ouverture d’une procédure collective, de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, on prend toujours en pratique soin de conserver un volant de trésorerie suffisant pour fonctionner. Ainsi on ne paye pas certaines dettes comme la dernière échéance de TVA, la part patronale des cotisations sociales, du dernier moi de salaire. Tout cela va donc être des créances antérieures, gelé et ça permet à l’entreprise d’avoir de quoi faire face à ses obligations dès l’ouverture de la procédure collective. De la même manière, faut payer le loyer. Faut donc de la trésorerie.

Pas pareil en matière de sauvegarde car entreprise pas en cessation de paiement, donc elle doit pouvoir faire face.

C’est un principe qui comme toujours en droit connaît en jurisprudence et maintenant dans les textes une exception : L 622 – 7 : le paiement de créances connexes

L’interdiction de payer les dettes antérieures au jugement :

Une question se pose de savoir ce qu’est une dette antérieure au jugement d’ouverture : la date de naissance d’une créance.

(Volonté dans la loi de favoriser les créanciers postérieurs, le cas échéant en lésant les créanciers privilégiés antérieurs.)

La jurisprudence de la Cour de cassation dit que la date de naissance d’une créance ce n’est pas le moment où la créance devient exigible, mais date du fait générateur de la créance.

1er exemple : les cotisations sociales. Voila une entreprise qui a des salariés, elle doit donc payer des charges le 15 avril ; et cette entreprise fait l’objet d’une procédure collective le 15 mars et donc paye plus les dernières cotisations sociales. L’URSSAF vient donc réclamer le privilège de l’article 40 car l’entreprise devait payer les cotisations après. Ainsi la Cour de cassation dans un arrêt, répond que le 15 avril (procédure collectiveec ouverte le 15 mars) n’est pas la date de naissance, mais la date du fait générateur. Ainsi pour savoir si antérieur ou postérieur faut prendre en compte les périodes de travail à l’origine des charges : janvier travaillé et donc fait générateur de la charge, février aussi et également la partie de mars : on fait ensuite un partage et il y aura donc des créances postérieures et antérieures selon que les charges se rapportent à une période travaillée antérieure ou postérieure. De même, pour la TVA, la Cour de cassation ne prend pas en compte la date d’exigibilité. Ce qui est pris en considération c’est le fait générateur.

Selon que créance antérieure ou postérieure, le débiteur devra la payer ou aura interdiction de la payer. De même si créance antérieure, il devra déclarer sa créance à la procédure. (ce qui peut être un piège sur la créance est échu postérieurement à l’ouverture de la procédure).

S’est posé en jurisprudence une question assez délicate qui est celle des créances dites environnementales : la Cour de cassation a pris position sur cette question le 17 décembre 2002 (JCP entreprise 2003 p230). La solution retenue par Cour de cassation pas nécessairement satisfaisante : L’entreprise exerce une activité industrielle et elle fait l’objet d’une procédure de redressement et liquidation judiciaire et en matière de l’environnement il appartient à l’exploitant de remettre le site en l’Etat et donc le préfet enjoint le débiteur qui fait l’objet d’une procédure collectiveec de remettre le site en état. Pas de réponse de l’administrateur et le préfet ordonne donc la consignation entre les mains de l’exploitant d’une somme égale au coût des travaux. Les créanciers hurlent donc car c’est au détriment des créanciers. L’administrateur conteste donc. La recommandation de l’administrateur c’est de dire que le préfet est dépourvu de qualité pour agir car sa créance de dévolution de l’Etat est antérieure à l’ouverture de la procédure collective et n’a pas été déclarée (ce qui a l’époque entraînait au bout d’un certain délai la perte de la créance, mais la loi de 2005 a changé cela) et donc l’administrateur dit qu’il n’y avait plus de créance –> saisie des tribunaux et la chambre commerciale a du dire si cette créance était antérieure ou postérieure. La cour de cassation dit que la date de naissance de la créance de dépollution n’est pas l’acte de pollution ni la cessation d’activité mais la date d’arrêter préfectoral et comme celui-ci pris postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, c’était une créance postérieure. La date de naissance de la créance est au bon vouloir du préfet.

  • b) La jurisprudence actuelle des textes apporte 2 exceptions

La première est celle visée à 622 – 7 et la deuxième oblige a payer dans des cas particulier des dettes antérieures lorsque le créancier exerce un droit de rétention sur un bien. Mais en droit des sûretés, la meilleur protection c’est le droit de rétention.

  1. L’exception de compensation

Le mécanisme de la compensation est régi par le c.civ dans les articles 1289 et suivant : lorsque deux personnes se trouvent débitrices l’une de l’autre, il s’opère entre elles une compensation qui éteint une dette. Ainsi que la compensation jouent, il faut identité de personne, deux personnes créancières l’une envers l’autre réciproquement et la compensation est un mode d’extinction de la créance.

3 sortes de compensations : de plein droit, judiciaire et conventionnelle, mais seule Celle de plein droit nous intéresse : 1290 : s’opère de plein droit à la seule force de la loi, même à l’insu du débiteur ; les deux dettes s’éteignent réciproquement à l’instant où elle se trouvent exister à la fois, jusqu’à concurrence de leur quantité respective.

3e texte : 1291 : la compensation n’a lieu qu’entre deux dettes qui ont comme objet une somme d’argent ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles. En pratique, la compensation légale ne s’effectue qu’au moment où les créances sont exigibles. Si entreprise qui fait l’objet d’une procédure collectiveective et un partenaire : ce dernier est débiteur de l’entreprise qui fait l’objet de la procédure collective, mais voila que survient un jugement d’ouverture : le créancier devra déclarer sa créance antérieure. L’entreprise elle qui est créancière peut demander paiement. Ainsi problème pour le partenaire car il ne va pas pouvoir récupérer sa créance et devoir payer sa dette ; mais si les deux créances étaient exigibles avant l’ouverture de la procédure collective, même si les parties ne s’en sont pas rendu compte, la compensation légale a joué et les 2 créances se sont éteintes à hauteur de la plus faible d’entre elles. Pour que joue la compensation légale, faut que les 2 créances soient liquides avant l’ouverture de la procédure collective.

On a deux créances qui risquent de subir cependant un traitement discriminatoire si pas exigible au moment de l’ouverture –> celui qui n’avait pas sa créance exigible avant l’ouverture et donc ne pourra pas obtenir paiement alors que l’entreprise qui fait l’objet de la procédure de pouvoir l’exiger.

Ainsi la connexité va permettre dans certaines circonstances de surmonter ce jugement d’ouverture et permettre une compensation entre une créance exigible avant l’ouverture et une autre qui n’était pas exigible. D’où cette exception légale à l’exception du paiement par compensation de créance connexe.

Mais faut encore savoir ce qu’est cette connexité : elle n’est définie nulle part dans les textes mais référence expresse dans le code de commerce. Quand y a il connexité ?

*Connexité quand créance née d’un même contrat –> le loyer commercial du par le preneur et d’autre part le prix des travaux que doit supporter le bailleur et que le preneur a effectué.

*Connexité est admise en présence d’une pluralité de contrat dans le cadre d’un groupe de contrat. Elle est d’abord admise en cas de pluralité de contrats dans un contrat cadre. Ainsi toutes les créances et toutes les obligations nées de ce contrat cadre sont connexes entre elles.

*Dans les groupes de contrat qui forment une même opération économique, qui forment ce qu’on appel un ensemble contractuel unique : ce sont des créances connexes.

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Cette compensation joue de plein droit sans qu’il y ait besoin de l’intervention de la volonté de l’une quelconque des parties. Pour qu’elle puisse jouer, il faut que les créances soient certaines liquides et exigibles avant l’ouverture de la procédure.

Si on invoque le jeu de la connexité, cela signifie que les deux dettes ne sont pas liquides, exigibles et certaines avant l’ouverture de la procédure.

Il y a connexité lorsque des créances sont issues d’un même contrat, lorsque les créances naissent de contrats différents régis par un contrat cadre, lorsqu’il y a un ensemble contractuel unique sevrant de matrice.

Ex : Com 19 mars 1991 JCP E, 91, p.174 Il s’agissait d’une coopérative agricole et un éleveur : l’éleveur avait acheté des aliments à la coopérative sans les avoir payer. Le même éleveur a vendu les animaux à la coopérative après l’ouverture de la procédure collective. Cette créance est donc postérieure à l’ouverture de la procédure collective.

« Les deux conventions étaient liées entre elles, la compensation devait s’opérer entre ces deux sommes dans la mesure où les deux créances issues de contrats différents faisaient parties d’un ensemble économique unique. »

Ex : Com 9 mai 1995 : société A vend des poussins à une société B à charge de les engraisser et de les revendre à A.

Il y a deux ventes. La société qui achète les poussins ne les paye pas et fait l’objet d’une procédure collective et les poussins sont revendus après l’ouverture de la procédure collective.

Le prix de revente est une créance postérieure qui est donc payable à son échéance. Dans ces circonstances, le tribunal de commerce et la CA avaient considéré qu’il s’agissait de deux créances distinctes.

Cassation de l’arrêt, la cour de cassation a rendu un arrêt selon lequel : « Attendu qu’à défaut d’obligations réciproques dérivant d’un même contrat, le lien de connexité peut exister entre des créances et dettes nées de ventes et achats conclus en exécution d’une convention ayant défini, entre les parties, le cadre du développement de leurs relations d’affaires, ou de plusieurs conventions constituant les éléments d’un ensemble contractuel unique servant de cadre général à ces relations.

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que les deux contrats d’approvisionnement du 1er janvier 1991, dont les achats et ventes réciproques des mêmes animaux effectués par la société Lapidor étaient l’exécution, étaient liés entre eux et constituaient les deux volets d’un ensemble contractuel unique servant de cadre général aux relations d’affaires des parties, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations »

Il peut y avoir connexité en présence de contrats distincts lorsqu’ils sont nés d’une convention cadre ou lorsqu’ils forment un ensemble contractuel unique. Pour la cour de cassation il peut y avoir connexité chaque fois que les créances réciproques sont issues d’un ensemble contractuel unique.

Il faut que les deux créances réciproques soient issues d’un ensemble contractuel unique, et lorsqu’il n’y a pas de lien entre les créances, il n’y a pas connexité.

Ex : CA Paris 30 septembre 1991 : pas de connexité entre une créance de compte courant et une dette de libération de capital.

Il n’y a pas de convention cadre, ce sont deux obligations réciproques mais non connexes, l’associé a dû libérer son apport et pour le compte courant, il a pu déclarer sa créance.

Ex : Com 14 mai 1996 D96 p.502. : pas de connexité entre une créance de nature contractuelle et une créance délictuelle.

Une société D fait l’objet d’une procédure collective et après l’ouverture elle assigne une société Rolex en paiement de travaux. Celle-ci invoque une compensation et indique qu’avant l’ouverture de la procédure collective, le gérant de la société D a été condamné pénalement et à payer des dommages et intérêts à la société Rolex. Il avait tiré de fausses lettres de change.

La société D est créancière de la société Rolex qui est créancière du gérant de la société D. Il n’y a donc pas d’unité de partie. Il n’y a pas d’unité économique

Ex : la cour de cassation a toujours refusé la compensation entre une créance dans le cadre d’une procédure collective et une condamnation du créancier dans le cadre de la procédure collective. On peut rechercher la responsabilité de la banque pour soutien abusif. S’il n’y avait pas eu de soutien de la banque, l’entreprise aurait dû déposer le bilan. Donc le banquier a une créance envers la société et est ensuite condamné pour soutien abusif.

On a une créance contractuelle et une dette délictuelle. Il ne peut pas y avoir de connexité entre ces deux créances, quand bien même seraient elles réciproques.

b. l’article L622-7 L622-7 alinéa 3 : le juge commissaire peut autoriser le débiteur de payer des dettes antérieures.

« Le juge-commissaire peut aussi les autoriser à payer des créances antérieures au jugement, pour retirer le gage ou une chose légitimement retenue, lorsque ce retrait est justifié par la poursuite de l’activité. »

Tout ce qui emporte droit de rétention va être efficace.

Quand on a un droit de rétention, même sans gage, on est très fort dans le droit des procédures collectives. Le droit de rétention est un pouvoir sur la chose. Il peut y avoir rétention sans dépossession du propriétaire.

Le droit des procédures collectives bouleverse le droit des sûretés.

  1. c) les créances postérieures

L622-7 alinéa 1er : « Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d’ouverture, non mentionnée au I de l’article L. 622-17, à l’exception des créances liées aux besoins de la vie courante du débiteur personne physique et des créances alimentaires »

L622-17 : « I. – Les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur, pour son activité professionnelle, pendant cette période, sont payées à leur échéance. » A contrario, les créances qui ne relèvent pas de cette catégorie ne sont plus payées à leur échéance, mais suivent le même régime que le régime des créances antérieures et devront même être déclarées.

Ex de créance postérieure qui ne sera pas payée à l’échéance : les créances délictuelles : concurrence déloyale qui est une responsabilité civile.

Ces créances postérieures relèvent du principe de l’interdiction de paiement. Elles ne peuvent plus être payées et doivent être déclarées.

En matière délictuelle le délai est de deux mois à compter du jugement définitif qui statue sur les dommages et intérêts. Cette déclaration peut donc être lointaine dans le temps.

  • 2 : Les actes réglementés

S’agissant de ces actes visés par L 622 – 7, ils supposent une ordonnance du juge commissaire

Pour les actes accomplis en période d’observation (L 622 – 8 ) : hypothèse de la vente d’un bien grevé d’un privilège spécial, nantissement ou hypothèque (d’une sûreté).

L 622 – 8 donne la conduite à tenir : ce bien est vendu, dans la décision du juge commissaire qui autorise la vente on fixe la quote part du prix affecté de la sûreté. Mais le créancier titulaire de la sûreté ne sera en principe pas payé au moment de la vente, on conservera la somme qui correspond au montant de la créance et cette somme sera placée à la caisse des dépôts et consignations. (Cette dernière est un organisme bancaire, bien qu’à capitaux publics.

Tout ce qui est placé à la caisse des dépôts est insaisissable par les créanciers postérieurs).

Le paiement des créanciers privilégiés ne se fera qu’au terme de la période d’observation s’il y a un plan de continuation et s’il y a une liquidation, par défaut, le paiement se fera dans le cadre d’une opération de liquidation. Et si on attend pour payer le créancier c’est que le droit des créanciers sera déterminé selon le droit applicable (classement des créanciers).