Les circulaires et les directives

Circulaires et directives : Les sources administratives de la légalité non réglementaire.
  • Les circulaires sont également dénommés notes de service ou instructions. Ce sont des actes, qui ont une portée générale, adressés par un supérieur hiérarchique aux subordonnés placés sous son autorité à l’effet de leur indiquer la façon dont ils doivent interpréter et appliquer les dispositions des lois et des règlements. En effet, il faut simplement signaler que l’interprétation ou l’application d’une circulaire n’empêche pas à une loi d’entrer en vigueur. Une distinction s’impose, par ailleurs, entre les différents types de circulaires.
  • Les directives : Une directive est un acte de portée générale par lequel une autorité disposant d’un pouvoir d’appréciation, en général dans son domaine où elle reçoit des demandes de décisions, se fixe ou indique à ses subordonnés une ligne de conduite dans l’exercice de ce pouvoir. La directive a comme objet de fixer des orientations générales en vue de l’exercice d’un pouvoir de décision qui a été attribué à l’administration avec une certaine marge d’appréciation. Quant à son but, c’est guider et rendre transparent le travail de l’administration et son service. La directive ne doit pas se détourner du but visé par la règlementation qu’elle aide à faire appliquer et ne doit, en aucun cas, contenir de dispositions impératives ; c’est d’ailleurs une des conditions de sa légalité.

 

A.Les circulaires
  • I – Définition de la circulaire

Elles ne sont pas au sens strict du terme des sources de légalité. Elles constituent des lois de service. Ce sont les instructions que les chefs de service (préfets, maires, ministres…) adressent à leurs subordonnés c’est-à-dire aux agents du service pour porter à leur connaissance, commenter, interpréter des textes législatifs réglementaires et même la jurisprudence et pour leur recommander ou leur imposer l’attitude à adopter dans la mise en œuvre de ces textes.

Les circulaires permettent une interprétation uniforme et donc une application uniforme des lois et règlements que les fonctionnaires, les agents publics sont chargés d’appliquer.

Les circulaires jouent un rôle essentiel dans la vie administrative et en particulier au sein de l’administration de l’état.

Les lois et règlements ne sont appliqués que lorsque le chef d’un service a pris une circulaire qui en définit le sens et la portée. L’édiction d’une circulaire est dans la quasi-totalité des cas la condition d’application de la loi ou du décret. Les agents ne connaissent dans les faits que la circulaire. Ce sont les circulaires qui constituent, définissent la règle telle qu’elle doit être appliquée.

Les circulaires ne concernent pas seulement les services de l’état.

Les circulaires sont considérées comme l’expression du pouvoir hiérarchique. Les circulaires sont des ordres qui s’imposent aux agents. Les agents, les fonctionnaires, ne peuvent pas contester devant le juge les circulaires que ce soit par voie d’action ou par voie d’exception sauf si les dispositions de la circulaire portent atteinte à leurs droits ou à leur statut.

  • II – La problématique des circulaires

A l’égard des administrés, les choses sont très complexes. En effet les circulaires sont considérées comme des mesures d’ordre interne à l’administration et n’ayant en principe aucune incidence sur la situation des administrés auxquels elles ne sont pas destinées. Elles étaient donc considérées sur le plan contentieux comme inapplicables aux administrés et inversement inopposables à l’administration et ne pouvant faire l’objet d’une contestation devant le juge par voie d’action ou par voie d’exception.

Dans la pratique les circulaires constituent de véritables règlements.

Les ministres vont user de leur pouvoir hiérarchique et les services vont insérer dans les circulaires des dispositions à caractère réglementaire. Ces dispositions allant bien au-delà d’un simple rappel d’un commentaire ou d’une interprétation de la législation. Les agents étant tenu de les appliquer il y a ainsi une modification de la réglementation. De nombreuses circulaires constituent de véritables règlements et c’est cette pratique qui a été prise en compte par le conseil d’état. Dans un arrêt du 24 novembre 1954, l’arrêt institution Notre Dame du Kreisker, le conseil d’état a opéré une distinction fondamentale entre les circulaires réglementaires et les circulaires interprétatives.

Les circulaires interprétatives sont les vraies circulaires, celles qui ne font que rappeler, commenter la réglementation existante. Juridiquement, elles sont inopposables aux administrés et inversement inopposables à l’administration et ne peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ni être invoqué à l’appui d’un recours d’une décision individuelle prise sur son fondement.

Les circulaires réglementaires sont celles qui modifient la réglementation existence en ajoutant ou en retranchant à cette réglementation. Juridiquement, elles sont assimilées à de véritables règlements. Elles peuvent être contestées devant le juge administratif. On peut en demander l’annulation et contester la façon dont elle est appliquée ou le fait qu’elle ne soit pas appliquée.

Le juge administratif a été confronté à deux difficultés :

  • → Le juge administratif est confronté à un dilemme : soit préserver l’unité du pouvoir réglementaire soit protéger les droits des administrés. La préservation de l’unité du pouvoir réglementaire impliquait que le juge ne reconnaisse que très difficilement le caractère réglementaire d’une circulaire. (15 000 circulaires par an au niveau ministériel).

La protection des droits des administrés impliquait que le juge reconnaisse le plus souvent le caractère réglementaire de la circulaire de façon à permettre aux administrés de contester la circulaire, son application ou sa non application. Le conseil d’état a choisi de privilégier l’unité du pouvoir réglementaire. Il ne peut reconnaitre aux circulaires un caractère réglementaire que lorsque les circonstances de l’affaire lui permettaient d’annuler la circulaire pour incompétence de son auteur. Le conseil d’état apparemment refusait de reconnaitre aux ministres le pouvoir réglementaire général mais cette situation était très peu satisfaisante pour les administrés. En effet, la plupart des circulaires se voyaient reconnaitre un caractère interprétatif même si elles constituaient de véritables règlements et qu’elles étaient appliquées aux administrés sans que ceux-ci puissent la contester devant le juge. On assistait au développement d’une législation souterraine échappant à tous contrôle juridictionnel et à un recul du droit vers le précaire et le confidentiel. Les ministres ou chefs de services élaboraient la règle de droit et l’administration était totalement libre de l’appliquer ou non.

  • → Il est rare qu’une circulaire soit totalement réglementaire ou interprétative. La plupart ne le sont que dans certaines de leurs dispositions. On parle de circulaires mixtes. Juridiquement on est dans une situation absurde. L’action contre les dispositions interprétatives était jugée irrecevable. Pour remédier à cette situation, deux solutions ont été avancées :
  • Une solution réglementaire : décret du 28 novembre 1983 qui fixe la règle selon laquelle les circulaires qui ne sont pas contraires aux lois et aux règlements sont opposables à l’administration. Ce décret n’a jamais été appliqué car inapplicable. En effet comment peut-on confier aux ministres par un simple décret le pouvoir réglementaire ? Si elles sont opposables c’est qu’elles ont un caractère réglementaire. Le conseil d’état a rappelé que les circulaires étaient inopposables.
  • Une solution jurisprudentielle : en 1970, le conseil d’état a dégagé la notion de directives. Ce sont des circulaires qui par exception sont opposables à l’administration et aux administrés. Cette jurisprudence a une portée très limitée et n’a pratiquement aucune incidence.

 

  • III.La jurisprudence Duvignères, CE 18 décembre 2002

Depuis décembre 2002, le conseil d‘état oppose les circulaires impératives et non impératives ou indicatives. Les circulaires impératives sont celles qui dictent aux agents la conduite à tenir. Elles font peser sur eux une obligation d’agir dans un sens déterminé.

Les circulaires non impératives ou indicatives ne font que formuler des conseils, des recommandations d’agir dans tel ou tel sens. Elles laissent aux agents fonctionnaires une marge de manœuvre, une marge d’appréciation.

Cette décision a été bien accueillie par la doctrine. Elle met une fin à une incohérence sur le plan procédural. En effet la jurisprudence notre dame de Kreisker aboutissait à ce que le juge se prononce dans un premier temps sur la légalité de la décision et si la décision était illégale il considérait qu’elle était recevable et annulait la circulaire.

L’opposition entre ces deux types de circulaires parait très simple et correspond à une pratique. C’est la reconnaissance d’une certaine marge d’appréciation aux agents. Cela permet d’adapter la décisions à une situation XXXXXX

Cette nouvelle jurisprudence soulevait autant de difficultés que la précédente :

→ Comment distinguer circulaire impérative et circulaire non impérative ?

→ La distinction se substitue-t-elle à la distinction entre circulaires réglementaires et interprétatives ? NON, elle se superpose. Les circulaires impératives recouvrent deux choses : les circulaires réglementaires (le propre d’un règlement est d’être impératif), les circulaires impératives réglementaires sont des règlements. Les circulaires impératives et interprétatives ne font que rappeler la réglementation existante.

Les circulaires indicatives sont par définition des circulaires interprétatives

→ Le statut juridique : les circulaires impératives peuvent faire l’objet d’un recours, les circulaires impératives ne peuvent faire l’objet d’un tel recours. En réalité c’est plus complexe.

En ce qui concerne les circulaires impératives, elles recouvrent les circulaires règlementaires et circulaires impératives.

Les circulaires règlementaires sont toujours assimilées à des règlements et elles sont toujours soumises au même régime juridique que les règlements.

On peut former contre elles un recours pour excès de pouvoir et en demander l’annulation.

On peut aussi contester la circulaire par la voie de l’exception.

Les circulaires règlementaires sont opposables aux administrés et à l’administration, cela veut dire que l’administration peut se fonder sur le texte de la circulaire.

Le plus souvent, comme c’était le cas avant 2002, le juge annule la circulaire pour incompétence de son auteur. Mais ce ne sera pas systématique.

En ce qui concerne les circulaires impératives et interprétatives, c’est à leur propos que les difficultés sont les plus nombreuses.

Innovation : ces circulaires peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, elles peuvent donc être annulées par le juge administratif. Le juge exerce un contrôle de leur légalité. Sur quoi va déboucher ce contrôle ?

Ce contrôle va débouche différemment en fonction du contenu des circulaires.

Tout d’abord la circulaire peut rappeler exactement l’état du droit existant. Et donc le ministre va rappeler l’état du droit et prescrire au destinataire un certain comportement, a ce que les autorités veillent à l’application de cette règlementation.

La circulaire se verra dans ce cas là validée par le juge.

La circulaire peut ensuite donner une interprétation erronée de la loi ou du règlement. La circulaire méconnait le sens et la portée des dispositions législatives et règlementaires qu’elle entend expliciter. Dans ce cas le juge annulera la circulaire pour illégalité.

Par exemple, le Conseil d’État vient de rendre un arrêt et le ministre donne une interprétation de la règle qui n’est pas la bonne. Dans ce cas, le juge annulera la circulaire pour illégalité.

La circulaire peut rappeler une règle mais qui est contraire à une norme juridique supérieure, par exemple une circulaire qui rappelle un décret contraire à une directive communautaire. Dans ce cas le juge va censurer la circulaire.

CE, 2 juin 2006, arrêt Chauderlet.

Une circulaire qui rappelle une règle illégale peut être attaquée et annulée.

Et c’est certainement l’apport le plus positif de la jurisprudence Duvigneres.

Mais pour autant, le Conseil d’État a maintenu sa position en ce qui concerne l’opposabilité et l’invocabilité des circulaires interprétatives. Le Conseil d’État considère que ces circulaires sont interprétatives c’est-à-dire qu’elles ne sont pas normatives, qu’elles ne créent pas de règles de droit et par conséquent ne sont pas invocables ni même opposables même si elles sont légales.

Le 10 février 2003 avec un arrêt Daniel D du Conseil d’État.

En ce qui concerne les circulaires indicatives, celles-ci ne peuvent pas faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir et elles sont toujours inopposables aux administrés et à l’administration.

Un décret du 8 décembre 2008 impose au ministre de mettre leur circulaire à la disposition du public sur le site circulaire qui relève du Premier Ministre. Le décret précise que si les circulaires ne sont pas sur le site, elles sont inopposables. Les circulaires qui n’ont pas été inscrites sur le site seront réputées abrogées.

B.Les directives crédit foncier de France

A ne pas confondre avec les directives communautaires.

Les directives sont des circulaires mais qui sont particulières.

Ce sont des circulaires par lesquelles l’administration dans un domaine où elle dispose d’une compétence discrétionnaire se fixe à elle même à l’avance une doctrine, une ligne de conduite destinée à la guider dans les décisions individuelles qu’elle doit prendre.

Qu’est ce que le pouvoir discrétionnaire ?

Le texte donne une compétence à l’autorité mais en ne donnant pas les motifs sur lesquels il se fonde. Le ministre de l’intérieur peut interdire la diffusion des écrits de provenance étrangère. Et le texte n’indique pas les motifs que lesquels le ministre veut se fonder.

Dans un tel cas, l’administration peut se fixer une ligne de conduite.

Cette notion de directive a été dégagée par le Conseil d’État dans un arrêt du 11 décembre 1972, c’est l’arrêt crédit foncier de France.

A la suite du constat de l’échec de 2 jurisprudences on a eu cet arrêt : la jurisprudence Notre Dame de Kreisker et celle qui voulait que l’administration dispose d’une compétence discrétionnaire, elle ne puisse se fixer une ligne de conduite sans commettre une erreur de droit. le Conseil d’État estimait que lorsque l’administration disposait d’une compétence discrétionnaire, elle était tenue de se livrer à un examen individuel de chaque affaire. Cette pratique entrainait que la jurisprudence se prononçait au coup par coup ce qui entrainait des disparités notamment dans le domaine économique.

en 1970, le Conseil d’État a décidé d’opérer un revirement jurisprudentiel et a dégagé la notion de directive en lui conférant ultérieurement un régime juridique propre qui se différencie de celui des règlements et des circulaires interprétatives.

Tout d’abord, la différence avec les règlements :

  • La 1èredifférenceest que quand il y a un règlement, l’administration est liée par le règlement. Elle est tenue d’appliquer le règlement.

Quand il y a une directive, l’administration n’est pas liée par la directive. Elle ne perd pas sa liberté d’appréciation. Elle est toujours tenue de se livrer à un examen individuel de chaque affaire.

Toutefois, si cet examen ne révèle aucune particularité, elle doit appliquer la directive.

Si cet examen révèle la particularité de la situation d’administrés ou si l’intérêt général est en cause, l’administration ne doit pas appliquer la directive.

  • La 2èmedifférenceest que le règlement peut faire l’objet d’un recours en annulation et les directives ne peuvent pas faire l’objet d’un tel recours.

Différence avec les circulaires indicatives :

  • La 1èredifférence est que les directives à la différence des circulaires interprétatives sont opposables aux administrés et à l’administration. Les administrés peuvent se prévaloir de la directive pour contester les décisions individuelles prises sur leur fondement.
  • La 2èmedifférence est que les directives peuvent être contestées par la voie de l’exception et les circulaires indicatives ne peuvent l’être.

La jurisprudence crédit foncier de France a une portée extrêmement limitée car l’administration n’utilise que très rarement la technique des directives.