La consécration des droits de l’homme en France et à l’étranger.
Les droits de l’homme représentent un ensemble hétérogène de droits fondamentaux, universels et inaliénables, garantis à tout individu indépendamment de sa nationalité, de son ethnie ou de sa religion. Leur reconnaissance et leur évolution reflètent les aspirations à l’égalité et à la justice sociale, tout en étant façonnées par des contextes historiques et politiques variés. En France, leur consécration débute avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789, tandis qu’à l’étranger, d’autres textes historiques ont marqué les jalons de leur affirmation.
Première génération de droits de l’homme : droits civils et politiques. Ces droits, les plus anciens, se concentrent sur la protection de la liberté individuelle et l’établissement d’un cadre politique garantissant la participation des citoyens. Ils incluent :
- Le droit à la vie.
- Le droit à la liberté d’expression et de pensée.
- Les garanties contre l’arbitraire, comme la présomption d’innocence ou l’Habeas corpus.
Deuxième génération de droits de l’homme : droits économiques et sociaux. Apparue avec le développement des sociétés industrielles, cette génération insiste sur des droits permettant une vie digne, tels que :
- Le droit à la santé.
- Le droit à l’éducation.
- Le droit de grève et à des conditions de travail justes.
Troisième génération de droits de l’homme : droits liés à l’environnement et à la solidarité. Ces droits, plus récents, concernent les enjeux globaux et collectifs, comme :
- Cours de Droit des libertés publiques et fondamentales
- État de siège, état d’urgence, théorie des circonstances exceptionnelles…
- L’article 16 de la Constitution : Les pleins pouvoirs
- Le régime répressif ou préventif des libertés publiques
- La protection des libertés par le droit administratif
- Le juge, protecteur des libertés publiques
- La Constitution et la loi, gardiennes des libertés
- Le droit à un environnement sain.
- Les droits des générations futures.
- Le droit au développement.
La consécration des droits de l’homme en France et à l’étranger repose sur une évolution intellectuelle et politique complexe. Tandis que la DDHC se distingue par son individualisme et son abstraction, les textes étrangers tels que l’Habeas corpus ou le Bill of Rights apportent des garanties procédurales concrètes. Ensemble, ces documents fondent un socle universel pour les générations futures, bien que leur mise en œuvre ait longtemps reflété les contradictions de leur époque.
Section 1 – Les premières consécrations étrangères.
Les premières consécrations des libertés fondamentales à l’étranger se sont manifestées par des textes emblématiques, particulièrement en Grande-Bretagne et en Amérique du Nord, bien avant la Révolution française. Ces textes, bien que limités dans leur portée ou leur application, posent les bases des droits modernes et inspireront directement la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789.
Paragraphe 1 – En Grande Bretagne
- La Magna Carta (1215) : Premier texte limitant l’arbitraire royal, elle profite principalement aux barons, mais constitue une étape fondatrice.
- Habeas Corpus (1679) : Cette loi garantit la protection contre les arrestations arbitraires et influence directement les articles de la DDHC sur la sûreté (articles 7, 8 et 9).
- Bill of Rights (1689) : Adopté après la Glorieuse Révolution, il limite les pouvoirs royaux et établit des droits parlementaires, inspirant les révolutions américaines et françaises.
a) La Grande Charte de 1215 : une première limitation du pouvoir royal
- Signée par le roi Jean sans Terre sous la contrainte des barons, la Magna Carta est souvent considérée comme le premier texte limitant l’absolutisme royal.
- Cette charte accorde certains droits aux hommes libres, notamment des garanties contre l’arbitraire royal, mais elle ne bénéficie ni aux esclaves ni aux classes populaires.
- Bien qu’elle ne soit pas une déclaration universelle des droits, elle marque une étape majeure en établissant l’idée que le roi est soumis à des règles.
b) L’Habeas Corpus de 1679 : une garantie contre l’arbitraire
- Promulgué sous le règne de Charles II, l’Habeas Corpus Act est une avancée juridique majeure. Il garantit à toute personne arrêtée la possibilité de contester la légalité de sa détention devant un juge.
- L’expression « soit maître de ton corps » reflète l’idée que la sûreté individuelle est un droit fondamental.
- Ce texte est un lien direct avec la DDHC, notamment ses articles 7, 8 et 9, qui encadrent les détentions arbitraires et établissent la présomption d’innocence.
c) Le Bill of Rights de 1689 : un jalon essentiel
- Suite à la Glorieuse Révolution, le Bill of Rights est adopté pour encadrer les pouvoirs du nouveau roi, Guillaume d’Orange.
- Ce texte affirme le droit de la nation à se choisir un roi, rompant avec l’idée de droit divin.
- Il garantit également la liberté religieuse et une série de droits parlementaires. Bien que novateur, ce texte reste limité dans son application sociale : l’égalité n’est pas une priorité, et la société britannique demeure profondément inégalitaire.
- Voltaire, admiratif du système britannique, contribue à diffuser ces idées en France, bien que sa vision idéalisée ne reflète pas toujours la réalité.
Paragraphe 2 – L’Amérique du Nord.
- Déclaration de Virginie (1776) : Elle affirme les droits naturels, tels que la liberté et la propriété, et souligne la participation politique des citoyens.
- Déclaration d’indépendance (1776) : Elle proclame l’égalité des hommes et leurs droits inaliénables, mais demeure contradictoire en ne remettant pas en cause l’esclavage.
- Constitution américaine (1787) : Elle repose sur la séparation stricte des pouvoirs, inspirée de Montesquieu, pour garantir les droits et libertés.
a) Les premières déclarations de droits
- Les États-Unis innovent en adoptant les premières déclarations de droits, qui influencent directement la rédaction de la DDHC.
- Contrairement au Bill of Rights britannique, qui est un texte positif et pragmatique, ces déclarations prennent la forme de proclamations idéales et philosophiques.
b) La Déclaration de Virginie (12 juin 1776)
- La Déclaration de l’État de Virginie est un texte fondamental, marquant une rupture avec la tradition britannique. Elle affirme :
- Le droit de chaque citoyen à participer au pouvoir politique.
- L’existence de droits naturels : liberté, propriété, et sûreté.
- Une vision très individualiste des droits, centrée sur les libertés personnelles.
- Ce texte inspire directement la Déclaration d’indépendance américaine et, plus tard, la DDHC.
c) La Déclaration d’indépendance (4 juillet 1776)
- Rédigée par Jefferson, Adams et Franklin, cette déclaration marque la rupture avec la Grande-Bretagne. Elle proclame :
- Les hommes sont égaux à la naissance, dotés de droits naturels inaliénables, dont la liberté et la recherche du bonheur.
- Une fraternité républicaine, influencée par les idées des Lumières.
- L’influence explicite de Montesquieu se manifeste dans la Constitution américaine de 1787, qui repose sur une séparation stricte des pouvoirs pour garantir les libertés.
d) Les limites de ces déclarations
- Bien que ces textes proclament l’égalité des hommes, ils restent profondément ambigus :
- L’esclavage n’est pas aboli, et la notion d’égalité ne s’applique pas aux esclaves ni aux femmes.
- Ces contradictions reflètent les tensions entre l’idéal universel des Lumières et les réalités sociales et économiques de l’époque.
En résumé : Les premières consécrations étrangères des libertés fondamentales, qu’il s’agisse de la Grande Charte anglaise, de l’Habeas Corpus, du Bill of Rights ou des déclarations américaines, ont jeté les bases des droits modernes. Ces textes, bien qu’imparfaits et souvent limités à des catégories sociales privilégiées, ont influencé la rédaction de la DDHC de 1789 en affirmant des principes universels comme la sûreté, la liberté et l’égalité en droit.
Section 2 – Une déclaration nationale à vocation universelle : la DDHC de 1789.
Paragraphe 1 – Les caractères de la DDHC.
a) Une déclaration centrée sur l’individu
- La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen se distingue par son caractère profondément individualiste :
- Elle proclame que l’individu prime sur les groupes ou corps intermédiaires, dans un rejet des privilèges féodaux.
- La Nuit du 4 août 1789 illustre cet idéal par l’abolition des droits et privilèges particuliers des ordres sociaux.
b) L’universalité par l’abstraction
- L’expression « droits de l’homme » souligne une aspiration universelle, indépendante des frontières.
- Contrairement aux textes comme le Bill of Rights ou l’Habeas corpus, la DDHC ne prévoit pas de procédure précise pour garantir ses droits, mais proclame leur existence de manière abstraite.
c) Une articulation entre droits absolus et relatifs
- Les droits posés par la DDHC sont absolus en ce qu’ils limitent l’arbitraire de l’État. Cependant, ils ne sont pas illimités : ils doivent cohabiter avec les droits d’autrui.
- La loi joue un rôle central dans cette coexistence, en déterminant les bornes nécessaires à l’exercice de ces libertés.
d) Une méfiance envers les droits collectifs
- Le caractère individualiste de la DDHC traduit une méfiance envers les droits collectifs ou les corps intermédiaires, perçus comme des instruments de contre-révolution.
« Les individus et les intérêts de l’individu devraient l’emporter sur les seuls intérêts de la science ou de la société. »
Paragraphe 2 – Le contenu de la DDHC de 1789
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789 constitue l’un des textes fondateurs des libertés publiques modernes. Bien qu’elle soit empreinte de contradictions et de limites, elle marque une avancée considérable en posant les bases d’un système juridique et politique centré sur les droits naturels et la primauté de la loi.
1. L’égalité et la liberté : un équilibre ambigu
a) L’égalité proclamée, mais abstraite
- L’article 1 proclame que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Cependant, cette égalité reste formelle et n’a qu’une portée symbolique. Elle se limite à une égalité en droit, sans chercher à réduire les inégalités économiques ou sociales.
- En revanche, dès l’article 2, les rédacteurs se concentrent sur les droits naturels et imprescriptibles : liberté, propriété, sûreté et résistance à l’oppression. Ces droits reflètent un préférentiel bourgeois, mettant davantage l’accent sur la liberté individuelle que sur une égalité concrète.
b) Une liberté définie et encadrée
- L’article 4 donne une définition claire de la liberté : elle consiste à « pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Cette autonomie personnelle est cependant limitée par la liberté d’autrui et encadrée par la loi, qui joue un rôle central dans la société française.
Contrairement aux systèmes anglo-saxons, où le juge est le garant des libertés, la DDHC confère ce rôle à la loi, expression de la volonté générale.
2. Les droits fondamentaux : liberté, propriété, sûreté et résistance à l’oppression
a) La propriété : un droit central mais conditionnel
- Placée au cœur de l’article 2, la propriété est qualifiée de droit inviolable et sacré. La société libérale de la DDHC considère ce droit comme une justification même de la vie en société.
- Cependant, l’article 17 limite ce caractère absolu en reconnaissant la possibilité de restreindre la propriété pour des raisons d’utilité publique, sous condition d’une indemnisation juste. Cette disposition ouvre la voie à des pratiques modernes telles que le droit d’expropriation.
b) La sûreté : une garantie contre l’arbitraire : La sûreté n’est pas explicitement définie dans la DDHC, mais son importance est affirmée à travers plusieurs articles clés :
- L’article 7 pose le principe de légalité des infractions et des procédures.
- L’article 8 établit le principe de proportionnalité des peines, en précisant qu’elles doivent être « strictement et évidemment nécessaires ».
- L’article 9 consacre la présomption d’innocence, renforçant les garanties contre l’arbitraire et s’inspirant de l’Habeas corpus britannique.
c) La résistance à l’oppression : Inspirée des textes révolutionnaires comme la Déclaration girondine de 1793, la résistance à l’oppression est reconnue comme un droit fondamental, mais reste plus symbolique que réellement praticable.
3. La loi : pivot du régime des libertés publiques
a) Un régime répressif : L’article 5 établit que « tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché ». Cette présomption de liberté marque un principe clé du droit public français : le régime des libertés publiques est répressif, c’est-à-dire que les actes sont permis tant qu’ils ne sont pas interdits par la loi.
b) L’expression de la volonté générale : L’article 6 proclame que « la loi est l’expression de la volonté générale ». Ce principe, inspiré de Rousseau, affirme la souveraineté populaire, mais avec des limites notables.
Tous les hommes ne sont pas considérés comme citoyens. Le suffrage censitaire, justifié par des figures comme Sieyès, exclut les classes populaires jugées inaptes à participer à la formation de la volonté générale.
4. Les libertés d’opinion et d’expression : des droits au sommet
a) La liberté d’opinion : L’article 10 garantit que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public ». Ce principe consacre une tolérance religieuse et philosophique.
b) La liberté d’expression : L’article 11 qualifie la liberté de communication des pensées et des opinions comme « un des droits les plus précieux de l’homme ». Cette disposition établit la primauté des libertés intellectuelles et place au sommet des droits la liberté de penser, écrire et imprimer.
c) Une liberté encadrée : Toutefois, l’article précise que cette liberté s’exerce sous réserve de ne pas en abuser, les abus étant définis et sanctionnés par la loi. Là encore, le régime répressif est central.
5. La force publique et la fiscalité : une gestion collective
a) Une force publique au service de tous
- L’article 12 justifie l’existence de la police et de l’armée comme garanties des droits de l’homme, tout en précisant qu’elles doivent être au service de l’intérêt général et non d’intérêts particuliers.
b) Une fiscalité équitable
- Les articles 13 et 14 introduisent des principes de fiscalité : la contribution commune doit être répartie entre les citoyens en fonction de leurs facultés, et les citoyens doivent pouvoir contrôler l’emploi des fonds publics.
c) La responsabilité des agents publics
- L’article 15 affirme que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration », jetant les bases d’une transparence et d’une responsabilité des fonctionnaires, bien qu’encore difficilement applicable.
6. La séparation des pouvoirs : un fondement constitutionnel
- L’article 16 affirme qu’« une société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n’a point de Constitution ».
- Cette disposition établit que la séparation des pouvoirs est indispensable pour la garantie des libertés publiques, inspirant les constitutions modernes.
En conclusion : La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, malgré ses ambiguïtés et son accent sur la liberté au détriment d’une égalité réelle, est un texte visionnaire qui a marqué une rupture dans l’histoire des droits. Elle a posé les bases de la modernité politique et juridique, tout en s’imposant comme une référence universelle, inspirant de nombreuses constitutions dans le monde.