Les États généraux (1789)

LA CRISE DE LA MONARCHIE ABSOLUE ET CONVOCATION DES ÉTATS GENERAUX 1787 – 1788

Les états généraux sont une institution française dont les prémices remontent à Philippe IV le Bel. C’est une Assemblée extraordinaire qui ne se réunit, convoquée par le roi, qu’en cas de crise. Les états généraux réunissent les trois ordres de la société : la noblesse, le clergé et le tiers état. Ils étaient convoqués par ordre du roi dans des conditions exceptionnelles (guerre, crise financière, fiscalité…)

 

 

Le 8 août 1788, Louis XVI convoque les États-Généraux afin de trouver des solutions aux problèmes financiers et décide qu’il y aura au moins 1 000 députés pour représenter au mieux l’ensemble du royaume français et les double de représentant pour le Tiers-États.

L’élection des députés ont lieu en janvier 1789 et pour l’élection des députés du Tiers-États est indirect : Seuls les hommes pourront être élus, ils devront avoir au minimum 25 ans et payer des impôts.

Le 24 janvier 1789, le roi écrit une lettre de convocation des États-Généraux :
« De par le Roi, Notre aimé et féal.
Nous avons besoin du concours de nos fidèles sujets pour Nous aider à surmonter toutes les difficultés où Nous Nous trouvons relativement à l’état de Nos finances, et pour établir, suivant nos vœux, un ordre constant et invariable dans toutes les parties du gouvernement qui intéressent le bonheur de nos sujets et la prospérité de Notre royaume. Ces grands motifs Nous ont déterminé à convoquer l’Assemblée des États de toutes les provinces de notre obéissance, tant pour Nous conseiller et Nous assister dans toutes les choses qui seront mises sous nos yeux, que pour Nous faire connaître les souhaits et doléances de nos peuples, de manière que par une mutuelle confiance et par un amour réciproque entre le souverain et ses sujets, il soit apporté le plus promptement possible un remède efficace aux maux de l’État, que les abus de tous genres soient réformés et prévenus par de bons et solides moyens qui assurent la félicité publique et qui nous rendent à Nous particulièrement, le calme et la tranquillité dont Nous sommes privés depuis si longtemps.
Donné à Versailles, le 24 janvier 1789. »

—> La fonction des Etats généraux fait l’objet de 2 interprétations opposées:

Pour le gouvernement du roi et les conservateurs, les Etats généraux ne sont qu’un organe, une institution de conseil c’est à dire que le roi peut les convoquer ou les révoquer comme il le désire et les Etats généraux une fois réunis n’ont qu’un rôle de proposition et non de décision (≠ parlement anglais à cette époque).

Pour les libéraux (ou les patriotes) les Etats généraux, au contraire, devraient être réunis régulièrement et disposer d’un pouvoir de décision en particulier en matière budgétaire mais devraient aussi limiter le pouvoir du roi c’est à dire devenir un organe d’une monarchie constitutionnelle.

=>Ce conflit d’interprétation va avoir des implications très concrètes

  • A) Les problèmes fondamentaux de l’organisation des Etats
  • La représentation des ordres

—> Les Etats généraux sont une assemblée des 3 ordres que sont le clergé, la noblesse et le Tiers Etat.

—> En 1789, pas question du principe de la représentation de la pop par ordre au sein des Etats généraux.

=>Le système de représentation des corps l’emporte encore sur le principe de représentation des individus qui va au contraire l’emporter sous la révolution (conservé aujourd’hui d’ailleurs).

Si les 3 ordres doivent être représentés en tant que tel, quel nombre de députés chacun doit-il avoir ?

—> Traditionnellement, ils avaient le même nombre de députés Or, pour les partisans du Tiers Etat (en 1789 toujours) c’est à dire les libéraux et les patriotes, il faudrait adopter un autre système qu’on appelle le principe de doublement du Tiers c’est à dire qu’il faudrait accorder 2 fois + de députés au Tiers pour tenir compte de son importance dans la population (95%).Le gouvernement accepte dès l’origine le doublement du Tiers. 300 députés pour le clergé et 300 pour la noblesse donc 600 pour le Tiers soit 1200 députés.

  • Le vote aux Etats

—> Le doublement accordé devait être symbolique (sans conséquence politique) si on conservait le système traditionnel de vote aux Etats car en effet, si les députés sont parfois réunis en Assemblée plénière (tous) normalement les Etats sont composés de 3 Chambres (Clergé, Noblesse et Tiers Etat) qui délibèrent à part.

=>C’est l’origine du bicaméralisme

—> Dans ces conditions, on dit que le vote a lieu par ordre soit un vote par Chambre c’est à dire 3 grands électeurs. Ce système ne convenait pas du tout aux partisans du Tiers Etat car il proposait au roi des réformes radicales et en particulier la suppression des privilèges fiscaux alors il risquerait de se heurter à la coalition des 2 autres ordres. Pour écarter cet obstacle, les partisans du Tiers Etat demandent le vote par tête c’est à dire une assemblée unique de 1200 députés dans laquelle chaque député a une voix et les propositions de réformes seraient alors votées à la majorité.

=>Ce système permettrait de réaliser des réformes d’inspiration libérale voulues par la majorité du Tiers.

—> En effet, ces réformes seraient appuyées par le plus grande partie des députés du Tiers mais aussi par certains députés libéraux du Clergé et la Noblesse mais le gouvernement royal refuse de se prononcer. Le vote par tête permettrait d’adopter des réformes souhaitées par le gouvernement mais il a l’inconvénient évident de remettre en question l’organisation de la société en ordre. Or, pour les conservateurs, tout est lié c’est à dire que si on porte atteinte à la structure de la société en ordre c’est tout l’Ancien Régime que l’on menace et en particulier le système de la monarchie absolue.

=>Cette question du vote aux Etats n’est donc pas résolue et sera soulevée à nouveau au sein des Etats généraux. Elle aura un rôle décisif dans le déclenchement de la révolution

  • B) Les élections aux Etats généraux

—> La Nation va être représentée au sein des Etats par des députés élus. Ce terme de député est en usage en France depuis le 14e siècle mais aura un sens différent qui va s’imposer à partir de la révolution et qui est d’ailleurs resté le nôtre. Le député, au sens traditionnel, est un mandataire de ses électeurs. Les électeurs (en majorité des seigneurs) ne pouvant, pour diverses raisons, se rendre à l’Assemblée, en sont venus à confier à des députés le soin de les représenter en leur remettant la liste écrite de leurs revendications et de leurs demandes de réformes, liste que l’on appelle un cahier de doléances. Dans ces conditions, le député ne peut en principe prendre d’initiatives à l’Assemblée mais il doit s’en tenir au contenu de son mandat.

=>Les juristes parlent d’un mandat impératif et jusqu’en 1789, ce sens du terme député se maintient

  • Les conditions juridiques de l’élection

—> Ces conditions ont été fixées par un règlement du roi. L’élection des députés a lieu dans une circonscription judiciaire appelé le bailliage. Comme les bailliages n’ont pas tous la même population, il est décidé qu’ils n’auront donc pas tous le même nombre de députés et l’élection se déroule différemment chez les 2 ordres privilégiés ≠ Tiers Etat. Chez les ordres du Clergé et de la Noblesse, on procède à l’élection directe des députés c’est à dire que les électeurs se réunissent en Assemblée au chef lieu du bailliage où ils désignent un député et en même temps rédigent un cahier de doléance puis une fois le député élu, le cahier lui est remis. Chez l’ordre du Tiers Etat, on ne procède pas à cette élection directe car les électeurs sont beaucoup plus nombreux et c’est pour cela que c’est une élection indirecte à plusieurs degrés (4 degrés au maximum) L’élection la plus courante se fait à 2 degrés c’est à dire une élection de grands électeurs qui vont élire le député. Les électeurs représentent les familles c’est à dire qu’ils sont les chefs de famille (pères) mais le vote féminin n’est pas exclu si c’est une femme qui se trouve à la tête d’une famille comme les veuves par exemple. Pour pouvoir voter il faut avoir 25 ans (en 1974 c’est 18 ans) et être inscrit à ce qu’on appelle le rôle des impôts directs c’est à dire l’administration sait qu’une personne habite à un endroit déterminé.

=>Suffrage universel pour les chefs de famille

=>Les pauvres et les mendiants sont écartés car considérés comme instables et dangereux.

—> Système d’élection à 2 degrés:

L’élection se fait dans un cadre différent à la campagne et à la ville. A la ville, on vote dans le cadre de sa communauté professionnelle. A la campagne, on vote dans le cadre de sa paroisse religieuse c’est à dire communauté d’un village. Les chefs de famille se réunissent sur la place du village pour élire leur représentant et lui remettent ensuite le cahier de doléances.

Les élus du 1er degré se réunissent dans la capitale du bailliage et procèdent à l’élection d’un député puis ils lui remettent à partir des divers cahiers de doléances un cahier de synthèse.

=>A l’Assemblée des Etats généraux, les députés auraient dus, normalement dans le cadre de chaque ordre, rédiger un cahier de synthèse de l’ordre qui aurait été présenté au roi.

  • La campagne électorale et les élections

—> La campagne électorale a lieu au début 1789. Celle-ci s’effectuait par la propagande et un certain nombre de violences. La propagande se faisait, par chaque courant politique, sous la forme de brochures.

=>C’est la 1ère manifestation de véritables libertés d’expression

—> Cette période voit le renforcement de courants politiques et, mis à part les partisans du gouvernement, on peut distinguer 2 grands courants politiques qu’on pourrait qualifier comme étant la droite et la gauche :

Un parti aristocratique c’est à dire un courant conservateur qui va être le plus souvent favorable au maintien des structures traditionnelles de la société.

Un parti patriotique ou parti national favorable à l’unification du pays par la disparition des divisions en ordre et en corps et qui veut réaliser une représentation nationale, autrement dit une représentation des individus au sein de l’Assemblée.

—> Parmi les ≠ brochures publiées, une eut un gd succès. C’est celle publiée par l’Abbé Sieyès, porte-parole du parti patriote, intitulée «Qu’est-ce que le Tiers-Etat» et mettant l’accent sur le Tiers qui constitue presque la totalité de la pop (95%). Or, le Tiers a peu de pouvoir comparé aux ordres privilégiés et Sieyès demande donc l’attribution du pouvoir au Tiers, pouvoir alors retiré aux 2 autres ordres.

Ø La participation des électeurs

—> Les historiens pensent que selon les endroits il y a eu entre 1/3 et 1/2 des votants. C’est une mobilisation assez bonne par rapport à celle qui suivra la révolution.

Ø Le sens de l’élection en Assemblée

—> Aujourd’hui une élection a très souvent pour but de départager 2 camps rivaux. A cette époque, les électeurs recherchaient avant tout à aboutir à un consensus (un accord) c’est à dire qu’au sein de l’Assemblée, tous les électeurs soient d’accord sur le nom d’un député. L’essentiel restait la rédaction du cahier de doléance qui devait lui-même faire l’objet d’un consensus.

Les cahiers de doléances

—> En 1789, ils constituent un document unique dans l’histoire de France car c’est la seule fois où l’ensemble de la pop est invitée par le gouvernement à exprimer par écrit ses plaintes et ses revendications. —> Encore 60 000 cahiers de doléances sont conservés aujourd’hui comme des références politiques.

=>Le problème est de savoir si ces cahiers reflètent exactement le sentiment des électeurs. Or, il semble évident que l’expression des électeurs était faussée par des éléments extérieurs.

—> Souvent ce sont des avocats qui rédigent des cahiers modèles qu’ils proposent à la population et l’examen attentif de ces cahiers a montré qu’assez souvent lorsqu’il s’agit d’idées générales sur le gouvernement ces électeurs ont repris le texte du modèle présenté mais en ce qui concerne les revendications locales les paysans ont rédigés ce qu’ils voulaient et ne se sont pas laissés influencer par le modèle. Par ailleurs, on observe également une distorsion pour les cahiers de synthèse dans les Assemblées de bailliage car elles sont dominées par des bourgeois cultivés qui ne s’intéressent guère au sort des paysans et qui vont donner presque uniquement que leur point de vue à eux et non les revendications des paysans.

=>Les cahiers du Tiers renouvellent la confiance au roi mais c’est surtout pour faire des réformes car, incontestablement, la revendication de l’égalité des droits domine en particulier en matière d’impôts.

—> Les cahiers de la Noblesse demandent une réforme de régime et la fin de l’absolutisme royal et une majorité de nobles est prête à renoncer aux privilèges fiscaux comme le demandent les cahiers du Tiers. De plus, environ la moitié des cahiers admet le principe de vote par tête et les réformes. Les cahiers du Clergé demandent également une réforme de l’Etat et sont prêts à admettre la fin des privilèges fiscaux mais la plupart sont hostiles au vote par tête car ils ont une forte conscience des corps.