Distinction entre droit interne, droit international et européen

L’OPPOSITION DU DROIT INTERNE ET DU DROIT INTERNATIONAL

La distinction entre le droit interne, le droit européen et le droit international privé s’est affinée au fil du temps, bien que certaines frontières entre ces domaines deviennent plus floues à mesure que les échanges transnationaux se multiplient.

Résumé des distinctions principales :

  • Droit interne : Émane des institutions nationales, régit les rapports au sein de l’État. Exemple : lois civiles et pénales d’un pays.
  • Droit européen : Supérieur au droit interne, il s’applique dans les États membres de l’UE et régule des questions comme le marché unique, les droits des consommateurs ou la protection des données. Exemple : règlement RGPD.
  • Droit international privé : Règle les conflits de lois ou de juridiction dans des situations transfrontalières entre particuliers. Exemple : une succession internationale impliquant plusieurs États.

En 2024, ces trois systèmes juridiques interagissent de manière plus intense, notamment avec la montée de la mondialisation et des litiges transnationaux, rendant leurs frontières parfois floues mais essentielles pour garantir une gouvernance juridique cohérente.



A – DISTINCTION ENTRE DROIT INTERNE, DROIT EUROPÉEN ET DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

Droit interne
Le droit interne correspond aux règles légales qui émanent d’un processus législatif national. Ce droit est créé par les institutions nationales, telles que le gouvernement et le parlement, et encadre l’organisation et le fonctionnement d’un État ainsi que les relations entre les personnes physiques et morales à l’intérieur de cet État. Par exemple, le code civil ou le code du travail en France sont des manifestations du droit interne. Ce droit reste souverain dans les frontières nationales, à moins qu’il ne soit confronté à des normes supranationales ou internationales avec lesquelles il peut entrer en conflit.

Droit européen
Le droit européen, ou droit communautaire, est issu des institutions législatives de l’Union européenne (UE), telles que le Parlement européen et le Conseil de l’UE. Il comprend divers instruments juridiques comme les traités, les directives et les règlements qui s’appliquent directement ou nécessitent une transposition dans les droits nationaux.

  • Directives : Elles établissent des objectifs que les États membres doivent atteindre, tout en laissant aux autorités nationales le choix des moyens pour y parvenir. Un exemple est la directive sur le temps de travail, transposée dans le droit de chaque État membre.
  • Règlements : Ces textes sont immédiatement applicables et obligatoires dans tous les États membres sans besoin de transposition. Par exemple, le RGPD (Règlement général sur la protection des données) s’applique directement à toutes les entreprises de l’UE.

Le droit européen a un caractère supranational et prime sur les droits internes des États membres, conformément au principe de la primauté du droit européen. Cela signifie que, en cas de conflit entre une norme européenne et une loi nationale, la norme européenne prévaudra, comme l’a confirmé la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans des arrêts majeurs tels que Costa contre ENEL (1964).

Droit international privé
Le droit international privé, quant à lui, se distingue du droit européen et du droit international public en ce qu’il concerne spécifiquement les rapports entre particuliers qui comportent un élément d’extranéité. Ce domaine de droit vise à résoudre des situations transfrontalières en matière civile et commerciale, en déterminant quelle loi nationale s’applique à un conflit spécifique ou quel tribunal est compétent.

Exemples de situations relevant du droit international privé :

  • Un divorce entre un Français et une Espagnole, mariés en Italie mais résidant en Allemagne, soulève des questions de compétence et de loi applicable.
  • La succession d’un Britannique possédant des biens en France et résidant en Espagne nécessite de déterminer la législation successorale en vigueur.

CEn 2024, ce domaine continue d’être façonné par des conventions internationales comme la Convention de La Haye qui harmonisent les règles relatives aux conflits de lois ou de juridictions, ainsi que par des règlements européens, tels que le Règlement Succession (650/2012), qui a renforcé la sécurité juridique en matière successorale au sein de l’UE.

 

 

B – LE DROIT INTERNATIONAL PRIVE

Le droit international privé régit les rapports entre particuliers lorsque ceux-ci comportent un élément d’extranéité, c’est-à-dire lorsqu’une situation implique plusieurs pays. Il répond à des questions comme : dans le cas d’un divorce entre un Français et une Irlandaise, mariés en Allemagne mais vivant en France, quelle loi s’applique ? Ou encore, si un ressortissant britannique décède en Italie et possède un bien immobilier en France, quelles règles s’appliquent à sa succession ?

Ce domaine du droit a pour objectif de résoudre ces questions en désignant la loi applicable grâce à la méthode des conflits de lois. En 2024, la coopération internationale a évolué avec des régimes légaux plus harmonisés au sein de blocs régionaux, notamment en Europe avec le Règlement Bruxelles II ter et la Convention de La Haye. Ces textes facilitent la résolution des conflits en matière familiale ou successorale, en désignant plus clairement quelle loi nationale s’applique à un cas donné.

Conflits de lois : quelle loi appliquer ?

Lorsque plusieurs lois nationales pourraient s’appliquer, la question du droit international privé consiste à déterminer laquelle est pertinente. Cela peut dépendre de divers facteurs, tels que :

  • Domicile des parties : pour un couple marié en Allemagne mais vivant en France, le lieu de domicile peut être décisif dans le choix de la loi applicable en matière de divorce.
  • Nationalité des individus : certains systèmes juridiques, comme celui de la Convention de La Haye de 2007 sur les successions, privilégient la loi du pays dont le défunt était citoyen.
  • Lieu de situation des biens : en matière successorale, si un bien immobilier est situé en France, la loi française pourra régir son sort, même si le défunt était étranger.

Les droits des étrangers et les règles de nationalité

Le droit international privé continue aussi de réguler les droits dont peuvent se prévaloir les étrangers en France, ainsi que les questions liées à la nationalité. Ce domaine est un droit mixte : il englobe des règles de droit public (comme celles sur la nationalité, qui concernent les relations entre l’individu et l’État) et des règles de droit privé pour les relations transfrontalières.

  • Droit de la nationalité : En France, les règles qui déterminent l’acquisition ou la perte de la nationalité sont essentiellement des questions de droit public, mais elles influencent directement le droit privé international dans des situations de statut personnel (mariage, succession).
  • Droits des étrangers : Le droit international privé régit aussi les conditions sous lesquelles les étrangers peuvent faire valoir leurs droits dans le pays d’accueil, qu’il s’agisse de propriété, de commerce ou de procédures judiciaires.

Le droit matériel international : des règles uniformisées par les conventions internationales

Outre la résolution des conflits de lois, le droit international privé inclut un droit matériel international, qui instaure des règles uniformes applicables dans certains domaines spécifiques à l’échelle mondiale. Ces règles sont souvent issues de conventions internationales, dont les États signataires s’engagent à respecter les dispositions.

Certaines conventions majeures continuent d’être appliquées :

  • Convention de Varsovie (1929) : Régule le transport aérien international, protégeant les passagers et harmonisant les règles de responsabilité en cas d’accident.
  • Convention de Bruxelles (1961) : Encadre le transport maritime et la responsabilité des parties, y compris les litiges commerciaux liés aux marchandises transportées.

Exemples de conventions internationales majeures en matière de droit international privé :

    1. Convention de Montréal (1999) – Remplaçant partiellement la Convention de Varsovie (1929), la Convention de Montréal a modernisé les règles relatives au transport aérien international. Elle est entrée en vigueur en 2003 et vise à uniformiser la responsabilité des transporteurs aériens en cas de dommages corporels, retards ou perte de bagages. Depuis son adoption, elle a été largement appliquée, notamment dans les litiges liés à des accidents aériens comme ceux de Malaysia Airlines vol MH370 (2014) ou du vol Germanwings 9525 (2015), renforçant la protection des passagers et le cadre juridique en matière d’indemnisation.

    2. Convention de La Haye sur les accords d’élection de for (2005) – Cette convention, entrée en vigueur en 2015, vise à renforcer la sécurité juridique dans les litiges commerciaux internationaux en permettant aux parties de choisir d’un commun accord le tribunal compétent pour trancher leurs différends. Ce texte a eu un impact notable sur des affaires liées à des accords commerciaux entre entreprises multinationales, réduisant les conflits de compétence.

    3. Règlement Bruxelles I bis (2012) – Succédant à la Convention de Bruxelles (1968) et son adaptation par le Règlement Bruxelles I (2001), ce règlement harmonise les règles de compétence juridictionnelle et d’exécution des décisions de justice dans les États membres de l’Union européenne. Il facilite la résolution des litiges transfrontaliers en matière civile et commerciale, permettant par exemple de reconnaître rapidement des décisions prises dans un État membre de l’UE dans un autre. Ce règlement a été crucial dans des affaires comme celles liées au Brexit, où des entreprises britanniques et européennes se sont disputées des jugements rendus dans des juridictions différentes.

    4. Convention de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants (1980) – Bien que plus ancienne, cette convention reste cruciale dans les affaires transfrontalières liées aux enlèvements parentaux. Elle a été renforcée et constamment appliquée ces dernières décennies. Par exemple, dans l’affaire Elian Gonzalez (2000) ou plus récemment dans des litiges entre parents résidant dans des pays différents, la convention facilite le retour des enfants déplacés illégalement à leur pays de résidence habituelle.

    5. Convention de La Haye sur les successions internationales (1989) – Adoptée pour éviter les conflits de lois en matière de successions, cette convention a été ratifiée par plusieurs pays au cours des dernières décennies. Elle s’applique dans des affaires complexes de successions avec des actifs situés dans différents pays. Avec l’augmentation de la mobilité internationale et des cas de résidences multiples, elle a permis de résoudre des litiges comme ceux autour de la succession d’expatriés ou de citoyens possédant des biens dans plusieurs juridictions.

    6. Convention de Minamata sur le mercure (2013) – Bien qu’elle ne relève pas du droit international privé classique, cette convention est un exemple d’accord global récent qui a un impact indirect sur les litiges transfrontaliers en matière de responsabilité environnementale. En régulant l’utilisation et l’élimination du mercure, elle a influencé des contentieux entre entreprises et gouvernements concernant des dommages environnementaux dans des juridictions multiples.

    7. Règlement Succession de l’Union européenne (650/2012) – Ce règlement est crucial en matière de successions internationales au sein de l’UE. Il permet d’uniformiser les règles pour déterminer la juridiction compétente et la loi applicable en matière de successions transfrontalières. Il a été largement utilisé dans les successions d’expatriés européens et pour des affaires complexes comme celles concernant des citoyens britanniques après le Brexit, facilitant la gestion des biens situés dans plusieurs États membres.

Ces conventions sont actualisées et complétées par de nouveaux traités visant à répondre aux nouvelles formes de mobilité internationale, telles que les travailleurs nomades ou les biens numériques, rendant le droit international privé plus pertinent et adapté aux réalités du 21e siècle.

Évolution en 2024 : un droit plus harmonisé et digitalisé

  • Harmonisation des régimes juridiques : Les efforts pour uniformiser le droit international privé se poursuivent, notamment au sein de l’UE, avec des initiatives comme le Règlement Succession (650/2012) et la Convention de La Haye. Cela permet d’éviter des divergences entre les lois nationales dans les affaires transfrontalières.

 

 

C – LE DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

Le droit international public, également appelé droit des gens, fixe les règles qui régissent les rapports entre États souverains et définit l’organisation, les compétences et les pouvoirs des organisations internationales, telles que l’ONU ou l’OMC. Il encadre les questions relatives aux droits humains, au climat, au commerce et à la sécurité mondiale. En 2024, ce droit est confronté à des défis accrus, avec une scène géopolitique marquée par la montée des puissances multipolaires, le retour des conflits territoriaux et une pression croissante pour renforcer la coopération internationale face aux crises globales comme le changement climatique et les pandémies.

Les critiques persistantes du droit international public

Certains continuent de remettre en question l’existence d’un véritable ordre juridique international. Malgré l’élargissement des domaines couverts par le droit international (notamment la cybersécurité et les droits numériques), des doutes persistent quant à son caractère contraignant, notamment en raison des faiblesses de ses mécanismes d’application :

  • Absence d’une autorité supranationale coercitive : Aucune organisation internationale ne dispose d’une véritable force pour contraindre les États puissants à respecter ces règles.
  • Les sanctions internationales (embargos, boycotts, gel des avoirs) sont souvent inefficaces face aux grandes puissances, qui trouvent des moyens de les contourner. Des exemples récents incluent les sanctions contre la Russie et l’Iran, qui n’ont pas toujours eu l’effet escompté.
  • La mise en œuvre du droit repose encore principalement sur la volonté des États ou la pression internationale, souvent influencée par des rapports de force asymétriques.

En 2024, malgré des réformes comme celles introduites par le Conseil des droits de l’homme et le renforcement du rôle de la Cour pénale internationale (CPI), il n’existe toujours pas de mécanisme global pleinement efficace pour garantir une application uniforme des normes internationales, en particulier face aux États récalcitrants.

Le droit international peut-il évoluer ?

Certains juristes, comme F. Terré, continuent d’affirmer que le droit international tire sa légitimité du consensus et non de la seule existence de sanctions. En 2024, cette vision trouve un écho dans les discussions autour de la réforme des institutions multilatérales. La communauté internationale cherche à rendre plus opérants des mécanismes de résolution de conflits, notamment à travers des initiatives de justice climatique, qui obligent les États à respecter des engagements plus stricts en matière environnementale sous peine de sanctions financières globales.

Le droit de l’union européenne : un modèle supranational affirmé

Le droit communautaire européen, né du Traité de Rome (1957) et approfondi par les nombreux traités ultérieurs (notamment Lisbonne en 2009), est devenu en 2024 un modèle supranational unique en son genre. Avec un corps de règles couvrant des domaines aussi variés que l’économie, la protection des données (RGPD) et la lutte contre le changement climatique, le droit de l’Union européenne (UE) s’impose directement aux États membres et offre un système de sanctions efficace, ce qui le distingue du droit international classique.

Caractéristiques du droit de l’UE :

  • Caractère mixte : à la fois un droit international, car il régit les relations entre États membres, et un droit interne, puisqu’il est directement applicable dans les systèmes juridiques nationaux.
  • Double nature publique et privée : il régule non seulement les institutions européennes (Parlement européen, CJUE, etc.), mais aussi les échanges économiques privés au sein du marché unique.
  • Institutionnalisation de la justice : la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dispose d’un pouvoir réel pour imposer des sanctions aux États membres qui ne respectent pas les règles de l’UE, un modèle souvent cité en pour son efficacité.

Le rôle renforcé des juridictions européennes

  • Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) : En 2024, la CJUE a consolidé sa position de gardienne des traités européens, notamment dans les domaines des droits fondamentaux, du commerce et du numérique.
  • Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) : Basée à Strasbourg, elle continue de jouer un rôle crucial dans la protection des droits humains, influençant non seulement les États membres du Conseil de l’Europe, mais aussi, indirectement, des acteurs externes via ses décisions qui servent de références juridiques mondiales.

En 2024, l’Union européenne est perçue comme un exemple avancé d’intégration juridique internationale, illustrant que l’existence d’une instance supranationale dotée de pouvoir coercitif est non seulement possible, mais aussi essentielle pour faire face aux défis communs.

 

Le Cours complet d’Introduction au droit est divisé en plusieurs fiches (notion de droit, biens, acteurs de la vie juridique, sources du droit, preuves, responsabilité…)

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