L’interdiction des paiements durant la période d’observation

La protection contre les créanciers au cours de la période d’observation : L’interdiction des paiements

L’article L622-7 alinéa 1 Code de Commerce, prévoit que le jugement ouvrant la procédure emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement au Journal Officiel, à l’exception du paiement par compensation de dettes connexes. L’article poursuit et indique que le jugement emporte également de pleines interdictions de payer toute créance née après le Journal Officiel et qui ne serait pas mentionnée au I de l’article L622-17 du Code de Commerce (créances privilégiées). Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires. Et ce principe d’interdiction de paiement des créanciers antérieurs s’applique aussi bien au débiteur qu’à l’administrateur.

Cette interdiction est automatique, car elle est attachée de plein droit au prononcé du Journal Officiel, cette interdiction est par ailleurs générale car elle s’applique à tous les créanciers antérieurs. La loi du 26 juillet 2005 en a par ailleurs étendu la portée puisque sont désormais concernés les créanciers postérieurs qui ne bénéficient pas du privilège de l’article L622-17 du Code de Commerce. Cette interdiction signifie concrètement que les créanciers antérieurs et postérieurs non privilégiés ne seront payés que dans le cadre du plan de sauvegarde. Cette règle est particulièrement judicieuse en matière de sauvegarde puisqu’elle permet de différer le passif et d’autoriser le débiteur à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer son redressement.

Cette règle est par ailleurs assortie de plusieurs prolongement destinés à assoir sa portée, 3 :

—> Tout paiement effectué en violation de l’article L 622-7 du Code de Commerce est annulé. La demande en annulation peut être formée par tout intéressé dans les 3 ans du paiement illicite. En conséquence : si le débiteur paie un créancier antérieur la somme devra être restituée à l’entreprise sans que l’on ait à tenir compte de la bonne ou mauvaise foi de celui qui l’a reçu.

—> L’article L654-8 du Code de Commerce prévoit que le débiteur qui paie un créancier peut être condamné pénalement à une peine de prison de 2 ans, et à une amende de 30 000.

—> Applicable qu’au redressement : conformément à l’article L653-5 du Code de Commerce le débiteur qui a payé ou fait payé après la Cessation de paiements en connaissance de cause un créancier au préjudice des autres, peut être condamné à la faillite personnelle.

Cette interdiction de paiement prend naissance dès le jour du Journal Officiel et ce indépendamment de toute publicité. Ces créances antérieures & postérieures non privilégiées, puisqu’elles ne sont pas payées doivent faire l’objet d’une déclaration au passif. Concrètement le critère de la date de naissance de la créance sert à la fois à déterminer le domaine de l’interdiction des paiements, de l’arrêt des poursuites individuelles, et le domaine des créances privilégiées.

  • B) Les exceptions au principe

Certains créanciers antérieurs ou postérieur non privilégiés peuvent être payé et ce malgré l’ouverture de la procédure.

—> L’interdiction ne s’applique pas au paiement des créances alimentaires, dès lors la créance de prestation compensatoire qui présente pour partie une nature alimentaire peut être payée par le débiteur et ce malgré l’ouverture de la procédure collective.

—> Les salariés doivent sur ordonnance du JUGE COMMISSAIRE, être payés immédiatement sur les fonds disponibles à défaut ils seront payés par l’AGS dans les 10 jours du Journal Officiel pour leur créance super-privilégiée. Lorsque l’opération est justifiée par la poursuite de l’activité de l’entreprise, le JUGE COMMISSAIRE peut autoriser le débiteur à payer une créance antérieure pour retirer le gage ou une chose légitimement retenue par le créancier.

—> Concernant le gage ou le droit de rétention : si un pacte commissoire a été conclu lors de la constitution du gage (il s’agit d’un pacte permettant au créancier de devenir propriétaire du bien en cas de défaut de remboursement de sa dette par le débiteur) il aboutit à un paiement du créancier, pour cette raison l’ordonnance de 2006 a complété l’article L622-7 qui prévoit désormais que le jugement ouvrant la procédure collective fait obstacle à la conclusion ou à la réalisation d’un tel pacte.

Le jugement ouvrant l’ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire emporte de plein droit, pendant la période d’observation et d’exécution du plan : inopposabilité du droit de rétention que l’article 2286 4ème du Code Civil confère au bénéficiaire d’un gage sans dépossession.

—> Avec l’ordonnance de 2008 cette autorisation est également possible pour obtenir le retour des biens et des droits transférés à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire. Une telle autorisation de paiement est enfin possible pour lever l’option d’un contrat de crédit de bail si le paiement à venir est d’un montant inférieur à la valeur vénale du bien objet du contrat. Cette dernière possibilité avait été préconisé à la suite d’un arrêt de la Cour de cassation en date du 19 juin 2007 qui avait décidé que le liquidateur, ne pouvait s’opposer à la demande de restitution du crédit bailleur en levant l’option d’achat et en payant les créances antérieures.

—> Peuvent également être payées les créanciers bénéficiaires d’une clause de réserve de propriété et ce afin d’éviter qu’ils exercent leur revendication sur les biens. L’article L624-16 alinéa 4 du Code de Commerce énonce en effet que peuvent être revendiqué à condition qu’il se retrouve en nature les biens meubles remis à titre précaire au débiteur dans tous les cas il n’y a pas lieu a revendications si sur décision du JUGE COMMISSAIRE le prix est payé immédiatement. Enfin le législateur a assorti le principe d’interdiction des paiements d’une exception qui a une très grande portée pratique. Il s’agit du paiement par compensation de créances connexes.

La compensation : elle peut se définir comme l’extinction totale ou partielle de deux obligations réciproques entre les mêmes personnes ayant pour objet une somme d’argent ou une certaine quantité de choses fongibles. La compensation peut être légale, elle n’est alors possible que si les dettes sont liquides, exigibles et certaines (ce sera le cas même si l’une des créances est soumise à la procédure de vérification et d’admission par le JUGE COMMISSAIRE). Avant le Journal Officiel si les 3 conditions sont remplies la compensation légale interviendra automatiquement et le créancier n’aura alors aucune déclaration de créance a effectué puisqu’il n’aura plus la qualité de créancier au jour du Journal Officiel. En dehors de cette hypothèse la compensation ne devrait pas jouer normalement après l’ouverture de la Procédure Collective, car étant considéré comme une forme de paiement sont admission reviendrait à accepter un traitement de faveur d’un créancier par rapport aux autres. La Cour de cassation dans un arrêt de principe du 19 mars 1991, puis le législateur dans la loi de 2005 ont toutefois admis la compensation en cas de connexité de créances réciproques.

La connexité est traditionnellement définie comme un lien unissant 2 créances nées d’un même contrat ou d’un même ensemble contractuel. La connexité va donc permettre d’écarter la règle de l’interdiction des paiements, et de faire jouer la compensation entre une créance déclarée à la procédure et une créance dont serait titulaire le débiteur défaillant sur son créancier. La loi consacre donc une mesure de faveur au créancier du débiteur qui va bénéficier d’un paiement préférentiel par extinction de sa propre dette. Il reste alors à déterminer à quelle condition des dettes réciproques vont pouvoir être considérées comme connexe. La JURISPRUDENCE retient une interprétation large de la notion de connexité et l’on peut dégager 3 cas de créances connexes :

—> La Cour de cassation considère que la compensation est possible après le Journal Officiel entre des créances et des dettes qui se trouvent inscrites sur un même compte. Exemple : dans une décision rendue par le Chambre Commerciale le 1 er mars 2005 la Cour de cassation a considéré que l’entrée en compte courant réalise la condition de connexité.

—> La Jurisprudence considère qu’il y a connexité en cas de créances résultants de l’exécution ou de l’inexécution d’un même contrat, par exemple il y aura connexité entre des primes dues par l’assurée et l’indemnité du par l’assurance. Mais également entre la dette de loyer du locataire et la dette du bailleur en restitution d’un dépôt de garantie. La JURISPRUDENCE admet la compensation entre des créances résultants de convention distinctes mais appartenant à un ensemble contractuel unique servant de cadre général aux relations des parties. On prend alors en compte l’unité économique de l’opération et l’on considère que les contrats forment un tout indivisible. Une application de ce critère a été dégagé par la Chambre Commerciale dans une décision rendue le 19 mars 1991 arrêt dit des « porcelets », il s’agissait en l’espèce d’un contrat cadre suivit de plusieurs contrats d’application liant une coopérative et un agriculteur. La Chambre Commerciale a retenu la connexité entre la créance de livraison d’aliment par la coopérative à l’agriculteur livraison antérieure au Redressement Judiciaire de celui ci, et de l’autre coté, la créance de livraison de porcs charcutiers, par cet agriculteur à la coopérative livraison qui était postérieure à l’ouverture du Redressement Judiciaire .

Plus récemment la Chambre Commerciale dans une décision rendue le 22 octobre 2013 a censuré ce mécanisme en considérant que les conditions de la connexité avaient été créées artificiellement. En l’espèce était en jeu l’application du mécanisme en cas de cession de créances, plus précisément la société ITS achetait des produits à Carrefour Import puis les revendaient à la société Carrefour Hyper, après leur avoir fait subir des modifications. La société ITS est mise en Redressement Judiciaire, Carrefour Import cède sa créance à la société Carrefour Hyper c’est à dire l’acquéreur final, cette dernière revendique alors une compensation avec sa propre dette. Objectivement le lien entre les deux sociétés Carrefour, dont l’une vendait et l’autre achetait à une même société intermédiaire aurait pu renvoyer à cet ensemble contractuel unique. Pourtant la Cour d’Appel approuvé en cela par la Chambre Commerciale a considéré qu’il n’y avait pas «d’opération économique globale, et que les relations contractuelles parallèles n’établissaient pas l’interdépendance entre les contrats». Surtout la Cour relève que la cession de créance avait pour seul but d’éviter de se heurter à l’interdiction des paiements en créant une réciprocité qui rendait les créances compensables.