L’arrêt des poursuites individuelles

La protection contre les créanciers : l’arrêt des poursuites individuelles

Le but de la procédure de sauvegarde est d’accorder une période de répit au débiteur, la protection ainsi mise en place se réalise au détriment des créanciers antérieurs du débiteur. Deux principes sont consacrés à cet effet :

  • l’arrêt des poursuites individuelles et des voies d’exécution contre les débiteurs (étudié dans ce chapitre)
  • l’interdiction du paiement des créanciers antérieurs (étudié sous le lien ci-dessous :

L’interdiction des paiements durant la période d’observation

(Valable pour le Redressement Judiciaire également) La caractéristique d’une procédure collective, d’une manière générale est de placer les créanciers antérieurs d’un débiteur sur un pied d’égalité en les soumettant à une discipline collective. L’article L 622-21 du Code de Commerce dispose que le Journal Officiel de la procédure de sauvegarde interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionné au I de l’article L622-17 du Code de Commerce et tendant :

  • à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent
  • à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent

Sont pareillement arrêtées ou interdites toutes procédures d’exécution de la part des créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le Journal Officiel. L’article pose donc le principe de l’arrêt des procédures d’exécution à l’égard des créances nées avant le Journal Officiel. Par ailleurs en opérant une distinction entre les créanciers postérieurs qui ne pourront pas tous bénéficier du privilège de l’article L 622-17, la loi du 26 juillet 2005 a également soumis à ce principe les créances postérieures non privilégiées.

La règle posée par l’article L622-21 du Code de Commerce vise toutes les poursuites individuelles et les voies d’exécution qui ont traits au recouvrement des créances ayant leur origine avant l’ouverture de la procédure ainsi que celles qui sont nées postérieurement et qui ne sont pas visées par l’article L 622-17. Peut importe qu’elle soit chirographaire ou assortie de sûreté.

Quant aux actions visées par l’article L622-21 il concerne en premier lieu les actions qui tendent au paiement d’une somme d’argent, le principe signifie qu’un créancier ne peut entamer une nouvelle action tendant au paiement d’une somme d’argent, et qu’il est obligé le cas échéant de suspendre l’action qui est en cours. Il n’a alors d’autre possibilité que de déclarer sa créance au passif (bail qui fait une action en recouvrement des loyers impayés). Cela concerne aussi les actions en résolution pour défaut de paiement d’une somme d’argent, le vendeur impayé ne peut plus demander après le Journal Officiel la résolution de la vente pour inexécution et obtenir la restitution du bien vendu. De même le bailleur ne peut plus demander la résolution du bail pour non paiement des loyers antérieurs. Si une action en résolution avait été introduite avant l’ouverture de la procédure elle ne peut plus être poursuivie après le Journal Officiel. On considère que si l’action introduite avant le Journal Officiel ne tendait pas à la résolution du contrat, mais avait par exemple pour objet le remplacement d’un matériel défectueux, la remise d’un document, et bien alors elle peut être poursuivie après l’ouverture de la procédure. D’une manière générale la jurisprudence considère que les actions tendant à l’exécution d’une obligation de faire ne rentrent pas dans le champ d’application de cet article. A moins qu’elle ne dissimule en réalité le paiement d’une somme d’argent. Chambre Commerciale du 17 juin 1997 en l’espèce était en cause une action dirigée contre un constructeur de maison individuelle pour lui imposer la destruction d’une maison. La Chambre Commerciale a considéré que l’article L 622-21 du Code de Commerce était applicable car l’obligation de faire était sanctionnée par l’octroi de dommages & intérêts en cas d’inexécution. Ce qui revenait en réalité à réaliser le paiement d’une somme d’argent pour une cause antérieure à l’ouverture d’une procédure.

Ce principe s’applique également aux procédures d’exécution tant sur les meubles que sur les immeubles du débiteur, cela signifie qu’aucune voie d’exécution ne peut être entreprise après le Journal Officiel et celles qui l’ont été sont arrêtées. Ce principe s’applique indifféremment aux saisies mobilières ou immobilières opérées à des fins conservatoires ou d’exécution. Sont visées par le texte, les saisies attributions, saisies ventes, les avis à tiers détenteur émis par le trésor public. La Chambre Commerciale dans un arrêt du 4 mars 2014, a par ailleurs considéré qu’en cas d’adjudication définitive d’un immeuble avant le Journal Officiel du Redressement Judiciaire du saisi la procédure de saisie immobilière en cours est arrêtée. L’ordonnance du 18 décembre 2008 a complété cet article en interdisant également toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le Journal Officiel. L’interdiction vise tout aussi bien la distribution du prix de vente d’un immeuble que d’un meuble. Enfin lorsque le débiteur qui bénéficie de la procédure de sauvegarde est marié sous le régime de la communauté légale les créanciers du conjoint in bonis ne peuvent exercer des poursuites sur les biens communs en dehors des cas ou les créanciers du débiteur soumis à la procédure peuvent eux même agir, ce principe posé par l’assemblée plénière le 23 décembre 1994.

Pour rendre un bien insaisissable : il faut glisser dans le contrat de vente la « tontine » le survivant des acquéreurs aura la propriété du bien depuis son acquisition.

  • B) L’aménagement du principe

Le principe posé par l’article L622-21 connait des limites :

  • il ne s’applique pas aux situations acquises avant le Journal Officiel donc en ce qui concerne les clauses résolutoires elles doivent avoir produit leur effet avant l’ouverture de la procédure. Chambre Commerciale 25 novembre 1997: l’article L 622-21 n’empêche pas la résolution d’un contrat de vente d’un FONDS DE COMMERCE dès lors que la clause résolutoire a produit ses effets avant l’ouverture de la procédure.
  • sont également recevables les actions intentées contre les tiers étrangers à la procédure, on peut prendre le cas de la victime d’un accident dont le débiteur est responsable. La victime peut exercer des poursuites contre la compagnie d’assurance alors qu’une procédure est ouverte à l’encontre de l’intéressé. Un créancier peut exercer un recours contre un codébiteur solidaire ou contre une caution. Si la dette du débiteur n’est pas arrivée à échéance il n’est pas possible au créancier de demander paiement de la totalité de la dette à la caution car celle ci ne peut être tenue plus sévèrement que le débiteur en vertu de la règle de l’accessoire. Par ailleurs parce que les engagements de caution sont souvent donnés par des personnes physiques, qui sont les dirigeants des sociétés, la loi du 10 juin 1994, qui a pris une mesure efficace en matière de suspension des poursuites car elle a étendu à ses cautions personnes physiques le bénéfice de l’arrêt des poursuites individuelles. Pour contourner cette protection les banques ont donc eu recours à d’autres garanties comme la garantie autonome, le législateur a contrecarré ces comportements, l’article L622-28 issu de la loi de 2005 a étendu le bénéfice des suspensions des poursuites individuelles à toute personne physique qui serai caution coobligé ou qui aurait consenti une garantie autonome. L’ordonnance de 2008 aurait étendu le domaine des suretés concernées aux suretés réelles en visant désormais les personnes ayant affecté ou cédé un bien en garantie. L’affectation d’un bien en garantie vise les suretés réelles classiques c’est à dire gage, hypothèque, nantissement, antichrèse. La loi inclue de plus le cautionnement réel qui est une sureté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers en affectant un bien sont aussi protégées par le principe de l’arrêt des poursuites individuelles. Enfin la formule de l’article L 622-28 vise la cession d’un bien en garantie, l’article fait référence à la fiducie sureté. Cette fiducie sureté permet de transférer temporairement à un créancier la propriété d’un bien appartenant à un débiteur tant que ce dernier ne s’est pas acquitté de sa dette. Cette fiducie a vu son régime étendu par la loi LME du 4 aout 2008 qui a autorisé les personnes physiques à constituer des fiducies à des fins de garantie.

A compté du Journal Officiel, il est interdit au créancier de poursuivre le débiteur mais également la personne physique coobligé (elle s’est engagée aux cotés du débiteur), la personne qui a consentie une sûreté personnelle (vaut principalement pour la caution), il est également interdit de poursuivre la personne qui a affecté un bien en garantie, c’est à dire la caution réelle, aussi la personne qui a cédé un bien en garantie, c’est donc l’hypothèse de la fiducie sûreté, mais lorsque le constituant n’est pas le débiteur.

Dans toutes ces hypothèses le régime particulier réservé aux garants bénéficie essentiellement aux personnes physiques et non morales. Cette suspension des poursuites intervient de plein droit, et ce du Journal Officiel au jugement arrêtant le plan de sauvegarde. Cette disposition est particulièrement bienvenue en matière de sauvegarde. Car elle reçoit un prolongement à travers l’article L 626-11 du Code de Commerce qui prévoit que les cautions peuvent se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde, elles ne pourront par contre par se prévaloir du plan de redressement. Face à ce principe, différent mécanisme peuvent être envisagés pour permettre aux créanciers néanmoins, de recouvrir sa créance. L’un des mécanismes proposé par la doctrine serait le recours à la délégation imparfaite.

La délégation imparfaite peut se définir comme une opération par laquelle une personne, le déléguant, invite une autre le délégué à payer en son nom une dette à un tiers, le délégataire. La JURISPRUDENCE considère que l’interdiction de payer faite au débiteur placé en sauvegarde ne concerne pas le tiers délégué. Cela signifie que le créancier délégataire peut donc agir en paiement contre le délégué. La Chambre Commerciale dans un arrêt de principe le 30 mars 2005, décision qui mettait en jeu un constructeur immobilier, un propriétaire et un locataire. Le constructeur se fait consentir en règlement de sa créance une délégation des loyers dus au propriétaire de l’immeuble. La Chambre commerciale considère que le redressement judiciaire du propriétaire, le déléguant n’empêche pas le constructeur d’agent en paiement des loyers contre le locataire.

Si les actions nouvelles intentées par la créance contre le débiteur sont interdites, en ce qui concerne les instances en cours c’est une simple interruption qui est consacrée par l’article L622-21 du Code de Commerce, le principe est que les instances en cours ne sont interrompues que jusqu’à que le créancier poursuivant ait déclaré sa créance à la procédure. L’article L622-22 Code de Commerce précise qu’elles ne peuvent plus tendre qu’à la constatation des créances et à la fixation de leur montant elles ne permettent pas au créancier d’obtenir un titre exécutoire, car ces créances là, parce qu’antérieures seront payées dans le cadre du plan.

Si le principe de l’arrêt des poursuites individuelles s’applique à toutes les juridictions les instances en cours devant les Conseil des Prudhommes se poursuivent de plein droit et ce devant le mandataire judiciaire. Il doit informer dans les 10 jours de l’ouverture de la procédure à la juridiction saisie des salariés qui sont partis à l’instance. Les dispositions de l’article L622-2& se double de 2 mesures complémentaires :

— Article L622-28 alinéa 1 du Code de Commerce elle prévoit que le Journal Officiel arrête le cours des intérêts légaux & conventionnels ainsi que tout intérêt de retard & majoration à moins qu’il ne s’agisse des intérêts résultants de prêts conclus pour une durée supérieure ou égale à un an. La mesure est particulièrement intéressante pour le débiteur puisque l’article ne parle pas de suspension mais d’arrêt, ce qui signifie que les intérêts dus depuis le Journal Officiel, ne sont plus dus par le débiteur, cette disposition est comme pour la suspension des poursuites, applicable aux personnes physiques coobligés ou ayant consentie une sûreté personnelle, ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie.

—> L’article L622-30 du Code de Commerce prévoit que les hypothèques, gages, nantissements et privilèges ne peuvent plus être inscrit postérieurement au Journal Officiel. Sont concernés par ce principe, les créanciers antérieurs à l’ouverture de la procédure. Ces derniers ont pu constituer des sûretés avant l’ouverture de la procédure. S’ils n’ont pas inscrit leur sureté après le Journal Officiel ils ne pourront plus le faire après et ils auront donc la qualité de créancier chirographaire, l’article ne vise que les suretés réelles soumises à publicité, sont visés les gages et plus particulièrement les gages sans dépossession, qu’il s’agisse des gages de droit commun ou d’une variante, le gage des stocks. Sont également visés les nantissements du FONDS DE COMMERCE qui nécessitent à peine de nullité une inscription sur un registre spécial du TD du lieu d’exploitation. Enfin sont visées les hypothèques, elles nécessitent un acte authentique publié au bureau des hypothèques, l’inscription étant attributive de rang.

Certains privilèges immobiliers spéciaux ou certains privilèges généraux peuvent également être soumis à publicité, exemple le bénéfice qui existe au profit de la Sécurité Sociale.

Par contre la mesure ne concerne pas le renouvellement d’une inscription en vue d’éviter sa péremption comme par exemple en matière d’hypothèque. Le Journal Officiel interdit de publier les actes et les décisions de justice translatifs ou constitutifs de droits réels. Il ne sera donc plus possible après le Journal Officiel, de publier au bureau des hypothèques, la vente d’un immeuble réalisé avant le Journal Officiel. Toutefois l’article L622-30 du Code de Commerce réserve la possibilité de publier des actes, ayant acquis date certaine avant le Journal Officiel ou de publier des décisions devenues exécutoires avant le Journal Officiel.