La réunion des États généraux (4 mai 1789)

La réunion des États généraux (4 mai 1789)

En 1788, un arrêt du Conseil d’État prescrit une enquête dans les archives pour connaître les conditions de formation et de réunion des derniers états généraux qui sont les états généraux de Paris. Le Roi cherche à connaître le contenu du droit mais depuis 1614 il y a de nouvelles provinces qui n’ont jamais eu de députés aux états généraux. L’idée est de représenter le Royaume en 1789. Les incertitudes sur la formation des États généraux ne sont pas tant le fait d’un refus du Roi de les convoquer que d’une grande interrogation sur la façon de les réunir.

  • Les débats sur les modalités de réunion

Seul le Roi peut convoquer les États généraux. Le nombre de députés n’a jamais été fixé, personne n’est membre de droit, des États généraux, il faut donc élire des députés. Les élections sont provoquées par des agents royaux au niveau local. Chaque ordre élit indépendamment ses représentants, en procédant à des élections à un deux trois degrés. Les enjeux et les questions sont de 3 types :

Première question : les Tiers états, 99,9% de la population, doivent-ils avoir une représentation plus importante ? Chaque ordre a une voix.

Deuxième question : va-t-on voter par tête ou par ordre ? Par ordre.

Troisième question : les ordres délibéreront-ils ensemble ou séparément ?

La deuxième question provoquera la révolution, la troisième aura sa réponse durant la Révolution.

Le Roi sur la question de la représentation supérieure du Tiers États ou sur la question de voix par tête ou par ordre, n’avait pas préconçu, d’où le fait que les choses se sont faites par étape.

Lors de l’assemblée de Vizille, réunie en Juillet 1788, on a exigé le doublement de la représentation des Tiers États, et un vote par tête, ça veut dire qu’il fallait qu’il y ait autant de députés du tiers que de députés de la noblesse et du clergé.

L’assemblé de Vizille s’était réunie suite à une journée d’émeutes à Grenoble au cours de laquelle des commissaires du Roi avaient été confrontés à une opposition du Parlement de Grenoble, la journée des tuiles. Le Parlement avait refusé d’enregistrer les édits royaux, on a décidé de forcer le Parlement et lorsqu’il s’est soulevé on a envoyé une troupe et la Population de Grenoble a jeté des tuiles sur les soldats. C’est un moment où la population c’est à dire les Tiers États, soutient le Parlement contre le Roi. Il y a donc à ce moment là une sorte de consensus ambiguë entre le Roi et ses ministres mais l’assemblée des notables réunis en 1788 rejette le doublement du tiers mais écarte à l’unanimité le vote par tête. En parallèle à cela, en Septembre 1788, le Parlement de Paris se prononce pour une convocation des États généraux comme en 1614, c’est à dire en refusant le doublement du tiers. A ce moment là, aussi bien l’Assemblée des Notables que le Parlement de Paris, commencent à rompre avec l’unanimité contre le Roi, et commence à former ce qui deviendra le parti des aristocrates c’est à dire le parti des privilèges contre le parti des patriotes.

C’est à dire que l’unanimité qui semblait exister lors de la journée des tuiles avec le soutient de la population au Parlement tt à coup cette unanimité se brise et la population ne peut que prendre acte du fait que s’ils soutiennent le Parlement, le Parlement ne soutient pas les revendications des Tiers États.

Finalement en décembre 1788, on accepte le doublement du tiers.

Un règlement de janvier 1789 fixe les conditions d’élection, le Roi rappelle d’abord quel est l’objectif des futurs États généraux. Le Roi évoque même un travail pour l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration. Le règlement fixe les dispositions essentielles pour les élections et prévoit la rédaction de cahier de doléance. Il y a une contradiction interne : à la fois les députés sont convoqués par ordre, et le Roi fait appel à leur unité d’esprit. Le droit de voter est relativement large, ce sont tous ceux qui sont inscrits au rôle des contributions peu importe qu’ils les payent ou les payent pas. Seule exclusion : les vagabonds, les errants.

La procédure : les nobles ont tous le droit de voter ils élisent directement (1 degré) leur délégué, le clergé, les évêques et tous les curés bénéficiaires de bénéfices ou d’une charge paroissiale, choisissent directement leur représentant.

Le clergé régulier élit des députés à une assemblée du clergé qui nommera ces députés (2 degré)

Les modalités d’élection vont favoriser la présence d’un nombre important d’ecclésiastiques du bas clergé. Les ecclésiastiques du haut clergé sont généralement des nobles qui cherchent une charge qui rapportent beaucoup d’argent.

Le bas clergé partage ainsi davantage les velléités du tiers état, ce qui expliquera que les députés du clergé rejoindront plus facilement les tiers états que la noblesse.

Enfin les tiers états ont fait un effort pour qu’il y ait une proportionnalité entre le nombre de représentants et les représentants. Le mandat du député est représentatif c’est à dire que chaque député a le droit de parler au nom de ses commettants. L’objectif est d’éviter un mandat impératif qui serait susceptible d’empêcher un certain nb de députés de se prononcer sur des questions dès lors que les termes du mandat ne les y autorisent pas.

Le Roi admet des innovations mais ces innovations sont justifiées par la nécessité de réunir une vraie représentation de la nation. Le Roi admet dans sa convocation la dissociation entre lui et la nation. L’expression d’opinion publique apparaît vers 1750 et elle se définit comme une sorte de tribunal informel, infaillible, impersonnel et publique. Publique → espace publique. L’opinion publique n s’exprime que dans un espace commun, espace ouvert à la discussion. L’espace publique implique une capacité d’opiner qui implique deux choses :

  1. La raison
    2. Une capacité à raisonner ce qui dépend de la connaissance
    L’opinion publique implique donc une éducation, former l’opinion publique c’est l’éduquer, l’instruire contrairement à la communication. L’opinion publique permet de former un consensus, une unanimité. Logiquement, son caractère informel est ce qui permet la conciliation de l’opinion personnelle avec l’opinion commune.

Parmi les deux éléments qui vont se développer grâce à l’opinion publique, premièrement l’idée de constitution.

Depuis le conflit entre le Roi et les Parlements, en particulier depuis la réforme Maupeou, émerge l’idée d’une Constitution positive c’est à dire impérative, et non pas de conscience, qui limite le pouvoir royal. Cette Constitution positive → préservation des libertés = privilèges de l’office, de la noblesse, des corporations.

Ce sont donc les privilégiés qui font émerger l’idée d’une Constitution positive limitant le pouvoir royal.

Mais en même temps, cette définition va être concurrencée avec l’émergence de la liberté individuelle. Cette définition est notamment véhiculé par les auteurs du droit naturel en particulier Vattel qui nous dit « le règlement fondamental qui détermine la manière dont l’autorité publique doit être exercée (=finalité) est ce qui forme la Constitution de l’État »

Deux nouveaux traits caractérisent cette nouvelle Constitution

  1. La Constitution est liée aux lois fondamentales
  2. Elle est imputable à la nation, elle n’est pas celle voulue par le Roi, c’est celle de la Nation.

Donc la Nation a le droit de se doter d’une Constitution et quel meilleur moyen pour faire une Constitution que de commencer par affirmer qu’il n’y en a pas.

D’abord il y a une Constitution des privilèges qui est opposée au Roi, puis avec l’idée de la Nation et l’idée de l’individualisme, la Constitution devient l’œuvre de la nation, elle a pour vocation de protéger les droits des individus et cette Constitution n’existe pas. En l’affirmant on fait un raccourci, on dit qu’il n’y a pas de Constitution du coup lorsque le Roi invite à discuter de l’administration générale du Royaume aux États Généraux se produit le phénomène selon lequel un certain nb de personne forge une opinion publique selon laquelle les États généraux doivent faire une Constitution.

Deuxième notion qui évolue, celle de la Nation.

Les Parlements ont contribué à faire émerger une Nation indépendante du Roi. Dans sa déclaration des lois fondamentales du Royaume du 3 mai 1788 par le Parlement de Paris, attribue à la Nation les droits garantis par les lois fondamentales.

Le Parlement étant le garant des lois fondamentales il s’agit pour les privilégiés de revendiquer d’être la représentation de la Nation. Cette représentation de la Nation est celle qui nourrit le discours aristocratique mais en parallèle se développe le discours des patriotes.

Emmanuel Sieyès est un prêtre non croyant fils d’employé des impôts qui se fait remarquer par un essai sur les privilèges. La thèse est la suivante : les hommes sont naturellement égaux et lorsqu’ils forment une société c’est pour dire la volonté générale. Cette dernière s’applique à tous les associés de façon égale. Du coup, qu’est-ce que c’est que ces privilèges de la noblesse et du clergé ? Et bien, ces privilèges sont en rupture avec le droit naturel, car ils violent le principe de l’égalité des droits.

Et donc Sieyès dit que les privilégiés ne participent pas à la volonté générale voire s’inscrivent contre la volonté générale.

En Janvier 1789, il renchérit en pleine campagne sur doublement du tiers, vote par tête, vote par ordre, qu’est-ce que le Tiers États ?

(Préambule de son ouvrage) => Tout.

Qu’a-t-il été dans l’ordre politique => Rien.

La Nation c’est quoi ? C’est la masse des habitants du Royaume.

Comment quelques centaines et quelques milliers pourraient s’opposer à la volonté de plusieurs millions ?

C’est donc une nouvelle définition de la nation qui balaye toutes les théories constitutionnelles de la noblesse et des parlementaires

Sieyès conçoit la société comme une association au sens où les associés mettent en commun quelque chose dans un but et donc tous ceux qui ne partagent pas ce but, tous ceux qui ne mettent pas en commun, sont exclus de la société.

  • Cahiers de doléances et pamphlets politiques : la formation d’un espace politique

Autre élément important : les cahiers de la doléance.

Les cahiers de doléance ont été rédigés à chaque niveau d’élection, dans les paroisses, les communes, les quartiers…

On peut remarquer plusieurs traits à ce cahier de doléances. Tout d’abord ce qui est remarquable c’est une certaine unanimité favorable à des réformes. Il y a des revendications quasi systématiques contre la dîme, la corvée contre la fiscalité.

La fidélité au Roi : le Roi a été mal conseillé, la volonté du Roi a été trompée.

Et puis les cahiers du Tiers États regorgent de préoccupations locales.

Beaucoup de cahiers reprennent des modèles qui ont été publiées par des gens comme Camille Du Moulin comme l’abbaye Grégoire, comme Jean Paule Marat, comme Mirabeau comme Target.

La modération du cahier des tiers tient beaucoup du fait que ce sont des notables qui les ont rédigés. Donc, les notables formulent les revendications que les paysans ont dans des termes qui globalement vont permettre une homogénéisation et une globalisation.

→ Radicalisation politique assez singulier.

  • La réunion des États généraux à Versailles, dernière parade de la monarchie

Au total environ 1100 députés (+ l’assemblée est nombreuse + elle est démocratique). Environ 300 ecclésiastiques et 250 prêtres et curés. La noblesse est un groupe très hétérogène et très divisé. Il y a des nobles qui ont participé à la Révolution d’Amérique comme Lafayette, libérale, puis il y a la noblesse de Bretagne qui a considéré qu’il était inconstitutionnel de modifier les modalités de formation des États généraux sans le consentement dans chaque province des assemblées des trois ordres.

Le Tiers États est exclusivement formé par des bourgeois, quelques négociants et manufacturiers mais principalement des hommes de lois et des propriétaires ruraux.

Le 4 Mai, à lieu à Versailles la dernière grande cérémonie d’Ancien Régime, les députés défilent dans une procession pour se rendre à une messe du St Esprit.

Le 5 Mai, les États généraux dans une séance royale, les députés sont tous réunis. Louis XVI fait un discours dans lequel il rappelle les circonstances de la réunion et ce qu’il attend des États généraux. Necker qui est revenu aux affaires pour les États généraux, dresse un tableau de la situation économique. Pour le pouvoir royal, l’objectif premier est d’ordre fiscal et économique. La question qui obsède les députés du Tiers à savoir votera-t-on par tête ou par ordre, n’est pas tranchée. C’est en tranchant cette question que le début de la Révolution se fait.