Gérant de la SNC : nomination, pouvoirs, responsabilité

La gérance de la société en nom collectif.

Rappel : qu’es-ce qu’une SNC? La Société en Nom Collectif (SNC) est une forme d’entreprise peu connue qui offre des avantages pour les investissements en groupe et pour les personnes qui connaissent bien leurs futurs associés. Pour la créer, il suffit de deux associés minimum sans un montant minimum de capital de départ, et il peut être établi avec un simple acte sous seing privé sans la nécessité d’un document notarié. La flexibilité du capital social peut être déterminée librement et peut être augmenté au fil du temps. Les coûts de création sont peu élevés, et les SNC ne sont pas soumises à l’obligation de déposer leurs comptes sociaux (dans certaines conditions).

La responsabilité des associés est indéfinie et solidaire, ce qui peut être contraignant, mais assure la stabilité de la société. Les parts sociales ne peuvent être vendues que si tous les associés sont d’accord. Les représentants légaux et les gérants ne peuvent être révoqués que si tous les associés sont d’accord. Cela assure la stabilité des gérants et la prise de décision est collégiale.

Comment va-t-elle être organisée ?

A) Nomination et cessation des fonctions des gérants.

1) La nomination du gérant.

Toute société doit être gérée par quelqu’un(s), ici on parle de gérant(s). S’agissant de sa nomination le principe est posé par le Code de Commerce à l’article L221-3 qui dit que «la qualité de gérant est dévolue de plein droit à tous les associés». Si on prend la formule au pied de la lettre c’est étrange, tous les associés sont gérants. Cela vient du fait que tout associé par sa qualité d’associé est prêt à payer toutes les dettes de la société donc autant qu’il puisse aussi les créer. C’est donc une règle qui a sa logique mais cela n’irait pas très bien dans une vision managériale de la société, puisque si tout le monde gère cela devient vite compliqué. C’est pourquoi il s’agit seulement dune règle supplétive, et non pas impérative. Donc les associés peuvent prévoir dans les statuts d’écarter cette règle et nommer un tel comme gérant. Le Code de Commerce dit seulement qu’il voit dans chacun d’eux un gérant potentiel.

Dans les autres types de société ce ne sera pas une règle supplétive. Les Sociétés en Nom Collectif se gèrent comme elles l’entendent. Ce n’est pas forcément une personne physique qui doit gérer la société, une société dont la compétence est de gérer les sociétés peut être nommée gérante, dès lors ce sera une personne morale qui sera la gérante. Mais ils peuvent aussi décider que c’est l’un d’entre eux qui sera gérant, ou plusieurs d’entre eux, ou une personne qui n’est pas associé, ou un mixe de tout ça. Tout est possible.

Il faut que les tiers selon les règles générales de désignation puissent avoir connaissance des gérants, donc le gérant ou les gérants doivent être mentionnés dans les statuts figurant au RCS. Il faut une opposabilité au tiers du nom du gérant.

2) La cessation des fonctions du gérant.

Cela est un peu plus complexe mais cela s’explique facilement. On peut éliminer d’abord le fait que le gérant puisse démissionner, il n’y rien de particulier ici. Il peut aussi être nommé pour un temps particulier, si le terme arrive il n’est plus gérant. Là où il y a une singularité c’est à propos de la révocation. Les associés veulent le changer, ils veulent le révoquer de ses fonctions. Ici le Code de Commerce reprend la main pour gérer cela car c’est une situation délicate.

L’article L121-12 pose des règles plus complexes, il distingue plusieurs hypothèses :

– d’abord sil sagit dun gérant choisi parmi les associés, c’est donc un gérant-associé et dont on a mentionné le nom dans les statuts de la société. Dans ce cas pour le Code de Commerce sa révocation ne peut être décidée qu’à lunanimité des associés. Cela peut paraitre lourd, contraignant, mais c’est logique car chaque associé adhère au contrat de société c’était la loi commune des associés, or y figurait le nom du gérant, et on ne peut enlever quelque chose à un contrat que dans les mêmes conditions donc que si tous les signataires sont d’accord. C’est un gage de stabilité de la fonction de gérant, on est dans une entreprise où les risques sont énormes, donc il est possible qu’un associé s’est engagé dans cette affaire qu’à la condition de la nomination de tel ou tel gérant. Donc c’est normal que l’unanimité soit exigée. Le projet d’entreprise incluait le nom d’un tel dans les statuts donc tout le monde doit être d’accord car ce ne sera plus la même entreprise.

– ensuite si nous sommes en présence dun gérant-associé mais dont le nom ne figure pas dans les statuts, on l’appelle le gérant-associé non statutaire. Lui sa révocation va être réalisée dans les conditions prévues par les statuts. Ce n’est donc plus le Code de Commerce qui décide, une souplesse est accordée. Ce n’est que si les statuts ne prévoient rien que le Code de Commerce prévoit qu’il faut revenir à la règle de l’unanimité.

si le gérant qui a été choisi est un non associé. Dans ce cas, le Code de Commerce dit que sa révocation a lieu suivant les conditions prévues par les statuts. Si rien n’est dit dans les statuts alors le code prévoit qu’une majorité simple suffit.

Chaque fois quun gérant est révoqué sans juste motif alors il a le droit à loctroi de dommages et intérêts que le juge apprécie. Il y a donc une protection importante pour lui. Dans le même esprit, lorsque l’on révoque un gérant-associé qu’il soit statutaire ou pas, deux règles surgissent alors toujours dans l’article L121-12:

– la révocation est une clause de dissolution de la société sauf si les associés décident de continuer la société ou que les statuts aient prévu cette continuation.

– cela concerne le gérant révoqué, le Code de Commerce lui ouvre un droit personnel à se retirer de cette société et dimposer à ses coassociés son départ. C’est logique car il était peut être associé uniquement parce qu’il allait être gérant, or maintenant on ne veut plus de lui comme gérant donc on ne l’aura pas non plus comme associé. Dès lors il faudra lui rembourser ce quon lui doit. Il y aura donc un coût financier à cette opération. Ceci n’existe pas dans la plupart des autres sociétés. Si le gérant démissionne, alors ce droit ne lui est pas reconnu c’est seulement quand il est révoqué. D’ailleurs s’il démissionne à contre temps (c’est-à-dire à un moment qui n’est pas propice), il peut être recherché sur le terrain de sa responsabilité car sa démission a entrainé un préjudice pour la société.

B) Les pouvoirs et responsabilité du gérant de la Société en Nom Collectif.

1) Les pouvoirs.

Il y a une distinction selon que lon se situe dans les rapports entre le dirigeant de la société et les coassociés ou bien que lon se situe dans les rapports entre ce dirigeant (gérant) et les tiers extérieurs à la société Donc, rapport interne et externe à la société Cest une classification traditionnelle qui reste pertinente aujourdhui.

Il faut dabord se placer dans les rapports internes. L’article L221-4 du code de commerce nous dit que le gérant peut faire tous les actes de gestion interne dans lintérêt de la société Le code de commerce considère que puisquil a été choisie gérant, il doit pouvoir faire tout ce quil veut. Ce même texte nous dit que cette référence à tous les actes de gestion interne peut être écarté par les associés eux même qui dans les statuts peuvent prendre des dispositions plus précises quant aux pouvoirs du gérant dans la gestion interne.

La situation est tout autre concernant les pouvoirs du gérant vis à vis des tiers. Il va agir au nom et pour le compte de la société avec une personne à l’extérieur de la société par le biais d’un acte juridique (fournisseur, client, banquier, prestataire…). Que peut faire le gérant avec les tiers ? Le code de commerce est plus rigoureux : l’article L221-5 nous dit que le gérant engage la société par les seuls actes entrant dans lobjet social. Donc là, il n’est plus question de stipulation statutaire. Il ne peut agir au nom de la société que par les actes qui rentrent dans l’objet de la société Plus l’objet social est étroit, plus on surveille le gérant. L’inconvénient, c’est que la société elle même a moins des capacités naturelles d’adaptation. Ca reste une règle protectrice pour les associés. Plus l’objet social est large, plus les pouvoirs du gérant seront importants. Cest une règle impérative. Les statuts ne peuvent pas en décider autrement et ne peuvent pas limiter les pouvoirs du gérant. Ca protège également les tiers dans la mesure où ils peuvent regarder si l’acte que compte effectuer le gérant entre ou non dans l’objet social. Dès lors que le gérant agit dans l’objet, il engage la société et les associés devront payer. De même que pour le gérant, s’il agit dans l’objet, il ne paiera pas les dettes. Pour le code de commerce, tout associé a vocation à être gérant. Et il nest pas rare que dans les Sociétés en Nom Collectif, il y ait plusieurs gérants. Pour le code de commerce, c’est celui qui reçoit la qualité de gérant qui lui donne le pouvoir d’engager la société Toute personne qui reçoit cette qualification à ce pouvoir. Si il y a plusieurs gérants, chacune a la même qualité : elle est en elle même gérant de la société donc chacune de ces personnes est gérant comme si elle était seule. Donc chacune de ces personnes peut accomplir des actes dans le périmètre de l’objet de manière cumulative. Par ex: Le gérant X achète un camion, le gérant Y en achète un autre et le gérant W achète un véhicule de fonction. Ces trois opérations engagent la société et ces actes seront valables. C’est cette règle là qui protège les tiers. Pour autant, dès lors qu’on a plusieurs gérants, chacun des gérants a le pouvoir de faire opposition à un acte quun des gérants envisage daccomplir. Cette opposition, pour qu’elle produise un effet juridique, que la preuve puisse être apportée, et qu’elle ait été portée à la connaissance du tiers cocontractant. A partir du moment que le cocontractant connaissait l’opposition, si l’acte est accompli, l’acte n’engage plus la société Par conséquent, les associés ne sont plus engagés et ce n’est plus une dette pour les associés. Ca suppose donc que les gérants soient au courant de leurs actions réciproques. Ce ne sera qu’une simple question d’organisation au sein de la société Pour l’opposition, on peut utiliser la notification par huissier pour les actes importants, ou la lettre recommandée avec accusé de réception pour les actes moins importants. Le gérant de la Société en Nom Collectif est donc un gérant qui a beaucoup de pouvoir : il n’a aucune autorisation à demander pour accomplir des actes à l’égard des tiers. Avec les pleins pouvoirs, il existe une pleine responsabilité pour le gérant.

 

2) La responsabilité du ou des gérants.

Elle peut avoir plusieurs sources. Il engage sa responsabilité civile à l’égard des tiers s’il accomplit un acte qui est sans rapport avec sa fonction de gérant. Cest une responsabilité civile de droit commun.

Plus précisément, le gérant engage sa responsabilité civile contractuelle à l’égard de la société dont il est le gérant et à l’égard des associés dont il est le mandataire. Il va donc répondre comme tout mandataire des actes qu’il a accompli au nom de ses mandants. La moindre faute est susceptible d’engager la responsabilité du gérant. L’associé peut demander à se faire réparer du préjudice qu’il a souffert, s’il prouve que le gérant est l’auteur d’un acte dommageable, et qu’il prouve qu’il est l’unique victime. Si plusieurs associés sont victimes, c’est la société qui sera dédommagé car il n’y aura pas de préjudice distinct. Il faut donc qu’il prouve un préjudice distinct. Dans la plupart des cas, c’est la société en tant que tel qui a subi les inconvénients d’une mauvaise gestion. Action possible : action sociale exercée par un associé exercé au nom et pour le compte de la société contre le gérant dans le cadre où la société a eu un préjudice. Ces Dommages et Intérêts ne vont pas être encaissé par l’associé qui a pris l’initiative de l’action mais encaissé par la société Article 1843-5 du code civil. Aucune clause des statuts ne pourrait interdire l’action sociale, ni même supposer qu’il faille d’abord avoir une autorisation préalable. C’est un droit attaché à la qualité d’associé. La responsabilité civile est très facilement engagée.

A coté de cette responsabilité civile, existe des cas de responsabilité pénale du gérant de la société Elle va reposer sur le droit pénal commun (escroquerie, abus de confiance), soit qui pourrait résulter de textes spéciaux qui visent spécifiquement la Société en Nom Collectif, que l’on retrouve aux articles L247-1 et suivants du code de commerce.